Jurisprudence : CA Metz, 18-06-2020, n° 19/00058, Infirmation partielle

CA Metz, 18-06-2020, n° 19/00058, Infirmation partielle

A31373PU

Référence

CA Metz, 18-06-2020, n° 19/00058, Infirmation partielle. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/58787663-ca-metz-18-06-2020-n-19-00058-infirmation-partielle
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Minute n° 20/00093

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

R.G N° RG 19/00058 - N° Portalis DBVS-V-B7D-E5WF

S.A.S. PROCEDO FRANCE

C/

Société TELEPERFORMANCE FRANCE

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 18 JUIN 2020

APPELANTE

SAS PROCEDO FRANCE Prise en la personne de son représentant légal.


METZ
Représentant Me Laurent ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE

Société TELEPERFORMANCE FRANCE Représentée par son représentant légal


ASNIERES SUR SEINE
Représentant Me François RIGO, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS Audience publique du 12 Mars 2020

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 18 Juin 2020.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Président de Chambre

ASSESSEURS : Mme BIRONNEAU, Conseiller

Mme DEVIGNOT, Conseiller

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS ET AU PRONONCÉ DE L'ARRÊT : Monsieur Pierre VALSECCHI

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte d'huissier du 10 juillet 2015, la Sas Téléperformance France (Sas Téléperformance), spécialisée dans le secteur des activités de centres d'appels, a fait assigner la Sas Procedo France (Sas Procedo) devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d'obtenir le paiement de cinq factures correspondant à des prestations effectuées entre le 25 novembre et le 20 décembre 2014 et entre le mois de janvier et le mois d'avril 2015.

Par jugement contradictoire rendu le 14 juin 2016, le tribunal de commerce de Paris :
Sur la facture n° TPFRA1501FAC0138 d'un montant de 13.759,80 euros TTC':

- s'est déclaré compétent

- a condamné la Sas Procedo à payer à la Sas Téléperformance la somme de 13.759,80 euros TTC assortie des intérêts au taux légal depuis la mise en demeure du 6 mai 2015

- débouté la Sas Téléperformance de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

- condamné la Sas Procedo à payer à la Sas Téléperformance la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la déboutant pour le surplus

- ordonné l'exécution provisoire

- condamné la Sas Procedo aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 euros de Tva

Sur les autres factures :
- a dit la Sas Procedo recevable et bien fondée en son exception d'incompétence

- s'est déclaré incompétent au profit de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Metz

- a dit qu'à défaut de contredit dans le délai prescrit par l'article 82 du code de procédure civile, le dossier de l'affaire sera transmis par le greffier du tribunal à la juridiction ci-dessus désignée, et ce en application de l'article 97 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire en date du 6 novembre 2018, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Metz a :
- condamné la Sas Procedo à payer à Sas Téléperformance la somme de 38.019,14 euros au titre des factures TPFRA 1 5 0 1 FAC 0 2 1 0 - TPFR 1 5 0 2 FAC 6 1 8 - TPFRA 1 5 0 3 FAC 0 8 4 8 - TPFRA1504FAC1185, avec intérêts au taux légal à compter du 6 mai 2015

- condamné la Sas Procedo à payer à Sas Téléperformance la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive

- ordonné l'exécution provisoire

- condamné la Sas Procedo à payer à la Sas Téléperformance la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné la Sas Procedo aux dépens.

Le tribunal a considéré que la preuve était rapportée que la Sas Procedo avait entendu, à partir du mois de janvier 2015, poursuivre ses relations contractuelles avec la Sas Téléperformance aux conditions et tarifs fixés dans le bon de commande du 14 novembre 2015. Elle a condamné la défenderesse au règlement des factures demeurées impayées. Constatant que cette dernière n'avait pas procédé à l'exécution spontanée du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 14 juin 2016, elle l'a condamnée à payer à la Sas Téléperformance la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Par déclaration déposée au greffe de la cour le 7 janvier 2019, la Sas Procedo a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 12 mars 2020, la Sas Procedo demande à la cour de recevoir son appel et de le dire bien fondé, d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau, de'recevoir en la forme son appel ainsi que l'appel incident de la Sas Téléperformance et de :
- rejeter l'appel incident de la Sas Téléperformance

- dire le seul appel principal bien fondé.

Y faisant droit,

Vu les dispositions des articles 1315 du code civil alors applicable et 110-3 du code de commerce,

- dire et juger en application des dispositions de l'article L 110-3 du code de commerce, si la preuve est libre entre les commerçants, il n'en demeure pas moins que la seule production de factures est insuffisante pour justifier de l'obligation d'un paiement de la partie à laquelle on les oppose

- dire et juger que les factures produites par la Sas Téléperformance ne correspondent à aucun bon de commande

- dire et juger que la Sas Téléperformance succombe de surcroît dans la charge de la preuve de la réalisation effective des prestations objet des factures

En conséquence,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- débouter la Sas Téléperformance de l'intégralité de ses demandes

- la condamner à lui payer la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

La Sas Procedo considère que la seule production de factures est insuffisante pour justifier de l'obligation en paiement. En effet, elle fait observer que l'intimée ne produit qu'un bon de commande n°00 68 000 000 en date du 14 novembre 2014 concernant des prestations à réaliser du 25 novembre au 20 décembre 2014 alors que les factures litigieuses mentionnent les dates de réalisation de prestation postérieures. Il prétend que la facture TPFRA1501FAC0138 en date du 30 janvier 2015, qui seule porte mention du numéro de bon de commande 00 68 000'000, correspond en réalité à la condamnation prononcée par le tribunal de commerce de Paris le 14 janvier 2016'; qu'aucune des pièces produites par l'intimée ne fait apparaître qu'à plusieurs reprises cette dernière lui aurait vainement demandé de procéder à la signature d'un bon de commande pour la poursuite de ses travaux'; que les mails qu'elle a adressé à l'intimée lui demandant d'exécuter les prestations pendant les périodes considérées n'ont manifestement pas trait aux factures litigieuses mais à la facture TPFRA1501FAC0138 qui a déjà fait l'objet d'une condamnation par le tribunal de commerce de Paris.

Elle soutient que le fait d'avoir volontairement maintenu ses relations contractuelles avec l'intimée à compter du mois de janvier 2015 est indifférent dans la mesure où il appartient à cette dernière de rapporter la preuve que les quatre factures litigieuses non seulement correspondaient au bon de commande en date du 14 novembre 2014 mais qu'elles correspondaient de surcroît à des prestations effectivement réalisées.

S'agissant de la désignation d'un conciliateur aux fins de proposer un échéancier au créancier, elle fait valoir que n'ayant pas répondu aux demandes du conciliateur, l'intimée ne peut soutenir de bonne foi qu'aucun échéancier ne lui aurait été proposé'; que surtout le montant mentionné ne correspond pas à celui objet de la présente procédure'; qu'en réalité, la proposition du conciliateur concernait le montant auquel elle a été condamnée au terme du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 14 juin 2016. Elle conteste dès lors toute reconnaissance du bienfondé des demandes de l'intimée et nie avoir fait preuve de résistance abusive.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 3 décembre 2019, la Sas Téléperformance demande à la cour de :
- débouter la Sas Procedo de l'intégralité de ses demandes

- confirmer le jugement entrepris

- condamner la Sas Procedo au paiement de la somme en principal de 38.019,14 euros assortie des intérêts au taux légal depuis la mise en demeure du 6 mai 2015

- la condamner au paiement d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive

- la condamner au paiement d'une somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Elle réplique qu'en sollicitant la désignation d'un conciliateur, la Sas Procedo a reconnu la qualité de créancière de la Sas Téléperformance concernant les quatre factures objets de la présente procédure. Elle soutient que cette créance n'a pas été contestée puisqu'un conciliateur a été désigné et l'instauration d'un échéancier proposé.

Elle rappelle que la preuve entre commerçants est libre. Elle explique que certes, seule la première facture du 31 janvier 2015 référencée TPFRA1501FAC0210 fait expressément référence au bon de commande n°680000000 du 14 novembre 2014, mais que le tarif pratiqué sur les quatre factures est strictement identique à celui appliqué en exécution du bon de commande précité pour les prestations effectuées en 2014. Elle ajoute avoir sollicité de la Sas Procedo pour qu'elle procède à la signature de bons de commande, en vain. Elle produit aux débats de multiples mails adressés par la société Procedo lui demandant d'exécuter les prestations ainsi que les "'reporting'" et résultats de production qu'elle a effectués. En l'absence de toute contestation sur le principe d'exécution des prestations et sur les conditions tarifaires, elle considère que la preuve de l'intention de la société Procedo de poursuivre les relations contractuelles à compter du mois de janvier 2015 aux mêmes conditions que celles figurant dans le bon de commande initial du 14 novembre 2014 est démontrée.

Elle souligne la mauvaise foi de la débitrice en faisant observer que les mails qui lui ont été adressés ne peuvent concerner la facture TPFRA15001FAC0138 d'un montant de 13.769,80 euros afférente à des prestations réalisées aux mois de novembre et décembre 2014 dans la mesure où ils ont été adressés postérieurement à l'émission de cette facture.

Elle sollicite la condamnation de l'appelante à lui verser des dommages et intérêts pour résistance abusive, celle-ci n'ayant spontanément exécuté ni le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 14 juin 2016 ni le jugement déféré pourtant assorti de l'exécution provisoire, ce qui lui est économiquement particulièrement préjudiciable.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les écritures déposées le 12 mars 2020 par la Sas Procedo et le 3 décembre 2019 par la Sas Téléperformance, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 12 mars 2020; Sur les factures impayées :

S'il ressort de l'article 1315 du code civil dans sa version applicable au présent litige que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, l'article L 110-3 du code de commerce dispose que la preuve des actes de commerce peut intervenir par tout moyen.

Il ressort des pièces produites que la Sas Téléperformance a établi le 14 novembre 2014 au bénéfice de la Sas Procedo qui l'a accepté, un bon de commande pour des prestations de sa part sur la période comprise entre le 24 novembre 2014 et le 20 décembre 2014.

A l'issue, il a été émis une facture N°TPFRA1501FAC0138 d'un montant de 13.759,80 euros TTC visant une période de travaux effectués en novembre et décembre 2014, pour laquelle la Sas Procedo a été définitivement condamnée par le tribunal de commerce de Paris à s'en acquitter.

Si les factures objet du litige qui ont suivie N° TPFRA1501FAC0210, TPFR1502FAC618, TPFRA1503FAC0848 et TPFRA1504FAC1185 et émises entre le 31 janvier 2015 et le 30 avril 2015 n'ont pas fait l'objet d'un nouveau bon de commande, il est justifié par l'intimé des prestations réalisées pour le compte de la Sas Procedo et qui correspondent bien aux travaux facturés. En effet, les "'reporting'", tableaux de production quotidienne et les échanges nombreux de mails attestent des travaux effectués sur l'ensemble de ces périodes sans qu'aucun échange ne permette de douter de l'existence des prestations effectuées.

Il est justifié en outre par de nombreuses pièces des instructions et informations données à la Sas Téléperformance par mail par la Sas Procedo pour procéder aux contacts et prises de rendez-vous. Ce qui démontre l'accord de l'appelante pour la poursuite des prestations.

Alors que les échanges entre les salariés des deux sociétés sont établis de janvier à avril 2015, la Sas Procedo ne produit aucune pièce qui établirait l'existence d'une contestation tant sur le principe des travaux fournis, leur nature et leur prix.

C'est d'ailleurs en l'absence de contestation que les factures objet du litige ont été établies sur la base du bon de commande initial rappelé en outre dans la facture du 31 janvier 2015.

De plus, par mail du 2 février 2015, M. Chevé ... de marché de la Sas Téléperformance demandait à M. ... responsable de la Sas Procedo de lui adresser son code Swift du virement effectué en novembre et le dernier bon de commande dument signé. Cependant, aucun document n'étaient établis en retour et les prestations n'étaient pas payées.

Il est ainsi mal aisé pour la Sas Procedo de soutenir que les preuves sont incomplètes alors qu'elle s'est volontairement abstenue de signer le bon de commande, tout en recevant les prestations de la Sas Téléperformance.

Il est donc démontré par la Sas Téléperformance qu'elle a réalisé des prestations pour le compte de la Sas Procedo avec son accord, que les factures émises correspondent effectivement aux travaux réalisés entre janvier et avril 2015 et qu'ils n'ont fait l'objet d'aucune dénonciation au cours de cette période.

La Sas Procedo doit être condamnée au paiement de ces factures et il convient donc de confirmer le jugement entrepris de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive :

Pour admettre une demande dommages et intérêts pour résistance abusive, il appartient d'établir le caractère fautif de ladite résistance.

Il est soutenu que la Sas Procedo n'a pas exécuté le jugement du tribunal de commerce de Paris. Cependant la cour ne peut qualifier d'abusif l'absence d'exécution d'une condamnation dont elle n'est pas à l'origine et dont elle ignore les conditions de signification et d'exécution. Il n'est donc pas établi à ce titre le caractère abusif de la résistance.

S'agissant du litige soumis à la cour, même si les factures sont anciennes, les délais de procédure ne sont pas le fait de la Sas Procedo.

Par ailleurs, le fait de ne pas exécuter le jugement de première instance même assorti d'une exécution provisoire est insuffisant pour caractériser un abus, la Sas Télésurveillance ayant pu disposer des voies d'exécution assortissant cette exécution provisoire.

Il convient donc de rejeter la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et d'infirmer en ce sens le jugement de première instance.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Il y a lieu de condamner la SAS Procedo aux dépens et à payer à la SAS Téléperformance France une somme de 4000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dispositions de ces chefs ordonnées en première instance seront pas ailleurs confirmées.

PAR CES MOTIFS':

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement entrepris en ce qui concerne la condamnation à dommages et intérêts pour procédure abusive

Et statuant à nouveau

DIT n'y avoir lieu à condamner la SAS Procedo France à payer à la SAS Téléperformance France une somme à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ET Y ajoutant

CONDAMNE la SAS Procedo France aux dépens

CONDAMNE la SAS Procedo France à payer à la SAS Téléperformance France une somme de 4000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame ..., Présidente de chambre à la Cour d'Appel de METZ et par Monsieur ..., Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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