Jurisprudence : TJ Nanterre, REFERE, 17-12-2020, n° 20/01907






TRIBUNAL

ORDONNANCE DE



JUDICIAIRE DE NANTERRE

RÉFÉRÉS

RÉFÉRÉ RENDUE LE 17 Décembre 2020



N° RG 20/01907 - N° Portalis DB3R-W-B7E-VSFR



N°:

Aa A

Société WEBEDIA éditrice du

site internet Purepeople.com




DEMANDERESSE

Madame Aa A

… … … ………

… …

représentée par Maître Carine PICCIO de la SELARL ASTON, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : B0989



DEFENDERESSE

Société WEBEDIA éditrice du site internet Purepeople.com

2 Rue Paul Vaillant Couturier

92300 LEVALLOIS PERRET

représentée par Maître Armelle FOURLON, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : C277


COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président Daniel BARLOW, Premier vice-président, tenant l’audience des référés par délégation du Président du Tribunal,

Greffier : Lydia SINGRE,

Statuant publiquement en premier ressort par ordonnance Contradictoire mise à disposition au greffe du tribunal, conformément à l’avis donné à l’issue des débats.



Nous, premier vice-président du tribunal judiciaire de Nanterre, agissant sur délégation du président,


Vu l’assignation en référé délivrée le 19 août 2020 à la société Webedia, à la demande de Mme Aa A ;


Vu les conclusions de la société Webedia, déposées le 19 novembre 2020 ;

Vu les conclusions en réponse de Mme Aa A, déposées le même jour ;

Vules pièces versées aux débats par les parties et contradictoirement débattues lors de l’audience du 19 novembre 2020 ;

L’affaire ayant été mise en délibéré à ce jour,

Avons rendu la présente

ORDONNANCE

Faits et procédure

Par acte introductif d’instance du 19 août 2020, Mme A a fait assigner la société Webedia, éditrice du site internet www.purepeople.com, afin d’obtenir réparation d’atteintes aux droits de sa personnalité qu’elle estime avoir subies du fait de la publication d’un article la concernant.

Aux termes de ses conclusions susvisées, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé de ses moyens, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, elle demande au tribunal, au visa des articles 9 du code civil, et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et 835 du code de procédure civile, de :

la déclarer recevable et bien-fondée en toutes ses demandes, fins, moyens et prétentions ;

Y faisait droit :

dire et juger que la société Webedia a porté atteinte à l’intimité de sa vie privée et à son droit à l’image ;

En conséquence :

rejeter l’ensemble des demandes, fins, moyens et prétentions de la société Webedia ;

condamner la société Webedia à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

ordonner à la société Webedia le retrait des publications litigieuses toujours accessibles en ligne à l’adresse URL https://www.purepeople.com/article/sheila-aurait-retrouve-l-amour-

condamner la société Webedia à lui verser la somme de 6 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Webedia aux entiers dépens, en ce compris le coût de la réalisation du procès-verbal de constat (337,67 euros), dont distraction au profit de la SELARL Aston.



Aux termes de ses conclusions susvisées, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé de ses moyens, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société Webedia demande au tribunal, au visa des articles 9, 31, 202 et 835 alinéa 2 du code de procédure civile, et 9 du code civil, de :

À titre liminaire :

- dire n’y avoir lieu à référé et débouter Mme Aa A de l’intégralité de ses demandes dès lors que ses demandes se heurtent à des contestations sérieuses et au défaut d’urgence :

- les pièces fournies (pièces en demande n° 1, 6, 8, 9, 10.6 et 11) au soutien des prétentions de Mme Aa A sont dépourvues de force probante ;

- nulle part ne figure sur le site www.purepeople.com édité par la société Webedia ’article intitulé « Sheila aurait retrouvé l’amour : un nouvel homme dans sa vie » (pièce en défense n° 1) ;

- Mme Aa A n’administre pas la preuve de l’existence du fait matériel imputé à la société Webedia et dont elle prétend qu’il serait à l’origine de son préjudice, à savoir la mise en ligne d’un article litigieux et les contenus précis de cet article ;

- Mme Aa A ne démontre pas avec l’évidence requise en référé, ni l’urgence à saisi Mme ou M. le Président du tribunal puisque la publication daterait du 5 décembre 2019, soit serait antérieure de plus de huit mois à l’introduction de la présente action, ni le caractère incontestable de la créance indemnitaire dont elle se prévaut puisque l’article ne figure pas sur le site édité par Webedia, que la preuve de a matérialité du fait imputé à Ab est contestée en l’absence d’éléments probants fournis au soutien des prétentions de la demanderesse, et de la pratique de a demanderesse à l’égard des médias, sa complaisance avérée ressortant des pièces versées au débat et cette dernière tolérant des contenus identiques à date sur des sites tiers (pièces en défense n° 20, 74, 23, 27, 29, 93 et 87).

Si par extraordinaire, l’urgence à statuer était retenue, et les contestations sérieuses écartées :

- débouter Mme Aa A de l’intégralité de ses demandes, l’attente invoquée n’ayant pas la portée alléguée dès lors que :

- Mme Aa A s’est exprimée publiquement sur sa vie privée et familiale en postant également des éléments sur ses comptes ouverts sur les réseaux sociaux tels qu’Instagram ou Facebook (pièces en défense n° 70 et 72) ;

- Mme Aa A tolère la publication d’articles similaires sur des sites tiers y compris celui de Woic et de France Dimanche, ou Closer, MSN ou le Figaro (pièces en défense n° 20, 74, 23, 27, 29, 93 et 87), les auteurs de la révélation de sa relation avec M. Ac Ad, réelle ou supposée ;

- l’article reproduit dans les pièces versées par la demanderesse ne caractérise pas une atteinte à la vie privée au visa de l’article 9 du code civil de l’ampleur invoquée par a demanderesse ;

- Mme Aa A, par son comportement devant l’objectif des photographes, a accepté tacitement l’utilisation des photographies d’elle prises lors d’évènements publics ;

- la photographie issue du compte Instagram de Mme Aa A, comme celle de M. Ac Ad (pièce en défense n° 70), ouverts à tous sans restriction d’accès, sont publiques et en ligne, à date ;

- Mme Aa A tolère la publication de clichés identiques ou similaires sur des sites tiers ;

- les clichés ne relèvent pas d’une atteinte au droit à l’image de la demanderesse ;

- Mme Aa A témoigne d’une évidente complaisance à l’égard de la médiatisation de son image et de sa vie privée (pièces en défense n° 2 à 4, 14 à 20.2, 22 à 35, 55, 56, 66 à 76, 80, 87.3 et 88 à 99) ;

- Mme Aa A se livre par interviews diffusées sur tous types de médias au sujet de sa vie privée et familiale (pièces en défense n° 2 à 4, 14 à 20.2, 22 à 35, 55, 56, 66 à 76, 80, 87.3 et 88 à 99) et diffuse régulièrement des publications relatives à sa vie privée et à son image sur ses propres réseaux sociaux, ouverts sans restriction

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d’accès au public, faisant également la promotion desdites interviews (pièce en défense n° 72) ;

- la demanderesse en verse aucune pièce visant à justifier de ses prétentions ou encore de la répercussion des articles sur sa vie professionnelle ou encore personnelle, la seule attestation versée au débat la concernant évoquant un état non décrit et sans lien avec la prétendue publication de la défenderesse ;

- la demanderesse ne justifie pas du préjudice invoqué, ni dans son principe, ni dans son ampleur, les prétendues audiences recueillies auprès d’un site marchand (similar web) concernant le site de la défenderesse n’étant pas prouvées, les pièces produites pour ce faire (pièce en demande n° 2.1) étant contredites par les chiffres recueillis par l'ACPM (pièces en défense n° 77 à 79) pour les sites www.voici.fr et www.closermag,.fr, ce qui met en cause dans les conditions du référé les preuves fournies par la demanderesse.

Si, à titre encore plus extraordinaire, l’atteinte est jugée caractérisée :

- juger en tant que de besoin et s’il devait être considéré qu’il a été porté atteinte aux droits de la demanderesse qu’il ne peut lui être allouée d’autres réparations que symbolique et de principe ;

En tout état de cause :

- condamner la demanderesse au paiement au profit de la société Webedia d’une somme de 6 000 euros en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la demanderesse aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Armelle Fourlon, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Les parties ont été entendues à l’audience du 19 novembre 2020.


Motifs de la décision

Sur la m atérialité des faits à l’origine des atteintes revendiquées par la dem anderesse

Pour établir la matérialité de la publication qu’elle regarde comme attentatoire à ses droits, Mme A produit un procès-verbal de constat d’huissier sur internet dressé le 12 décembre 2019 dont la société Webedia conteste la force probante motif pris de sa non-conformité à la norme NF Z67- 147 en ce que :

- aucune analyse virale et des logiciels espions n’a été faite ;

- les mots de passe, données de connexion et données de saisie automatiques n’ont pas été supprimées ;

- l’huissier a procédé à 40 captures d’écran sans joindre à son procès-verbal aucune impression des pages reproduites de le corps de celui-ci ;

- ces captures d’écran n’indiquent ni la date ni l’heure à laquelle elles ont été réalisées ;

- ce procès-verbal ne reprend pas le modèle de la norme précitée, certains éléments factuels n’y figurant pas, en ce qui regarde notamment les conditions d’accès aux pages litigieuses.

Conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l’article 1°" de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice, les constatations matérielles effectuées par un huissier font foi jusqu’à preuve contraire. Les normes homologuées par l’Association française de normalisation (AFNOR) sont, selon l’article 17 du décret n° 2009-697 du 16 juin 2009, d’application volontaire. Elles peuvent toutefois être rendues obligatoires par arrêté ministériel et font alors l’objet d’une publication permettant leur consultation gratuite sur le site de cette association.



En l’espèce, la norme à laquelle la société défenderesse se réfère n’a pas fait l’objet d’une telle homologation, sa consultation sur le site de l'AFNOR étant en accès payant. Le non-respect des prescriptions de ce référentiel ne saurait dès lors, en lui-même, faire conclure au caractère non- probant du constat d’huissier produit par Mme A, le moyen développé de ce chef par la société Webedia manquant en droit.

Les constatations opérées par les huissiers de justice sur internet n’en sont pas moins soumises à des prérequis techniques, imposés afin de s’assurer de leur authenticité, leur transparence et leur fiabilité, le tribunal devant être en mesure de :

- définir le matériel utilisé, le système d’exploitation étant susceptible d’affecter le visionnage de la page web ;

- connaître l’adresse IP de l’ordinateur utilisé, qui identifie un matériel sur le réseau internet et permet de vérifier au moyen du journal de connexions du serveur interrogé les pages réellement consultées ;

- s’assurer qu’une connexion directe entre l’ordinateur et le site visité a été établie, que tout serveur proxy est absent et que le protocole DNS n’implique aucune substitution de nom de domaine, que a mémoire cache du navigateur a été préalablement vidée et que l’ensemble des fichiers temporaires stockés sur l’ordinateur ainsi que les cookies et l’historique de navigation ont été supprimés, ces formalités permettant s’assurer de la réalité de la connexion entre l’ordinateur et le site et que la page visitée est bien celle accessible en ligne lors de l’impression et non une page précédemment visitée gardée en mémoire cache et potentiellement inexistante à cet instant ;

- déterminer avec certitude la date de la consultation ainsi que l’authenticité de son contenu pour avoir la garantie qu’aucune modification n’a été réalisée entre la consultation du site et la reproduction des pages qui en sont issues.

Ces différents éléments font l’objet d’une appréciation ’n concreto prenant en considération les conséquences pratiques d’éventuelles carences au regard de la fiabilité et de la crédibilité des constatations consignées dans le procès-verbal.

Il apparaît, à l’aune de ces exigences, que le moyen développé par la société Webedia manque en fait dès lors que :

- le matériel utilisé et le fournisseur d’accès sont clairement identifiés dans le constat litigieux (aux pp. 2 et 4), de même que l’adresse IP de l’ordinateur utilisé (p. 3) ;

- l’huissier s’est préalablement assuré de l’absence de connexion à un serveur proxy (p. 4) ;

- les données de navigation (mémoire cache, fichiers de navigation, cookies) ont été effacées préalablement à ses constatations (p. 5) ;

- s’il n’est pas fait référence à la mise en œuvre d’une analyse des virus et logiciels espions, cette considération n’apparaît pas de nature à compromettre la véracité des constats opérés, la société Webedia ne démontrant pas en quoi cette carence aurait influencé ceux-ci ;

- aucun mot de passe ni aucune donnée de saisie automatique signifiante n’étant requis pour accéder au site « purepeople.com », leur absence de suppression n’a aucune incidence pratique et n’affecte en rien les constatations de l’huissier qui, en toute hypothèse, a procédé, préalablement à ses constatations, à la suppression de toutes ses données de navigation ainsi qu’il résulte des mentions portées en page 5 du procès-verbal ;

- l’absence de production en annexe de l’impression des pages consultées est sans incidence sur la validité des constatations opérées dès lors que ces pages sont clairement et lisiblement reproduites dans le corps du procès-verbal, sous la forme d’insertions de captures d’écran, ces constatations matérielles, exploitables comme telles, faisant foi jusqu’à preuve contraire, preuve que la société

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défenderesse ne rapporte pas en l’espèce ;

- la date et l’heure du début des constatations sont expressément indiquées en première page du

procès-verbal, réalisation de chaque la société capture Webedia d’écran n’explicitant serait nécessaire pas en à la quoi validité la mention de celles-ci de ; l’heure précise de

- contrairement à ce qu’affirme la défenderesse dans ses écritures, le procès-verbal querellé précise bien le nom et la version du navigateur utilisé (p. 2) ainsi que les modalités de vérification de l’absence de connexion à un serveur proxy (p. 4), peu important à cet égard que celles-ci ne reproduisent pas celles énoncées par la normes AFNOR précitée, la démarche employée étant propre au navigateur en question ;

- il apparaît, de même, que l’huissier précise bien avoir lancé son navigateur avant de débuter sa recherche à partir du moteur de recherche www.google.fr (p. 6), l’absence de mention de la référence du dit navigateur à cet endroit du constat étant sans incidence dès lors que ces références ont été préalablement précisées ;

- les conditions d’accès aux pages litigieuses sont clairement détaillées et sont exemptes de toutes recherche effectuée à partir de liens communiqués par le requérant, pour procéder par interrogation par mots-clefs à partir du moteur de recherche Google (pp. 6 à 10) ;

- l’absence d’énonciation postérieure aux constatations factuelles est sans incidence sur la validité de celles-ci.

Si la société défenderesse relève, à juste titre, l’incohérence contenue dans ce procès-verbal, du fait de la mention figurant en page 9, par laquelle l’huissier instrumentaire indique : « Je clique sur le premier résultat » avant de reproduire une capture d’écran relative à un lien conduisant à un article publié sur internet par le magazine Loic, ce point n’apparaît pas de nature à invalider l’entier procès- verbal ni dénier force probante aux autres constatations dès lors que :

- celles-ci font clairement et distinctement apparaître l’adresse url du site « purepeople.com » permettant d’attribuer cette publication à la société défenderesse ;

-le lien ayant été utilisé pour conduire à l’article litigieux figure en capture d’écran n° 11 reproduite en page 8 du procès-verbal ;

- l'huissier instrumentaire atteste sous son sceau que la référence au lien conduisant au site internet du magazine Voici procède d’une erreur matérielle (pièce n° 11 en demande), laquelle se trouve au demeurant compensée par la reproduction précitée du lien utilisé.

Enfin, la copie d’écran produite par la société Webedia (pièce n° 1) pour rapporter la preuve contraire ne saurait être regardée comme de nature à invalider ces constatations ni établir l’absence de mise en ligne alléguée, s'agissant d’une simple impression d’écran ne comportant aucune garantie sur la fiabilité de son contenu et de sa date, cette dernière étant au demeurant postérieure à celle de l’assignation.

En considération de l’ensemble de ces éléments, le procès-verbal produit par la demanderesse doit être regardé comme force probante de la diffusion, le 12 décembre 2019, sur le site internet www.purepeople.com, ayant d’un article consacré à Mme C A, sous le titre « Sheila aurait retrouvé l’amour : un nouvel homme dans sa vie ».

Sur l’urgence et les pouvoirs du juge des référés

Aux termes de l’article 9, alinéa 2, du code civil, les j juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée, que ces mesures pouvant, s’il y a urgence, être ordonnées en référé.



Le juge des référés tient par ailleurs de l’article 835 du code de procédure civile le pouvoir de prescrire, même en présence d’une contestation sérieuse, les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation, même s’il s’agit d’une obligation de faire.

La seule constatation de l’atteinte portée par une publication à la vie privée et au droit de chacun des ’opposer à la publication de son image caractérise |’ urgence et ouvre droit à réparation. La forme de cette réparation est laissée à la libre appréciation du juge, qui tient des dispositions précitées le pouvoir de prendre, au besoin en référé, toutes mesures propres à empêcher ou à faire cesser l’atteinte, ainsi qu’à réparer le préjudice qui en résulte (1 Civ., 12 décembre 2000, pourvoi n° 98- 17.521, Bull. 2000, I, n° 321).

En l’espèce, Mme A, qui revendique une atteinte à l’intimité de sa vie privée et au droit qu’elle a sur son image, fonde son action tant sur les dispositions du second alinéa de l’article 9 du code civil que sur celles du deuxième alinéa de l’article 835 du code de procédure civile.

La société défenderesse ne saurait dès lors, sur la simple affirmation d’un défaut d’urgence tiré de l’ancienneté de la publication litigieuse, conclure au caractère infondé de la voie procédurale choisie.

Elle ne saurait davantage tirer argument du retrait de la publication litigieuse, lequel, à le supposé établi, n’exclut pas l’octroi en référé d’une provision pour le cas où l’obligation ne serait pas sérieusement contestable.

Le moyen tiré de ces chefs, à titre liminaire, ne saurait dès lors prospérer en dehors de tout examen relatif à la caractérisation des atteintes en débat.

Sur les atteintes aux droits de la personnalité

Les articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 9 du code civil garantissent à toute personne, quelles que soient sa notoriété, sa fortune ou ses fonctions, le droit au respect de sa vie privée et le droit à la protection de son image.

L’article 10 de la même convention protège concurremment la liberté d’expression et l’exercice du droit à l’information.

Les droits ainsi énoncés ayant la même valeur normative, il appartient au juge saisi de rechercher un équilibre entre eux et de privilégier, le cas échéant, la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime.

Pour procéder à leur mise en balance, il y a lieu, suivant la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, de prendre en considération la contribution de la publication incriminée à un débat d’intérêt général, la notoriété de la visée, du le

antérieur de la personne concernée, le contenu, personne la forme et les l’objet répercussions reportage, de la publication comportement ainsi,

le cas échéant, que les circonstances de la prise des photographies.

La définition de ce qui est susceptible de relever de l’intérêt général dépend des circonstances de chaque affaire, le caractère public ou la notoriété d’une personne influant sur la protection dont sa vie privée peut ou doit bénéficier.

Il résulte en l’espèce du procès-verbal de constat produit par la demanderesse que l’article litigieux a été publié sur le site internet www.purepeople.com, sous le titre « Sheila aurait retrouvé l’amour : un nouvel homme dans sa vie ». Portant sur la relation sentimentale réelle ou supposée entre Mme A et M. Ad, il mentionne en chapeau que « À 74 ans, Ae aurait retrouvé l’amour dans les bras d’un beau rockeur guitariste » et fait état de ce qu’ils « ne se quitteraient plus », livrant des



détails sur les circonstances de leur rencontre en 2009 lors de la tournée de concerts « Âge tendre et têtes de bois ».

L’article est illustré par un vidéo-montage comportant seize photographies issues de l’iconographie de la demanderesse, ainsi que de deux photographies issues de son compte Instagram et de celui de M. Ad, les figurant sur une scène lors d’un concert.

Les informations ainsi diffusées portent atteinte à l’intimité de la vie privée de la demanderesse, pour concerner l’évocation non consentie d’une relation sentimentale qui lui est imputée et au sujet de laquelle il n’est pas démontré qu’elle se soit jamais exprimée publiquement, leur exploitation ne pouvant par ailleurs tirer sa justification de la légitime information du public sur un fait d’actualité, pas plus que d’un quelconque débat d’intérêt général.

La société défenderesse ne saurait, à cet égard, valablement se prévaloir de la reprise d’une information diffusée par d’autres médias, la publicité à laquelle elle se réfère résultant de violation antérieure de la vie privée de Mme A.

La publication de photographies officielles de la demanderesse, ou issues de son compte Instagram, méconnaît quant à elle le droit qu’elle a sur son image dès lors que ces clichés ont été utilisés sans son consentement en étant détournés de leur contexte d’origine pour illustrer une atteinte à sa vie privée.

Sur la réparation des atteintes portées aux droits de la personnalité de Mme A

La seule constatation de l’atteinte par voie de presse au respect dû à la vie privée et à l’image ouvre droit à la réparation d’un préjudice qui, comme l’affirme la Cour de cassation, existe par principe et dont l’étendue dépend de l’aptitude du titulaire des droits lésés à éprouver effectivement le dommage.

La forme de la réparation est laissée à la libre appréciation du juge, qui tient de l’article 9, alinéa 2, du code civil le pouvoir de prendre toutes mesures propres à empêcher ou à faire cesser l’atteinte et en réparer les conséquences dommageables, l’évaluation du préjudice étant appréciée au jour où il statue.

En l’espèce, l’étendue du préjudice moral causé à Mme A doit être appréciée en considération de la nature des atteintes relevées, qui mettent en cause la vie sentimentale de

Elle doit en outre tenir compte des répercussions de cette publication sur l’intéressée, telles qu’établies par les deux attestations qu’elle verse aux débats (pièces n° 4-1 et 4-2).

Si la société éditrice invoque l’absence de caractère inédit des informations publiées, cette considération n’est pas de nature à annihiler le préjudice subi, cette reprise, qui n’est pas intervenue dans un même trait de temps que la diffusion originelle, étant à l’origine d’un préjudice distinct et se répercutant sur l’intéressé ainsi qu’il résulte des attestations précitées.

Apparaissent en revanche de nature à minorer le préjudice le ton mesuré de l’article, le caractère faiblement attentatoire à la vie privée des clichés d’illustration et le fait que la demanderesse s’est, depuis de nombreuses années, beaucoup exprimée dans divers articles consentis sur des sujets touchant à sa vie privée, en particulier à sa vie sentimentale et familiale, à l’occasion de la promotion de ses activités professionnelles. Elle a ainsi volontairement contribué, pour des raisons qui lui appartiennent, à attiser une curiosité renouvelée du public sur sa vie privée, démontrant une moindre sensibilité à l’exposition publique de celle-ci.

En considération de ces éléments, il sera alloué à Mme A une somme — globale, faute de ventilation des différents chefs de préjudice revendiqués — de 2 500 euros à valoir sur la réparation du préjudice subi à la suite des atteintes portées à sa vie privée et au droit qu’elle a sur son image.



Mme A ne contestant pas le retrait des publications mises en ligne sur internet, sa demande de retrait est devenue sans objet et sera, comme telle, écartée.

Sur les frais et dépens

La société Webedia, qui succombe, sera condamnée aux dépens, ainsi qu’à payer à Mme A une somme que l’équité commande de fixer à 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.


PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort par mise à disposition au greffe le jour du délibéré,

Condamnons la société Webedia à payer à Mme Aa A une indemnité provisionnelle de deux mille cinq cents euros (2 500 €) à valoir sur la réparation de son préjudice moral résultant de l’atteinte au respect dû à sa vie privée, et au droit qu’elle a sur son image, par la publication d’un article la concernant et de clichés photographiques la représentant sur le site www.purepeople.com le 12 décembre 2019 ;

Rejetons toute demande plus ample ou contraire ;

Condamnons la société Webedia à payer à Mme Aa A une somme de deux mille euros 2 000 €) en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons la société Webedia aux dépens ;

Rappelons que la présente décision est exécutoire par provision.

FAIT A NANTERRE, le 17 Décembre 2020.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.

Lydia SINGRE, Daniel BARLOW, Premier vice-président

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