SOC. PRUD'HOMMES LG
COUR DE CASSATION
Audience publique du 5 octobre 2011
Cassation
M. BLATMAN, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président
Arrêt no 1995 F-D
Pourvoi no A 10-17.198
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. Z.
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 21 janvier 2010.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par M. Fabrice Z, domicilié La Possession,
contre l'arrêt rendu le 24 février 2009 par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Dindar autos, exerçant sous l'enseigne Kolors automobiles, société anonyme, dont le siège est Sainte-Clotilde,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 13 septembre 2011, où étaient présents M. Blatman, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Hénon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Goasguen, conseiller, M. Lalande, avocat général, Mme Bringard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Hénon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Laugier et Caston, avocat de M. Z, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Dindar autos, l'avis de M. Lalande, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z a été engagé le 22 mars 2004 par la société Dindar autos en qualité de vendeur hall ; qu'après avoir démissionné le 10 décembre 2004 en raison de manquements qu'il imputait à son employeur, il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement d'heures supplémentaires, de primes de treizième mois et de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen
Vu l'article L. 3174-4 du code du travail ;
Attendu qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ;
Attendu que pour rejeter la demande du salarié en paiement d'heures supplémentaires, l'arrêt retient que M. Z ne produit que deux lettres qui ne permettent pas de déterminer le nombre d'heures qui auraient été effectuées au delà de la durée légale et ne sauraient faire présumer le bien fondé de sa demande ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié avait produit des lettres adressées à son employeur contenant un décompte des heures qu'il prétendait avoir réalisées auquel l'employeur pouvait répondre, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le deuxième moyen
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation sur le premier moyen du pourvoi emporte la cassation par voie de conséquence des dispositions de l'arrêt relatives à la rupture du contrat de travail ;
Sur le troisième moyen
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu qu'après avoir énoncé dans ses motifs que c'est à bon droit que les premiers juges ont fait droit à la demande relative au prorata de treizième mois et de congés payés afférentes, l'arrêt a réformé le jugement et débouté le salarié ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 février 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;
Condamne la société Dindar autos aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile, 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Dindar autos à payer à la SCP Laugier et Caston la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Laugier et Caston, avocat aux Conseils, pour M. Z
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Fabrice Z de ses demandes, notamment de celles relatives aux salaires afférents aux heures supplémentaires effectuées ;
AUX MOTIFS QUE, sur les heures supplémentaires, les seuls éléments produits à l'appui de cette demande sont les lettres des 2 et 29 novembre 2004, qui ne permettent même pas de déterminer le nombre d'heures qui auraient été effectuées au-delà de la durée légale (elles seraient au nombre de 40 par semaine du lundi au vendredi), et ne sauraient donc faire présumer le bien-fondé de sa réclamation, d'autant que les horaires d'ouverture du service commercial étaient de 8 heures 30 à 12 heures et de 14 heures à 17 heures (et non 18 heures 30 comme le soutient l'intimé) ; au demeurant, l'article 5 de l'accord conclu le 21 août 2000 en application de la loi 2000-37 du 19 janvier 2000 stipulait "la société s'engage à n'avoir recours aux heures supplémentaires que de manière exceptionnelle, sur demande du responsable de service avec l'accord de la direction", (demande et accord dont aucun commencement de preuve n'existe), les dépassements d'horaires liés au parfait achèvement des travaux commencés devant être récupérés dans le courant de la semaine suivante ; qu'il y a donc lieu à infirmation du jugement qui a accueilli cette demande ;
1o) ALORS QUE si la preuve des heures travaillées n'incombe spécialement à aucune des parties, il appartient à l'employeur de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'en l'état des écrits de Monsieur Z à son employeur faisant valoir qu'il avait travaillé chaque jour de la semaine de 08 30 à 12 00 et de 14 00 à 18 00 et le samedi de 09 à 12 00 et de 14 00 à 16 00, il appartenait à la Cour d'appel de tirer les conséquences de l'abstention de la société DINDAR AUTOS à avoir fourni les horaires réellement travaillés par Monsieur Z ; que, par suite, l'arrêt attaqué a violé l'article L.3171-4 du Code du travail ;
2o) ALORS QUE, la Cour d'appel, examinant les prétentions de Monsieur Z exprimées à son employeur avant mise en oeuvre de toute procédure, a statué de manière hypothétique en considérant qu'elles seraient au nombre de 40 heures par semaine du lundi au vendredi, ce que n'avait pas réfuté l'employeur, et qu'elles ne sauraient par conséquent faire présumer le bien fondé de sa réclamation, et a, par suite, entaché sa décision d'un défaut de motif en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
3o) ALORS QU' en l'état des prétentions de Monsieur Z selon lesquelles la durée de son travail hebdomadaire était de 40 heures, il incombait à l'employeur de rapporter la preuve que le salarié avait bénéficié des jours de repos prévus par les dispositions conventionnelles ; qu'en dispensant l'employeur de cette preuve, l'arrêt attaqué a violé l'article 1315 du Code civil
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Fabrice Z de ses demandes, notamment celles relatives à l'indemnisation de la rupture abusive de son contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE sur l'imputabilité et le bien fondé de la rupture, la lettre de démission se réfère expressément aux "différents courriers" par lesquels le salarié avait "fait part des troubles (qu'il rencontrait) dans l'entreprise", à savoir un dénigrement de la part du responsable, la confiscation du véhicule dont il avait la disposition depuis 7 mois, le refus de lui régler les heures supplémentaires et enfin les "multiples suggestions" de démissionner émanant du président directeur général et des membres du directoire ; elle mentionne également "les nouvelles conditions de travail" ; que la démission entraînant rupture immédiate des relations, il n'y a lieu de statuer ni sur le bien fondé du licenciement ni sur celui d'une demande de résiliation judiciaire qui était sans objet ; que s'agissant d'une démission circonstanciée, il appartient au juge d'apprécier le bien fondé de tous les griefs formulés par le salarié à son appui ; que la demande en paiement de prétendues heures supplémentaires n'étant pas fondée ainsi qu'il a été vu plus haut, et aucun élément ne permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral de la part des cadres qui n'ont fait qu'exercer leurs prérogatives auquel l'exercice normal du pouvoir disciplinaire ne pouvait être reproché, la rupture était imputable au salarié qui sera débouté de ses demandes indemnitaires ;
1o) ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen, relatif aux heures supplémentaires effectuées par Monsieur Z, mais non rémunérées, entraînera par voie de conséquence la censure du rejet de l'indemnisation relative à la rupture abusive, compte tenu du lien établi par l'arrêt attaqué entre ces deux chefs de demandes et en application de l'article 624 du Code de procédure civile ;
2o) ALORS QUE la Cour d'appel n'a pas examiné le grief fait à l'employeur d'avoir modifié le contrat de travail de Monsieur Z en l'affectant désormais sur le magasin de vente de la concession FIAT, ce que celui-ci avait refusé en raison des plus faibles performances de cette marque à LA RÉUNION ; que, par suite, l'arrêt attaqué, qui n'a pas examiné l'ensemble des griefs invoqués par le salarié à l'appui de sa demande de prise d'acte de la rupture, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L.1232-1du Code du travail, ensemble l'article 1235-1 de ce même Code.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Z de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE, sur le prorata du treizième mois, l'article 6 du Contrat de Monsieur Z stipulait, d'une part, que la prime de 13ème mois était "conditionnée à un temps de présence de plus de six mois continue dans l'entreprise" (et non une année), d'autre part qu' "en cas d'année incomplète de travail ou de réalisation du contrat en cours d'année, pour quelque cause que ce soit, (elle) sera due et calculée au prorata du temps de travail effectué y compris les périodes qui sont assimilées à un travail effectif par l'article L.223-4 du Code du travail" ; cette somme et les congés payés correspondants ayant été réglés respectivement en décembre 2004 et janvier 2005, c'est à bon droit que les premiers juges ont fait droit à cette demande ;
ALORS QUE la contradiction entre les motifs et dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu'aussi bien, l'arrêt attaqué, en prononçant une infirmation totale du jugement entrepris et en déboutant Monsieur Z de l'intégralité de ses demandes, tandis qu'il a déclaré que les premiers juges avaient à bon droit fait droit à la demande en paiement de prime du 13ème mois, a entaché sa décision d'une contradiction de motifs en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.