Jurisprudence : TA Paris, du 15-10-2020, n° 1822236

TA Paris, du 15-10-2020, n° 1822236

A06843YY

Référence

TA Paris, du 15-10-2020, n° 1822236. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/61017399-ta-paris-du-15102020-n-1822236
Copier

Abstract

► La protection du secret des affaires ne justifie pas le refus de communiquer la liste des dispositifs médicaux ayant obtenu le marquage " CE " et qui sont déjà mis sur le marché.



N° 1822236/5-2

SOCIETE EDITRICE DU MONDE et Mme Stéphane HOREL

Mme Nguyen, Rapporteur

Mme Armoët, Rapporteur public

Audience du 1er octobre 2020

Lecture du 15 octobre 2020

**R ÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
**
Le Tribunal administratif Paris

(5ème section - 2ème chambre)



Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 4 décembre 2018, la société éditrice du Monde
et Mme Aa Ab, représentées par la SCP Spinosi & Sureau, demandent au
tribunal :

1°) d'annuler les décisions des 16, 22 et 29 mai prises par le directeur du
Laboratoire national de métrologie et d'essais et la décision confirmative
prise par la société GMED refusant de leur communiquer la liste des
dispositifs médicaux auxquels ils ont délivré le marquage « conformité
européenne » (CE) ainsi que la liste des dispositifs médicaux auxquels ils ont
refusé de leur accorder ;

2°) d'enjoindre au Laboratoire national de métrologie et d'essais et à la
société GMED de communiquer sans délai, et sous astreinte, les listes
demandées ;

3°) de mettre à la charge du Laboratoire national de métrologie et d'essais et
de la société GMED la somme de 4 000 euros en application de l'article L.
761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le refus de communication méconnaît gravement le droit à la liberté
d'expression journalistique et le droit du public d'accéder aux informations
d'intérêt général - à l'instar des informations ayant trait à la santé
publique - détenues par les autorités publiques ; ainsi, ce refus méconnaît la
liberté d'expression protégée par les stipulations de l'article 10 de la
convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales ;

- les dispositions du 1° de l'article L. 311-6 du code des relations entre le
public et l'administration, telles que modifiées par la loi du 30 juillet
2018, sont en contradiction avec la directive 2016/943/CE du 8 juin 2016 ;

- le secret des affaires protégé par le 1° de l'article L. 311-6 du code des
relations entre le public et l'administration ne peut faire obstacle à la
communication des informations demandées ;

- la communication des documents demandés ne nécessite aucun travail de
collecte de données dans la mesure où le Laboratoire national de métrologie et
d'essais et la société GMED disposent déjà des informations demandées.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 février, le 25 mars et le 5
septembre 2019, le Laboratoire national de métrologie et d'essais (LNE) et la
société GMED, représentés par Me Arnoux et Me Boukhari, concluent au rejet de
la requête et au rejet des interventions volontaires. Ils demandent également
de mettre à la charge de la société éditrice du Monde et de Mme Ab la somme
de 7 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative.

Ils soutiennent que :

- les informations demandées ne constituent pas des documents administratifs
dans la mesure où les échanges de courriels et les demandes ont été informels
;

- la demande ne porte pas sur une période précise et il n'existe pas de base
de données préconstituée rassemblant les informations demandées ;

- le secret des affaires fait obstacle à la communication des informations
demandées et le refus de communication ne porte pas une atteinte
disproportionnée à la liberté d'expression ;

- les dispositions des articles L. 151-8 du code du commerce ne sont pas
applicables au présent litige.

Par un mémoire en intervention enregistré le 12 mars 2019, le syndicat
national des journalistes, représenté par Me Bourdon, demande que le tribunal
fasse droit aux conclusions de la requête. Il demande également que la somme
de 1 500 euros soit mise à la charge du LNE et de la société GMED en
application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi
que, le cas échéant, les dépens.

Il soutient que le refus de communication méconnaît la liberté d'expression
des journalistes et en particulier la liberté d'accéder et de communiquer des
informations d'intérêt général, garanties par la Cour européenne des droits de
l'homme.

Par des mémoires en intervention enregistrés les 26 juin et le 3 septembre
2019, l'association des journalistes économiques et financiers, l'association
des journalistes de l'information sociale, l'association des Amis de la terre,
Anticor, l'association pour la taxation des transactions financières et pour
l'action citoyenne dite « Attac France », l'association Bloom, le Comité
catholique contre la faim et pour le développement (CCFD) - Terre solidaire,
le collectif Ethique sur l'étiquette, l'association Formindep, l'association
I-buycott, l'association Informer n'est pas un délit, Ingénieurs sans
frontières, l'institut Veblen pour les réformes économiques, Les Jours, la
Ligue française de défense des droits de l'Homme (LDH), Lyon capitale,
l'association Nothing2hide, l'association Ouvre-boîte, Pollinis France,
Reporters sans frontières, l'association Ritimo, l'association Sciences
citoyennes, la société des journalistes de l'AFP, la société des journalistes
de Challenges, la société des journalistes de M6, la société des journalistes
de l'Express, la société des journalistes des Echos, la société des
journalistes et du personnel de Libération, la société des rédacteurs d'Europe
1, la société des rédacteurs de Marianne, la société des rédacteurs du Monde,
l'association Sherpa, Transparency international France, l'union syndicale SUD
Culture & Médias Solidaires, l'association Zero Waste France, l'association
des journalistes de la rédaction Que Choisir, la société des journalistes de
Mediapart, l'union fédérale des consommateurs Que Choisir, l'association Robin
des toits, le syndicat des avocats de France, l'union générale des ingénieurs,
cadres, techniciens de la CGT (UGICT-CGT) et le syndicat national des
journalistes CGT (SNJ CGT), représentés par Me Karsenti, demandent que le
tribunal fasse droit aux conclusions de la requête présentée par la société
éditrice du Monde et par Mme Ab. Ils demandent également de mettre à la
charge du LNE et de la société GMED la somme de 240 euros au bénéfice de
chaque partie intervenante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de
justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les organes de presse n'entrent pas dans le champ d'application de
l'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration ;
en outre, le refus de communication méconnaît le droit à l'information et la
consultation des salariés prévus par le code du travail et constituerait une
entrave injustifiée à la liberté syndicale ;

- les dispositions de l'article L. 311-6 du code des relations entre le
public et l'administration sont imprécises et doivent être écartées au profit
des stipulations de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales ; l'atteinte portée au droit
d'accéder et de communiquer des informations d'intérêt général est
disproportionnée ;

- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 151-8 du code de
commerce.

Par ordonnance du 1er juillet 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 13
septembre 2019 à 12 heures.

Par un courrier du 30 juin 2020, les parties ont été informées, en application
des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de
ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office
tiré de l'inapplicabilité au présent litige des dispositions du 1° de
l'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration
dans leur rédaction issue de la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018, dès lors
que la décision implicite de rejet qui s'est substituée, après l'exercice du
recours administratif préalable obligatoire devant la commission d'accès aux
documents administratifs, aux décisions initiales de rejet des 16, 22 et 29
mai 2018 est née, en application des articles R. 343-4 et R. 343-5 du code des
relations entre le public et l'administration, le 30 juillet 2018, soit avant
l'entrée en vigueur, le 1er août 2018, des nouvelles dispositions de l'article
L. 311-6 qui mentionnent le « secret des affaires ».

Une réponse au moyen d'ordre public, présentée pour Mme Ab et pour la
société éditrice du Monde, a été enregistrée le 15 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales ;

- la directive 2016/943/CE du 8 juin 2016 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ac,

- les conclusions de Mme Armoët, rapporteur public,

- les observations de Me Spinosi, représentant la société éditrice du Monde
et Mme Ab ;

- les observations de Me Karsenti, représentant l'association des
journalistes économiques et financiers et les autres intervenants ;

- et les observations de Me Demaison Rouge, représentant le LNE et la société
GMED.

Considérant ce qui suit :

1. Les 14, 17, 25 et 28 mai 2018, Mme Ab, en sa qualité de journaliste du
Monde, a sollicité auprès du Laboratoire national de métrologie et d'essais
(LNE) la communication d'un ensemble d'informations, dont la liste des
dispositifs médicaux auquel il avait délivré le marquage « conformité
européenne » (CE) et la liste des dispositifs médicaux auxquels cette
certification avait été refusée. Par des courriels envoyés les 16, 22 et 29
mai 2018, le LNE a refusé de communiquer les documents demandés. Le 30 mai
2018, Mme Ab a alors saisi la commission d'accès aux documents
administratifs (CADA) qui a émis un avis défavorable à la communication des
documents demandés le 25 octobre 2018. En application des articles R. 343-4 et
R. 343-5 du code des relations entre le public et l'administration, une
décision implicite de rejet est née le … … … du silence gardé
pendant deux mois par le LNE à compter de la date d'enregistrement de la
demande de Mme Ab par la CADA. Cette décision implicite s'est substituée
aux décisions initiales de refus. Par la présente requête, Mme Ab et la
société éditrice du Monde doivent donc être regardées comme demandant au
tribunal d'annuler cette décision implicite de rejet de leur demande de
communication.

Sur les interventions volontaires :

2. En premier lieu, il ressort des statuts du syndicat national des
journalistes qu'il a pour objet la défense des intérêts moraux et matériels de
ses membres et, d'une façon générale, la défense des intérêts communs à tous
les journalistes. Dans ces conditions, il justifie, eu égard à la nature et à
l'objet du litige, d'un intérêt suffisant pour intervenir dans la présente
instance au soutien de la requête. Son intervention, présentée par un mémoire
distinct le 12 mars 2019, est donc recevable.

3. En deuxième lieu, dès lors qu'au moins l'un des intervenants est
recevable, une intervention collective est recevable. D'une part, parmi les
intervenants ayant introduit le mémoire enregistré le 26 juin 2019 figure
notamment l'association Ouvre-boîte, laquelle a, eu égard à son objet défini
dans ses statuts, intérêt à l'annulation de la décision attaquée. En outre,
conformément aux statuts de cette association, M. Blancard a été autorisé par
le conseil d'administration à la représenter en justice. L'intervention
collective présentée le 26 juin 2019 est donc recevable. D'autre part, eu
égard à son objet, le syndicat national des journalistes-CGT a également
intérêt à l'annulation de la décision attaquée. En application des statuts, le
secrétaire général, mandaté par délibération du 30 août 2019, a qualité pour
représenter le syndicat en justice. Dès lors, l'intervention collective
présentée dans le cadre d'un mémoire distinct enregistré le 3 septembre 2019
est également recevable.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 311-1 du code des relations
entre le public et l'administration : « Sous réserve des dispositions des
articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L.
300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents
administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans
les conditions prévues par le présent livre. ». L'article L. 300-2 du même
code dispose que : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens
des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur
lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou
reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'Etat, les
collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public
ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de
tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus,
procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses
ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions.
».

5. A compter du 31 juillet 2018, le Laboratoire national de métrologie et
d'essais (LNE), établissement public à caractère industriel et commercial, a
délégué à la société par actions simplifiées GMED, filiale qu'il détient
intégralement, son activité de certification des dispositifs médicaux avant
leur mise sur le marché. Cette mission de certification par l'attribution du
marquage « CE » est encadrée par les articles R. 5211-12 à R. 5211-17 et R.
5211-54 à R. 5211-63 du code de la santé publique et constitue une mission
d'intérêt général. Par suite, les documents que le LNE ou la société GMED
détiennent ou produisent dans le cadre de cette mission de service public
constituent des documents administratifs communicables au sens de l'article L.
300-2 du code des relations entre le public et l'administration.

6. En deuxième lieu, d'une part, contrairement à ce que soutiennent les
défendeurs, la demande de communication dont ils ont été saisis était
suffisamment précise, nonobstant la circonstance qu'elle ne portait pas sur
une période déterminée. D'autre part, s'ils font valoir que les listes
demandées n'existent pas « en tant que telles », il n'est pas établi qu'elles
ne pourraient pas être élaborées à partir d'un traitement automatisé d'usage
courant, ce d'autant plus qu'en application de l'article R. 5211-64 du code de
la santé publique, les organismes notifiés, à l'instar du LNE et de la société
GMED, doivent informer l'Agence nationale de sécurité du médicament et des
produits de santé « de tous les certificats délivrés, modifiés, complétés,
suspendus, retirés ou refusés ».

7. En troisième lieu, l'article L. 311-6 du code des relations entre le
public et l'administration dans sa version issue de la loi du 30 juillet 2018
dispose que : « Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents
administratifs : 1° Dont la communication porterait atteinte ( ) au secret des
affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques
et financières et des stratégies commerciales ou industrielles et est apprécié
en tenant compte, le cas échéant, du fait que la mission de service public de
l'administration mentionnée au premier alinéa de l'article L. 300-2 est
soumise à la concurrence ( ) ». L'effet utile de l'annulation pour excès de
pouvoir de la décision refusant de faire droit à la demande de communication
de documents administratifs réside dans l'obligation, que le juge peut
prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de
justice administrative, pour l'autorité administrative de communiquer les
documents en cause. Il en résulte que lorsqu'il est saisi de conclusions aux
fins d'annulation du refus de l'autorité administrative de communiquer des
documents administratifs, le juge de l'excès de pouvoir est conduit à
apprécier la légalité d'un tel refus au regard des circonstances prévalant à
la date de sa décision. Il suit de là que les dispositions de l'article L.
311-6 du code des relations entre le public et l'administration dans leur
version issue de la loi du 30 juillet 2018 sont applicables au présent litige.
Au surplus, le remplacement de la notion de « secret en matière industrielle
et commerciale » par celle de « secret des affaires » constitue un changement
sémantique qui n'a pas eu pour effet de modifier en droit interne la portée de
cette dérogation au principe de communication des documents administratifs.

8. D'une part, ces dispositions sont applicables aux journalistes et organes
de presse dès lors que le droit d'accès à des documents administratifs
instauré aux articles L. 311-1 et suivants du code des relations entre le
public et l'administration ne s'exerce pas au vu ou à raison de l'usage
envisagé par celui qui en fait la demande. Ainsi, le moyen tiré de ce que le
refus de communication constituerait une entrave - au demeurant non établie -
à l'exercice du droit syndical et du droit d'information des salariés prévus
par le code du travail doit être écarté.

9. D'autre part, les dispositions précitées du 1° de l'article L. 311-6
relatives à la communication des documents administratifs ne sont pas
contraires aux objectifs de la directive 2016/943/CE du 8 juin 2016,
transposée tardivement en droit interne par la loi du 30 juillet 2018, dès
lors que cette directive n'a pas vocation à régir le droit national d'accès
aux documents administratifs, ainsi que cela ressort des considérants 11 et 39
et des travaux préparatoires.

10. Enfin, l'activité de certification exercée en France par le LNE et
désormais par la société GMED s'exerce dans un contexte européen
concurrentiel, de même que la commercialisation de dispositifs médicaux.
Néanmoins, à compter de la mise sur le marché, la communication de la liste
des dispositifs médicaux auxquels le LNE ou la société GMED a délivré la
certification « CE » n'est plus de nature à porter atteinte au secret des
stratégies commerciales ou industrielles des entreprises qui ont sollicité une
telle certification et qui commercialisent le dispositif médical ayant obtenu
le marquage « CE ». En outre, dès lors qu'une telle liste ne comporterait que
le nom des dispositifs médicaux, sa communication ne serait pas de nature à
porter atteinte au secret des procédés ou au secret des informations
économiques et financières. En revanche, tant que les dispositifs médicaux
n'ont pas été mis sur le marché - en raison soit d'un refus de certification
« CE », soit de la stratégie commerciale du fabricant -, la communication
d'une liste recensant les dispositifs médicaux en question serait de nature à
porter atteinte au secret des stratégies commerciales et industrielles des
fabricants concernés en révélant leur intention de commercialiser à l'avenir
un tel dispositif. Dans ces circonstances, le secret des affaires fait
uniquement obstacle à la communication de la liste des dispositifs médicaux
auxquels le marquage « CE » a été refusé et à la communication de la liste des
dispositifs médicaux ayant obtenus le marquage « CE » mais qui n'ont pas
encore été mis sur le marché.

11. En quatrième lieu, l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : « « 1.
Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté
d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des
idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans
considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les États de
soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un
régime d'autorisations. 2. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs
et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions,
restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures
nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à
l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à
la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la
protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la
divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et
l'impartialité du pouvoir judiciaire. ». Si ces stipulations n'accordent pas
un droit d'accès à toutes les informations détenues par une autorité publique
ni n'obligent l'Etat à les communiquer, il peut en résulter un droit d'accès à
des informations détenues par une autorité publique lorsque l'accès à ces
informations est déterminant pour l'exercice du droit à la liberté
d'expression et, en particulier, à la liberté de recevoir et de communiquer
des informations, selon la nature des informations demandées, de leur
disponibilité, du but poursuivi par le demandeur et de son rôle dans la
réception et la communication au public d'informations. Dans cette hypothèse,
le refus de fournir les informations demandées constitue une ingérence dans
l'exercice du droit à la liberté d'expression qui, pour être justifiée, doit
être prévue par la loi, poursuivre un des buts légitimes mentionnés au point 2
de l'article 10 et être strictement nécessaire et proportionnée.

12. Les requérantes font valoir que leur demande porte sur des informations
déterminantes pour l'exercice de leur activité journalistique et qu'elle vise
à porter à la connaissance du public des informations d'intérêt général
relatives à la protection de la santé publique. A ce titre, elles indiquent
que ces informations sont recueillies dans le cadre d'une enquête
journalistique internationale à laquelle le journal Le Monde participe, et qui
a permis de mettre en lumière des dysfonctionnements dans le cadre du
processus de certification des dispositifs médicaux, lesquels se révèlent
parfois défaillants. Dans ces conditions, l'accès aux informations demandées
est déterminant pour l'exercice par les requérantes de la liberté de recevoir
et de communiquer des informations. Toutefois, la protection d'informations
confidentielles, telles que des informations à caractère commercial, peut
justifier une restriction à l'exercice de cette liberté, à condition que cette
ingérence soit strictement nécessaire et proportionnée.

13. Ainsi qu'il a été dit au point 10, la protection du secret des affaires
ne justifie pas le refus de communiquer la liste des dispositifs médicaux
ayant obtenu le marquage « CE » et qui sont déjà mis sur le marché. En outre,
au regard du but poursuivi par l'enquête journalistique en cours, qui consiste
à révéler d'éventuelles défaillances du système de certification des
dispositifs médicaux en vue d'alerter les pouvoirs publics et le public sur
les risques pour la santé publique, la communication de ces informations
relatives à des dispositifs médicaux déjà commercialisés contribue de manière
significative au débat public sur une question d'intérêt général et permet de
surcroît une meilleure traçabilité des dispositifs défectueux, conformément à
l'objectif de santé publique visant à garantir la sécurité et la fiabilité des
dispositifs médicaux. Dans ces conditions, les requérantes sont fondées à se
prévaloir des stipulations de l'article 10 de la convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour
revendiquer un droit d'accès à la liste des dispositifs médicaux mis sur le
marché auxquels l'organisme notifié français a délivré la certification « CE
».

14. En revanche, tant qu'un dispositif médical n'a pas été mis sur le marché,
la divulgation d'un refus d'attribution du marquage « CE » ou de la délivrance
de ce marquage reviendrait à révéler des informations confidentielles
relatives à la stratégie commerciale des fabricants. Bien que les requérantes
font valoir que les informations relatives au refus de certification seraient
cruciales pour identifier des stratégies de contournement de certains
fabricants, les risques que représenteraient pour la santé publique des
dispositifs médicaux qui s'avéreraient défaillants restent théoriques tant
qu'ils n'ont pas été mis sur le marché pour être commercialisés. En outre,
l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé est
chargée en France de surveiller l'activité de certification de l'organisme
notifié français, lequel n'a pas été directement mis en cause dans le cadre de
l'enquête journalistique « Implant Files ». Dans ces conditions, le refus
opposé à la demande de communication en tant qu'elle porte sur la liste des
dispositifs médicaux n'ayant pas obtenu le marquage « CE » et sur la liste de
ceux qui, bien que l'ayant obtenu, ne sont pas encore commercialisés,
constitue une ingérence nécessaire et proportionnée à la protection des
informations confidentielles en cause.

15. En dernier lieu, dès lors que le droit d'accès à des documents
administratifs est, ainsi qu'il a été dit au point 8, régi par les
dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code des relations entre le
public et l'administration, la méconnaissance des dispositions du code du
commerce ne peut être utilement invoquée.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la décision implicite de refus du
Laboratoire national de métrologie et d'essais en tant seulement qu'elle
concerne la communication de la liste des dispositifs médicaux auxquels le
marquage « CE » a été attribué et qui ont déjà été mis sur le marché doit être
annulée. En revanche, les conclusions tendant à la communication des listes
des dispositifs médicaux n'ayant pas obtenu ledit marquage et de ceux qui,
bien que l'ayant obtenu, ne sont pas encore mis sur le marché, sont rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

17. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a seulement lieu d'enjoindre
au Laboratoire national de métrologie et d'essais et à la société GMED de
communiquer à Mme Ab et à la société éditrice du Monde, la liste des
dispositifs médicaux déjà mis sur le marché auxquels ils ont délivré le
marquage « CE », et ce dans un délai d'un mois à compter de la notification du
présent jugement. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une
astreinte.

Sur les frais liés au litige :

18. D'une part, une intervention volontaire, qui présente un caractère
accessoire, n'a pas pour effet de donner à son auteur la qualité de partie à
l'instance. Les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du
code de justice administrative présentées par les intervenants volontaires au
soutien de la requête doivent donc être rejetées.

19. D'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter
les conclusions présentées par les requérantes et par les défendeurs sur le
fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


DECIDE :

Article 1er : L'intervention du syndicat national des journalistes, de
l'association des journalistes économiques et financiers, de l'association des
journalistes de l'information sociale, de l'association des Amis de la terre,
d'Anticor, d'Attac France, de l'association Bloom, du CCFD-Terre solidaire, du
collectif Ethique sur l'étiquette, de l'association Formindep, de
l'association I-buycott, de l'association Informer n'est pas un délit,
d'Ingénieurs sans frontières, de l'institut Veblen pour les réformes
économiques, de la société Les Jours, de la Ligue française de défense des
droits de l'Homme (LDH), de Lyon capitale, de l'association Nothing2hide, de
l'association Ouvre-boîte, de Pollinis France, de Reporters sans frontières,
de l'association Ritimo, de l'association Sciences citoyennes, de la société
des journalistes de l'AFP, de la société des journalistes de Challenges, de la
société des journalistes de M6, de la société des journalistes de l'Express,
de la société des journalistes des Echos, de la société des journalistes et du
personnel de Libération, de la société des rédacteurs d'Europe 1, de la
société des rédacteurs de Marianne, de la société des rédacteurs du Monde, de
l'association Sherpa, de Transparency international France, de l'union
syndicale SUD Culture & Médias Solidaires, de Zero Waste France, de
l'association des journalistes de la rédaction Que Choisir, de la société des
journalistes de Mediapart, de l'union fédérale des consommateurs Que Choisir,
de l'association Robin des toits, du syndicat des avocats de France, de
l'union générale des ingénieurs, cadres, techniciens de la CGT (UGICT-CGT) et
du syndicat national des journalistes CGT (SNJ-CGT) est admise.

Article 2 : La décision du Laboratoire national de métrologie et d'essais en
tant qu'elle refuse implicitement la communication de la liste des dispositifs
médicaux, déjà mis sur le marché, auxquels le marquage « CE » a été délivré
est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au Laboratoire national de métrologie et d'essais
et à la société GMED de communiquer à Mme Ab et à la société éditrice du
Monde, la liste des dispositifs médicaux déjà mis sur le marché auxquels ils
ont délivré le marquage « CE », dans un délai d'un mois à compter de la
notification du présent jugement.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par les intervenants tendant à
l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont
rejetées.

Article 6 : Les conclusions présentées par le Laboratoire national de
métrologie et d'essais et par la société GMED sur le fondement de l'article L.
761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent jugement sera notifié à la société éditrice du Monde, à
Mme Aa Ab, au Laboratoire national de métrologie et d'essais, à la
société GMED, au syndicat national des journalistes, à l'association des
journalistes économiques et financiers, à l'association des journalistes de
l'information sociale, à l'association des Amis de la terre, à Anticor, à
l'association pour la taxation des transactions financières et pour l'action
citoyenne (Attac France), à l'association Bloom, au CCFD-Terre solidaire, au
collectif Ethique sur l'étiquette, à l'association Formindep, à l'association
I-buycott, à l'association Informer n'est pas un délit, à Ingénieurs sans
frontières, à l'institut Veblen pour les réformes économiques, à la société
Les Jours, à la Ligue française de défense des droits de l'Homme (LDH), à Lyon
capitale, à l'association Nothing2hide, à l'association Ouvre-boîte, à
Pollinis France, à Reporters sans frontières, à l'association Ritimo, à
l'association Sciences citoyennes, à la société des journalistes de l'AFP, à
la société des journalistes de Challenges, à la société des journalistes de
M6, à la société des journalistes de l'Express, à la société des journalistes
des Echos, à la société des journalistes et du personnel de Libération, à la
société des rédacteurs d'Europe 1, à la société des rédacteurs de Marianne, à
la société des rédacteurs du Monde, à l'association Sherpa, à Transparency
international France, à l'union syndicale SUD Culture & Médias Solidaires, à
Zero Waste France, à l'association des journalistes de la rédaction Que
Choisir, à la société des journalistes de Mediapart, à l'union fédérale des
consommateurs Que Choisir, à l'association Robin des toits, au syndicat des
avocats de France, à l'union générale des ingénieurs, cadres, techniciens de
la CGT (UGICT-CGT) et au syndicat national des journalistes CGT (SNJ-CGT).


Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.