Références
CAA de NANTESN° 14NT00324Inédit au recueil Lebon
1ère Chambre lecture du jeudi 26 novembre 2015REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Alugo a demandé au tribunal administratif de Nantes la décharge des suppléments de taxe professionnelle auxquels elle a été assujettie au titre des années 2007 à 2009 dans les rôles de la commune de Cholet.
Par un jugement n° 1106158 du 19 décembre 2013, le tribunal administratif de Nantes l'a déchargée de ces suppléments de taxe et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 11 février 2014, le ministre délégué chargé du budget demande à la cour :
1°) d'annuler ou de réformer ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 décembre 2013 ;
2°) de remettre à la charge de la SAS Alugo, à concurrence de 4 800 euros en 2007, de 6 900 euros en 2008 et de 19 400 euros en 2009, les suppléments de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie ;
3°) de mettre à la charge de la SAS Alugo le versement d'intérêts de retard d'un montant de 595 euros au titre de l'année 2007, de 524 euros au titre de l'année 2008 et de 322 euros et 221 euros au titre de l'année 2009.
Il soutient que :
- le tribunal a statué ultra petita en accordant la décharge de l'intégralité de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle au titre de l'année 2009 alors que la SAS Alugo ne contestait pas la reprise d'impôt d'un montant de 11 500 euros augmentée d'intérêts de retard d'un montant de 322 euros ;
- en omettant de répondre au moyen tiré de l'impossibilité de calculer le montant de l'exonération en prenant en compte les salariés qui ne travaillaient pas dans l'atelier de fabrication et les apprentis, il a commis une erreur de droit.
Une mise en demeure a été adressée à la SAS Alugo le 17 mars 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Aubert,
- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public.
1. Considérant que le ministre des finances et des comptes publics relève appel du jugement du 19 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a déchargé la société par actions simplifiée (SAS) Alugo, qui exerce une activité de fabrication et de pose de menuiseries extérieures, des suppléments de taxe professionnelle auxquels elle a été assujettie au titre des années 2007 à 2009 et a condamné l'Etat à verser à cette société la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant, d'une part, que la SAS Alugo avait demandé au tribunal administratif la décharge des suppléments de taxe professionnelle auxquels elle a été assujettie au titre des années 2007 et 2008 et la réduction à concurrence de la somme de 21 348 euros du supplément de taxe professionnelle auquel elle a été assujettie au titre de l'année 2009 au motif que l'activité industrielle qu'elle exerce lui permet de bénéficier de l'exonération de taxe professionnelle prévue par l'article 1647 C sexies du code général des impôts ; qu'en prononçant la décharge de l'intégralité de ces suppléments de taxe, les premiers juges se sont mépris sur l'étendue du litige qui leur était soumis ; que, dès lors, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a statué au-delà de ces conclusions ;
3. Considérant, d'autre part, que le tribunal a omis de statuer sur le moyen invoqué en défense par l'administration, qui n'était pas inopérant, tiré du nombre de salariés à prendre en compte pour le calcul du montant de l'exonération dont peut bénéficier la SAS Alugo en application des dispositions de l'article 1647 C sexies du code général des impôts ; qu'il suit de là que le jugement doit être annulé ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 1647 C sexies du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " Les redevables de la taxe professionnelle et les établissements temporairement exonérés de cet impôt en application des articles 1464 B à 1464 G et 1465 à 1466 E peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt, pris en charge par l'Etat et égal à 1 000 euros par salarié employé depuis au moins un an au 1er janvier de l'imposition dans un établissement affecté à une activité mentionnée au premier alinéa de l'article 1465 situé dans une zone d'emploi reconnue en grande difficulté au regard des délocalisations au titre de la même année. (...) " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1465 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Les collectivités locales et leurs groupements dotés d'une fiscalité propre peuvent (...) exonérer de la taxe professionnelle en totalité ou en partie les entreprises qui procèdent sur leur territoire soit à des extensions ou créations d'activités industrielles ou de recherche scientifique et technique, ou de services de direction, d'études, d'ingénierie et d'informatique, soit à une reconversion dans le même type d'activités, soit à la reprise d'établissements en difficulté exerçant le même type d'activités " ;
5. Considérant, d'une part, que le caractère industriel de l'activité d'une entreprise, au sens de l'article 1465 du code général des impôts, s'apprécie au regard de la nature des opérations qu'elle effectue et de l'importance des moyens techniques qu'elle met en oeuvre pour les réaliser ; que, d'autre part, que pour l'application des dispositions précitées de l'article 1647 C sexies du même code, il y a lieu de prendre en compte l'ensemble des salariés employés depuis au moins un an au 1er janvier de l'année d'imposition dans un établissement affecté à une activité ouvrant droit au bénéfice de l'exonération, sans tenir compte de la nature des fonctions que chaque salarié exerce au sein de cet établissement ; qu'en outre, un apprenti, qui est titulaire d'un contrat de travail, doit être regardé, alors même que ce contrat a pour finalité de lui assurer une formation professionnelle, comme exerçant une activité professionnelle salariée ; que, dès lors, et en l'absence de dispositions y faisant obstacle, il doit être pris en compte pour le calcul du montant de l'exonération ;
6. Considérant que la SAS Alugo installe chez ses clients des menuiseries en aluminium et des façades de murs-rideaux incorporés à des immeubles et ouvrages en construction en aluminium qu'elle fabrique ; qu'elle soutient, sans être contredite, qu'en 2007, 66,71 % de son chiffre d'affaires a résulté de la fabrication des menuiseries en aluminium et des façades de murs-rideaux, 26,43 % de leur pose et 6,86% de l'activité de bureau d'études nécessaire à la conception de ces ouvrages, que son activité exercée dans un bâtiment atelier de 4 000 mètres carrés situé à Cholet requiert des moyens matériels et humains importants, que ses immobilisations en matériel et en outillage se sont élevées à un montant global de 363 784 euros, que quinze techniciens de production exerçaient leur activité au sein du bâtiment atelier et que neuf et sept salariés étaient affectés respectivement à la pose des menuiseries et au sein d'un bureau d'études ; que, dans ces conditions, eu égard à la nature des opérations effectuées en 2007, et compte tenu de l'importance des moyens techniques mis en oeuvre pour les réaliser, l'exploitation de la société doit être regardée comme une activité industrielle au sens des dispositions précitées de l'article 1647 C sexies du code général des impôts ;
7. Considérant, en outre, qu'il résulte de l'instruction qu'au cours des années 2007, 2008 et 2009, la SAS Alugo a employé, outre le personnel affecté à la fabrication des menuiseries, des salariés exerçant les fonctions de directeur technique, chargé d'affaires, secrétaire-comptable, métreur, dessinateur et conducteur de travaux ainsi que deux menuisiers apprentis ; que, contrairement à ce que soutient le ministre, ces salariés dont l'affectation à l'établissement exerçant l'activité de fabrication des menuiseries n'est pas contestée, doivent être pris en compte pour le calcul du montant de l'exonération dont peut bénéficier la SAS Alugo alors même qu'ils ne participent pas directement à cette activité de fabrication ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que les conclusions à fin de décharge et de réduction des suppléments de taxe professionnelle de la SAS Alugo ne peuvent être admises à hauteur de 4 800 euros en 2007, de 6 900 euros en 2008 et de 19 400 euros en 2009 ;
Sur les intérêts de retard :
9. Considérant qu'en l'absence de litige né et actuel sur le versement des intérêts de retard susceptibles d'être demandés à la SAS Alugo au titre de la décharge du supplément de taxe professionnelle d'un montant de 11 500 euros prononcée à tort par le tribunal, les conclusions du ministre tendant à ce que la somme de 221 euros soit mise à la charge de la société au titre de ces intérêts ne peuvent être accueillies ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 décembre 2013 est annulé.
Article 2 : La SAS Alugo est déchargée des suppléments de taxe professionnelle dus au titre des années 2007 et 2008 et, à hauteur de 21 348 euros, du supplément de taxe professionnelle dû au titre de l'année 2009.
Article 3 : Le surplus du recours du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Alugo et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 novembre 2015.
Le rapporteur,
S. AubertLe président,
F. Bataille
Le greffier,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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