SOC. CH.B
COUR DE CASSATION
Audience publique du 26 novembre 2015
Cassation
M. LACABARATS, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président
Arrêt n 1991 F D Pourvoi n F 14-19.680 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par
1 / l'AGS, dont le siège est Paris,
2 / à l'UNEDIC, dont le siège est Paris, association déclarée, agissant en qualité de gestionnaire de l'AGS, en application de l'article L. 3253-14 du code du travail, élisant domicile au AGS Chalon-sur-Saône,
contre l'arrêt rendu le 17 avril 2014 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale B), dans le litige les opposant
1 / à Mme X X, domiciliée Caluire-et-Cuire,
2 / à la société Noiraix-Pey-Harvey, société civile professionnelle, dont le siège est Villefranche-sur-Saône cedex, prise en qualité de mandataire judiciaire de la société à responsabilité limitée Anatech Médical,
défenderesses à la cassation ;
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée selon l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 27 octobre 2015, où étaient présents M. Lacabarats, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Geerssen, conseiller rapporteur, Mme Corbel, conseiller référendaire, M. Petitprez, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Geerssen, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'AGS et de l'UNEDIC, l'avis de M. Petitprez, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Vu les articles L. 3253-8 du code du travail ensemble L. 622-3, L. 622-17 et L. 631-14 du code de commerce résultant de la loi du 26 juillet 2005 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué que Mme X, engagée en qualité d'assistante de gestion pour la période 11 février 2008-10 juillet 2009 selon contrat de professionnalisation du 8 février, par la société Anatech Médical en redressement judiciaire depuis le 8 novembre 2007 puis en liquidation judiciaire le 12 juin 2008, a vu son contrat de travail rompu par le liquidateur judiciaire le 18 juin 2008 ;
Attendu que pour fixer la créance de dommages-intérêts pour rupture anticipée du contrat de professionnalisation de 16 086,60 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société et dire la décision opposable à l'AGS dans la limite de sa garantie légale et en cas d'absence de fonds disponibles, l'arrêt annule le contrat de professionnalisation retenant qu'en concluant avec la salariée un contrat de travail à durée déterminée, la société a poursuivi son activité de manière illicite dès lors que la créance née de cette poursuite illicite d'activité par l'usage irrégulier des pouvoirs laissés à l'employeur dans le cadre du redressement judiciaire et de sa méconnaissance de son dessaisissement même partiel, est opposable à la procédure collective ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'engagement d'un salarié selon contrat à durée déterminée de dix-sept mois sans l'autorisation de l'administrateur judiciaire désigné par le tribunal ayant ouvert le redressement judiciaire de l'employeur, ne constitue pas un acte de gestion courante et est en conséquence inopposable à la procédure collective et à l'AGS, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 avril 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne les défenderesses aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'AGS ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour l'AGS et l'UNEDIC.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir fixé la créance de Mme X au passif de la liquidation judiciaire de la société Anatech Medical représentée par Maître ..., en qualité de mandataire liquidateur, à la somme de 16.086,60 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de travail et rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires et dit la décision opposable à l'Ags et au Cgea de Chalon sur Saône, dans la limite de la garantie légale et sous réserve de l'absence de fonds disponibles ;
AUX MOTIFS QUE l'institution appelante fait essentiellement valoir à l'appui de sa contestation que le contrat de travail dont se prévaut la salariée est nul pour avoir été conclu sans l'aval de l'administrateur ou du mandataire judiciaires dès lors qu'il ne s'agit pas d'un acte de gestion courante que la société débitrice était autorisée à réaliser pendant la période d'observation ; qu'elle ajoute que le fait, pour l'administrateur judiciaire, d'avoir réglé les salaires de Mme X et de lui avoir délivré les bulletins de paye correspondants ne peut être regardé comme approbation non équivoque de sa part de la conclusion du contrat de travail litigieux ; que la conclusion d'un contrat de travail, fût-ce sous un régime dérogatoire au droit commun, n'est pas un acte de gestion courante, mais un acte de disposition qui était exclu en tant que tel de la capacité juridique laissée à la société appelante par le jugement de placement en redressement judiciaire du 8 novembre 2007 ; - que dès lors, la société Anatech Medical ne pouvait valablement embaucher Mme X sans l'autorisation préalable et expresse de l'administrateur ou du mandataire judiciaires ; que le fait, pour l'administrateur judiciaire, d'avoir réglé les salaires de l'intimée et de lui avoir délivré les bulletins de paye correspondants, ne saurait en aucune façon valoir ratification rétroactive de sa part, alors d'une part qu'il s'agit là d'actes équivoques, et que d'autre part l'autorisation de l'un des organes du redressement judiciaire devait être préalable à l'embauche et non point subséquente sauf à priver de sens la mission qui leur a été confiée par autorité de justice ; que l'intimée fait justement observer qu'en concluant avec elle le contrat de travail litigieux, la société Anatech Medical a poursuivi son activité de manière illicite, et que dès lors, sa créance née de cette poursuite illicite d'activité par l'usage irrégulier des pouvoirs laissés à l'employeur dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire et de sa méconnaissance de son dessaisissement, même partiel, est opposable à la procédure collective ; qu'en conséquence il échet de confirmer la décision querellée en ce qu'elle a fixé la créance de Mme X au passif de la société Anatech Medical en liquidation judiciaire, le conseil de prud'hommes ayant exactement apprécié le préjudice subi par la salariée ;
1/ ALORS QUE ne relève pas de la garantie de l'AGS, la créance indemnitaire résultant de la rupture anticipée d'un contrat de travail à durée déterminée, conclu irrégulièrement après ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, sans autorisation ni de l'administrateur, ni du juge commissaire ; qu'en constatant que le contrat de professionnalisation conclu irrégulièrement au bénéfice de Mme X était nul, mais en le déclarant néanmoins opposable à la procédure collective et à l'AGS, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 3253-8 du code du travail, ensemble les articles L. 622-7 et L. 622-17 du code de commerce ;
2/ ALORS QUE subsidiairement, dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, la créance indemnitaire résultant de la rupture anticipée d'un contrat de travail à durée déterminée, conclu postérieurement à l'ouverture de la procédure, sans autorisation de l'administrateur, ni du juge commissaire, trouve sa cause dans sa conclusion irrégulière, qui rend ledit contrat inopposable à la procédure collective et à l'AGS ; qu'en retenant, pour faire droit à la demande de Mme X au titre de la créance résultant de la rupture anticipée de son contrat de professionnalisation à durée déterminée, que la société Anatech Medical avait poursuivi son activité de manière illicite, et que dès lors, sa créance née de cette poursuite illicite d'activité par l'usage irrégulier des pouvoirs laissés à l'employeur dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire et en méconnaissance de son dessaisissement, même partiel, était opposable à la procédure collective, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé l'article L. 3253-8 du code du travail, ensemble les articles L. 622-7 et L. 622-17 du code de commerce.