2ème Chambre
ARRÊT N°182
R.G 11/02671
TRÉSORERIE DE DINARD
C/
Société LE TADORNE
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le
à
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 10 MAI 2013
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Madame Catherine LE BAIL, Président,
Mme Isabelle LE POTIER, Conseiller,
Mme Béatrice LEFEUVRE, Conseiller,
GREFFIER
Madame Stéphanie LE CALVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS
A l'audience publique du 14 Mars 2013
devant Mme Béatrice LEFEUVRE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT
Contradictoire, prononcé publiquement le 10 Mai 2013 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE
TRÉSORERIE DE DINARD
DINARD
Rep/assistant la SELARL Luc BOURGES, (avocats au barreau de RENNES)
INTIMÉE
Société LE TADORNE
BRUZ
Rep/assistant la SCP CASTRES COLLEU PEROT LE COULS BOUVET, société en liquidation prise en la personne de son liquidateur, Me ..., avocat
Rep/assistant la SCP d'Avocats PETIT- LE DRESSAY & LECLERCQ et Me Jean Michel ... Plaidants (avocats au barreau de RENNES)
La SCI LE TADORNE a obtenu un permis de construire le 23 Novembre 2006, et un avis d'imposition a été établi par le Trésor Public pour paiement par la SCI TADORNE de la taxe locale d'équipement et la taxe départementale des espaces naturels sensibles, avec échéance aux 30 mai 2008 et 30 novembre 2009.
Le permis de construire a cependant fait l'objet de contestation par l'association D.I.R.E. devant le tribunal administratif, qui a rejeté ce recours par décision du 12 mars 2009, puis devant la cour administrative d'appel qui a également rejeté la requête le 16 Février 2010.
Le 19 Juin 2009, Monsieur le trésorier de Dinard a fait délivrer à la SCI LE TADORNE un commandement de payer la somme de 49 122euros outre le coût de l'acte soit 1474 euros.
Le 23 Août 2010, Monsieur le trésorier de Dinard a délivré à la SCI LE TADORNE un avis à tiers détenteur pour avoir paiement de la somme de 100 843 euros.
Après avoir formé une contestation contre l'avis à tiers détenteur devant le trésorier général d'Ille et Vilaine, qui a été rejetée, la SCI LE TADORNE a assigné par acte du 4 janvier 2011 M. le trésorier de DINARD devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Rennes, pour obtenir l'annulation du commandement de payer et de l'avis à tiers détenteur, et subsidiairement, voir constater que la taxe n'est exigible que 18 mois après que l'arrêt de la cour administrative soit devenu irrévocable soit le 15 octobre 2011.
Par jugement du 8 avril 2011, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Rennes a
- annulé le commandement de payer du 19 Juin 2009
- annulé l'avis à tiers détenteur du 23 août 2009
- condamné Monsieur ... ... ... ... aux dépens.
Le juge de l'exécution a considéré que l'information apportée sur le formulaire du commandement de payer, qui ne précisait pas quelle était la voie de recours à utiliser en cas de contestation, était insuffisante et entachait de nullité par voie de conséquence ledit commandement ;
que, s'agissant de l'avis à tiers détenteur, les sommes réclamées à cette date n'étaient pas exigibles, en raison des recours exercés devant les juridictions administratives du premier puis du second degré, puisque il résultait de l'article
L 278 du livre des procédures fiscales que le paiement des impositions était différé en cas de contestations afférentes à un permis de construire, jusqu'au prononcé de la décision juridictionnelle devenue définitive, sur demande expresse du bénéficiaire, lequel devait constituer, à l'appui de sa demande, des garanties prévues à l'article
L 277 ; que le trésorier de DINARD a effectivement demandé à la SCI, par lettre du 20 Janvier 2009, de constituer des garanties.
La TRÉSORERIE DINARD a interjeté appel de cette décision.
Elle demande à la cour
- de réformer la décision du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Rennes du 8 Avril 2011,
- de déclarer valable l'avis à tiers détenteur du 25 août 2010,
- de déclarer exigibles les taxes d'urbanisme de la SCI TADORNE à compter de la décision devenue définitive,
- de statuer ce que de droit en ce qui concerne les dépens.
Elle soutient que malgré les recours exercés contre le permis de construire par l'association D.I.R.E, la taxe de l'urbanisme afférente au permis de construire était exigible, seul le délai de validité de ce permis étant suspendu jusqu'au prononcé d'une décision juridictionnelle favorable.
La trésorerie fait valoir que c'est par une interprétation erronée des textes que le juge de l'exécution a attribué un effet suspensif au recours en appel de la SCI LE TADORNE, le paiement différé stipulé par l'article L 278 du LPF signifiant que la date de paiement de l'échéance est reportée à la date de notification de la décision du tribunal administratif.
La trésorerie de DINARD demande à la cour de confirmer qu'une réclamation fondée sur l'article L 278 du LPF reporte l'exigibilité des échéances de taxe d'urbanisme à la date de décision de l'autorité compétente, et non à l'expiration de la période de 18 mois (12 mois désormais) à compter de cette décision.
Elle maintient que le recours en appel n'est pas suspensif, mais qu'en tout état de cause, à compter de l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel du 16 février 2010, la SCI devait s'acquitter des échéances de taxe d'urbanisme.
La SCI LE TADORNE demande à la cour
- de déclarer la Trésorerie de DINARD mal fondée en son appel ;
- de confirmer le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Rennes en ce qu'il a annulé le commandement de payer du 19 juin 2009 et l'avis à tiers détenteur du 23 août 2010 ;
- de débouter la Trésorerie de Dinard de son appel, et de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- de la condamner au paiement d'une indemnité article 700 d'un montant de 2392 euros ainsi qu'en tous les dépens ;
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nullité du commandement de payer du 19 juin 2009
Le 19 juin 2009, la trésorerie de DINARD a fait délivrer à la SCI LE TADORNE un commandement de payer les taxes d'urbanismes exigibles, pour un montant total de 49 122 euros outre les frais de 1474 euros.
L'original du commandement de payer, versé aux débats, fait apparaître au verso les différentes autorités (trésorier-payeur général, agent comptable de la redevance de l'audio visuel, juge de l'exécution) susceptibles d'être saisies des différents recours énumérés spécifiquement pour chacun, ainsi que les délais de saisine selon les cas, mais aucune des cases correspondant à chacune de ces saisines possibles n'était cochée, de sorte qu'aucune précision n'était apportée ni sur l'autorité à saisir en l'espèce ni sur le délai dans lequel cette saisine devait impérativement être faite.
Cette omission, de nature à porter un grief au contribuable, et en l'espèce à la SCI LE TADORNE qui n'a, de fait pas saisi le juge de l'exécution, justifie l'annulation du commandement de payer.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé sur ce point.
Sur la nullité de l'avis à tiers détenteur du 23 Août 2010
La nullité du commandement de payer ci-dessus est sans effet sur l'avis à tiers détenteur qui l'a suivi.
Les taxes d'urbanismes dont le paiement était sollicité étaient exigibles suivant avis d'imposition du 28 mars 2008, et composées de la taxe locale d'équipement et de la taxe des espaces naturels sensibles et afférentes à une construction dont la surface hors oeuvre était précisée sur l'avis d'imposition, de même que les taux différentiels applicables aux surfaces.
L'avis d'impositions visait des échéances au 30 mai 2008 et 30 novembre 2009.
Le permis de construire délivré à la SCI LE TADORNE a fait l'objet d'une première contestation par l'association D.I.R.E devant le tribunal administratif, puis devant la cour administrative d'appel sur recours formé par cette même association contre le jugement intervenu le 12 mars 2009 qui avait rejeté sa requête.
Aux termes de l'article L 278 du Livre des Procédures Fiscales, en cas de contestation par un tiers auprès du tribunal administratif du permis de construire ou de la non-opposition à la déclaration préalable, le paiement des impositions afférentes à cette autorisation est différé, sur demande expresse de son bénéficiaire, jusqu'au prononcé d'une décision juridictionnelle devenue définitive. A l'appui de sa demande, le bénéficiaire de cette autorisation doit constituer auprès du comptable les garanties prévues par l'article L277. La prescription de l'action en recouvrement est suspendue jusqu'au prononcé de la décision définitive.
Par lettre du 20 Janvier 2009, le trésorier de DINARD a d'ailleurs demandé à la SCI LE TADORNE de constituer des garanties.
En réponse à l'argumentation de la SCI LE TADORNE, exposée dans les courriers échangés et les conclusions, la trésorerie se prévaut de la disposition
R 811-14 du code des juridictions administratives dont il ressort que le recours en appel n'a pas d'effet suspensif, et qu'en conséquence, l'exigibilité des créances fiscales n'est plus suspendue.
Cependant, dès lors qu'il est indiqué dans l'article L 278 du Livre des Procédures Fiscales que le paiement des impositions est différé jusqu'au prononcé d'une décision juridictionnelle devenue définitive, ce qui inclut nécessairement l'hypothèse où un recours a été exercé contre une première décision intervenue, jusqu'à la date de la décision de la cour administrative d'appel, rendue le 16 février 2010 et devenue définitive au plus tôt le 17 avril 2010, le paiement des taxes était bien différé dans les mêmes termes et avec les mêmes délais que ceux prévus par la loi en vigueur, pour éviter que le contribuable ne soit contraint de régler des taxes afférentes à une construction qui n'existe pas, et pourrait même ne jamais exister dans le cas où il serait fait droit à l'opposition au permis de construire.
De ce fait, les délais de paiement dont l'assujetti était bénéficiaire à hauteur de 18 mois, en application des dispositions de l'article 1723 quater du code général des impôts, n'ont commencé à courir qu'à compter du moment où la décision est devenue définitive, soit au plus tôt le 17 avril 2010. Dans ces conditions, l'administration fiscale ne pouvait délivrer d'avis à tiers détenteur avant l'expiration de ces délais, ce qui entraîne l'annulation de l'avis à tiers détenteur du 23 août 2010.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.
Monsieur ... ... ... ..., qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance d'appel et verser à la SCI LE TADORNE la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
Condamne Monsieur ... ... ... ... à verser à la SCI LE TADORNE la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Condamne Monsieur ... ... ... ... aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier Le Président