Jurisprudence : CA Lyon, 19-11-2020, n° 18/00895, Infirmation

CA Lyon, 19-11-2020, n° 18/00895, Infirmation

A115437U

Référence

CA Lyon, 19-11-2020, n° 18/00895, Infirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/61493959-ca-lyon-19-11-2020-n-18-00895-infirmation
Copier

N° RG 18/00895

N° Portalis DBVX - V - B7C - LQIJS

Décision du tribunal de grande instance de LYON

Au fond du 14 décembre 2017

Chambre 3 cab 03 D

RG : 17/05762

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 19 Novembre 2020


APPELANTE :

SARL TECHNIQUE EXTREME AND CIE

200 avenue de l'Aiguille du Midi

74400 CHAMONIX MONT BLANC

représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 938

et pour avocat plaidant Maître Laurent MERLET de L'AARPI ARTLAW, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

SARL AVOMARKS

55 rue Uranus Parc Altaïs

74650 CHAVANOD

représentée par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1547

et pour avocat plaidant la SELARL STOULS ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1141

Date de clôture de l'instruction : 02 Avril 2019 Date des plaidoiries tenues en audience publique : 30 Septembre 2020

Date de mise à disposition : 5 novembre 2020 prorogée au 19 novembre 2020, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile


Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Anne WYON, président

- Françoise CLEMENT, conseiller

- Annick ISOLA, conseiller

assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier

A l'audience, Anne WYON a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.


La société Avomarks fabrique et vend des Tee-shirts humoristiques. Elle a déposé le 4 août 2016 la marque verbale «attention râleur» enregistrée sous le numéro 16 4 291 787 pour, notamment, des vêtements et des tee-shirts, articles appartenant à la classe numéro 25.

La société Technique Extrême And Cie (ci-après Technique Extrême) exploite à Chamonix-Mont-Blanc, Bourg-Saint-Maurice et La Plagne trois magasins de vente et de location d'articles de sport. Elle a commercialisé des articles de la société Avomarks à partir de 2012.


Par jugement du 14 décembre 2017, le tribunal de grande instance de Lyon saisi par la société Avomarks a :

- dit qu'en apposant le signe attention râleur sur des tee-shirts, la société Technique Extrême avait commis des actes de contrefaçon par reproduction,

- condamné la société Technique Extrême à verser à la société Avomarks la somme de 5 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice,

- fait interdiction à la société Technique Extrême de faire usage de cette marque,

- débouté la société Avomarks de sa demande de publication

- condamné la société Technique Extrême à payer à la société Avomarks la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.


La société Technique Extrême a relevé appel de ce jugement par déclaration du 7 février 2018.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 janvier 2019, la société Technique Extrême demande à la cour de :

"infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :

* déclarer nul le procès-verbal de constat dressé le 16 février 2017 par Me Saint-Martin, huissier à Moutiers, l'écarter des débats

" dire et juger que la société Avomarks n'apporte aucune autre preuve de la contrefaçon.

" subsidiairement, dire et juger que la société Avomarks ne démontre pas que le tee-shirt en cause serait contrefaisant en ce qu'il constituerait une copie du tee-shirt commercialisé avec son autorisation,

‘très subsidiairement, réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Technique Extrême à verser 5.500 euros à la société Avomarks à titre de dommages et intérêts.

En tout état de cause :

" débouter la société Avomarks de toutes ses demandes,

"la condamner au paiement à son profit d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

‘la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Me Laffly, Avocat, sur son affirmation de droit.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 mars 2019, la société Avomarks demande à la cour de :

! confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 14 décembre 2017 en ce qu'il a :

- dit que la société Technique Extrême, en apposant le signe attention raleur sur des tee-shirts, a commis des actes de contrefaçon par reproduction de la marque française attention raleur n°16 4 291 787,

- fait interdiction à la Société Technique Extrême de reproduire et de faire usage de la marque attention raleur n°16 4 291 787 pour des tee-shirts ou tout autre produit ou service protégé par ce dépôt ;

- condamné la société Technique Extrême à payer à la société Avomarks la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Technique Extrême aux dépens, distraits au profit de la Selarl Stouls & associés.

* condamner la société Technique Extrême à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

"ordonner la publication de l'arrêt à intervenir, dans les dix jours de son prononcé, aux frais de la Société Technique Extrême, dans trois journaux ou magazines, professionnels ou non, dans la limite de 5.000 euros H.T par insertion ;

" autoriser la société Avomarks à sa seule discrétion à publier le dispositif de l'arrêt à venir sur son site Internet ;

* condamner la société Technique Extrême à payer à la société Avomarks la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

* condamner la société Technique Extrême aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'huissier, notamment de procès-verbaux de constat, les dépens d'appel distraits au profit de Me Beaufumé, avocat, sur son affirmation de droit.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture est en date du 2 avril 2019.


MOTIVATION

-_sur le procès-verbal de constat du 16 février 2017 :

La société Technique Extrême conclut à la nullité du constat d'achat dressé le 16 février 2017 à la Plagne à l'initiative de la société Avomarks. Elle soutient qu'il constitue en réalité une saisie-contrefaçon descriptive réalisée sans l'autorisation de la juridiction civile compétente prévue par l'article L 716-7 du code de la propriété intellectuelle. Elle rappelle que ce constat est le seul élément sur lequel s'est fondé le tribunal pour retenir à sa charge l'existence d'une contrefaçon.

Aux termes de l'alinéa 1 de l'article L. 716-7 du code de la propriété intellectuelle, la contrefaçon de marques peut être prouvée par tous moyens. La preuve de la contrefaçon peut s'effectuer notamment par la réalisation d'un procès-verbal de constat d'achat qui n'est pas une saisie-contrefaçon et n'a donc pas à être autorisé judiciairement.

Les huissiers de justice sont habilités, par l'article 1er de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers, à effectuer à la requête de particuliers, "des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter". Ces constatations, en matière civile, font foi jusqu'à preuve contraire.

En l'espèce, l'huissier a constaté que M. Aa, tiers à son étude et à la société requérante, qu'il avait requis, est entré dans le magasin Technique Extrême de la Plagne les mains vides, qu'il a choisi des tee-shirts qu'il a ensuite payés, puis qu'il est ressorti du magasin avec un sac qu'il lui a remis.

Après avoir écarté un tee-shirt ne correspondant pas à un modèle créé par la société Avomarks, l'huissier a pris un cliché de chacun des 12 tee-shirts restants. Dans son constat, il a reproduit au-dessus de chaque photographie le texte de l'inscription qui figurait sur le vêtement représenté, en indiquant la couleur du vêtement et en nommant le sujet qui y était imprimé tels un skieur, une marmotte, des jeunes filles en ski et snowboard etc. En fin de constat, l'huissier a inséré une photographie agrandie de l'étiquette cousue à l'intérieur des tee-shirts.

Les indications du constat reproduisent strictement ce que montrent les photographies, et le tout permet l'identification exacte des produits achetés qu'elles décrivent sommairement afin de prévenir toute contestation de ce chef.

C'est pourquoi l'acte ne peut être considéré comme constituant une saisie descriptive déguisée. Il ne préjudicie en rien aux droits de la société Technique Extrême et a été établi dans des conditions conformes aux règles de droit commun régissant les constats d'huissier ; il n'encourt donc pas l'annulation à ce titre.

La société Technique Extrême fait également valoir que la seule mention du nom et du prénom du tiers acheteur et son absence de lien avec l'étude et la société requérante ne sont pas suffisantes, faute par l'huissier de s'être assuré de l'identité de ce tiers par la remise de sa carte d'identité, seul élément permettant selon elle d'écarter avec certitude tout lien avec l'étude et la société requérante. Elle soutient que l'acte encourt également l'annulation sur ce point.

Les mentions du nom et du prénom du tiers acheteur permettent d'identifier celui-ci, et à la société Technique Extrême de s'assurer de la loyauté de l'acte. Elles certifient en outre que cette identité est connue de l'huissier, ce qui suffit à assurer la régularité de l'acte sans qu'il soit nécessaire d'y adjoindre la copie d'une pièce d'identité de l'acheteur, ce que n'exige aucun texte. L'acte n'encourt donc pas davantage l'annulation de ce chef.

-_sur la contrefaçon :

La société Avomarks se fournit auprès de la SAS Solo Invest en tee-shirts vierges qui sont ensuite imprimés par une société tierce.

Il n'est pas contesté que les parties ont mis fin à leurs relations contractuelles début 2016 et que la société Technique Extrême détenait encore 2 000 tee-shirts de la société Avomarks à cette date, ce qu'elle a écrit au conseil de la société Avomarks dans un courrier du 8 avril 2016, en préscisant qu'elle espérait les écouler durant la saison d'été.

La société Avomarks indique que le tee-shirt rouge ‘attention râleur' qui figure en p 13 et 14 du constat dressé à la Plagne le 16 février 2017 est une contrefaçon.

La société Technique Extrême répond qu'elle a acquis ce tee-shirt litigieux auprès de la société Avomarks lorsqu'elles étaient encore en relations d'affaires. Elle rappelle son courrier du 8 avril 2016, affirme que celui-ci provient de son stock résiduel et fait observer que son adversaire ne démontre pas que ce tee-shirt serait contrefaisant.

La société Avomarks répond que ce tee-shirt porte à l'intérieur du col la marque Solo Invest et non la sienne comme les maillots qu'elle commercialise, qu'il est de taille 8 ans, que la société Technique Extrême a commandé cette taille pour la dernière fois le 7 janvier 2015, en 10 exemplaires seulement, et qu'elle démontre que la société Technique Extrême a acheté en 2016 des tee-shirts à la société Solo Invest, son propre fournisseur. Elle précise qu'elle n'utilisait que la couleur rouge correspondant au code Pantone 154 alors que le tee-shirt litigieux n'est pas du même rouge, et que la qualité d'impression du transfert sur le tee-shirt litigieux est différente de celle de ses produits.

Toutefois, la société Avomarks ne justifie ni que tous les tee-shirts qu'elle vend portent sans aucune exception sa marque à l'intérieur de l'encolure, et non l'étiquette 'Solo Invest', ni qu'elle n'utilise que le rouge Pantone n°154 pour ses collections à l'exclusion de toute autre couleur rouge, comme celle du tee-shirt litigieux.

Dans ces conditions la société Avomarks ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, que le tee-shirt figurant pages 13 et 14 du constat d'achat est un de ceux qu'elle a livrés à la société Technique Extrême en 2015 et constitue une contrefaçon.

Le jugement dont appel sera donc infirmé en ce qu'il a retenu que cet article constituait une contrefaçon, et la société Avomarks sera déboutée de toutes ses demandes.

L'équité commande d'allouer à la société Technique Extrême, une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande sur ce point de la société Avomarks qui supportera les dépens.


PAR CES MOTIFS La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon le 14 décembre 2017 et, statuant à nouveau,

Déboute la société Avomarks de toutes ses demandes ;

La condamne à payer à la société Technique Extrême la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de Me Laffly, avocat, sur son affirmation de droit.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Agir sur cette sélection :

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus