Jurisprudence : CAA Paris, 9e, 19-11-2015, n° 13PA04787

CAA Paris, 9e, 19-11-2015, n° 13PA04787

A6131NXD

Référence

CAA Paris, 9e, 19-11-2015, n° 13PA04787. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/27350490-caa-paris-9e-19112015-n-13pa04787
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Abstract

S'agissant de l'abattement prévu à l'article 150-0 D ter du CGI, relatif à la cession de titres de PME réalisés par les dirigeants lors de leur départ à la retraite, pour la mise en oeuvre du critère relatif à l'effectif, seuls doivent être pris en compte, s'agissant des salariés de l'entreprise, les salariés ou les personnes assimilées à des salariés qui ont travaillé dans cette entreprise ou pour son compte au cours de l'année considérée.

Références

CAA de PARIS

N° 13PA04787
Inédit au recueil Lebon
9ème Chambre
lecture du jeudi 19 novembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...B...ont demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations complémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008.

Par un jugement n° 1300780/1-3 du 4 novembre 2013 le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 décembre 2013, M. et MmeB..., représentés par le cabinet d'avocats Fidal, demandent à la Cour :


1°) d'annuler le jugement n° 1300780/1-3 du 4 novembre 2013 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens.

Ils soutiennent que :

- la procédure d'imposition est irrégulière, au motif que la motivation de la proposition de rectification était insuffisante au sens des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales en ce que l'administration s'est fondée sur la seule doctrine fiscale 5 C-1-07 du 22 janvier 2007 pour les modalités d'appréciation de la condition tenant aux effectifs de la société cédée ;
- il résulte de la volonté du législateur que cette condition d'effectif prévue au a) du 3 de l'article 150-0 D ter du code général des impôts est réalisée si l'effectif de la société a été inférieur à 250 salariés au 31 décembre de l'année de cession ou de l'une des deux années précédentes ;
- les salariés qu'une entreprise de travail temporaire met à disposition d'une autre entreprise ne peuvent être pris en compte pour l'appréciation de cette même condition d'effectif prévue au a) du 3 de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, dès lors que ces salariés ne peuvent être regardés comme des " personnes travaillant pour cette entreprise, ayant un lien de subordination avec elle et assimilées à des salariés " au sens des dispositions du b de l'article 5, annexe I du règlement CE n° 800/2008 du 6 août 2008 auxquelles renvoient les débats parlementaires pour l'appréciation de cette condition ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mai 2014, le ministre des finances et des comptes publics a conclu au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 ;
- le règlement (CE) n° 70/2001 de la Commission du 12 janvier 2001 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Notarianni,
- et les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public.

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B...a cédé le 12 juin 2008 l'intégralité des titres qu'il détenait dans la SAS LPI, qui exploitait une activité d'entreprise de travail intérimaire ; que, dans leur déclaration de revenus pour l'année 2008, M. et Mme B...ont placé la plus-value réalisée lors de cette opération pour un montant de 1 436 595 euros sous le régime de l'abattement prévu à l'article 150-0 D ter du code général des impôts en faveur des dirigeants d'entreprise de moins de deux cent cinquante salariés partant à la retraite, ce qui a conduit à l'exonération totale de cette plus-value, les titres étant détenus depuis plus de huit ans ; que l'administration, estimant que la condition tenant à l'effectif de la société cédée prévue par ce texte n'était pas remplie, a remis en cause le bénéfice de cet abattement dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire par une proposition de rectification du 19 décembre 2011 ; que les contribuables relèvent appel du jugement du 4 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande de décharge des compléments d'impôt sur le revenu et pénalités auxquels ils ont été assujettis à ce titre pour un montant de 258 287 euros ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 150-0 D bis du code général des impôts, dans sa version alors en vigueur : " I. - 1. Les gains nets mentionnés au 1 de l'article 150-0 D et déterminés dans les conditions du même article retirés des cessions à titre onéreux d'actions, de parts de sociétés ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts sont réduits d'un abattement d'un tiers pour chaque année de détention au-delà de la cinquième, lorsque les conditions prévues au II sont remplies(...) " ; qu'aux termes de l'article 150-0 D ter du même code : " L'abattement prévu à l'article 150-0 D bis s'applique dans les mêmes conditions, à l'exception de celles prévues au V du même article, aux gains nets réalisés lors de la cession à titre onéreux d'actions, de parts ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts, acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2006, si les conditions suivantes sont remplies : [...] 3° La société dont les titres ou droits sont cédés répond aux conditions suivantes : a) Elle emploie moins de deux cent cinquante salariés au 31 décembre de l'année précédant celle de la cession ou, à défaut, au 31 décembre de la deuxième ou de la troisième année précédant celle de la cession [...] " ;

3. Considérant qu'il résulte des termes de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, dont la portée doit être éclairée par l'examen des travaux préparatoires de l'article 29 de la loi de finances rectificative pour 2005 du 30 décembre 2005 dont il est issu, que le législateur a entendu réserver le régime de faveur qu'il prévoit aux dirigeants qui procèdent à la cession des titres de sociétés satisfaisant aux conditions de seuils retenues pour la définition des petites et moyennes entreprises au sens du droit communautaire, alors prévue par le règlement (CE) n° 70/2001 de la Commission du 12 janvier 2001 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d'Etat en faveur des petites et moyennes entreprises auquel s'est substitué le règlement (CE) n° 800/2008 de la commission du 6 août 2008 déclarant certaines catégories d'aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité, qui doit être pris en compte s'agissant d'une plus-value imposée au titre des revenus de l'année 2008 ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de ce règlement : " Aux fins du présent règlement, on entend par : (...) 7) " petites et moyennes entreprises " ou " PME " : les entreprises remplissant les critères définis à l'annexe I (...) " ; qu'aux termes de l'article premier de l'annexe I à ce règlement : " 1. La catégorie des micro, petites et moyennes entreprises (" PME ") est constituée des entreprises qui occupent moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires n'excède pas 50 millions d'euros ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 43 millions d'euros (...) " et qu'aux termes de l'article 5 de la même annexe : " L'effectif correspond au nombre d'unités de travail par an (UTA), c'est-à-dire au nombre de personnes ayant travaillé dans l'entreprise considérée ou pour le compte de l'entreprise considérée à temps plein pendant toute l'année considérée. Le travail des personnes n'ayant pas travaillé toute l'année ou ayant travaillé à temps partiel, quelle que soit sa durée, ou le travail saisonnier, est compté comme des fractions d'UTA. L'effectif est composé : a) des salariés b) des personnes travaillant pour cette entreprise, ayant un lien de subordination avec elle et assimilées à des salariés au regard du droit national (...) " ; qu'eu égard à la finalité de ce règlement, les définitions qu'il donne doivent recevoir une interprétation privilégiant leur aspect économique ; qu'ainsi, pour la mise en oeuvre du critère relatif à l'effectif, seuls doivent être pris en compte, s'agissant des salariés de l'entreprise, les salariés ou les personnes assimilées à des salariés qui ont travaillé dans cette entreprise ou pour son compte au cours de l'année considérée ; que, dans le cas d'une entreprise de travail temporaire, les travailleurs intérimaires, bien que juridiquement liés à cette entreprise par un contrat de travail, ont vocation à être placés dans les entreprises clientes de l'entreprise de travail intérimaire, sous le contrôle et la direction desquelles ils travaillent, et non à travailler dans l'entreprise de travail intérimaire ou pour son compte ; qu'ils ne doivent dès lors pas être pris en compte dans son effectif pour l'application de ce règlement ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, pour la mise en oeuvre du critère d'effectif de moins de 250 salariés prévu au a du 3° de l'article 150-0 D bis du code général des impôts, les requérants sont fondés à soutenir que seuls devaient être pris en compte les salariés permanents de la société LPI et non les salariés intérimaires ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que si la société LPI, agence de travail intérimaire, était liée par des contrats de travail à plus de 700 salariés au 31 décembre de l'année 2007, seuls une trentaine d'entre eux avaient la qualité de salariés permanents de cette société, les autres salariés étant les travailleurs intérimaires qu'en sa qualité d'entreprise de travail temporaire elle plaçait auprès de ses entreprises clientes ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'a retenu l'administration, la société LPI dont les titres ont fait l'objet de la cession litigieuse répondait à la condition d'effectif prévue par ces dispositions ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande et à demander à la Cour la décharge de l'imposition en litige ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme B...sur le fondement des dispositions des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1300780/1-3 du 4 novembre 2013 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : M. et Mme B...sont déchargés des cotisations complémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme B...une somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...B...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal Paris centre et services spécialisés).
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2015 à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 19 novembre 2015.


Le rapporteur,
L. NOTARIANNILe président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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