Jurisprudence : CA Poitiers, 05-10-2021, n° 21/01639, Confirmation


ARRÊT N° 500 bis

N° RG 21/01639

N° Portalis DBV5-V-B7F-GISH

CAMCA ASSURANCE

S.A. CEGC

C/

A

B

C

X

et autres (...)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 05 OCTOBRE 2021

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 mai 2021 rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de POITIERS.


APPELANTES :

S.A. CAMCA ASSURANCES

32 Avenue de la Liberté

L1930 LUXEMBOURG

S.A. COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIE ET CAUTION

16 Rue Hoche Tour Kupka B

92919 PARIS LA DEFENSE CEDEX

ayant toutes deux pour avocat postulant Me Gérald FROIDEFOND de la SCP B2FAVOCATS, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me Denise BOUDET, avocat au barreau d'ANGOULEME INTIMÉS :

Monsieur Aa A

né le … … … à … (…)

… … … …

… …

Madame Ab B épouse A

née le … … … à … (…)

… … … …

… …

ayant tous deux pour avocat postulant et plaidant Me Frédéric CUIF de la SELARL DESCARTES AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS

Maître Marie Laetitia CAPEL

ès-qualités de liquidateur judiciaire

de la SAS Compagnie Villas et demeures de France

05 Bis, rue des Chardonnerets - BP 1164

86280 SAINT BENOIT ERMITAGE

défaillante

Monsieur Ac X

34 Boulevard de Solférino

86000 POITIERS

défaillant

S.A.S. COMPAGNIE DES VILLAS ET DEMEURES DE FRANCE

22 Route de Bignoux

86000 POITIERS

défaillante

S.A.R.L. INACIO ALBERTO

ZA La Pointe

RN 10 86220 LES ORMES

défaillante

S.A.R.L. MG BATIMENT

04 Allée de l'Industrie

86130 SAINT GEORGES LES BAILLARGEAU

défaillante

S.A. AXA FRANCE IARD

N° SIRET : 722 057 460

313 Terrasses de l'Arche

92727 NANTERRE CEDEX

ayant pour avocat postulant et plaidant Me Marie-thérèse SIMON-WINTREBERT, avocat au barreau de POITIERS


COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Septembre 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Madame Anne VERRIER, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : M. Lilian ROBELOT

ARRÊT :

- PAR DÉFAUT

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par M. Lilian ROBELOT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par jugement du 8 juillet 2016, le tribunal d'instance de Poitiers a, dans litige initié par Aa A et Ab B à l'encontre de la société Villas et demeures de France, commis Ac X en qualité d'expert. Par jugement du 10 février 2017, il a étendu les opérations d'expertise à la société Inacio Alberto, à la socité Axa France Iard assureur de ce dernier, à la société Espace Constructions,

à la société MG Bâtiment et à la société Camca Assurances, assureur de la société Villas et demeures de France. Par arrêt du 15 septembre 2020, la cour d'appel de Poitiers a partiellement infirmé le jugement du 27 avril 2018 du tribunal d'instance de Poitiers ayant refusé une extension de la mission d'expertise et ordonné celle-ci.

Par requête en date du 12 avril 2021 adressé au juge du tribunal judiciaire de Poitiers chargé du contrôle des expertises, le conseil de la société Camca Assurances (Camca) et de la Compagnie européenne de garantie et de caution (Cegc) a demandé la récusation de l'expert 'au visa de l'article 234 du Code de procédure civile et L 111- 6 du Code de l'organisation judiciaire pour motif de partialité et d'amitié notoire avec une partie au procès, en l'occurrence Monsieur Aa A et non-respect du principe du contradictoire institué par l'article 160 du code précité'. Il a indiqué justifier de ses prétentions par la production d'un procès-verbal de constat dressé le 25 mars 2021 par Maître Jean-Gabriel Canet, huissier de justice.

L'expert a transmis ses observations au juge chargé du contrôle des expertises par courrier en date du 30 avril 2021. Il a indiqué avoir discuté avec Aa A afin, préalablement aux opérations d'expertise et pour ne pas les retarder, d'obtenir son autorisation de faire venir sur son fonds une machine à forer et lui préciser la localisation du sondage à effectuer. Il a précisé s'être retiré ces points réglés et a estimé n'avoir pas manqué à son devoir d'impartialité.

Par ordonnance du 12 mai 2021, le juge chargé du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Poitiers a statué en ces termes :

"Vu les articles 234 et 235 du code de procédure civile,

Rejetons les demandes de constatation de la nullité et de l'irrecevabilité de la requête présentées par Monsieur Aa A et par Madame Ab B.

Rejetons la demande de Monsieur Aa A et de Madame Ab B d'écarter des débats le constat établi le 25 mars 2021 par Maître Jean-Gabriel CANET, huissier de justice.

Rejetons la demande de remplacement de Monsieur Ac X, expert, présentée parla SA CAMCA ASSURANCES et par la SA COMPAGNIE EUROPEENNE DEGARANTIES ET

Rejetons la demande de condamnation de la SA CAMCA ASSURANCES à une amende civile présentée par Monsieur Aa A et par Madame Ab B.

Rejetons la demande de dommages-intérêts présentée par Monsieur Aa A et par Madame Ab B.

Condamnons in solidum la SA CAMCA ASSURANCES et la SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS (CEGC) aux dépens”.

Il a considéré recevable la requête en récusation, formée conformément aux dispositions de l'article 234 du code de procédure civile. Il n'a retenu aucun motif d'écarter les débats le procès-verbal de constat, régulièrement dressé par l'huissier de justice.

Il a rejeté la demande de récusation de l'expert aux motifs qu'aucun élément n'invalidait les explications de l'expert selon lesquelles les échanges litigieux avaient été justifiés par des impératifs techniques liés à l'implantation d'un engin de forage.

Il a exclu de prononcer une amende civile et a rejeté la demande de dommages et intérêts de Aa A et Ab B, la demande en récusation présentée n'étant pas fautive.


Par déclaration reçue au greffe le 25 mai 2021, les sociétés Camca et Cegc ont interjeté appel de cette ordonnance.

Par acte du 28 mai 2021, elles ont assigné en intervention forcée Ac X.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 15 juin 2021 et signifiées par acte des 30 juin et 1er juillet 2021 aux parties non constituées, elles ont demandé de :

"Vu les dispositions des articles 160 et 234 du Code de procédure civile et L 111- 6 du Code de l'organisation judiciaire

Réformer l'ordonnance de Monsieur le juge du contrôle des expertises du 12 mai 2021

Juger recevable et bien fondée la demande de récusation de Monsieur Ac X par la SA CAMCA ASSURANCES et la société CEGC

Par conséquent récuser Monsieur Ac X pour motif de partialité et d'amitié notoire avec une partie au procès, en l'occurrence Monsieur Aa A et non-respect du principe du contradictoire

Prononcer le remplacement de Monsieur Ac X et désigner tel autre expert qu'il appartiendra à la Cour de désigner

Condamner monsieur X ou toute autre partie aux dépens’.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 12 août suivant, elles ont demandé de :

"Vu les dispositions des articles 160 et 234 du Code de procédure civile et L 111- 6 du Code de l'organisation judiciaire

Réformer l'ordonnance de Monsieur le juge du contrôle des expertises du 12 mai 2021 en ce qu'elle à rejeté la demande de récusation de Monsieur X, expert judiciaire

Juger recevable et bien fondée la demande de récusation de Monsieur Ac X par la SA CAMCA ASSURANCES et la société CEGC

Par conséquent récuser Monsieur Ac X pour motif de partialité et d'amitié notoire avec une partie au procès, en l'occurrence Monsieur Aa A et non-respect du principe du contradictoire

Prononcer le remplacement de Monsieur Ac X et désigner tel autre expert qu'il appartiendra à la Cour de désigner

Rejeter l'intégralité des demandes présentées par Monsieur A et Madame B

Condamner monsieur X ou toute autre partie aux dépens’.

Elles ont soutenu que :

- l'expert avait manqué à ses obligations en se présentant chez le demandeur en dehors de tout cadre contradictoire et en quittant les lieux peu avant les opérations d'expertise ;

- ce comportement témoignait d'une partialité de l'expert et d'une amitié notoire avec le demandeur ;

- le choix du sapiteur fait par l'expert qui avait retenu l'entreprise proposée par les demandeurs, manifestait sa préférence ;

- ce choix n'avait pas été soumis à la contradiction des parties.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 12 août 2021, Aa A et Ab B ont demandé de :

'Déclarer la SA CAMCA ASSURANCES et la SA CEGC irrecevables en leur appel et subsidiairement les déclarer mal fondés.

Débouter la SA CAMCA ASSURANCES, la SA CEGC et la SA AXA FRANCE IARD et les autres parties de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions.

Recevoir Monsieur A et Madame B en leur appel incident et les y déclarer bien fondés.

Réformer l'ordonnance rendue le 12 mai 2021 par le Président du tribunal judiciaire de Poitiers chargé du contrôle des expertises (RG': 20/937), en ce qu'elle a':

"rejeté les demandes de nullité et d'irrecevabilité de la requête initiale ;

"rejeté la demande tendant à écarter le constat d'huissier de Mare CANET du 25 mars 2021";

"rejeté la demande de Monsieur A et de Madame B de condamnation de la SA CAMCA ASSURANCES à une amende civile de 10.000 ' sur le fondement de l'article 32-1 du CPC";

"rejeté la demande de Monsieur A et de Madame B de condamnation de la SA CAMCA ASSURANCES à leur payer la somme de 10.000 ' à titre de dommages-intérêts.

En conséquence :

" Condamner in solidum la SA CAMCA ASSURANCES, la SA CEGC et la SA AXA FRANCE IARD à payer à Monsieur A et Madame B la somme de 50.000 ' sur le fondement de l'article 1240 du Code civil pour procédure dilatoire et abusive et le retard pris dans les opérations d'expertise et l'obstruction pratiquée par les appelants.

* Condamner in solidum la SA CAMCA ASSURANCES, la SA CEGC et la SA AXA FRANCE IARD à payer à Monsieur A et Madame B la somme de 10.000 ' sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC

pour la procédure de première instance et, y ajoutant, condamner les mêmes à la somme de 20.000 ' supplémentaires au titre de la procédure d'appel, sur le même fondement.

! Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné in solidum la SA CAMCA ASSURANCES et la SA CEGC aux dépens de première instance et y ajoutant, condamner in solidum la SA CAMCA ASSURANCES, la SA CEGC et la SA AXA FRANCE IARD aux dépens d'appel.

Subsidiairement,

! Déclarer nulle et de nul effet et la requête de la la SA CAMCA ASSURANCES et la SA CEGC du 13 avril 2021 faute de mentions obligatoires et de transmission par voie électronique.

" Écarter des débats le constat d'huissier de Maître CANET du 25 mars 2021.

* Condamner in solidum la SA CAMCA ASSURANCES et la SA CEGC à une amende civile de 10.000 ' sur le fondement de l'article 32-1 du CPC pour la procédure de première instance et reconventionnellement et à une amende civile supplémentaire de 10.000 ' sur le fondement de l'article 559 du CPC pour la procédure d'appel.

! Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la SA CAMCA ASSURANCES, la SA CEGC et la SA AXA FRANCE IARD de leur demande de récusation et de remplacement de l'expert judiciaire

En tout état de cause,

Condamner in solidum la SA CAMCA ASSURANCES, la SA CEGC et la SA AXA FRANCE IARD à payer à Monsieur A et Madame B la somme de 50.000 ' sur le fondement de l'article 1240 du Code civil pour procédure dilatoire et abusive et le retard pris dans les opérations d'expertise et l'obstruction pratiquée par les appelants.

Condamner in solidum la SA CAMCA ASSURANCES, la SA CEGC et la SA AXA FRANCE IARD à payer à Monsieur A et Madame B la somme de 10.000 ' sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC pour la procédure de première instance et, y ajoutant, condamner les mêmes à la somme de 20.000 ' supplémentaires au titre de la procédure d'appel, sur le même fondement.

Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné in solidum la SA CAMCA ASSURANCES et la SA CEGC aux dépens de première instance et y ajoutant, condamner in solidum la SA CAMCA ASSURANCES, la SA CEGC et la SA AXA FRANCE IARD aux dépens d'appel.

Débouter toutes les autres parties de l'ensemble de leurs demandes plus amples ou contraires, fins et

Ils ont soutenu irrecevable l'appel interjeté, la décision ayant rejeté la demande de récusation n'ayant pas mis fin à l'instance ni tranché une partie du principal et n'étant dès lors pas susceptible de recours indépendamment du jugement au fond. Ils ont fondé leur appel incident, recevable puisque formé dans le délai imparti, sur le comportement des appelants qui avaient selon eux depuis le début fait obstruction au bon déroulement de la procédure.

Ils ont soutenu la nullité de la requête en révocation, selon eux ne comportant pas toutes les mentions imposées par l'article 57 du code de procédure civile et son irrecevabilité, d'une part pour avoir été transmise par un

simple courriel non signé, sans respecter les règles de la communication électronique applicable aux juridictions, d'autre part pour avoir été présentée tardivement en regard des dispositions de l'article 234 du code de procédure civile.

Sur la récusation, ils ont exposé qu'il résultait du procès-verbal de constat d'huissier de justice du 25 mars 2021 que l'expert était arrivé accompagné de l'expert de la Camca et que les photographies annexées au procès-verbal, prises par cet expert d'assurance, étaient sans valeur probante, que l'identité des personnes mentionnées au procès-verbal n'avait pas été vérifiée, que cet huissier n'avait pas observé l'arrière de leur maison et les discussions relatives à l'emplacement de la tarière destinée à forer le sol. Ils ont soutenu que la feuille de présence présentée à cet huissier par le représentant de la Camca n'était pas celle annexée en photographie au procès-verbal de constat dressé par l'huissier de justice qu'ils avaient requis.

Ils ont soutenu l'irrégularité du procès-verbal d'huissier de justice, celui-ci ayant en concertation avec les appelantes et leur expert monté un stratagème destiné à recueillir déloyalement une preuve.

Ils ont maintenu fautive l'obstruction des appelantes au bon déroulement des opérations d'expertise et sollicité, outre leur condamnation au paiement d'une amende civile, paiement de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile .

Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 août 2021 et notifiées par acte des 18 et 26 août aux parties non constituées, la société Axa France Iard (Axa) a demandé de :

"Vu les articles 160 et 234 du Code de Procédure Civile et l'article L 111-6 du Code de l'Organisation judiciaire,

Vu l'ordonnance du Juge du contrôle des expertises du 12/05/2021,

Vu la déclaration d'appel de la CAMCA et de la CEGC,

Vu les conclusions d'appel du 25/06/2021 de la CAMCA et de la CEGC auxquelles la SA AXA France IARD s'associe et dont elle reprend les moyens de fait et de droit à son compte,

Prononcer le remplacement de Monsieur Ac X et désigner tel expert du choix de la juridiction saisie.

En tout cas, rejeter toutes plus amples réclamations y compris celles de Monsieur et Madame A au principal, reconventionnellement, au titre des frais irrépétibles ainsi que des dépens.

Vu les conclusions n° 2 des consorts Y,

Déclarer irrecevable la demande de 50.000,00 ' dirigée pour la première fois par les consorts A et en tout cas non fondée voire totalement fantaisiste.

Condamner tous succombants aux entiers dépens de première instance et d'appel mais dire que conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile pour ceux d'appel, la condamnation aux dépens sera prononcée avec distraction au profit de Maître SIMON-WINTREBERT, avec le droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle aura fait l'avance sans en avoir reçu provision’.

S'associant à la demande des appelantes, elle a soutenu irrecevables les demandes de Aa A et de Ab B formées à son encontre, nouvelles en cause d'appel.


Par acte du 28 mai 2021, les appelantes ont assigné en intervention forcée Ac X.

Par courrier en date du 23 juin 2021 reçu au greffe le 25 juin suivant, Maître Marie-Laetitia Capel, désignée liquidateur judiciaire de la société Villas et demeures de France (VDF) par jugement du 29 janvier 2019 du tribunal de commerce de Poitiers, a indiqué qu'elle ne constituereait pas avocat.

Ni Ac X, ni la société Inacio Alberto, ni la société Mg Bâtiment n'ont constitué avocat.

L'ordonnance de clôture est du 26 août 2021.


MOTIFS DE LA DÉCISION

A - SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL

L'article 170 du code de procédure civile dispose que : 'Les décisions relatives à l'exécution d'une mesure d'instruction ne sont pas susceptibles d'opposition ; elles ne peuvent être frappées d'appel ou de pourvoi en cassation qu'en même temps que le jugement sur le fond'.

Ces dispositions relatives à l'exécution des mesures d'instruction ne sont pas applicables en matière de récusation d'un expert. Il s'ensuit, par application de l'article 543 du même code, que l'appel est en cette matière immédiatement possible.

Aa A et Ab B seront pour ces motifs déboutés de leur demande tendant à voir déclarer irrecevable l'appel des sociétés Camca et Cegc.

B - SUR LA REQUETE EN RECUSATION

L'article 234 du code de procédure civile dispose notamment que :

'Les techniciens peuvent être récusés pour les mêmes causes que les juges. S'il s'agit d'une personne morale, la récusation peut viser tant la personne morale elle-même que la ou les personnes physiques agréées par le juge.

La partie qui entend récuser le technicien doit le faire devant le juge qui l'a commis ou devant le juge chargé du contrôle avant le début des opérations ou dès la révélation de la cause de la

1 - sur sa tardiveté

Le procès-verbal de constat est du 25 mars 2021. La requête en récusation de l'expert judiciaire est en date du 12 avril suivant. L'ordonnance contestée mentionne qu'elle a été reçue au greffe le 13 avril 2021. Le bref délai entre le procès-verbal de constat et le dépôt de la requête permet de retenir que la récusation a été sollicitée aussitôt sa cause connue des appelants.

2 - sur la saisine du juge chargé du contrôle des expertises

La saisine du juge chargé du contrôle des expertises ne relève pas des dispositions des articles 342 et suivants du code de procédure civile et s'effectue sans forme particulière. La requête en récusation de l'expert en date du 12 avril 2021 présentée au juge du tribunal judiciaire de Poitiers chargé du contrôle des expertises précise les références de la procédure, les identités de l'expert en cause et des parties et les causes alléguées de la récusation. Il n'existe dès lors aucune cause de nullité de cette requête. La demande à cette fin de Aa A et Ab B n'est pour ces motifs pas fondée. L'ordonnance sera confirmée de ce chef.

C - SUR LA RECUSATION

L'article L 111-6 du code de l'organisation judiciaire auquel renvoie l'article 341 du code de procédure civile dispose que :

'Sous réserve de dispositions particulières à certaines juridictions, la récusation d'un juge peut être demandée :

1° Si lui-même ou son conjoint a un intérêt personnel à la contestation ;

2° Si lui-même ou son conjoint est créancier, débiteur, héritier présomptif ou donataire de l'une des parties ;

3° Si lui-même ou son conjoint est parent ou allié de l'une des parties ou de son conjoint jusqu'au quatrième degré inclusivement ;

4° S'il y a eu ou s'il y a procès entre lui ou son conjoint et l'une des parties ou son conjoint ;

5° S'il a précédemment connu de l'affaire comme juge ou comme arbitre ou s'il a conseillé l'une des parties ;

6° Si le juge ou son conjoint est chargé d'administrer les biens de l'une des parties ;

7° S'il existe un lien de subordination entre le juge ou son conjoint et l'une des parties ou son conjoint ;

8° S'il y a amitié ou inimitié notoire entre le juge et l'une des parties ;

9° S'il existe un conflit d'intérêts, au sens de l'article 7-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature’.

L'article 237 du code de procédure civile dispose par ailleurs que 'Le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité'. L'expert doit par ailleurs respecter le principe du contradictoire.

1- sur une irrégularité du procès-verbal de constat

L'article 1er de l'ordonnance n°45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice dispose notamment que ceux-ci peuvent, commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter' et que "Sauf en matière pénale où elles ont valeur de simples renseignements, ces constatations font foi jusqu'à preuve contraire’.

La loyauté avec laquelle l'huissier de justice doit procéder interdit d'user d'un stratagème pour réaliser ses constatations.

Maître Jean-Gabriel Canet, huissier de justice associé à Poitiers, a sur la requête de la société Camca assurances dressé le 25 mars 2021 un procès verbal de constat. Il a indiqué que la requérante avait exposé que :

"Dans le cadre d'un litige qui oppose Mousieur Aa A, notamment à la SOCIETE DES VILLAS ET DEMEURES DE FRANCE, la requérante intervient en tant qu'assureur de cette société.

Au titre d'un dernier arrêt rendu par la Cour d'appel de Poitiers du

15 septembre 2020, une extension de mission d'expertise a été confiée à Monsieur Ac X, intervenant en qualité d'expert judiciaire.

Celui-ci a convoqué les parties à une réunion d'expertise fixée le jeudi 25 mars à 11h00 au 17 rue des Lys à (86370) VIVONNE.

La requérante a des doutes sur l'impartialité de l'expert judiciaire nommé dans cette affaire .

Pour cette raison, elle me demande de me positionner, dès 09h00, ce jeudi 25 mars, non loin du 17 rue des Lys à VIVONNE, accompagné de M. Ad Z, du cabinet AGORA CONSEIL, expert mandaté par la requérante, afin de constater l'arrivée prématurée ou non de M. Ac X sur les lieux'.

Cet huissier de justice a fait le constat suivant :

A 10h20, un véhicule blanc de marque TOYOTA, immatriculé FQ 114 EG, se gare devant la maison sise 17 rue des Lys. Monsieur Z prend deux photos dudit véhicule (Annexe 1 : Photos n° 1050429 et 1050430).

Deux hommes sortent de la voiture.

M. Z m'assure que l'un d'eux est M. Ac X et me le désigne.

Postérieurement à la réunion, la représentante de la requérante me remet la feuille de présence établie lors de la réunion d'expertise et m' indique que la personne accompagnant M. Ac X est M. Ae AG (Annexe 2: Photos n°1050362 et 1050363).

M. Z prend des clichés photographiques de ces personnes, lesquelles entrent dans la maison du 17 rue des Lys.

A 10h25, les deux personnes identifiées comme étant M. Ac X et M. Ae AG ressortent de la maison, accompagnées d'une troisième personne ; M. Z m'indique qu'il s'agit du propriétaire, M. Aa A.

Ces trois personnes font le tour de la maison et discutent jusqu'à 10h45.

Les photos prises par M. Z justifiant de cet échange continu sont annexées au présent constat (Annexe 3 Photos n°1050328, 329, 330, 331, 332, 334, 335, 341, 346, 348, 354, 355, 356, 357 et 358).

A 10h45, la personne désignée comme étant M. Ac X remonte dans le véhicule blanc de marque TOYOTA et n'en ressort qu'à 10h58.

A 10h58, il attend notamment devant un véhicule de marque VOLVO qui est arrivé pendant que M. Ac X était dans le véhicule TOYOTA avec lequel il est arrivé à 10h20, conduit par M. Ae AG (Annexe 4: Photos n°1050359 et 1050360)".

L'huissier de justice, en se tenant à distance pour procéder à ses constatations, n'a usé d'aucun stratagème. Il n'a dès lors pas manqué à ses obligations.

Les photographies qu'il a annexées à son procès-verbal ont été prises en sa présence. Le procès-verbal en fait mention.

La feuille des présences annexée au procès-verbal qui en fait mention est celle qui a été remise à l'huissier de justice instrumentant.

Pour ces motifs, aucune cause d'irrégularité du procès-verbal de constat ne peut être retenue.

2 - sur des manquements de l'expert judiciaire

Par courrier en date du 30 avril 2012, Ac X a apporté au juge charge du contrôle des expertises les précisions suivantes :

‘Quand il y a une machine à forer (géotechnique) il est habituel que l'expert judiciaire vienne quelques minutes avant, pour demander des explications à son sapiteur, et surtout demander l'autorisation au propriétaire avant de faire entrer une grosse machine dans une propriété privée,

Sinon, c'est une « violation de domicile ».

-le but étant que « les investigations géotechniques » soient mises en place pour la réunion -car la réunion étant à 11h00, il ne fallait pas perdre de temps

10h20 Mr AG de FRANCE STRUCTURE, sapiteur, et Mr X sortent de la voiture et voient les techniciens de la machine à forer (qui sont arrivés bien avant)

Mr AG et Mr X disent bonjour aux techniciens et passent derrière la maison (c'est-à-dire le jardin arrière) et regardent les lieux;

Mr AG dit qu'il faut mettre la machine à forer à cet endroit X (façade arrière) et faire un sondage (reconnaissance de fondation) à cet endroit Y (façade arrière près de la fissure verticale traversante)

10h30 on sonne Chez Mr A pour lui demander l'autorisation de déplacer la grosse machine à forer (sur chenille) sur son terrain

et pour lui demander l'autorisation de faire un sondage le long de la maison (façade arrière);

car sur le devant (jardin côté rue) il y a des « petits cailloux de plusieurs couleurs et il ne faut rien abîmer.

Mr X n'est pas rentré dans la maison de Mr A (contrairement à ce qui est dit)

Mr X est resté sur le seuil de la porte.

Mr AG a accompagné Mr A pour expliquer l'emplacement de la machine à forer et la localisation du sondage

Mr A a donné son accord

Il est bien évident que si Mr A n'avait pas donné son AUTORISATION, les investigations n'auraient pu se faire !

Mr X n'ayant plus rien à faire, a attendu dans la voiture l'heure de la réunion

à 11h00 Mr X était sur la route devant la maison

- il a vu au loin 2 ou 3 personnes qui tardaient à venir (maintenant on comprend pourquoi)

-Mr X est entré avec Mr AG (sapiteur) à 11h02 dans la maison et a dit bonjour à Me CUIF qui était arrivé quelques minutes avant 11h00.

Me BOUDET (avocate de CAMCA) est arrivée avec Mr Z (expert CAMCA)et Mr AH (expert CAMCA)

Mais, bizarrement Me BOUDET n'a jamais révélé être venue plus tôt (1h plus tôt), ni Mr Z, ni Mr AH (qui est expert judiciaire honoraire)

Alors qu'au minimum Me BOUDET aurait dû demander des explications à Mr X qui les lui aurait données;

à 11h10 Me SIMON WENTREBERT est arrivée avec son expert'.

Le procès-verbal de constat précité ne révèle aucune amitié notoire entre l'expert et l'une des parties.

Aucun élément n'est produit, propre à accréditer l'existence d'une telle amitié. L'expert judiciaire a justifié sa présence sur les lieux quelques instants avant la réunion d'expertise par la nécessité d'une part de recueillir préalablement l'accord de Aa A sur l'introduction sur son fonds d'une machine à forer et sur la réalisation d'un sondage des fondations, d'autre part de déterminer avec le sapiteur (Charles Hazara) les lieux du forage et du sondage. Une telle explication est plausible et crédible. La durée de sa présence en compagnie du sapiteur sur le fonds de Aa A (de 10 h 20 à 10 h 45 aux termes du procès-verbal de constat, soit 25 minutes au plus) corrobore les explications de l'expert et exclut toute collusion de celui-ci avec Aa A et Ab B.

Le choix du sapiteur qui relève de la compétence de l'expert et auquel les appelantes se sont opposées ne révèle aucune partialité de sa part.

La maladresse de l'expert qui n'a pas avisé les parties qu'il se présenterait en avance sur les lieux de l'expertise pour préciser avec le sapiteur les conditions de son intervention et recueillir l'accord des maîtres de l'ouvrage sur celle-ci, n'est pas de nature à vicier les opérations d'expertise et à fonder sa récusation. Il sera observé que les appelantes auraient pu utilement solliciter de l'expert lors de la réunion d'expertise les raisons de sa présence sur les lieux en l'absence de l'ensemble des parties.

Pour ces motifs, l'ordonnance 12 mai 2021 sera confirmée.

D - SUR UNE PROCEDURE ABUSIVE

L'article 1240 du code civil dispose que ‘tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer’.

L'article 32-1 du code de procédure civile précise que ‘celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés’, et l'article 559 qu'en 'cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés'.

1 - recevabilité des demandes

L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à 'peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'. L'article 565 précise que "les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent' et l'article 566 que ‘les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire’.

La demande indemnitaire formée sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile par Aa A et Ab B à l'encontre de la société Axa qui n'a pas pris l'initiative de l'instance en récusation, est nouvelle devant la cour et est dès lors irrecevable.

Celle formée à son encontre à raison de l'appel incident est, par application de l'article 564 précité, recevable.

2 - sur un abus

La charge de la preuve de la faute alléguée incombe à Aa A et Ab B.

L'exercice d'une action en justice puis d'une voie de recours, même mal fondées, ne dégénère en abus que si la malice ou la mauvaise foi de son auteur sont démontrées.

Cette preuve n'est en l'espèce pas rapportée.

La demande de dommages et intérêts pour procédure abusive sera pour ces motifs rejetée.

Le prononcé d'une amende civile n'est dès lors pas fondé.

Il n'y a pour ces motifs pas lieu de prononcer à l'encontre des appelants une quelconque amende civile.

E - SUR LES DEMANDES PRESENTEES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

Le premier juge n'avait pas été saisi de telles demandes par les parties.

Il serait inéquitable et préjudiciable aux droits de Aa A et Ab B de laisser à leur charge les sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens d'appel. Il sera pour ce motif fait droit à leur demande formée de ce chef à l'encontre des sociétés Camca et Cegc pour le montant ci-après précisé.

SUR LES DÉPENS

La charge des dépens d'appel incombe aux appelantes.


PAR CES MOTIFS :

Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, par défaut et en dernier ressort,

DECLARE recevable l'appel de la société Camca Assurances (Camca) et de la Compagnie européenne de garantie et de caution (Cegc) interjeté à l'encontre;

CONFIRME l'ordonnance du 12 mai 2021du juge chargé du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Poitiers ;

y ajoutant,

DECLARE irrecevable en cause d'appel la demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de la société Axa France Iard par Aa A et Ab B sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

DECLARE recevable pour le surplus leur demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de la société Axa France Iard ;

DEBOUTE Aa A et Ab B de leurs demandes de dommages et intérêts ;

CONDAMNE in solidum la société Camca Assurances (Camca) et la Compagnie européenne de garantie et de caution (Cegc) à payer à Aa A et Ab B pris ensemble la somme de 1.800 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum la société Camca Assurances (Camca) et Compagnie européenne de garantie et de caution (Cegc) aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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