Jurisprudence : Cass. crim., 12-10-2011, n° 11-85.474, F-P+B, Cassation

Cass. crim., 12-10-2011, n° 11-85.474, F-P+B, Cassation

A0517HZ8

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Cass. crim., 12-10-2011, n° 11-85.474, F-P+B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/5619316-cass-crim-12102011-n-1185474-fp-b-cassation
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Abstract

Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence.



No J 11-85.474 F P+B No 5820
CI 12 OCTOBRE 2011
CASSATION
M. LOUVEL président,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze octobre deux mille onze, a rendu l'arrêt suivant
Sur le rapport de M. le conseiller ..., les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ... ;

Statuant sur le pourvoi formé par - M. Sébastien Z,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de POITIERS, en date du 28 juin 2011, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises de la Vienne sous l'accusation de viol commis par l'ancien concubin de la victime;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 222-23, 222-24, 132-80 du code pénal, 214 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, du principe de la légalité des délits et des peines, de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné le renvoi de M. Z devant la cour d'assises du département de la Vienne du chef de viol commis par l'ancien concubin de la victime ;
"aux motifs que Mme Virginia ... a toujours soutenu qu'elle n'avait pas été consentante pour avoir une relation sexuelle avec M. Z le jour des faits ; qu'elle a manifesté de façon non équivoque son absence de consentement, en le verbalisant et en s'opposant physiquement au mis en examen ; que M. Z a quant à lui justifié les actes de violence en leur conférant un caractère de jeu sexuel accepté et même demandé par sa partenaire ; qu'il faut cependant relever que les constatations médicales sont davantage conformes à des échanges de coups dans un contexte d'agression qu'à des marques corporelles faisant suite à des relations sexuelles ; qu'il faut par ailleurs noter que l'audition des anciens partenaires sexuels de l'un et de l'autre ne révèle aucun goût jamais exprimé sur ce type de relations sexuelles violentes ; que M. Z a du reste lui-même admis que ce jour-là les bornes habituelles avaient été dépassées ; que si un tel contexte de violence avait été accepté dans un cadre sexuel, M. Z n'explique pas pourquoi son amie lui a demandé immédiatement de partir, a prévenu aussitôt son fils dès 13h07 par téléphone, a consulté son médecin à 13h55 et s'est rendue à la gendarmerie pour déposer plainte peu après 15h00 ; que l'état de choc objectivement constaté sur la victime ne peut être davantage compatible avec la thèse d'une relation sexuelle avec violence consentie ou acceptée les termes et le ton de la conversation téléphonique de Mme ... avec son fils, les observations du médecin gynécologue du centre hospitalier de Poitiers, les témoignages de ses proches après les faits et l'expertise psychologique ordonnée par le juge d'instruction décrivant des séquelles post-traumatiques, constituent un ensemble d'indices propres à conforter les accusations de la plaignante ; que, faute d'éléments de nature à caractériser des relations sexuelles dans le registre du sadomasochisme pleinement acceptées par sa partenaire, la thèse de M. Z ne saurait être retenue ; qu'il existe, dès lors, des charges suffisantes pour renvoyer celui-ci devant la cour d'assises de la Vienne ;
"1o) alors que les chambres de l'instruction ne peuvent prononcer une mise en accusation devant la cour d'assises que si les faits dont elles sont saisies réunissent tous les éléments constitutifs de l'infraction reprochée et des circonstances aggravantes qui l'accompagnent ; que l'insuffisance de motifs équivaut à leur absence ; que notamment la violence relevée par l'arrêt attaqué ne peut constituer un élément constitutif nécessaire du viol que si elle a été exercée sur la personne victime de l'agression pour la contraindre à subir un acte sexuel, non si elle a seulement accompagné cet acte, accompli de façon brutale ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction ne pouvait justifier de l'existence d'une forme de contrainte physique exercée sur Mme ... pour vaincre sa résistance, en se bornant à relever des traces de violence légère, attribuée par M. Z au contexte de jeux sexuels accepté de part et d'autre, sans s'expliquer sur le caractère irrésistible de la violence qu'aurait subie Mme ... pour la forcer à se soumettre, contre son gré, aux actes dont s'agit ; qu'en cet état, la chambre de l'instruction n'a pu justifier légalement sa décision ;
"2o) alors que la chambre de l'instruction n'a pas davantage recherché, comme elle y était pourtant invitée, si M. Z n'avait pas pu se méprendre sur l'attitude de sa partenaire, compte tenu de l'ambiguïté et de l'ambivalence de leurs relations antérieures, dont il faisait état dans son mémoire ; qu'en effet, l'élément intentionnel, constitutif de l'infraction, ne peut exister si l'auteur des faits n'a pas été conscient d'imposer à la victime des rapports non consentis, estimant que la résistance de la victime n'avait aucun caractère sérieux et qu'elle participait d'un simple jeu sexuel ; qu'en ne s'expliquant pas sur l'absence d'élément moral de l'infraction, du point de vue de M. Z, précisément contesté, la chambre de l'instruction a privé sa décision de motifs ;
"3o) alors que la circonstance aggravante d'ancien concubin de l'article 132-80 du code pénal n'est pas prévue par la loi, l'article 222-24 ne visant que la circonstance de conjoint, concubin ou partenaire liée à la victime par un pacte civil de solidarité qu'elle ne pouvait donc être retenue par les juges du fond comme circonstance aggravante, cette possibilité n'existant que dans la mesure où la loi incrimine spécialement cette circonstance, et ne pouvant résulter du seul texte général de l'article 132-80 ;
"4o) alors que l'article 132-80 est contraire à la Constitution et aux articles 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et 34 de la Constitution ; que ce texte n'est pas suffisamment clair et précis pour permettre au prévenu de connaître exactement la nature et la cause de l'accusation portée contre lui, en tant qu'il laisse incertaine la notion d'infraction " commise en raison des relations ayant existé entre l'auteur des faits et la victime ", le concept étant trop flou et insuffisamment défini par la loi pour constituer une circonstance ou une obligation pénalement sanctionnée ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué ne pouvait légalement fonder la déclaration de culpabilité et la condamnation de M. Z sur les dispositions de l'article 132-80 du code pénal dont s'agit, sans méconnaître les textes et principes susvisés ;
"5o) alors que le texte " d'affichage " ou " d'inscription " qui réprime certains comportements, en rajoutant une " surqualification " au texte de répression initial, ne relève pas du pouvoir législatif pénal ; que l'article 132-80 du code pénal qui se borne à envisager un certain état et à décrire un certain comportement pour aggraver la sanction, sans réprimer un comportement objectivement décrit, par une peine est contraire à la Constitution et aux textes constitutionnels précités, ne saurait justifier la peine prononcée ;
"6o) alors qu'en toute hypothèse, la circonstance aggravante d'ancien concubin, qui doit être caractérisée légalement, ne peut être retenue par l'arrêt de renvoi que s'il est expressément justifié que l'infraction a été commise " en raison des relations ayant existé entre l'auteur des faits et la victime " ; qu'en se bornant à indiquer que les faits ont été commis par l'ancien concubin de la victime, pour retenir cette circonstance aggravante et renvoyer M. Z de ce chef devant une cour d'assises sans caractériser une telle relation, la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision" ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 132-80 et 222-23, 11o du code pénal ;
Attendu que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour renvoyer M. Z devant la cour d'assises sous l'accusation de viol commis par l'ancien concubin de la victime, l'arrêt attaqué énonce que le mis en examen, ancien compagnon de la victime dont il était séparé depuis plusieurs mois et avec qui il entretenait occasionnellement des relations intimes, lui a imposé un rapport sexuel en faisant usage de la violence ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si, pour caractériser la circonstance aggravante, l'infraction avait été commise en raison des relations ayant existé entre l'auteur des faits et la victime, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;
Que, dès lors, la cassation est encourue ;

Par ces motifs
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers en date du 28 juin 2011, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Limoges, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale M. Louvel président, M. Castel conseiller rapporteur, Mme Chanet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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