RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10
ARRÊT DU 03 MARS 2022
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/11637 - N° Portalis
Décision déférée à la cour : jugement du 25 février 2021-juge de l'exécution de Bobigny -RG n° 20/06333
APPELANTS
Madame Aa A B
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Représentée par Me Laurent MORET de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 427
Plaidant par Me Emmanuel COSSON, avocat au barreau de PARIS
Monsieur Ab A B
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Représenté par Me Laurent MORET de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 427
Plaidant par Me Emmanuel COSSON, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
Madame Ac C
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Représentée par Me Emmanuel LANCELOT, avocat au barreau de PARIS, toque : C2020
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/042543 du 28/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
Composition de la cour :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 4 février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseillère
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller
G reffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER
Arrêt :
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Mme Bénédicte PRUVOST, président et par M. Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.
Déclarant agir en vertu d'un jugement rendu par le Tribunal de proximité d'Aubervilliers le 8 juin 2020, M. et Mme Ad ont le 24 juin 2020 délivré à Mme C un commandement de quitter les lieux portant sur un logement sis à Stains (93), 1 bis avenue Louis Bordes ; le 20 octobre 2020, l'expulsion de l'intéressée a été menée à bien par l'huissier de justice instrumentaire.
Selon jugement en date du 25 février 2021, le juge de l'exécution de Bobigny a rejeté la demande à fin d'annulation des conclusions de Mme C, et a condamné M. et Mme Ad à payer à Mme C 5 000 euros de dommages et intérêts, en réparation de sa perte de chance d'obtenir des délais pour quitter les lieux. Il a fondé sa décision sur le fait que M. et Mme Ad avaient mené à bien l'expulsion le 20 octobre 2020, alors même qu'une instance était en cours devant lui aux fins d'obtenir un sursis à l'exécution de la décision, et que l'affaire avait été renvoyée, sur leur demande, au 22 octobre 2020, les intéressés s'étant abstenus d'informer le juge de l'exécution de l'imminence de cette mesure d'expulsion.
Par déclaration en date du 21 juin 2021 les époux Ad ont relevé appel de ce jugement.
En leurs conclusions notifiées le 17 novembre 2021, M. et Mme Ad ont fait valoir tout d'abord que leur appel était recevable contrairement à ce que soutenait l'intimée, dans la mesure où elle leur avait signifié le jugement le 18 juin 2021, après une précédente signification irrégulière, et que la déclaration d'appel avait été régularisée moins de 15 jours plus tard. Ils ont exposé que la saisine du juge de l'exécution par Mme C était dépourvue d'effet suspensif, qu'ils avaient demandé le renvoi de l'affaire pour obtenir la communication des pièces pour l'audience du 22 octobre 2020, et qu'ils n'étaient alors pas informés de ce que l'expulsion aurait lieu dans l'intervalle, le 20 octobre 2020. En outre, M. et Mme Ad ont fait plaider que la partie adverse exerçait une activité de vente de véhicules occulte et qu'elle n'était pas sincère sur sa situation actuelle. Ils ont soulevé la nullité des conclusions qui avaient été déposées par Mme C devant le juge de l'exécution, motif pris de ce qu'elle n'y avait mentionné ni son adresse ni le fondement juridique de ses prétentions, et ont demandé à la Cour d'infirmer le jugement en l'ensemble de ses dispositions, et de condamner l'intimée au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions notifiées le 1er novembre 2021, Mme C a soulevé l'irrecevabilité de l'appel, qui avait été formé selon elle hors délais. Sur le fond, elle a exposé qu'elle avait relevé appel du jugement ordonnant son expulsion, et que parallèlement, elle avait saisi le juge de l'exécution d'une demande de délais, les époux Ad faisant renvoyer l'affaire à l'audience du 22 octobre 2020 en sachant pertinemment que l'expulsion aurait lieu entre temps puisqu'ils avaient nécessairement d'ores et déjà sollicité le concours de la force publique. Elle a ajouté que les intéressés savaient qu'elle occupait le logement litigieux et lui avaient même facturé des loyers, et que de plus, ils connaissaient sa nouvelle adresse depuis le 6 avril 2021 et ne pouvaient donc pas se plaindre d'être tenus dans l'ignorance de celle-ci. Mme C a fait valoir que dans la déclaration d'appel, les époux Ad avaient mentionné une adresse censée être la sienne qui n'était pas la bonne, et qu'en outre leur conseil avait refusé de répondre aux multiples demandes de son propre conseil sur le point de savoir si le jugement querellé était frappé d'appel ou non. Mme C a réclamé la confirmation de la décision, ainsi que la condamnation de M. et Mme Ad au paiement de 5 000 euros de dommages et intérêts eu égard aux conditions dans lesquelles le présent appel avait été formé ; son conseil a sollicité, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 1 500 euros.
MOTIFS
En application de l'article R 121-20 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution, le délai d'appel des décisions du juge de l'exécution est de quinze jours à compter de la notification de la décision. Le jugement a été notifié par le greffe mais ce dernier a indiqué être dans l'incapacité de produire les avis de réception. Un acte de signification daté du 21 mai 2021 a été versé aux débats, mais celui-ci ne saurait faire courir le délai d'appel vu qu'il mentionnait de façon inexacte que ce délai était d'un mois. Le jugement dont appel sera signifié une deuxième fois le 18 juin 2021, en un acte d'huissier précisant que le délai d'appel était de quinze jours. La déclaration d'appel a été régularisée le 21 juin 2021 soit dans les délais, si bien que l'appel est recevable.
M. et Mme Ad ont soulevé la nullité des conclusions qui avaient été déposées par Mme C devant le juge de l'exécution, motif pris de ce qu'elle n'y avait mentionné ni son adresse ni le fondement juridique de ses prétentions. Il s'agit là d'une irrégularité de forme, laquelle ne saurait être accueillie que si elle est prévue par un texte et qu'un grief est mis en évidence, conformément aux dispositions de l'article 114 du code de procédure civile. Aucun texte ne prévoit de mentions obligatoires dans les conclusions qui sont déposées devant le juge de l'exécution, devant lequel, d'ailleurs, la procédure est orale si bien que les parties ne sont pas tenues de déposer des conclusions écrites. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
La mise à exécution d'une décision de justice exécutoire est un droit, dont l'exercice ne peut donner lieu à l'allocation de dommages et intérêts au débiteur que s'il dégénère en abus. Au cas d'espèce, il est constant que Mme C ayant sollicité des délais pour quitter les lieux devant le juge de l'exécution, l'affaire a été appelée une première fois à l'audience du 1er octobre 2020 et qu'elle a été renvoyée, sur la demande de M. et Mme Ad, au 22 octobre suivant. Or l'expulsion de Mme C a eu lieu dans l'intervalle, le 20 octobre, soit l'avant-veille de l'audience. Le juge de l'exécution a relevé à juste titre que les appelants ne peuvent raisonnablement soutenir qu'ils ignoraient, lorsqu'ils ont demandé ce renvoi, que l'expulsion aurait lieu entre temps dans la mesure où ils avaient nécessairement requis le concours de la force publique, laquelle est obligatoire en matière d'expulsion, et que celle-ci a été menée à bien sur leur demande. S'il est exact que la saisine du juge de l'exécution d'une demande de délais pour quitter les lieux est dépourvue, en principe, d'effet suspensif, la plus élémentaire loyauté commandait de ne pas solliciter de renvoi de l'affaire à une date à laquelle l'expulsion aurait été régularisée. M. et Mme Ad se sont d'ailleurs abstenus d'informer le juge de l'exécution qui a ordonné ce renvoi de leurs intentions.
Dans ces conditions, c'est à bon droit que ce dernier a condamné M. et Mme Ad à payer à Mme C 5 000 euros de dommages et intérêts, après avoir relevé que l'intéressée avait perdu une chance d'obtenir des délais pour quitter les lieux. Le jugement est ainsi confirmé en l'ensemble de ses dispositions.
Mme C réclame la condamnation de M. et Mme Ad au paiement de 5 000 euros de dommages et intérêts, motif pris de ce qu'ils l'avaient volontairement tenue à l'écart de la présente procédure d'appel. Elle fait valoir que le greffe n'a pas pu l'informer du présent appel, ce qui est exact car la déclaration d'appel mentionnait comme adresse de l'intimée celle des lieux dont elle a été expulsée, à Stains, alors que M. et Mme Ad ne pouvaient ignorer sa nouvelle adresse de l'époque, car dans des conclusions d'incident déposées devant le conseiller de la mise en état de cette Cour dans le cadre de l'appel formé contre la décision du juge des contentieux de la protection d'Aubervilliers, le 6 avril 2021, elle y avait mentionné sa nouvelle adresse (7 rue d'Amsterdam, 93700 Drancy). Toutefois Mme C ne peut invoquer utilement aucun préjudice vu qu'elle a pu constituer avocat devant la Cour et donc défendre ses intérêts ; la mention d'une adresse erronnée dans la déclaration d'appel a eu d'autant moins de retentissements sur la suite de la procédure que l'article 905-1 du code de procédure civile rend obligatoire, en matière de circuit court, la signification de la déclaration d'appel à l'intimé. Mme C sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Selon les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre.
Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 %, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.
Si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat.
Si, à l'issue du délai de quatre ans à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée, l'avocat n'a pas demandé le versement de tout ou partie de la part contributive de l'Etat, il est réputé avoir renoncé à celle-ci.
En équité, il ne sera pas fait droit à cette demande.
M. et Mme Ad seont condamnés aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Statuant dans les limites de l'appel,
- DECLARE l'appel recevable ;
- CONFIRME le jugement en date du 25 février 2021 ;
- DEBOUTE Mme C de sa demande de dommages et intérêts ;
- REJETTE la demande de Maître Lancelot en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
- CONDAMNE M. et Mme Ad aux dépens, qui seront recouvrés par Maître Lancelot conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,