Jurisprudence : CAA Bordeaux, 3e, 02-04-2013, n° 12BX01544

CAA Bordeaux, 3e, 02-04-2013, n° 12BX01544

A6616KBN

Référence

CAA Bordeaux, 3e, 02-04-2013, n° 12BX01544. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8058567-caa-bordeaux-3e-02042013-n-12bx01544
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Abstract

Aux termes d'un arrêt rendu le 2 avril 2013, la cour administrative d'appel de Bordeaux retient que l'administration fiscale qui se fonde sur des éléments issus d'un contrôle de billetterie, qui n'a pas eu de suite, pour procéder à une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle elle reconstitue elle-même le chiffre d'affaires d'une exploitation, commet un détournement de procédure (CAA Bordeaux, 3ème ch., 2 avril 2013, n° 12BX01544, inédit au recueil Lebon).



N° 12BX01544, 12BX01545

M. Christian HILLAIREAU

M. Aymard de Malafosse, Président
M. Jean-Louis Joecklé, Rapporteur
M. Guillaume de La Taille Lolainville, Rapporteur public

Audience du 5 mars 2013

Lecture du 2 avril 2013

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

La Cour administrative d'appel de Bordeaux


(3ème chambre)


Vu, enregistrée le 18 juin 2012, la décision n° 345180-345181 du 6 juin 2012 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a d'une part, annulé les arrêts n°08BX02245 et 08BX02247 du 5 janvier 2010 de la cour administrative d'appel de Bordeaux rejetant les requêtes de M. Christian Hillaireau tendant à l'annulation du jugement n°0602862 du 26 juin 2008 du tribunal administratif de Poitiers rejetant sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er avril 2000 au 31 mars 2004 ainsi que des pénalités correspondantes et du jugement n°0701848 du même jour de ce même tribunal rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2001 et 2002, ainsi que des pénalités correspondantes et, d'autre part, a renvoyé le jugement desdites requêtes à la cour administrative d'appel de Bordeaux ;

Vu I°) la requête, enregistrée au greffe de la cour le 25 août 2008 sous le n° 12BX01544, présentée pour M. Christian Hillaireau, demeurant 3 chemin des combes, Grande Forêt, à Corme Royal (17600), par Me Cottet ;

M. Hillaireau demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602862 du 26 juin 2008 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er avril 2000 au 31 mars 2004 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

Il soutient que l'administration ne peut être regardée comme ayant effectué un contrôle dans le cadre des articles L. 26 et L. 27 du livre des procédures fiscales mais comme ayant procédé en réalité au commencement d'une vérification de comptabilité ; que le début de la procédure est irrégulier et ne saurait être régularisé par l'avis de vérification intervenu le 17 mai 2004 ; que la vérification de comptabilité a excédé la durée de trois mois ; qu'il y a eu détournement de procédure ; que le contribuable n'a pas été clairement informé de la possibilité de se faire assister d'un conseil ; que le procès-verbal du 24 novembre 2003 ne porte pas la signature des personnes effectivement présentes ; que le requérant ayant subi des pressions de la part d'un agent, son consentement se trouve vicié ; que, contrairement à ce qu'indiquait le procès-verbal de la BCR, aucune proposition de l'administration n'est intervenue à la suite du contrôle réalisé ; que l'administration n'a pas répondu à toutes les observations faites par le contribuable suite à la proposition de rectification ; que l'avis de dégrèvement reçu par le contribuable doit être regardé comme définitif ; que l'agent vérificateur n'était pas territorialement compétent pour mener la procédure ; que c'est à tort que l'administration a déduit du contrôle de billets réalisé en août 2003 que le requérant dissimulait l'équivalent de la moitié de ses recettes déclarées ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique (direction de contrôle fiscal sud-ouest), qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que la procédure engagée le 14 août 2003 constituait bien un simple contrôle de billetterie, tel qu'il est prévu par les articles L. 26 et L. 27 du livre des procédures fiscales ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les agents se soient livrés à un examen critique de la comptabilité ; qu'ils n'ont donc nullement engagé une vérification de comptabilité ; que l'intervention du 14 août 2003 ne constituait pas non plus un contrôle inopiné ; que le contrôle de billetterie s'est déroulé conformément aux dispositions de l'article L. 26 du livre des procédures fiscales, qui prévoit que les agents peuvent intervenir sans formalité préalable dans les locaux professionnels ; que la vérification de comptabilité a débuté plus de six mois après la clôture de la procédure de contrôle de billetterie et a respecté pleinement les prescriptions légales en ce qui concerne le délai d'intervention sur place ; que seules les interventions sur place lors de la vérification de comptabilité ont permis de constater les irrégularités entachant la comptabilité ; que ces irrégularités ont été consignées dans la proposition de rectification ; qu'aucune disposition légale n'interdit que les constatations opérées dans le cadre d'un contrôle de billetterie puissent être invoquées dans le cadre d'une proposition de rectification adressée à la suite d'une vérification de comptabilité, dans la mesure où il s'agit de deux procédures indépendantes et que la première est terminée, ce qui est le cas en l'espèce ; que, par suite, l'administration n'a pas commis de détournement de procédure ; qu'il résulte de la simple lecture de la réponse aux observations du contribuable que cette dernière était parfaitement motivée par le service ; que la mise en recouvrement a été prononcée avant que le service ait considéré, par simple bienveillance à l'égard du contribuable, que la commission départementale avait été valablement saisie alors que tel n'était pas le cas ; que le service a prévenu le requérant de sa volonté de remettre en recouvrement les mêmes impositions après que la commission a rendu son avis ; que le dégrèvement a été prononcé puis, après avis de la commission, les mêmes impositions ont été mises de nouveau en recouvrement ; que le moyen tiré du caractère définitif du dégrèvement ne peut qu'être rejeté comme manquant en fait et en droit ; que, dans la mesure où la compétence du service de vérification s'étend au département, l'agent vérificateur était parfaitement compétent territorialement pour conduire la procédure contestée ; que, s'agissant du bien fondé de l'imposition, M. Hillaireau n'a jamais invoqué le " manque de billets ", tant auprès du vérificateur que dans les suites de la procédure ; que la nouvelle présentation des faits par le requérant procède d'allégations aucunement justifiées ; que l'absence de patrimoine personnel ne permettrait en aucun cas de justifier les dissimulations de recettes constatées ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 juillet 2009, présenté pour M. Hillaireau qui conclut, par les mêmes moyens que précédemment, aux mêmes fins que sa requête ;

Il soutient en outre qu'aucun avis ne lui a été remis au début du contrôle réalisé en août 2003 ; qu'entre le procès-verbal d'audition du 21 octobre 2003 et celui du 24 novembre 2003, 23 jours se sont écoulés au lieu des 30 jours prévus par les textes ; que le procès-verbal du 24 novembre 2003 ne mentionne pas que le contribuable dispose de 30 jours pour faire valoir ses observations ; qu'à la suite dudit procès-verbal, le requérant n'a fait l'objet d'aucune sanction civile ou pénale ; que la vérification de comptabilité, laquelle reprend mot pour mot les termes de la BCR se situe en continuité de la procédure diligentée précédemment ; qu'en demandant au contribuable de présenter la billetterie et de justifier des recettes, les agents ont initié un contrôle de comptabilité ; que le dégrèvement a été prononcé à la suite d'une irrégularité de la mise en recouvrement ; que l'administration ne pouvait ultérieurement mettre en recouvrement de nouvelles impositions sur les mêmes bases sans avoir, au préalable informé le contribuable de la persistance de son intention de l'imposer ; que tous les agents qui ont connu de près ou de loin ce dossier fiscal ont été déplacés, en raison des nombreuses erreurs commises au cours du contrôle ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 novembre 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat (direction de contrôle fiscal sud-ouest), qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire enregistré le 23 juillet 2012 sous forme de télécopie et régularisé le 25 juillet 2012, présenté pour M. Hillaireau, qui conclut à la décharge des droits, intérêts et pénalités de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er avril 2000 au 31 mars 2004 et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Il soutient que l'intervention de la brigade de contrôle et de recherche n'a donné lieu à aucune sanction ni transaction ; que, pour écarter tout détournement de procédure, les juges du fond doivent rechercher si l'intervention de ce service reposait sur des indices sérieux d'infractions ou non ; qu'une telle recherche permettra de constater que non et que l'administration n'a d'ailleurs jamais soutenu un tel argument ; que les agents de la brigade de recherche et de contrôle ont accompli des actes de contrôle sur les documents comptables, lesquels ont fait l'objet d'un examen ; que le détournement de procédure fait obstacle à l'application du principe d'indépendance de la procédure ; qu'aucun indice sérieux d'infractions n'existait ni ne pouvait en conséquence justifier une procédure de vérification de comptabilité de son entreprise individuelle quelque mois seulement après qu'un contrôle de billetterie a été diligenté ;

Vu le mémoire enregistré le 25 juillet 2012 présenté pour le ministre de l'économie et des finances, par le directeur du contrôle fiscal Sud-Ouest tendant au rejet de la requête ;

Le ministre soutient que le contrôle de billetterie ne constitue pas le début de la vérification de comptabilité ; que les dispositions de l'article L. 26 du livre des procédures fiscales ne contiennent aucune restriction au sujet des professions visées par le contrôle de billetterie ; que le procédure engagée le 14 août 2003 constituait bien un simple contrôle de billetterie et non un contrôle inopiné ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les agents se soient livrés à un examen critique de la comptabilité et n'ont pas débuté une vérification de comptabilité ; que cette dernière a débuté le 3 juin 2004, soit plus de six mois après la clôture du contrôle de billetterie ; que seules les interventions sur place lors de la vérification de comptabilité ont permis de constater les irrégularités ; qu'aucune disposition légale n'interdit que les constatations opérées dans le cadre d'un contrôle de billetterie puissent être invoquées dans le cadre d'une procédure de rectification adressée à la suite d'une vérification de comptabilité, dans la mesure où il s'agit de deux procédures indépendantes et que la première est terminée ; que les rehaussements d'impôt ont été portés à la connaissance du contribuable selon la procédure de redressement contradictoire ; que l'administration n'a pas commis de détournement de procédure ; que la réponse aux observations du contribuable était parfaitement motivée ; qu'avant d'établir l'imposition litigieuse pour le même montant que celui antérieurement dégrevé, l'administration a satisfait à son obligation d'informer le contribuable de la persistance de son intention de l'imposer ; que le moyen tiré du caractère définitif du dégrèvement ne peut donc qu'être rejeté ; que le service était territorialement compétent pour mener la procédure contestée ;

Vu le mémoire enregistré le 17 septembre 2012 présenté pour M. Hillaireau tendant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que la proposition de rectification a repris mot pour mot les termes du procès-verbal de la brigade de contrôle et de recherche, qui a conduit le vérificateur a rédigé le procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité en date du 30 juillet 2004 en reprenant intégralement tous les défauts relevés lors du contrôle de billetterie ; que ces faits constituent une preuve irréfragable du détournement de procédure ;

Vu le mémoire enregistré le 17 octobre 2012 présenté pour le ministre de l'économie et des finances, par le directeur du contrôle fiscal Sud-Ouest tendant au rejet de la requête par les mêmes moyens ;

Vu la décision en date du 20 septembre 2012 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Bordeaux a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle à M. Hillaireau ;

Vu l'ordonnance fixant la clôture d'instruction au 17 octobre 2012 à 12 heures ;

Vu II°) la requête, enregistrée au greffe de la cour le 25 août 2008 sous le n°12BX01545, présentée pour M. Christian Hillaireau, demeurant 3 chemin des combes, Grande Forêt, à Corme Royal (17600), par Me Cottet ;

M. Hillaireau demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701848 du 26 juin 2008 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2001 et 2002, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

Il soutient que l'administration ne peut être regardée comme ayant effectué un contrôle dans le cadre des articles L. 26 et L. 27 du livre des procédures fiscales mais comme ayant procédé en réalité au commencement d'une vérification de comptabilité ; que le début de la procédure est irrégulier et ne saurait être régularisé par l'avis de vérification intervenu le 17 mai 2004 ; que la vérification de comptabilité a excédé la durée de trois mois ; qu'il y a eu détournement de procédure ; que le contribuable n'a pas été clairement informé de la possibilité de se faire assister d'un conseil ; que le procès-verbal du 24 novembre 2003 ne porte pas la signature des personnes effectivement présentes ; que le requérant ayant subi des pressions de la part d'un agent, son consentement se trouve vicié ; que, contrairement à ce qu'indiquait le procès-verbal de la BCR, aucune proposition de l'administration n'est intervenue à la suite du contrôle réalisé ; que l'administration n'a pas répondu à toutes les observations faites par le contribuable suite à la proposition de rectification ; que l'avis de dégrèvement reçu par le contribuable doit être regardé comme définitif ; que l'agent vérificateur n'était pas territorialement compétent pour mener la procédure ; que c'est à tort que l'administration a déduit du contrôle de billets réalisé en août 2003 que le requérant dissimulait l'équivalent de la moitié de ses recettes déclarées ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique (direction du contrôle fiscal sud-ouest), qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que la procédure engagée le 14 août 2003 constituait bien un simple contrôle de billetterie, tel qu'il est prévu par les articles L. 26 et L. 27 du livre des procédures fiscales ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les agents se soient livrés à un examen critique de la comptabilité ; qu'ils n'ont donc nullement engagé une vérification de comptabilité ; que l'intervention du 14 août 2003 ne constituait pas non plus un contrôle inopiné ; que le contrôle de billetterie s'est déroulé conformément aux dispositions de l'article L. 26 du livre des procédures fiscales, qui prévoit que les agents peuvent intervenir sans formalité préalable dans les locaux professionnels ; que la vérification de comptabilité a débuté plus de six mois après la clôture de la procédure de contrôle de billetterie et a respecté pleinement les prescriptions légales en ce qui concerne le délai d'intervention sur place ; que seules les interventions sur place lors de la vérification de comptabilité ont permis de constater les irrégularités entachant la comptabilité ; que ces irrégularités ont été consignées dans la proposition de rectification ; qu'aucune disposition légale n'interdit que les constatations opérées dans le cadre d'un contrôle de billetterie puissent être invoquées dans le cadre d'une proposition de rectification adressée à la suite d'une vérification de comptabilité, dans la mesure où il s'agit de deux procédures indépendantes et que la première est terminée, ce qui est le cas en l'espèce ; que, par suite, l'administration n'a pas commis de détournement de procédure ; qu'il résulte de la simple lecture de la réponse aux observations du contribuable que cette dernière était parfaitement motivée par le service ; que la mise en recouvrement a été prononcée avant que le service ait considéré, par simple bienveillance à l'égard du contribuable, que la commission départementale avait été valablement saisie alors que tel n'était pas le cas ; que le service a prévenu le requérant de sa volonté de remettre en recouvrement les mêmes impositions après que la commission a rendu son avis ; que le dégrèvement a été prononcé puis, après avis de la commission, les mêmes impositions ont été mises de nouveau en recouvrement ; que le moyen tiré du caractère définitif du dégrèvement ne peut qu'être rejeté comme manquant en fait et en droit ; que, dans la mesure où la compétence du service de vérification s'étend au département, l'agent vérificateur était parfaitement compétent territorialement pour conduire la procédure contestée ; que, s'agissant du bien fondé de l'imposition, M. Hillaireau n'a jamais invoqué le " manque de billets ", tant auprès du vérificateur que dans les suites de la procédure ; que la nouvelle présentation des faits par le requérant procède d'allégations aucunement justifiées ; que l'absence de patrimoine personnel ne permettrait en aucun cas de justifier les dissimulations de recettes constatées ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 juillet 2009, présenté pour M. Hillaireau qui conclut, par les mêmes moyens que précédemment, aux mêmes fins que sa requête ;

Il soutient en outre qu'aucun avis ne lui a été remis au début du contrôle réalisé en août 2003 ; qu'entre le procès-verbal d'audition du 21 octobre 2003 et celui du 24 novembre 2003, 23 jours se sont écoulés au lieu des 30 jours prévus par les textes ; que le procès-verbal du 24 novembre 2003 ne mentionne pas que le contribuable dispose de 30 jours pour faire valoir ses observations ; qu'à la suite dudit procès-verbal, le requérant n'a fait l'objet d'aucune sanction civile ou pénale ; que la vérification de comptabilité, laquelle reprend mot pour mot les termes de la BCR se situe en continuité de la procédure diligentée précédemment ; qu'en demandant au contribuable de présenter la billetterie et de justifier des recettes, les agents ont initié un contrôle de comptabilité ; que le dégrèvement a été prononcé à la suite d'une irrégularité de la mise en recouvrement ; que l'administration ne pouvait ultérieurement mettre en recouvrement de nouvelles impositions sur les mêmes bases sans avoir, au préalable informé le contribuable de la persistance de son intention de l'imposer ; que tous les agents qui ont connu de près ou de loin ce dossier fiscal ont été déplacés, en raison des nombreuses erreurs commises au cours du contrôle ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 novembre 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat (direction de contrôle fiscal sud-ouest), qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire enregistré le 23 juillet 2012 sous forme de télécopie et régularisé le 25 juillet 2012, présenté pour M. Hillaireau, qui conclut à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités auxquels il a été assujetti au titre des années 2001 et 2002 et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Il soutient que l'intervention de la brigade de contrôle et de recherche n'a donné lieu à aucune sanction ni transaction ; que, pour écarter tout détournement de procédure, les juges du fond doivent rechercher si l'intervention de ce service reposait sur des indices sérieux d'infractions ou non ; qu'une telle recherche permettra de constater que tel n'est pas le cas et que l'administration n'a d'ailleurs jamais soutenu un tel argument ; que les agents de la brigade de recherche et de contrôle ont accompli des actes de contrôle sur les documents comptables, lesquels ont fait l'objet d'un examen ; que le détournement de procédure fait obstacle à l'application du principe d'indépendance de la procédure ; qu'aucun indice sérieux d'infractions n'existait ni ne pouvait en conséquence justifier une procédure de vérification de comptabilité de son entreprise individuelle quelque mois seulement après qu'un contrôle de billetterie a été diligenté ;

Vu le mémoire enregistré le 25 juillet 2012 présenté pour le ministre de l'économie et des finances, par le directeur du contrôle fiscal Sud-Ouest qui conclut au rejet de la requête ;

Le ministre soutient que le contrôle de billetterie ne constitue pas le début de la vérification de comptabilité ; que les dispositions de l'article L. 26 du livre des procédures fiscales ne contiennent aucune restriction au sujet des professions visées par le contrôle de billetterie ; que le procédure engagée le 14 août 2003 constituait bien un simple contrôle de billetterie et non un contrôle inopiné ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les agents se soient livrés à un examen critique de la comptabilité et n'ont pas débuté une vérification de comptabilité ; que cette dernière a débuté le 3 juin 2004, soit plus de six mois après la clôture du contrôle de billetterie ; que seules les interventions sur place lors de la vérification de comptabilité ont permis de constater les irrégularités ; qu'aucune disposition légale n'interdit que les constatations opérées dans le cadre d'un contrôle de billetterie puissent être invoquées dans le cadre d'une procédure de rectification adressée à la suite d'une vérification de comptabilité, dans la mesure où il s'agit de deux procédures indépendantes et que la première est terminée ; que les rehaussements d'impôt ont été portés à la connaissance du contribuable selon la procédure de redressement contradictoire ; que l'administration n'a pas commis de détournement de procédure ; que la réponse aux observations du contribuable était parfaitement motivée ; qu'avant d'établir l'imposition litigieuse pour le même montant que celui antérieurement dégrevé, l'administration a satisfait à son obligation d'informer le contribuable de la persistance de son intention de l'imposer ; que le moyen tiré du caractère définitif du dégrèvement ne peut donc qu'être rejeté ; que le service était territorialement compétent pour mener la procédure contestée ;

Vu le mémoire enregistré le 17 septembre 2012 présenté pour M. Hillaireau tendant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que la proposition de rectification a repris mot pour mot les termes du procès-verbal de la brigade de contrôle et de recherche, qui a conduit le vérificateur a rédigé le procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité en date du 30 juillet 2004 en reprenant intégralement tous les défauts relevés lors du contrôle de billetterie ; que ces faits constituent une preuve irréfragable du détournement de procédure ;

Vu le mémoire enregistré le 17 octobre 2012 présenté pour le ministre de l'économie et des finances, par le directeur du contrôle fiscal Sud-Ouest tendant au rejet de la requête par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance fixant la clôture d'instruction au 17 octobre 2012 à 12 heures ;

Vu la décision en date du 20 septembre 2012 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Bordeaux a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle à M. Hillaireau ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mars 2013 :

- le rapport de M. Jean-Louis Joecklé, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;

1. Considérant que, le 14 août 2003 à 23 heures, M. Hillaireau, qui exploite une discothèque mobile en Charente-Maritime sous l'enseigne " Miroir 2000 ", a fait l'objet d'un contrôle de billetterie diligenté par les agents de la brigade de contrôle et de recherche de ce département en application des dispositions de l'article L. 26 du livre des procédures fiscales, à l'issue duquel un procès-verbal d'infraction a été dressé le 24 novembre 2003 ; qu'à compter du 3 juin 2004, son entreprise individuelle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 2000 au 31 mars 2003, prolongée en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 31 mars 2004 ; qu'à l'issue de cette vérification, le vérificateur a rejeté la comptabilité et procédé à une reconstitution du chiffre d'affaires et du résultat de l'entreprise dans le cadre de la procédure de redressement contradictoire visée aux articles L. 55 à L. 61 du livre des procédures fiscales ; que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été assignés à M. Hillaireau au titre de la période du 1er janvier 2000 au 31 mars 2004 ; que l'intéressé a en outre été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2001 et 2002 ; que, par les deux jugements attaqués du 5 janvier 2010, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté les demandes de M. Hillaireau tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités dont elles ont été assorties ; que les deux requêtes susvisées concernent la situation d'un même contribuable et présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur les conclusions à fin de décharge des impositions contestées :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 26 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration peuvent intervenir, sans formalité préalable et sans que leur contrôle puisse être retardé, dans les locaux professionnels des personnes soumises, en raison de leur profession, à la législation des contributions indirectes ou aux législations édictant les mêmes règles en matière de procédure et de recouvrement, pour y procéder à des inventaires, aux opérations nécessaires à la constatation et à la garantie de l'impôt et généralement aux contrôles qualitatifs et quantitatifs prévus par ces législations (...) " ;

3. Considérant que, lorsqu'un contribuable fait grief à l'administration d'avoir détourné à des fins exclusivement fiscales une procédure de contrôle tendant à la constatation d'infractions en matière de contributions indirectes ou de législation économique et s'il est établi qu'aucune poursuite n'a été engagée ou qu'aucune transaction n'a été conclue à raison des infractions ayant motivé ce contrôle, il appartient au juge de l'impôt de rechercher, lui-même, si l'administration a fait état de l'existence, préalablement au recours à cette procédure, d'indices faisant naître de sérieux soupçons de nature à la justifier ;

4. Considérant qu'après avoir relevé que la direction des services fiscaux de la Charente-Maritime avait engagé le 3 juin 2004 une procédure de vérification de comptabilité de l'entreprise individuelle de M. Hillaireau après qu'un contrôle de billetterie eut été diligenté sur le fondement des dispositions de l'article L.26 du livre des procédures fiscales, les premiers juges ont estimé que la circonstance que l'intéressé n'ait pas été poursuivi à raison des infractions constatées en matière de billetterie par la brigade de contrôle et de recherche n'était pas de nature à établir l'existence d'un détournement de procédure, sans rechercher si ledit contrôle auquel a procédé le service était fondé sur des indices sérieux d'infractions à la législation sur la billetterie ou en matière de contributions indirectes dont il disposait avant d'engager celui-ci ; que, dès lors, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a écarté, comme non fondé, le moyen tiré du détournement de procédure ;

5. Considérant que si l'administration soutient qu'aucune disposition légale n'interdit que les constatations opérées dans le cadre d'un contrôle de billetterie puissent être invoquées dans le cadre d'une procédure de rectification adressée à la suite d'une vérification de comptabilité, dans la mesure où il s'agit de deux procédures indépendantes et que la première est terminée, il est constant que les infractions aux articles 290 quater du code général des impôts et 50 sexies B à H de l'annexe IV du même code constatées par procès-verbal dressé le 24 novembre 2003 et réprimées par les articles 1791 et 1791 bis de ce même code, à savoir le défaut de tenue du registre d'utilisation journalière de billets, le défaut de délivrance de billets d'entrée et le défaut de conservation des coupons de contrôle, n'ont jamais fait l'objet de poursuites ni d'une proposition de transaction de la part de l'administration ; qu'en revanche, il résulte de l'instruction et notamment des termes de la proposition de rectification notifiée le 14 octobre 2004 à M. Hillaireau que le vérificateur s'est fondé sur des renseignements issus du contrôle de billetterie en relevant notamment l'absence de registre journalier d'utilisation de la billetterie et l'utilisation d'une billetterie sans conservation du coupon " contrôle " tels qu'ils avaient été consignés dans le procès-verbal du 24 novembre 2003 ;

6. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le service, qui ne fait état d'aucune indication sur la nature et le sérieux des soupçons d'infractions en matière de contributions indirectes ou de législation économique qui auraient été nécessaires pour légitimer le contrôle de billetterie, ait disposé de tels éléments d'information préalablement à l'engagement de ce contrôle ; qu'il en résulte que l'administration fiscale a en réalité utilisé la procédure prévue à l'article L.26 du livre des procédures fiscales à seule fin de rechercher les preuves d'infraction à la législation relative à la taxe sur la valeur ajoutée et à l'impôt sur le revenu ; qu'elle a ainsi commis un détournement de procédure qui entache d'irrégularité la procédure à l'issue de laquelle ont été établies les impositions litigieuses ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. Hillaireau est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions contestées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que M. Hillaireau, pour le compte duquel les conclusions des requêtes tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être réputées présentées, n'allègue pas avoir exposé dans les présentes affaires des frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que son avocat n'a pas demandé que lui soit versé par l'Etat la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamé à son client si ce dernier n'avait bénéficié de l'aide juridictionnelle totale ; que, dans ces conditions, les conclusions de M. Hillaireau tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ;

DECIDE :

Article 1er : Les jugements susvisés n°0602862 et 0701848 du 26 juin 2008 du tribunal administratif de Poitiers sont annulés.

Article 2 : Il est accordé à M. Hillaireau la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er avril 2000 au 31 mars 2004, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2001 et 2002, et des pénalités dont toutes ces impositions ont été assorties.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. Hillaireau est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Christian Hillaireau et au ministre de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 5 mars 2013 à laquelle siégeaient :

- M. Aymard de Malafosse, président,

- M. Jean-Louis Joecklé, président-assesseur,

- M. Philippe Cristille, premier conseiller.

Lu en audience publique le 2 avril 2013

Le rapporteur,

Jean-Louis JOECKLE

Le président,

Aymard de MALAFOSSE

Le greffier,

Isabelle OLLAGNIER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition certifiée conforme

Le greffier,

Isabelle OLLAGNIER

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