RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 2
ARRÊT DU 22 OCTOBRE 2020
(n° 307 , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01235 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBJXE
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 24 Décembre 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2019048541
APPELANTE
SAS TREEZOR agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège,
41 rue de Prony
75017 PARIS
Représentée par Me Martine CHOLAY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0242
Assistée par Me Agathe AUMONT, PRISMA Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : D0258
INTIMÉE
Société EXIDE TECHNOLOGIES S.R.L Société de droit italien agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité
via Dante 100
24058 ROMANO DU LOMBARDIA (ITALIE)
Représentée par Me Marie JANET de la SCP SCP BLUMBERG & JANET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : G0249
Assistée par Me Dimitri GREMONT substituant Me Sébastien SCHAPIRA, avocat au barreau de PARIS, toque : E314
AUTRE PARTIE :
SELARL ASPERTI DUHAMEL prise en la personne de M. Aa Ab
Tribunal de commerce (2ème étage)
1 Quai de la Corse
75004 PARIS Défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 Septembre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Hélène GUILLOU, Présidente
M. Thomas RONDEAU, Conseiller
Mme Michèle CHOPIN, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Ac A les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Lauranne VOLPI
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Hélène GUILLOU, Présidente de chambre et par Lauranne VOLPI, Greffière,
* EXPOSE DU LITIGE
La société Treezor est un établissement de monnaie électronique, au sens de l'article 526-1 du code monétaire et financier, agréée par l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Elle a pour activité l'émission et les gestion de la monnaie électronique et la fourniture de services de paiement.
Le groupe Exide Technologies, spécialisé dans le stockage d'énergie pour l'automobile et l'industrie, est représenté en Europe par la SAS Exide Technologies et dispose de plusieurs filiales en Europe,
dont Exide Technologie SRL, dite encore Exide Italie.
Le 21 mai 2019, la société SRL Exide Technologies recevait de Mme Ad Ae, au nom de la
société Daramic, auprès de qui la société SRL Exide Technologies s'approvisionne régulièrement, un RIB, dont le bénéficiaire était la société DIRAMIC, et un courriel annonçant de nouvelles
coordonnées bancaires.
La société SRL Exide Exide Technologies a donné l'ordre à la Bank Of America Merrill Lynch de procéder au règlement par virement des sommes de 89.546, 35 euros, 153.227, 85 euros, 101.744, 02 euros, et 40.550, 88 euros correspondant aux factures émises par la société Daramic les 22 février, 28 février, 8 mars et 15 mars 2019 sur un compte de paiement tenu par la société Treezor.
Le 20 juin 2019, la société Daramic a alerté la société Exide Technologie SRL de l'usurpation de ses coordonnées bancaires, de sorte que la société Exide Technologies SRL a déposé plainte le même
jour.
Dès le 21 juin 2019, la Bank of America sollicitait le blocage et la restitution des fonds auprès de la
société Treezor.
Par ordonnance sur requête en date du 10 juillet 2019, le président du tribunal de commerce de Paris a désigné la SELARL Asperti Duhamel, huissier avec pour mission de :
se rendre dans les locaux de la SAS Treezor ;
y saisir tous les documents afférents à l'ouverture du compte litigieux et aux diligences effectués par la SAS Treezor une fois avertie de l'existence de la fraude.
L'ordonnance a été signifiée à la SAS Treezor le 19 juillet 2019. L'huissier a exécuté sa mission le 24 juillet 2019 avec l'aide d'un expert informatique et a placé les documents saisis sous séquestre.
Par exploit du 3 septembre 2019, la SRL Exide Technologie a assigné la SAS Treezor devant le juge des référés et lui a demandé de :
- ordonner l'ouverture du séquestre ;
- juger que la SELARL Asperti Duhamel sera autorisée à verser aux débats le procès-verbal de ses constatations ainsi que le rapport dressé par l'expert informatique et l'ensemble des informations collectés le 19 juillet 2019 à l'occasion de sa mission ;
- condamner la SAS Treezor à payer à la SRL Exide Technologies la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En défense, la SAS Treezor a demandé au juge de :
In limine litis :
- annuler le procès-verbal de constat du 24 juillet 2019 et annuler en conséquence les opérations de constat, d'analyse différée et de séquestre des 19 et 24 juillet 2019,
- ordonner la restitution à la SAS Treezor de l'ensemble des documents séquestrés à l'étude de la SELARL Asperti Duhamel et la destruction de toutes sauvegardes et copies physiques ou numériques desdits documents et fichiers,
- débouter la SRL Exide Technologies de l'ensemble de ses demandes,
A titre principal :
- déclarer la SAS Treezor recevable en sa demande de rétractation de l'ordonnance du 10 juillet 2019,
- ordonner la rétractation de cette ordonnance en toutes ses dispositions,
- ordonner la restitution à la SAS Treezor de l'ensemble des documents séquestrés à l'étude de la SELARL AD et la destruction de toutes sauvegardes et copies physiques ou numériques desdits documents et fichiers,
- débouter la SRL ET de l'ensemble de ses demandes ;
A titre subsidiaire :
- dire que seules les pièces en rapport avec le litige pourront être transmises aux parties, à l'exclusion des pièces suivantes, qui devront être détruites :
les pièces ne comportant aucun des mots clés cités dans l'ordonnance du 10 juillet 2019 ;
les pièces mentionnant les mots clés cités dans l'ordonnance mais sans rapport avec le litige ;
les pièces confidentielles, couvertes par le secret professionnel, sans rapport avec le litige
- ordonner la comparution de l'huissier et de l'expert informatique ayant procédé à la mesure d'instruction afin de procéder, avec l'aide de la SAS Treezor, au tri des documents séquestrés,
En toute hypothèse :
- débouter la SRL ET de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la SRL ET à payer à la SAS Treezor la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par ordonnance contradictoire rendue le 24 décembre 2019, le président du tribunal de commerce de Paris a :
- dit la demande de rétractation formulée par la SAS Treezor recevable,
- dit la signification de l'ordonnance du 10 juillet 2019 valable,
- débouté la SAS Treezor de sa demande d'annulation du procès-verbal de constat du 24 juillet 2019, de rétractation de l'ordonnance du 10 juillet 2019 et de l'ensemble des demandes qui en découlent,
- condamné la SAS Treezor à payer à la SRL Exide Technologies la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclaration en date du 9 janvier 2020, la SAS Treezor a interjeté appel de cette décision, critiquant tous les chefs de l'ordonnance sauf en ce qu'elle a dit sa demande de rétractation recevable.
Aux termes de ses conclusions communiquées par la voie électronique le 29 avril 2020, elle demande à la cour de :
« Vu les articles 145, 16, 173, 494, 495 alinéa 3 du Code de procédure civile,
Vu les articles 496 alinéa 2 et 497 du Code de procédure civile ;
Vu les articles 145 et 493 du Code de procédure civile,
Vu l'article L.133-21 du Code monétaire et financier,
"INFIRMER l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :
- Dit la signification de l'ordonnance du 10 juillet 2019 valable,
Débouté la société TREEZOR de sa demande d'annulation le procès-verbal de constat du 24 juillet 2019, de rétractation de l'ordonnance du 10 juillet 2019 et de l'ensemble des demandes qui en découlent ;
Renvoyé la cause à notre audience du 22 janvier 2020 à 14 heures pour statuer sur la demande de levée de séquestre de la SOCIETE EXIDE TECHNOLOGIES SRL, société de droit italien ;
- Condamné la SAS TREEZOR à payer à la SOCIETE EXIDE TECHNOLOGIES SRL, société de droit italien, la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du CPC ;
- Rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties ;
- Condamné en outre la SAS TREEZOR aux dépens de l'instance ;
" CONFIRMER l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré recevable la Société TREEZOR recevable en sa demande de rétractation de l'ordonnance du 10 juillet 2019
Statuant à nouveau :
In limine litis :
- ANNULER procès-verbal de constat du 24 juillet 2019 et annuler en conséquence les opérations de constat, d'analyse différée et de séquestre des 19 et 24 juillet 2019 ;
- ORDONNER restitution à la société TREEZOR de l'ensemble des documents et fichiers séquestrés à l'étude de la SELARL ASPERTI-DUHAMEL, huissiers de justice et la destruction de toutes sauvegardes et copies physiques ou numériques desdits documents et fichiers que la SELARL ASPERTI-DUHAMEL aurait pu conserver ;
- DEBOUTER société EXIDE TECHNOLOGIES SRL de l'ensemble de ses demandes ;
En toute hypothèse :
- ORDONNER rétractation de l'ordonnance du 10 juillet 2019 en toutes ses dispositions ;
- ORDONNER restitution à la société TREEZOR de l'ensemble des documents et fichiers séquestrés à l'étude de la SELARL ASPERTI-DUHAMEL huissiers de justice et la destruction de toutes sauvegardes et copies physiques ou numériques desdits documents et fichiers que la SELARL ASPERTI-DUHAMEL aurait pu conserver ;
- DEBOUTER société EXIDE TECHNOLOGIES SRL de l'ensemble de ses demandes ;
- CONDAMNER société EXIDE TECHNOLOGIES SRL à payer à la société TREEZOR la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens. «
La SAS Treezor expose notamment que :
- Sur la signification de l'ordonnance sur requête
- Selon les articles 16, 494 et 495 du code de procédure civile et la jurisprudence, l'huissier, lorsqu'il signifie une ordonnance sur requête, doit communiquer avec elle la requête et les pièces qui la justifient,
- Le défaut de communication des seules pièces est sanctionné par la nullité du procès-verbal de constat qui découle de l'ordonnance sur requête,
- La preuve d'un grief n'est pas requise,
- En l'espèce, la B Ab Af a signifié à la SAS Treezor l'ordonnance et la requête mais pas les pièces venant au soutien de cette requête,
- Ceci a empêché la SAS Treezor d'apprécier l'opportunité d'un recours, en violation du principe du contradictoire,
- La nullité du constat d'huissier est donc encourue.
- Sur le délai raisonnable
- Il résulte de la jurisprudence que l'huissier doit laisser un délai raisonnable à la personne objet de la requête entre la signification de l'ordonnance et le début de la mesure d'instruction,
- Il résulte du constat d'huissier lui-même qu'il a débuté sa mission le jour même de la signification de l'ordonnance sur requête, soit le 19 juillet 2019,
- Le procès-verbal de l'huissier ne mentionne pas l'heure de début des opérations, contrairement à ce que préconise la jurisprudence,
- Le fait que l'employé de la SAS Treezor présent ce jour là ait coopéré aux opérations ne signifie pas qu'un délai raisonnable ait été accordé à la SAS Treezor,
- Il n'a d'ailleurs fait qu'obéir aux dispositions de l'ordonnance,
- Ceci justifie également la nullité du constat d'huissier.
Sur le respect des termes de l'ordonnance
- L'ordonnance du 10 juillet 2019 disposait qu'à l'issue des opérations, l'huissier devait établir un inventaire des documents saisis et le remettre à la SAS Treezor,
- Or, cet inventaire n'a pas été remis par l'huissier à la SAS Treezor, ni non plus le procès-verbal de constat ou la note technique réalisée par l'expert informatique,
- Ces documents ne lui ont été remis que plusieurs mois plus tard, dans le cadre de la procédure en référé,
- L'huissier a donc également violé l'article 173 du code de procédure civile qui rend obligatoire la communication du procès-verbal aux parties,
- Ceci justifie également la nullité du constat d'huissier.
Sur la recevabilité de la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête
- La demande de rétractation d'une ordonnance sur requête n'est enfermée dans un aucun délai par les articles 496 et 497 du code de procédure civile,
- Le délai d'un mois invoqué par la SRL ET, tiré de l'article R. 153-1 du code de commerce ne s'applique qu'en cas de violation du secret des affaires,
- Même si ce délai venait à s'appliquer, il n'a pas pu commencer à courir, la SAS Treezor ne s'étant jamais vu communiquer les pièces justifiant la requête,
- La demande de rétractation est donc recevable.
Sur le principe du contradictoire - L'ordonnance litigieuse justifie la dérogation au principe du contradictoire par le fait que, les documents étant conservés sous forme informatique, il existe un risque de dépérissement important,
- Cette seule circonstance est, selon la jurisprudence, insuffisante à justifier la dérogation au principe du contradictoire,
- La SAS Treezor n'a aucun intérêt à faire disparaître les documents sollicités,
- Contrairement à ce qu'affirme la SRL Exide Technologies, la SAS Treezor n'a pas du tout refusé de collaborer avec elle,
- Au contraire, elle a répondu à tous ses messages et à ceux de sa banque et a fermé le compte litigieux dès qu'elle a eu connaissance de l'existence d'une fraude, le 24 juin 2019,
- L'ordonnance sur requête doit donc être rétractée.
Sur le défaut de motif légitime
- Dans le cadre de la procédure sur requête, le juge n'a pas apprécié l'existence de ce motif légitime,
- La SRL Exide Technologies prétend que la mesure d'instruction serait justifiée par une éventuelle action en responsabilité ultérieure contre la SAS Treezor, qui aurait manqué à ses obligations légales en ouvrant le compte litigieux,
- elle n'apporte pas la preuve que la SAS Treezor aurait manqué à ses obligations ou qu'elle serait liée à la fraude dont elle a été victime,
- La seule obligation de la SAS Treezor était de fermer le compte, ce qu'elle a fait immédiatement et de rembourser les versements indus, ce qui a été rendu impossible par l'inertie de la banque de la SRL Exode Technologies,
- Si des versements indus ont été effectués, c'est en raison l'imprudence de la SRL Exide Technologies, et non d'une faute de la SAS Treezor,
- Toute action en responsabilité à l'encontre de la SAS Treezor est donc vouée à l'échec, de sorte que la mesure d'instruction sollicitée est donc dépourvue de motif légitime.
Par conclusions communiquées par la voie électronique le 23 mars 2020, la SRL ET a demandé à la cour de :
Vu les articles 145, 493, 874 du Code de procédure civile,
Vu l'ordonnance du Président du Tribunal de commerce de Paris en date
du 10 juillet 2019,
Vu le procès-verbal de constat des opérations des du 19 juillet 2019,
dressé le 24 juillet 2019,
Vu la note technique d'intervention établie par l'expert informatique,
Il est demandé à la Cour :
- Confirmer l'ordonnance du 24 décembre 2019 en toutes ses
dispositions
En conséquence,
- Déclarer bien fondée l'ordonnance du 10 juillet 2019
- Déclarer valable le procès-verbal de constat du 24 juillet 2019
- Débouter TREEZOR de l'ensemble de ses demandes
- Dire et juger la décision à intervenir opposable à la SELARL ASPERTIDUHAMEL;
- Condamner la SASU TREEZOR à payer à EXIDE TECHNOLOGIES S.R.L. la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre aux entiers dépens. »
La SRL Exide Technologies expose notamment que :
Sur la validité du constat d'huissier
- L'article 495 du code de procédure civile n'impose pas que l'huissier communique les pièces justifiant la requête à la partie visée par la mesure d'instruction,
- Les jurisprudences invoquées par la SAS Treezor ne sont pas pertinentes, dans la mesure où elles n'indiquent pas d'obligation de communiquer les pièces,
- S'agissant du délai pour exécuter l'ordonnance, il ressort du constat d'huissier que l'employé de la SAS Treezor présent sur place au moment de la visite de l'huissier a lui-même exécuté les diligences nécessaires à l'exécution de la mesure, sans formuler aucune contestation,
- Il ne saurait donc être soutenu que la SAS Treezor n'a pas compris les motifs de cette ordonnance,
- Il n'était pas non plus nécessaire qu'un récapitulatif des documents saisis soit communiqué à la SAS Treezor puisque son employé a collaboré à la saisie de ces documents,
- La communication de la note technique n'est elle enserré dans aucun délai,
- Il ressort de tous ces éléments que les arguments de la SAS Treezor visant à faire annuler le constat d'huissier sont sans fondement.
Sur la dérogation au principe du contradictoire
- La dérogation au principe du contradictoire était justifiée par l'inertie de la SAS Treezor qui n'a pas répondu aux sollicitations ni de la SRL ET, ni de sa banque,
- Elle est également justifiée par le risque de dépérissement des documents qui sont stockés sur un support informatique,
- C'est le cumul de ces deux éléments, et non un seul d'entre eux comme l'affirme la SAS Treezor, qui a justifié qu'il soit dérogé au principe du contradictoire.
Sur le motif légitime :
- Il est établi que la SAS Treezor a manqué à ses obligations, ce qui a rendu possible l'escroquerie pratiquée au détriment de la société Exide Technologies SRL,
- La SAS Treezor a notamment ouvert un compte sans vérifier l'identité de son titulaire et a accepté un virement irrégulier,
- Il résulte de ses propres pièces et contrairement à ce qu'elle affirme, qu'elle a eu connaissance de cette fraude au moins dès le 24 juin 2019 et qu'elle n'a pourtant pas clôturé le compte litigieux à cette date,
- Les fautes commises par la SAS Treezor sont ainsi à l'origine directe du dommage subi par la SRL
Exide Technologies,
La SRL Exide Technologie pourrait donc intenter une action en responsabilité contre la SAS Treezor, tirée de son manquement à son devoir de vigilance, qui pourrait tout à fait prospérer.,
Dans le cadre de ce procès, les documents saisis lui seront nécessaires, de sorte qu'elle dispose bien d'un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile.
Il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR,
sur le constat d'huissier du 24 juillet 2019
La SAS Treezor soutient que le dit constat serait nul pour les motifs suivants:
les pièces annexées à la requête n'ont pas fait l'objet d'une signification,
aucun délai ne lui a été laissé entre la signification de l'ordonnance et le début des opérations de constat,
l'huissier n'a pas respecté les termes mêmes de l'ordonnance.
Sur le premier motif, l'article 495 du code de procédure civile dispose que: « l'ordonnance sur requête est motivée. Elle est exécutoire au seul vu de la minute. Copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée ».
Ainsi, une copie de la requête et de l'ordonnance doit être laissée à la personne à laquelle elle est opposée afin de rétablir le principe de la contradiction, en portant à la connaissance de celui qui subit la mesure les motifs de celle-ci et en lui permettant d'apprécier l'opportunité d'un recours .
S'il n'est pas contesté en l'espèce, que la copie de la requête et de l'ordonnance ont bien été remises à la société Treezor, et que, précisément, la SELARLAsperti Duhamel a signifié à la société Treezor une copie de la requête comprenant la liste des pièces 1 à 7 ainsi qu'une copie de l'ordonnance rendue, il apparaît bien que celle-ci n'a pas reçu copie des pièces annexées au moment de la signification.
Il s'en suit, toutefois, que la société Treezor a été totalement informée des faits et pièces soutenus à son encontre, qu'elle a été mise en mesure d'exercer toutes procédures pour la défense de ses intérêts, ce qu'elle a fait en assignant en rétractation .
Au vu de ces circonstances, il ne saurait être exigé de l'huissier qu'il remette à la société Treezot, la copie des pièces visées et dont la liste a en revanche été remise.
En conséquence, l'obligation de remise de copies à la personne à laquelle la mesure est opposée, telle qu'exigée par l'article 495 du code de procédure civile, a été respectée en l'espèce, de sorte que la nullité du procès verbal de constat qui s'en est suivi n'est pas encourue de ce chef.
Sur le second motif, il sera rappelé que l'instance en rétractation d'une ordonnance sur requête a pour seul objet de soumettre à l'examen d'un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à
l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire, que la saisine du juge de la rétractation se
trouve limitée à cet objet, et que le contentieux de l'exécution de la mesure ordonnée sur le
fondement de l'article 145 du code de procédure civile, qui n'affecte pas la décision ayant ordonné
cette mesure, ne relève pas des pouvoirs du juge de la rétractation.
En l'espèce, la société Treezor demande l'annulation des opérations de constat du fait notamment de l'absence de délai entre la remise de l'ordonnance et le début des opérations.
S'agissant de l'absence de délai alléguée, il résulte du procès-verbal de constat que l'huissier de justice certifie les éléments suivants : « (à 9h30.) Je suis accueilli par une collaboratrice de la banque à qui je décline mes nom, prénom et à qui je demande à voir une personne du service juridique. C'est ainsi qu'à 9h35 minutes se présente à moi M. Ag Ah en sa qualité de responsable des opérations au sein de la banque Treezor, ainsi déclaré. Je décline mes nom, prénom, qualité, objet de ma visite et présente M. Ai Aj qui m'accompagne. M. Ah nous invite à le suivre dans son bureau. Je lui remets ma carte de visite et lui présente ma carte professionnelle d'huissier de justice. Je lui signifie une copie de la requête et de l'ordonnance en date du 10 juillet 2019 et exhibe l'original dont je suis porteur. Il prend connaissance des termes de ma mission, et se positionne derrière son ordinateur portable afin de réaliser les investigations prévues par l'ordonnance »
Il résulte de cette rédaction que M. Ah, salarié de la société Treezor, a pris connaissance de la requête et de l'ordonnance remises par l'huissier ainsi que de la mission de ce dernier avant de se positionner lui même derrière son ordinateur pour réaliser les investigations requises. Il s'en déduit a minima que le représentant de la société Treezor a disposé du temps nécessaire à la compréhension de la requête et de l'ordonnance, qu'il a eu connaissance des motifs de la mesure et de l'étendue des investigations autorisées, et s'est positionné pour réaliser lesdites investigations.
De la sorte, le déroulement même des opérations traduit l'existence d'un délai raisonnable entre la signification de l'ordonnance et le début des opérations. Ainsi, la nullité du procès verbal de constat n'est pas encourue de ce chef.
Sur le troisième motif, il est exposé par la société Treezor que la selarl Asperti Duhamel n'aurait pas respecté les termes de l'ordonnance du 10 juillet 2019 en ne lui remettant pas, à l'issue des opérations de constat, la note technique, la copie des pièces résultant du tri opéré en différé par l'huissier et l'expert ainsi que le document permettant d'identifier les éléments appréhendés.
L'article 173 du code de procédure civile dispose que : « les procès verbaux, avis ou rapports établis, à l'occasion ou à la suite de l'exécution d'une mesure d'instruction sont adressés ou remis en copie à chacune des parties par le greffier de la juridiction qui les a établis ou le technicien qui les a rédigés, selon les cas. »
L'ordonnance du 10 juillet 2019 prévoit, pour sa part, que : « dans le cas d'une analyse différée, le technicien devra établir une note technique établissant la traçabilité des opérations et détruire ses fichiers de travail après réalisation de sa mission (') l'huissier instrumentaire remettra à la partie auprès de laquelle il les aura obtenues une copie des pièces telles qu'elles résultent du tri auquel il aura procédé avec le technicien; (') à l'issue des opérations, l'huissier instrumentaire devra établir un document permettant l'identification des éléments appréhendés et le remettre à la partie auprès de laquelle il les aura obtenues »
S' agissant des opérations, en l'espèce l'huissier précise, aux termes de son procès verbal de constat: « au fur et à mesure de ses investigations, (M. Ah) édite au format papier les documents en lien avec l'ouverture du comtpe bancaire et aux mouvements de fonds réalisés depuis ladite ouverture, à savoir le 15 avril 2019. (') A l'aide d'une procédure de Takeout prévue dans l'environnement Gmail, M. Aj exporte les neuf conversations. Une fois cette opération réalisée, il copie sur le bureau de l'ordinateur de M. Ah l'ensemble de ces conversations. Il copie également le tout sur un support provisoire type clé USB qui m'est immédiatement remise (...)Il est procédé aux opérations différées prévues dans l'ordonnance à savoir la consolidation ds neuf conversations extraites des messageries Gmail. » Il est annexé au procès verbal de constat: copie de la requête et de l'ordonnance, pièce no 2, note technique d'intervention en date du 24 juillet 2019. »
De la sorte, s'il est constant que l'ensemble de ces éléments ont été remis postérieurement à l'issue des opérations de constat du 19 juillet 2019, il est tout aussi constant que M. Ah a nécessairement pris connaissance des éléments relevés puisqu'il en a édité une partie, que la note technique a été établie seulement le 24 juillet 2019, soit postérieurement aux opérations elles mêmes, la société Treezor ne contestant avoir pris connaissance des éléments appréhendés en temps utile. L'obligation de remise est destinée, ici encore, à rétablir le principe de la contradiction en permettant au saisi d'apprécier l'opportunité d'un recours, de sorte que, alors que l'ordonnance rendue sur requête le 10 juillet 2019 ne prévoit pas un délai précis de remise par l'huissier, il n'incombait pas à la selarl Asperti Duhamel de remettre les éléments appréhendés immédiatement à l'issue des opérations de constat. Ainsi, l'huissier n'est pas contrevenu aux obligations qui lui étaient fixées par l'ordonnance du 10 juillet 2019.
La nullité du procès verbal n'est pas plus encourue de ce chef.
L'ordonnance querellée sera confirmée sur ces points.
sur la rétractation de l'ordonnance du 10 juillet 2019
L'article 493 du code de procédure civile dispose que « Aux termes des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. «
Le demandeur à la mesure d'instruction in futurum, s'il n'a pas à démontrer la réalité des faits qu'il allègue, doit justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions, ne relevant pas de la simple hypothèse, en lien avec un litige potentiel futur dont l'objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction, la mesure demandée devant être pertinente et utile.
sur l'existence d'un motif légitime
Il résulte des éléments de la cause que la société intimée avait produit devant le juge des requêtes:
les factures de la société Daramic SAS,
un courriel du 21 mai 2019 attribué à la SAS Daramic transmettant de nouvelles coordonnées bancaires,
les virements réalisés sur le compte tenu par la société Treezor,
un courriel du 20 juin 2019 de la société Daramic,
un courriel de Bank of America faisant état de ses diligences,
une lettre recommandée du 26 juin 2019 adressée par la SRL Exide Europe à la société Treezor,
une mise en demeure du 4 juillet 2019 adressée par la SRL Exide Europe à la société Treezor.
Il convient de relever que les faits non contestés ou établis sur des pièces versées au soutien de la requête constituaient bien un faisceau d'indices suffisants pour objectiver l'escroquerie dont la SRL Exide Technologies a été victime.
Les éléments ainsi produits établissaient le motif légitime de réaliser une mesure de constat et de saisie dans les locaux de la société Treezor, dès lors qu'il apparaissait que cette dernière était tenue d'un devoir de vigilance, cette obligation lui imposant de déceler, parmi les opérations qu'on lui demande de traiter, celles qui présentent une anomalie apparente et, en présence d'une telle anomalie, de tout mettre en oeuvre pour éviter le préjudice qui résulterait pour la banque elle-même ou pour un tiers de la réalisation de cette opération.
La preuve de l'existence d'un motif légitime est ainsi rapportée.
Sur la dérogation au principe du contradictoire
Il résulte de l'examen de l'ordonnance, dont il est sollicitée la rétractation, que le juge des requêtes a spécialement motivé la nécessité de déroger au principe du contradictoire par le silence gardé par la société Treezor et que son ordonnance renvoie par un visa à la requête et les pièces présentées à son appui dont elle adopte ainsi les motifs.
Les motifs de la requête énoncent à cet égard que la mesure sollicitée ne peut être réalisée efficacement que si elle est ordonnée sur requête; qu'en effet, le silence gardé par la société Treezor et le risque de dépérissement des preuves justifiaient l'absence de contradictoire.
A cet égard, la SRL Exide Technologies produit:
des relevés d'appels téléphoniques des 21 juin, 24, 25, 26, 27 juin 2019 de la Bank of America à la société Treezor des courriels des 21, 25 juin 2019 de la Bank of America à la société Treezor, une lettre recommandée du 26 juin 2019 de la SRL Exide Technologies à la société Treezor une mise en demeure du 5 juillet 2019 de la SRL Exide Technologies à la société Treezor.
Pour contrer cet argument, la société Treezor produit:
un courriel du 24 juin 2019 en anglais de M. Gillner, société Exide, lui demandant d'examiner la situation,
un courriel du 24 juin 2019 du service des fraude de la société Treezor, indiquant avoir bloqué le « Wallet » et précisant le mode opératoire supposé (usurpation de RIB et d'identité) , ce courriel est toutefois adressé à « riskx@anytime », dont la SRL Exide Technologies affirme qu'elle lui est inconnue,
un courriel du 28 juin 2019 du service fraude de la société Treezor rédigé comme suit: « thank you for your mail and the police report. In the cas of recaal/ refund, please provide the appropriate bank information ».
Comme l'a dit le premier juge avec pertinence et comme l'a dit le juge des requêtes par ajout sur le projet d'ordonnance, ce sont à la fois les circonstances amplement évoquées dans la requête et la nature de la mesure d'instruction dans ce contexte précis qui justifiaient en l'espèce le recours à une procédure non contradictoire dès lors qu'à l'évidence, aucune réponse n'a réellement été apportée par la société Treezor sur ses diligences ni à la lettre recommandée de la SRL Exide Technologies du 26 juin 2019, ni à la mise en demeure du S juillet 2019.
Ainsi, outre le risque de dépérissement des preuves inhérent au support informatique, le silence gardé et avéré de la société Treezor justifiaient qu'il soit procédé par requête au sens de l'article 493 du code de procédure civile.
La nécessité de déroger au principe du contradictoire est ainsi suffisamment caractérisée.
Au regard de l'ensemble de ces motifs et ceux non contraires du premier juge, il convient de confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions.
Sur les autres demandes :
Le sort des dépens et de l'indemnité de procédure pour la procédure de première instance ont été
exactement réglés par le premier juge.
Il convient de confirmer l'ordonnance entreprise de ces chefs.
Il y a lieu de condamner la société Treezor, partie perdante, aux dépens.
En outre, elle doit être condamnée à verser à la SRL Exide Technologies, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 3.000 euros pour la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance du 10 juillet 2019 en toutes ses dispositions ;
Condamne la société Treezor aux dépens d'appel.
Condamne la société Treezor à payer à la société SRL Exide Technologies la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,