Jurisprudence : CA Douai, 30-11-2011, n° 11/00656, Infirmation



ARRÊT DU
30 Novembre 2011
N° 1930/11
RG 11/00656
MLB / SL
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE
en date du
25 Février 2011
(RG 09/00188 -section 4)
- Prud'hommes -

APPELANT
M. Michel D'Z Z

LILLE
Représentant Me Bruno BELIN DE CHANTEMELE (avocat au barreau de LYON)
INTIMÉ
MONTE PASCHI BANQUE

PARIS
Représentant Me Florence ROBERT DU GARDIER (avocat au barreau de HAUTS DE SEINE)

DÉBATS à l'audience publique du 26 Octobre 2011
Tenue par Muriel ... ...
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER Nadine BERLY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Marie ... PIERRARD
PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Renaud DELOFFRE
CONSEILLER
Muriel LE BELLEC
CONSEILLER

ARRÊT Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Novembre 2011,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie Suzanne PIERRARD, Président et par Solenne PIVOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par contrat à durée indéterminée en date du 1er avril 1991, Monsieur Michel D'Z Z a été engagé par la SA MONTE PASCHI BANQUE, en qualité de chef d'agence.
Convoqué le 20 janvier 1995 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 27 janvier 1995, Monsieur Michel D'Z Z a été licencié pour faute grave le 6 février 1995.
Une transaction est intervenue entre les parties le 12 avril 1995 aux termes de laquelle la SA MONTE PASCHI BANQUE a abandonné la qualification de faute grave, fixé la date de la rupture au 20 janvier 1995 et a réglé à Monsieur Michel D'Z Z la somme totale de 61 861,61 euros, tandis que Monsieur Michel D'Z Z a renoncé à toute instance et action ayant pour cause et origine le contrat de travail.
Statuant sur les demandes formées par Monsieur Michel D'Z Z, le conseil de prud'hommes de Lille l'a, par jugement du 25 février 2011, débouté de l'ensemble de ses demandes et condamné à payer à la SA MONTE PASCHI BANQUE la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur Michel D'Z Z a interjeté appel le 7 mars 2011.
Aux termes de ses conclusions parvenues au greffe le 24 juin 2011 et soutenues à l'audience, Monsieur Michel D'Z Z demande à la cour
- d'infirmer le jugement,
- de dire nul le protocole d'accord valant transaction du 12 avril 1995,
- en conséquence de condamner la SA MONTE PASCHI BANQUE à lui payer la somme de 136 286,16 euros au titre de la méconnaissance de son statut protecteur et celle de 62 901,30 euros au titre de l'indemnité prévue par l'article L.122-14-4 du code du travail,
- de dire nul le licenciement,
- en conséquence de condamner la SA MONTE PASCHI BANQUE à lui payer la somme de 12 223,69 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 16 298,25 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
- subsidiairement, de dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la SA MONTE PASCHI BANQUE à lui payer la somme de 12 223,69 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 16 298,25 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
- en tout état de cause, de condamner la SA MONTE PASCHI BANQUE à lui payer les sommes de 682,50 euros au titre du quart du salaire du mois de mai 2005, 1 249,53 euros au titre du 13ème mois prorata temporis, 1 249,53 euros au titre du 14ème mois prorata temporis et 2 273,05 euros au titre du solde des congés payés y compris sur préavis,
- de condamner la SA MONTE PASCHI BANQUE à lui payer la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions parvenues au greffe le 20 octobre 2011 et soutenues à l'audience, la SA MONTE PASCHI BANQUE demande à la cour
- à titre principal, de confirmer le jugement entrepris,
- à titre subsidiaire, si la cour devait considérer que le protocole transactionnel est entaché de nullité absolue, d'ordonner à Monsieur Michel D'Z Z de restituer la somme de 61 861,61 euros versée dans le cadre du protocole transactionnel annulé avec application du taux d'intérêts légal à compter de la date du versement des sommes, de constater qu'aucune indemnité pour violation du statut protecteur n'est due dès lors que Monsieur Michel D'Z Z a continué à exercer son mandat, de ramener le montant des condamnations sollicitées par lui du fait de son licenciement à de plus justes proportions, déduction faite en tout état de cause des allocations d'assurance chômage perçues à hauteur de 67 196,91 euros et des indemnités éventuellement perçues par ce dernier au titre de ses mandats électifs,
- en tout état de cause, de condamner Monsieur Michel D'Z Z à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nullité du licenciement et de la transaction subséquente.
Monsieur Michel D'Z Z était administrateur de la caisse d'allocations familiales de Lille lorsqu'il a été licencié. Son mandat avait été publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord et était opposable à l'employeur. La SA MONTE PASCHI BANQUE reconnaît d'ailleurs dans ses écritures qu'elle en connaissait l'existence. Au demeurant, il résulte de l'attestation établie par le directeur adjoint et l'agent comptable de la caisse d'allocations familiales de Lille que l'employeur était dédommagé par la caisse d'allocations familiales au titre des salaires et charges décomptés pendant les absences de Monsieur Michel D'Z Z pour l'exercice de son mandat d'administrateur.
La SA MONTE PASCHI BANQUE indique qu'elle ignorait en toute bonne foi que les fonctions d'administrateur à la caisse d'allocations familiales de Lille conféraient à Monsieur Michel D'Z Z un statut protecteur. Ce statut résulte toutefois de l'article L.231-11 du code de la sécurité sociale.
Le licenciement de Monsieur Michel D'Z Z, intervenu sans que la SA MONTE PASCHI BANQUE ait sollicité l'autorisation préalable de licenciement de l'inspecteur du travail, est nul de plein droit.
Le principe selon lequel il n'est pas permis de transiger sur les matières qui intéressent l'ordre public trouve à s'appliquer en l'espèce. Il est jugé qu'est atteinte de nullité absolue d'ordre public la transaction conclue avec l'employeur avant la notification du licenciement, lequel ne peut intervenir qu'après l'obtention de l'autorisation administrative. Une transaction conclue avec un salarié protégé ne peut avoir ni pour objet ni même pour effet d'éluder le statut protecteur.
La SA MONTE PASCHI BANQUE ne démontre nullement que Monsieur Michel D'Z Z, qui a attendu près de quatorze ans pour saisir la juridiction prud'homale, a transigé de mauvaise foi en ayant pleinement conscience de ce que la procédure de licenciement n'avait pas tenu compte de son mandat d'administrateur de la caisse d'allocations familiales. Elle ne démontre pas que Monsieur Michel D'Z Z était plus informé qu'elle ne l'était elle-même sur la protection qui s'attachait au mandat d'administrateur de la caisse d'allocations familiales.
En conséquence, le jugement est infirmé en ce qu'il a validé le protocole transactionnel. Il convient de prononcer la nullité du licenciement notifié le 6 février 1995 et celle de la transaction subséquente en date du 12 avril 1995.
Sur les conséquences.
Il est de principe que le salarié protégé qui ne demande pas la poursuite de son contrat de travail illégalement rompu est en droit d'obtenir, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les motifs du licenciement, d'une part, au titre de la violation du statut protecteur, le montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et l'expiration de la période de protection en cours, sans que puisse lui être opposé le fait que son licenciement n'a pas mis fin à son mandat, à savoir jusqu'à six mois après la date d'expiration du mandat en cours (article L.425-1 du code du travail recodifié L.2411-5) et, d'autre part, les indemnités de rupture ainsi qu'une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L.1235-3 du code du travail (ancien article L.122-14-4 du code du travail).
Au vu des éléments de la cause, sur la base d'un salaire mensuel de 5 241,77 euros pour une durée de 26 mois (février 1995 à mars 1997), l'indemnité pour violation du statut protecteur s'établit à 136 286,02 euros.
Sur la base du salaire précité, la cour est en mesure de fixer le montant de l'indemnité réparant le préjudice résultant du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L.122-14-4 du code du travail, à la somme de 32 000 euros.
Monsieur Michel D'Z Z est en droit d'obtenir une indemnité de préavis de trois mois, soit 12 223,69 euros, ainsi qu'une indemnité de licenciement de 16 298,25 euros.
La demande relative au quart du mois de mai 1995 (et non 2005) n'est pas justifiée, cette période étant rémunéré au titre du préavis, la rupture du contrat de travail n'étant pas fixée au 20 janvier 1995 dès lors que la transaction est également annulée sur ce point.
En revanche, il est fait droit aux demandes en paiement des sommes de 1 249,53 euros au titre du 13ème mois prorata temporis, 1 249,53 euros au titre du 14ème mois prorata temporis et 2 273,05 euros au titre du solde des congés payés y compris sur préavis.
Par ailleurs, en raison de la nullité de la transaction, les sommes perçues par Monsieur Michel D'Z Z à ce titre sont réputées sans cause. Il convient donc de faire droit à la demande de répétition présentée à cet égard par l'employeur, sans qu'il y ait lieu de faire courir les intérêts à compter du jour du versement, en l'absence de démonstration de la mauvaise foi du salarié lors de la réception de cette somme.
Il y a lieu d'ordonner la compensation entre les créances respectives des parties.
Sur l'application d'office des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail en faveur de Pôle Emploi.
Le salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur fautif à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement dans la limite de six mois en application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail.
En l'espèce, il convient d'ordonner le remboursement à Pôle Emploi à hauteur d'un mois d'indemnité de chômage.
Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Compte tenu de l'issue du litige, la SA MONTE PASCHI BANQUE est condamnée à payer à Monsieur Michel D'Z Z la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Lille ;
Statuant à nouveau
Prononce la nullité du licenciement intervenu le 6 février 1995 et celle de la transaction subséquente en date du 12 avril 1995 ;
Condamne la SA MONTE PASCHI BANQUE à verser à Monsieur Michel D'Z Z les sommes suivantes
- 136 286,02 euros (cent trente six mille deux cent quatre vingt six euros et deux centimes) au titre de l'indemnisation pour violation du statut protecteur,
- 32 000 euros (trente deux mille euros) au titre de l'indemnité réparant le préjudice résultant du licenciement,
- 12 223,69 euros (douze mille deux cent vingt trois euros et soixante neuf centimes) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 16 298,25 euros (seize mille deux cent quatre vingt dix huit euros et vingt cinq centimes) au titre de l'indemnité de licenciement,
- 1 249,53 euros (mille deux cent quarante neuf euros et cinquante trois centimes) au titre du 13ème mois prorata temporis,
- 1 249,53 euros (mille deux cent quarante neuf euros et cinquante trois centimes) au titre du 14ème mois prorata temporis,
- 2 273,05 euros (deux mille deux cent soixante treize euros et cinq centimes) au titre du solde des congés payés y compris sur préavis ;
Condamne Monsieur Michel D'Z Z à rembourser à la SA MONTE PASCHI BANQUE la somme de 61 861,61 euros (soixante et un mille huit cent soixante et un euros et soixante et un centimes) perçue en exécution de la transaction annulée ; Ordonne la compensation entre les créances respectives des parties ;
Ordonne le remboursement par la SA MONTE PASCHI BANQUE à Pôle Emploi d'un mois d'indemnité de chômage ;
Condamne la SA MONTE PASCHI BANQUE à payer à Monsieur Michel D'Z Z la somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne la SA MONTE PASCHI BANQUE aux dépens d'instance et d'appel.
LE GREFFIER S. ...

LE PRÉSIDENT M-S PIERRARD

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