Jurisprudence : CAA Marseille, 2e, 07-01-2016, n° 14MA00282

Références

CAA de MARSEILLE

N° 14MA00282
Inédit au recueil Lebon
2ème chambre - formation à 3
lecture du jeudi 07 janvier 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :
M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le centre hospitalier universitaire de Nice et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui payer à hauteur de 50 % chacun la somme de 220 047,47 euros en réparation de ses préjudices.

Par un jugement n° 1200950 du 22 novembre 2013, le tribunal administratif de Nice a condamné le centre hospitalier universitaire de Nice à lui payer la somme de 11 609,50 euros en réparation de ses préjudices.
Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 janvier 2014, M.C..., représenté par Me G. A... et Me A. A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 22 novembre 2013 en tant qu'il n'a pas également condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et qu'il a limité son indemnisation à la somme de 11 609,50 euros ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Nice et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui payer à hauteur de 50 % chacun la somme totale de 208 776,24 euros, assortie des intérêts concernant le centre hospitalier à compter du 10 août 2011 et concernant l'office à compter du 29 novembre 2011, avec anatocisme ;


3°) de mettre à la charge du centre hospitalier et de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales les dépens et la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté le caractère de particulière gravité des troubles dans les conditions d'existence qu'il subit ;
- il a en outre été considéré comme inapte à exercer l'activité professionnelle qu'il devait pratiquer de façon certaine après l'intervention chirurgicale ;
- au regard de ces deux critères, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales doit l'indemniser à hauteur de 50 % ;
- il a droit contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges au remboursement de frais de transport pour un montant de 2 112 euros ;
- sa perte de gains professionnels actuels et futurs s'élève à 121 179,24 euros ;
- l'incidence professionnelle qu'il a subie sera réparée par l'allocation de la somme de 25 000 euros ;
- la somme de 8 485 euros indemnisera la période de déficit fonctionnel temporaire subi ;
- ses souffrances évaluées à 2,5 sur 7 seront réparées par l'allocation de 5 000 euros ;
- une somme de 1 500 euros indemnisera son préjudice esthétique temporaire ;
- son déficit fonctionnel permanent évalué à 7 % justifie une indemnisation d'un montant de 14 000 euros ;
- 15 000 euros répareront son préjudice d'agrément ;
- la même somme indemnisera son préjudice sexuel ;
- une somme de 1 500 euros indemnisera son préjudice esthétique permanent.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 janvier 2015, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête en ce qu'elle est dirigée à son encontre ;

2°) à titre subsidiaire, s'il devait être condamné, d'ordonner une expertise à son contradictoire ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, de réduire les prétentions indemnitaires de M. C... à de plus justes proportions.

L'office fait valoir que :

- la faute commise par l'établissement hospitalier doit exclure toute prise en charge du dommage par la solidarité nationale ;
- l'indication opératoire était douteuse et il existe un défaut d'investigation manifeste ;
- la faute n'est pas à l'origine d'une perte de chance mais à l'origine directe et certaine de l'entier dommage ;
- la possibilité d'un partage de l'indemnisation d'un seul et même accident entre le responsable de la faute et la solidarité nationale ne peut pas être envisagée dans l'hypothèse d'une faute initiale antérieure à la survenue de l'accident médical, comme c'est le cas en l'espèce ;
- à titre subsidiaire, son intervention est exclue en raison de l'absence des seuils de gravité requis ;
- en effet, M. C...ne souffre pas de troubles particulièrement graves, ayant été admis à la retraite en février 2008, tandis que la seule pathologie prostatique initiale aurait pu l'empêcher d'accomplir sa mission en Antarctique en décembre 2005 ;
- l'inaptitude visée par l'article D. 1142-1 du code de la santé publique se limite à l'activité exercée antérieurement à la survenue de l'accident ;
- en outre, le dommage ne présente pas le caractère d'anormalité requis ;
- en effet, M. C...était prédisposé au dommage survenu, dès lors qu'on ne peut exclure que la dilatation de la sténose ait une part dans l'incontinence postopératoire ;
- le risque d'incontinence, dont la probabilité de survenue est supérieure à 50 %, ne peut pas être qualifié d'anormal ;
- l'état antérieur du patient a largement participé à la réalisation du dommage ;
- à titre infiniment subsidiaire, il est nécessaire d'ordonner une nouvelle expertise, dès lors qu'il n'était pas partie aux opérations d'expertise ordonnées par la CRCI ;
- il existe en outre des contradictions entre certaines des constatations opérées par l'expert ;
- à titre infiniment subsidiaire, les demandes indemnitaires devront être ramenées à de plus justes proportions et il ne pourra être condamné que dans une limite de 50 % ;
- la demande relative au remboursement des dépenses de santé actuelles et futures est infondée ;
- la réalité de l'engagement de frais divers n'est pas établie ;
- concernant les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle, l'état de santé initial du patient était incompatible avec la réalisation d'une mission de plusieurs mois en Antarctique ;
- ce préjudice est hypothétique ;
- la période de déficit fonctionnel temporaire pourra être indemnisée par la somme de 19 200 euros ;
- les souffrances justifient l'allocation de la somme de 2 171,50 euros ;
- le préjudice esthétique temporaire n'est pas distinct du préjudice esthétique permanent ;
- s'il devait être indemnisé, une somme de 1 319 euros serait satisfactoire ;
- 6 472 euros répareront le déficit fonctionnel permanent dont reste atteint M. C... ;
- le préjudice esthétique permanent pourrait être indemnisé par la somme de 1 319 euros ;
- l'existence d'un préjudice d'agrément et d'un préjudice sexuel n'est pas démontrée.


Par un mémoire en défense enregistré le 29 mai 2015, le centre hospitalier universitaire de Nice, représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a engagé sa responsabilité ou à tout le moins, réduire le montant des indemnités qu'il a été condamné à payer ;

2°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête de M.C....
Il soutient que :

- la requête d'appel de M. C...doit être rejetée ;
- la demande de remboursement de frais divers liés au handicap n'est pas justifiée ;
- la perte de gains professionnels revêt un caractère hypothétique ;
- il n'y a pas de lien entre la prise de retraite anticipée et les séquelles ;
- l'incidence professionnelle n'est pas établie ;
- l'indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux de M. C...par les premiers juges est suffisante ;
- il forme un appel incident dans la mesure où c'est à tort que sa responsabilité a été retenue ;
- la faute liée à l'absence d'investigation préalable à la mise en oeuvre de la technique de thermothérapie par laser n'est pas constituée ;
- subsidiairement, la perte de chance ne peut pas être évaluée à 50 %, dès lors qu'un des deux manquements doit être écarté ;
- en outre, le risque d'incontinence urinaire existe également dans le cadre d'une intervention classique ;
- la thermothérapie ne peut être assimilée à un traitement expérimental susceptible d'engendrer un risque accru de complications par rapport à la résection endoscopique ;
- dans le bilan bénéfices risques, le tribunal a omis de prendre en compte le caractère moins traumatisant et permettant un rétablissement plus rapide de l'intervention litigieuse par rapport au traitement classique.


Vu les autres pièces du dossier.


Vu :
- le code civil ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,
- et les observations de Me A...pour M. C...et de Me E...du cabinet D14282
e la Grange pour l'ONIAM.


1. Considérant que M.C..., souffrant d'une hypertrophie de la prostate résistant à un traitement médicamenteux, a subi le 25 octobre 2005 une intervention chirurgicale au centre hospitalier universitaire de Nice consistant en une thermothérapie par laser, technique opératoire nouvelle ; qu'il a conservé dans les suites de l'opération une incontinence urinaire ; qu'il a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui a diligenté deux expertises ; que la commission a émis un avis favorable à l'indemnisation des préjudices de M.C... ; que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, substitué à l'assureur du centre hospitalier, a en conséquence versé à M. C... une somme provisionnelle de 5 064,50 euros ; qu'estimant le montant de la réparation insuffisante, l'intéressé a formé devant le tribunal administratif de Nice un recours indemnitaire à l'encontre de l'établissement hospitalier et de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ; qu'il relève appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 22 novembre 2013 en tant que les premiers juges n'ont pas également mis à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales les sommes qu'il réclamait et en tant que sa demande indemnitaire n'a pas été totalement satisfaite ; que par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier universitaire de Nice conteste l'engagement de sa responsabilité ;



Sur l'appel principal de M.C... :

2. Considérant que M. C...reproche aux premiers juges de n'avoir mis à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales aucune obligation d'indemnisation de ses préjudices ;


3. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret " ; qu'aux termes de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. / A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ; 2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence " ;
4. Considérant que M. C..., qui ne conteste pas que son incontinence urinaire ne satisfait pas aux critères de gravité fixés aux deux premiers alinéas de l'article D. 1142-1 du code de la santé publique, fait valoir que cette affection entraîne à elle seule par nature des troubles particulièrement graves dans ses conditions d'existence, au sens du 2° du troisième alinéa de l'article D. 1142-1 ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise, que si l'incontinence urinaire dont souffre le patient engendre des troubles certains dans ses conditions d'existence, ces troubles, constitués par une incontinence urinaire ayant régressé avec de la rééducation et une cure chirurgicale à 95 % à la date de la consolidation, ne revêtent pas le caractère de particulière gravité, y compris d'ordre économique, requis par les dispositions précitées pour ouvrir droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale ; que si M. C... soutient également qu'il doit être considéré comme inapte à exercer l'activité professionnelle qu'il aurait, selon lui, pratiquée de façon certaine après l'intervention chirurgicale, il résulte de l'instruction qu'il n'a pas été déclaré définitivement inapte à exercer sa profession, tel que l'exigent les dispositions de l'article D. 1142-1 du code de la santé publique ; que les seuils de gravité n'étant pas atteints, M. C...n'est pas fondé à demander une indemnisation de ses dommages par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

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