TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS
3ème chambre 3ème section
N° RG 11/12749
N° MINUTE
Assignation du 05 Août 2011
JUGEMENT
rendu le 13 Novembre 2015
DEMANDERESSES
Société ANDRITZ AG, représentée par Messieurs Y
X et ErnstZSIFKOVITS
Stattegger Strasse
AUTRICHE
Société ANDRITZ BIAX SAS représentée par son Président, la Société ANDRITZ AG elle-même représentée par Messieurs Alexander XY et Ernst ..., fondés de procuration.
LE BOURGET DU LAC
représentée par Me Jean-Christophe TRISTANT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0235
DÉFENDERESSE
Société TEISSIER TECHNIQUE SAS prise en la personne de son
Président, la Société HOLTEIS, représentée par M. T
TESSIER.
CHAVANOD
représentée par Me Cédric MEILLER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0035
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Arnaud DESGRANGES, Vice-Président
Carine GILLET, Vice-Président
Florence BUTIN,Vice-Président
assisté de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier
Page 1
Expéditions
exécutoires
délivrées le
DÉBATS
A l'audience du 30 Juin 2015
tenue en audience publique
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le groupe autrichien ANDRITZ ayant pour activité la conception, la fabrication, la commercialisation et l'installation de matériels et équipements industriels dans les secteurs les plus variés et se présente comme l'un des leaders européens dans le domaine des machines-outils.
La société-mère, ANDRITZ AG, a son siège social à Graz (Autriche). Il dispose de plusieurs filiales en France, dont notamment la société ANDRITZ BIAX SAS (ci-après la société ANDRITZ BIAX), détenue à 100% par la société ANDRITZ AG qui en est Président et associé unique.
Par jugement du 26 mars 2010, le tribunal de commerce de Chambery a autorisé la reprise par la société ANDRITZ AG de la société de droit français DARLET-MARCHANT- TECHNOLOGIE (ci-après la société DMT)qui a pour activité la conception, la réalisation et la commercialisation d'installations industrielles, notamment d'unités clés en main destinées à la production de films plastiques étirables, et qui se trouvait placée en redressement judiciaire.
Avant la reprise de la société DMT l'un de ses principaux fournisseurs était la société TEISSIER TECHNIQUE, à qui elle confiait la fabrication de pinces à étirage lesquelles constituent un élément déterminant des ces installations.
Par ailleurs, la société DMT a déposé le 13 janvier 1992 a déposé une demande de brevet français enregistré sous le numéro 92 00 609, numéro de publication 2 686 041 B 1, ayant pour titre "dispositif d'étirage transversal pour la fabrication de films orientés " et protégeant une pince à roulement destinée à des lignes de production de film plastique, (ci-après désigné brevet 609).
Ce brevet a été cédé parmi un portefeuille de brevets, par contrat du 28 décembre 2008 inscrit au Registre National des Brevets (RNB)le 9 décembre 2009 à la société WP HOLDING GMBH.
Par contrat de vente de fonds d'entreprise du 29 juillet 2010, conclu en application du jugement du 26 mars 2010, la société ANDRITS BIAX, filiale à 100% de la société ANDRITZ et substituée à cette dernière a repris les actifs de la société DMT, la cession portant notamment sur 55 brevets parmi lesquels le brevet 609.
Toutefois il apparaît que ce portefeuille de brevet qui lors de la procédure de redressement avait fait l'objet d'un engagement de rétrocession de la part de la société WP HOLDING GMBH est en réalité resté la propriété de celle-ci.
La société ANDRITZ AG indique qu'afin de régulariser la situation, le portefeuille de brevets lui a été cédé par contrat du 12 novembre 2010 et qu'elle l'a elle-même cédé à sa filiale ANDRITZ BIAX par contrat du de cession du 12 juin 2012 avec effet rétroactif au 1" janvier 2012, inscrit au RNB le 27 septembre 2012.
Le brevet 609 a été maintenu en vigueur par le paiement régulier des annuités jusqu'à son expiration le 13 janvier 2012.
La société ANDRITZ AG énonce par ailleurs être titulaire de la marque communautaire semi- figurative 008 684 318 "DMT" écrite en lettres majuscules bleues pour le D et le T et rouge pour la lettre centrale M, avec douze points de la même couleur rouge formant une sorte de parallélogramme positionnés en partie à cheval sur la lette T.
Cette marque déposée le 13 novembre 2009 par la société DMT TECHNOLOGY GMBH et enregistrée le 27 mai 2010, pour désigner différents produits des classes 7 et 42 dont notamment les "machines et machines-outils", a été cédée le 9 août 2010 à la société ANDRITZ AG, cession inscrite au registre et publiée au Bulletin communautaire des marques le 1" septembre 2010.
Ayant appris que la société TEISSIER TECHNIQUE vendait des pinces à roulement pour unité de production de film plastique reproduisant selon elle la revendication 1 du brevet 609 et comportant les références de la nomenclature des pinces à roulement de la société DMT, les sociétés ANDRITZ AG et ANDRITZ BIAX (ci-après désignées les sociétés ANDRITZ), ont, dûment autorisée par ordonnance du président du Tribunal de grande instance de PARIS du 5 juillet 2011, fait procéder le 7 juillet 2011 à une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société TEISSIER TECHNIQUE qui selon elles établissait la contrefaçon.
C'est dans ces conditions que les sociétés ANDRITZ ont fait assigner par acte du 5 août 2011 cette dernière devant ce tribunal en contrefaçon de brevet et de marque communautaire et concurrence parasitaire, en faisant valoir en outre que ces actes avaient engendré son éviction d'un contrat conclu avec la société SUPERFILM le 15 octobre 2011 pour un montant de 11.400.000 euros, ceci afin d'obtenir, outre la désignation d'un expert en vue de fournir les éléments permettant de fixer le préjudice, la publication du jugement et la condamnation de la société TEISSER TECHNIQUE aux dépens et à leur verser une indemnité de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société TEISSIER TECHNIQUE, par acte du 2 février 2012 a fait assigner la société ANDRITZ AG en référé rétraction de l'ordonnance du 5 juillet 2011 ayant autorisé la saisie-contrefaçon, en contestant la chaîne des droits portant sur le brevet 609, de sorte que selon elle la société ANDRITZ AG se serait faussement présentée comme titulaire du brevet pour solliciter l'autorisation de faire procéder à la saisie-contrefaçon.
Par ordonnance du 7 septembre 2012, le juge saisi du référé-rétractation a débouté la société TEISSER TECHNIQUE de toute ses demandes en faisant valoir notamment qu'il n'était pas compétent pour statuer sur la demande tendant à voir déclarer inopposable pour fraude l'inscription de la cession des brevets au Registre national des Brevets.
Par la suite, la défenderesse a signifié le 11 février 2013 des conclusions d'incident devant le juge de la mise en état pour lui demander d'ordonner une expertise dont l'objet était "d'apporter la preuve d'une antériorité conduisant à l'annulation des revendications opposées pour défaut de nouveauté et/ou d'activité inventive.", demande qui a également été rejetée par ordonnance du 4 octobre 2013.
Dans ses dernières écritures signifiées le 4 juin 2015, les sociétés ANDRITZ, après avoir réfuté les arguments de la défenderesse, demandent, en ces termes, au Tribunal de
Vu notamment les articles L. 613-3, L. 615-1, L. 615-7, L. 615-7-1, L. 713-2, L. 713-3, L. 716-1, L.716-14 et L. 716-15 du code de la propriété intellectuelle,
Vu l'article 1382 du code civil,
Sur la recevabilité de la demande de la société ANDRITZ AG en contrefaçon de brevet
- Constater que la société WP HOLDING, qui n'avait pas cédé à la société DMT le brevet français n° 92 00 609 lors de la vente de fonds d'entreprise du 29 juillet 2010, a cédé ce brevet à la société ANDRITZ AG le 12 novembre 2010 et que cette vente a été inscrite au RNB le 10 décembre 2010 ;
- Dire et juger que la société ANDRITZ AG n'a pas agi de façon frauduleuse ;
En conséquence,
- Dire et juger que l'inscription au RNB n° 181563 du 10 décembre 2010 relative au brevet rançais n° 92 00 609 n'est ni fictive, ni irrégulière ;
- Dire et juger que cette inscription est opposable à la société TEISSIER TECHNIQUE ;
- Dire et juger que la société ANDRITZ AG est recevable à agir contre la société TEISSIER ECHNIQUE en contrefaçon du brevet français n° 92 00 609 ;
Sur la demande adverse de mesure d'instruction et de sursis à statuer - Débouter la société TEISSIER TECHNIQUE de sa demande de mesure d'instruction sur la ivulgation de l'antériorité CELLIER exploitée par la société BOLLORE FILM et de sursis à tatuer dans l'attente du dépôt du rapport de l'Expert désigné ;
Sur la contrefaçon du brevet français n° 92 00 609 par la société TEISSIER TECHNIQUE
- Dire et juger que la société TEISSIER TECHNIQUE a vendu à la société SUPERFILM et abriqué pour cette dernière 2.530 pinces à roulements reproduisant les revendications 1 à 3 du brevet français n° 92 00 609 ;
- Dire et juger que la société TEISSIER TECHNIQUE a vendu à la société POLINAS et fabriqué pour cette dernière 2.530 pinces à roulements reproduisant les revendications 1 à 3 du brevet français n° 92 00 609 ;
- Dire et juger que la société TEISSIER TECHNIQUE a vendu à un client (dont le nom est masqué dans le procès-verbal de saisie) et fabriqué pour celui-ci 1.050 pinces à roulements
reproduisant les revendications 1 à 3 du brevet français n° 92 00 609 ; - Dire et juger la société TEISSIER TECHNIQUE offre en vente des pinces à roulement
" DMT " reproduisant les revendications 1 à 3 du brevet français n° 92 00 609 ;107
- En conséquence, dire et juger qu'en agissant ainsi, la société TEISSIER TECHNIQUE a commis, vis-à-vis de la société ANDRITZ AG, des actes de contrefaçon de brevet au sens de l'article L .613-3 a) du Code de la propriété intellectuelle ;
Sur la contrefaçon de la marque communautaire n° 008 684 318 par la société TEISSIER TECHNIQUE
- Dire et juger que la société ANDRITZ AG est recevable à agir contre la société TEISSIER TECHNIQUE en contrefaçon de la marque communautaire n° 008 684 318 ;
- Dire et juger que la société TEISSIER TECHNIQUE offre des pinces à roulements portant le logo " DMT " constituant la reproduction ou l'usage de la marque communautaire n° 008 684 318 ou, subsidiairement, une imitation de cette marque ou l'usage de cette marque imitée générant un risque de confusion ;
- En conséquence, dire et juger qu'en agissant ainsi, la société TEISSIER TECHNIQUE a commis, vis-à-vis de la société ANDRITZ AG, des actes de contrefaçon de marque au sens de l'article L. 713-2 a) du Code de la propriété intellectuelle ou, subsidiairement, au sens de l'article L .713-3 b) du même code ;
Sur les actes de concurrence parasitaire commis par la société TEISSIER TECHNIQUE
- Dire et juger que la société TEISSIER TECHNIQUE a utilisé et reproduit sur ses documents techniques et commerciaux la nomenclature des sociétés DMT/ANDRITZ BIAX/ANDRITZ AG comportant le radical " 1521 " ;
- Dire et juger que la société TEISSIER TECHNIQUE a utilisé des plans d'ensemble et de définition des sociétés DMT/ANDRITZ BIAX/ANDRITZ AG et copié de manière quasi-servile ces derniers ; - En conséquence, dire et juger qu'en agissant ainsi, la société TEISSIER TECHNIQUE a commis des actes fautifs constitutifs de concurrence parasitaire vis-à-vis des sociétés ANDRITZ AG et ANDRITZ BIAX et dommageables pour ces dernières ;
Sur l'éviction du contrat SUPERFILM
- Dire et juger que les actes susvisés de contrefaçon de brevet, de reprise de nomenclature et d'utilisation de plans reproduits de manière quasi-servile commis par la société TEISSIER TECHNIQUE ont engendré l'éviction de la société ANDRITZ AG d'un contrat d'un montant de 11.400.000 euros qu'elle avait conclu avec la société SUPERFILM le 15 octobre 2010 ;
En conséquence,
- Débouter la société TEISSIER TECHNIQUE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, dont notamment sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- Nommer tel Expert qu'il plaira au Tribunal de désigner, avec mission de déterminer l'étendue de la contrefaçon de brevet susvisée ainsi que
le chiffre d'affaires et le bénéfice correspondant réalisé par la société
TEISSIER TECHNIQUE et de donner au Tribunal tous les éléments lui permettant d'apprécier l'ensemble des préjudices subis par les sociétés
ANDRITZ AG et ANDRITZ BIAX en relation avec les actes illicites susvisés, lequel Expert sera, en cas d'empêchement ou de refus, remplacé par ordonnance rendue sur simple requête ;
- Condamner d'ores et déjà la société TEISSIER TECHNIQUE à verser à la société ANDRITZ AG la somme de 300.000 euros (trois cent mille euros) à titre de provision sur dommages et intérêts ;
- Condamner d'ores et déjà la société TEISSIER TECHNIQUE à verser à la société ANDRITZ BIAX la somme de 150.000 euros (cent cinquante mille euros) à titre de provision sur dommages et intérêts ;
- Ordonner la publication du jugement à intervenir dans 5 (cinq) revues ou journaux, au choix de la société ANDRITZ AG, aux frais de la société TEISSIER TECHNIQUE et avancés par cette dernière, mais dans la limite d'un budget global de 50.000 euros (cinquante mille euros) ; - Condamner la société TEISSIER TECHNIQUE à verser à la société ANDRITZ AG la somme de 200.000 euros (deux cent mille euros) en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Ordonner, en raison de la nature de l'affaire, l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel et sans caution ;
- Condamner la société TEISSIER TECHNIQUE aux entiers dépens d'instance et d'action, lesquels comprendront également tous les frais relatifs aux opérations de saisie, et dire que ceux-ci pourront être recouvrés par Maître Jean-Christophe ..., Avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 22 mai 2015, la société TESSIER TECHNIQUE demande en ces termes au tribunal de
- Dire que l'inscription au RNB n°181563 du 10 décembre 2010 est irrégulière comme constitutive d'une violation des engagements souscrits dans le contrat de cession de fonds d'entreprise ;
- Dire que la chaîne des droits inscrite au RNB pour le brevet français 2.686041 est fictive,
Dire qu'en se prétendant titulaire du brevet suite à une cession de la société autrichienne WP Holding, la société de droit autrichien Andritz AG a commis une fraude ;
- Déclarer inopposable à la société Teissier Technique l'inscription au RNB n°181563 du 10 décembre 2010,
En conséquence
- Déclarer la société Andritz AG irrecevable à agir en contrefaçon du brevet français 2.686.041 du 13 janvier 1992 ;
- Déclarer la société Andritz AG irrecevable à agir en contrefaçon de l'enregistrement de marque française DMT n° 97.681.514 ;
- Donner acte à la société Teissier Technique de ce qu'elle détient en stock des pièces fabriquées pour le compte de DMT et Andritz AG lesquelles sont à la disposition des demanderesses contre paiement de leur prix soit le montant de 30.000 Euros (valeur Andritz);
- Ordonner aux sociétés Andritz la reprise de ce stock au prix ainsi fixé ;
-Débouter la société Andritz AG de sa demande en prétendue contrefaçon de marque ;
Sur le grief de contrefaçon de brevet
- Annuler le Procès-verbal de saisie contrefaçon du 7 juillet 2011 en raison de l'excès de pouvoir commis par l'huissier ;
- Prononcer la nullité des revendications 1, 2 et 3 du brevet FR2.686.041 du 13 janvier 1992 ;
En tant que de besoin,
- Ordonner une mesure d'instruction sur la divulgation de l'antériorité CELLIER exploitée par BOLLORE FILM et surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport de l'Expert désigné ; en toute hypothèse,
- Constater qu'Andritz AG n'invoque pas la disposition de l'Art L 6134 alinéa 1 du code de la propriété intellectuelle ;
- Débouter les sociétés Andritz AG et Andritz Biax de leur demande en prétendue contrefaçon de brevet et concurrence déloyale ;
- Condamner in solidum les sociétés Andritz AG et Andritz Biax à payer à la société Teissier Technique une indemnité de 100.000 euros à titre de dommages intérêts par application de l'article 1382 du code civil,
- Condamner in solidum les sociétés Andritz AG et Andritz Biax à payer à la société Teissier Technique la somme de 100.000,00 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner in solidum les sociétés Andritz AG et Andritz Biax aux entiers dépens qui comprendront les frais de constat de l'étude d'huissiers Palle des 24 et 30 janvier 2012.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 juin 2015.
Motifs
1- Sur la recevabilité de la société ANDRITZ AG à agir en contrefaçon de brevet.
Selon la société TEISSIER TECHNIQUE, l'inscription au Registre National du Brevet (RNB) suivant laquelle le brevet 609 a été cédé le 12 novembre 2010 par la société WP HOLDING à la société ANDRITZ AG ne serait pas conforme à la réalité de la chaîne des droits.
Elle fait en effet valoir que
* le projet de plan de cession préparé par l'administrateur judiciaire fait état d'un engagement du gérant de la société WP HOLDING de restituer les brevets qui lui ont été cédés, dont le brevet 609.
* Dans l'acte de cession du fonds de la société DTM du 29 juillet 2010 en application du jugement précité, le brevet 609 fait partie de la liste des brevets énumérés comme étant cédés à la société ANDRITZ BIAX qui substitue la société ANDRITZ AG comme l'autorisait le jugement, qui prévoyait que la cession s'opérait au profit de cette dernière ou de toute société la substituant dont elle serait le principal actionnaire ou associé.
Il est indiqué en outre que l'administrateur judiciaire "livre l'intégralité des brevets ci-après libres de droit et de toute sûreté afin que l'acquéreur puisse en avoir pleine et entière jouissance et propriété sans aucune restriction de quelque nature que ce soit" .
Il s'ensuivrait selon la défenderesse, que le brevet aurait été ainsi cédé à la société ANDRITZ BIAX qui a en outre pris l'engagement de le conserver pendant deux ans, de sorte que la société ANDRITZ AG ne pouvait se voir constituer cessionnaire du brevet le 12 novembre 2010.
L'inscription au RNB faisant état de cette cession serait en conséquence, selon elle, constitutive d'une fraude à l'égard des dispositions judiciaires du plan de cession et de la cession du fonds d'entreprise régularisée le 28 juillet 2010 par l'administrateur mandaté par le tribunal de commerce.
Il s'ensuit, selon la défenderesse, que cette inscription du registre national des brevets ne lui serait pas opposable, de sorte que la société ANDRITZ AG n'aurait pas qualité à agir en contrefaçon d'un brevet pour lequel elle ne serait pas régulièrement inscrite comme propriétaire.
Toutefois, il convient de relever en premier lieu que le jugement du tribunal de commerce du 25 mars 2011 arrêtant le plan de cession mentionne que l'administrateur judiciaire ne peut apporter la garantie que ces brevets seront bien remis par la société WP HODING à la société DMTS.
En outre il n'est pas contesté qu'aucun contrat de cession du brevet 609 n' a été conclu par la société WP HOLDING avant la cession à la société ANDRTIZ BIAX. De ce fait, elle est restée jusque-là propriétaire du brevet, la rétrocession à la société DMT n'ayant en réalité jamais été opérée.
Dès lors l'acte de cession du fonds d'entreprise DMT à la société ANDRTIZ BIAX n' a pu valablement prévoir la cession du portefeuille de brevets alors que celui-ci était resté la propriété de la société WP HOLDING. Cet acte n'a pas eu pour effet de transmettre la propriété du brevet 609 à cette société.
En conséquence la cession le 12 novembre 2010 du brevet par la société WP HOLDING à la société ANDRITZ AG n'encourt aucun des griefs soulevés par le défenderesse, et l'inscription au RNB n°181563 du 10 décembre 2010 est régulière est conforme à la réalité de la chaîne des droits. Elle est ainsi opposable à la société défenderesse.
La défenderesse fait en outre valoir que la qualité de titulaire du brevet invoqué aurait été obtenue par la société ANDRITZ AG par des manoeuvres frauduleuses. En application du principe général "fraus omnia corrumpit", l'inscription litigieuse devrait lui être déclarée inopposable comme étant frauduleuse.
Elle fait valoir pour l'essentiel qu' en vertu du plan de cession de l'actif de la société DMTS, les brevets devaient être cédés à la société ANDRITZ BIAX et qu' en outre la société ANDRITZ AG entretenait avec Monsieur Wolfgang ..., gérant de la société WP HOLDING, des liens de connivence qui d'une part lui ont permis d'avoir la certitude de la rétrocession du portefeuille de brevets et ainsi
de faire une offre financière de reprise de la société DMT plus élevée que celle faite par l'autre offre en lice devant le tribunal de commerce et d'autre part rendent invraisemblable que la société ANDRITZ AG ait pu, comme elle le prétend, avoir ignoré lors de la cession de l'actif de DMT, que la rétrocession du portefeuille de brevet de WP HOLDING à DMT n'était pas intervenue.
Cela étant, si on peut s'étonner que la société ANDRITZ AG, découvrant selon elle que la rétrocession du portefeuille de brevet n'était pas intervenue, a choisi de devenir elle-même cessionnaire du portefeuille de brevet, au lieu que ce soit sa filiale ANDRITZ BIAX, ce qui aurait pourtant eu l'avantage de mettre la réalité en conformité avec l'acte de cession du 29 juillet 2010, il reste qu'il n'y a pas d'intention frauduleuse à l'égard de sa filiale dès lors qu'il apparaît au vu des pièces versées que la société ANDRITZ AG l'a soutenu financièrement afin qu'elle demeure in bonis et se développe et que par ailleurs la situation a été régularisée puisque les brevets lui ont été finalement cédés par acte du 12 juin 2012.
Le fait que les annuités du brevet concerné aient été facturées par le conseil en propriété intellectuelle à la société ANDRITZ AG le 25 octobre 2010 soit quelques jours avant la cession par WP HOLDING est à cet égard indifférent puisque d'une part le maintien du brevet est de l'intérêt de celui qui est en train de l'acquérir et qu'au demeurant l'annuité a été payée postérieurement à la cession. Il n'en résulte pas en conséquence la preuve d'une collusion frauduleuse entre ANDRITZ AG et WP HOLDING.
L'engagement par lettre du 22 févier 2010 auprès de la société ANDRITZ AG de Monsieur Wolgang ... au nom de la société WP HOLDING, de céder le portefeuille de brevet acquis auprès de la société DMTS, dans le cas ou la société ANDRITZ AG se porterait acquéreur de l'actif de cette société, soit par une cession à la société DMTS, soit par une cession directe à ANDRITZ AG, contre la seule prise en charge des coûts et dépenses afférentes au brevet sans prix de vente additionnel, s'il parait prévoir des conditions très favorables, ne suffit pas pour autant à établir une collusion en vue de commettre une fraude, puisque la société ANDRITZ AG ayant fait une offre de reprise, il était naturel qu'elle souhaite avoir des garanties sur le retour des titres de propriété intellectuelle.
Au demeurant il sera observé que le rachat du fonds d'entreprise de la société DMT par sa filiale ANDRITZ BIAX mentionnait - à tort - que le portefeuille de brevets faisait partie de actifs cédés de sorte que le prix de cession des actifs incorporels incluait celui du portefeuille de brevets. Ainsi, l'absence de rétrocession des brevets à la société DMT et le fait qu'elle n'était en réalité pas propriétaire des brevets qu'elle cédait n'a pas causé de préjudice aux créanciers.
Enfin, aucune pièce ne vient établir le caractère frauduleux du fait que la cession des brevets par WP HOLDING n'ait pas été exécutée avant la cession du fonds d'entreprise DMT.
Ainsi, la fraude n'étant pas établie, la cession du brevet 609 par la société WP HOLDING à la société ANDRITZ AG est opposable à la société TEISSIER TECHNIQUE.
La défenderesse soulève enfin l'irrégularité de l'inscription au RNB de la cession entre WP HOLDING et ANDRITZ AG au double motif qu'elle n'aurait pas été faite par l'acquéreur et qu'elle méconnaîtrait l'obligation légale de publicité des mesures d'inaliénabilité attachées aux actifs cédés dans le cadre d'un plan de cession.
Toutefois, en ce qui concerne le premier grief l'inscription de cette cession a été opérée par le cabinet en propriété industrielle GERMAIN&MAUREAU qui en cette qualité n'a pas, aux termes de l'article R.613-55 du code de la propriété intellectuelle, à fournir de pouvoir pour faire procéder à l'inscription d'acte modifiant la propriété d'un brevet, de sorte que l'inscription est régulière.
S'agissant du second grief, le contrat de cession de fonds d'entreprise comporte une déclaration de la société ANDRITZ BIAX s'engageant à ne pas céder d'actif provenant de la cession durant deux ans.
Toutefois l'article R. 613-55 du code de la propriété intellectuelle prévoit qu'un acte modifiant la propriété d'un brevet ou la jouissance des droits qui sont attachés ne peut être inscrit que si la personne indiquée dans l'acte à inscrire comme étant titulaire du brevet avant la modification résultant de l'acte est inscrite comme telle au RNB. Or en l'occurrence, le cédant, à savoir la société DMT qui n'était en réalité pas propriétaire des brevets, n'était logiquement pas enregistré comme tel au RNB.
En conséquence aucun grief ne saurait être tiré de l'absence d'inscription de la mention de l'inaliénabilité.
Au total, il apparaît que la cession du brevet 609 à la société ANDRITZ AG inscrite au RNB n'est ni irrégulière ni entachée de fraude. Elle est donc opposable à la défenderesse.
La fin de non recevoir tirée de l'irrecevabilité à agir la société NADRITZ AG est rejetée.
2- sur la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon
La société TEISSIER TECHNIQUE soulève la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon en faisant valoir d'une part qu'à défaut d'autorisation spécifique dans l'ordonnance autorisant la saisie-contrefaçon, l'huissier en apportant une pièce étrangère à la saisie destinée à provoquer des déclarations, en l'absence de découverte préalable d'objets argués de contrefaçon, outrepasse les pouvoirs qui lui sont dévolus, et d'autre part en ce que le délai de 5 minutes laissé entre la notification de l'ordonnance et de la requête et le début de la saisie-contrefaçon, n'était pas suffisant pour permettre au saisi de prendre connaissance du périmètre de la mesure dont il était l'objet.
Sur le premier point, la société demanderesse soutient qu'il n'y a pas de cause de nullité car la pièce produite - un plan de pinces de la société TEISSIER TECHNIQUE - n'est pas une pièce étrangère à la saisie-contrefaçon en ce qu'elle constitue l'une des pièces présentées et visées par la requête aux fins d'ordonnance, et qu'en outre elle a été présenté après la découverte par l'huissier de produits argués de contrefaçon.
Il est toutefois constant qu'en l'absence d'autorisation prévue dans l'ordonnance, l'huissier n' pas le pouvoir de présenter aux personnes saisies pour provoquer leurs déclarations une pièce extérieure à la saisie, c'est-à-dire non trouvée sur place mais apportée par lui, la circonstance qu'il s'agisse d'une pièce annexée à la requête étant à cet égard indifférente.
S'agissant d'un excès de pouvoir de l'huissier ceci entraîne nécessairement la nullité mais celle-ci ne porte que sur la partie concernée du procès-verbal.
En l'occurrence, il y a lieu d'annuler uniquement en page 3 du procès-verbal les mots
"Ce plan est proche du plan F5446.a que je lui produis (pièce 7 des pièces de l'ordonnance).
M. Francois T me déclare qu'aucune pièce fabriquée conformément au plan F 5446.A n'a été vendue".
Sur le second point, il est constant qu'il doit être laissé un délai raisonnable entre la notification de l'ordonnance et l'opération de saisie-contrefaçon pour permettre d'appréhender l'étendue des pouvoirs conférés à l'huissier instrumentaire et l'étendue de ses droits. En l'espèce il résulte du procès-verbal de saisie-contrefaçon que la notification à été faite à 9H40 et que l'huissier a commencé ses constatations à 9h45.
Ce délai de cinq minutes est suffisant, ainsi que le soutient à juste titre la demanderesse pour prendre connaissance des 4 pages de l'ordonnance imprimés uniquement au recto qui fixent les pouvoirs de l'huissier.
En conséquence, ce moyen de nullité sera rejeté, étant en outre précisé que s'agissant d'un vice de forme, en application des dispositions de l'article 114 du code de procédure civile, la nullité ne peut être prononcée que si celui qui la soulève rapporte la preuve du grief qui en est résulté, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la société TEISSIIER TECHNIQUE se bornant à affirmer que le saisi n'était pas informé du périmètre des pouvoirs de l'huissier, alors qu'il résulte en outre du procès-verbal de saisie-contrefaçon que Monsieur ..., président de la société TEISSIER TECHNIQUE a pu prendre attache avec son conseil en propriété intellectuelle après la lecture de l'ordonnance et de la requête et avant le début des opérations.
3- présentation du brevet 609
Le brevet 609, déposé le 13 janvier 1992 et délivré le 19 juillet 1996 intitulé "Dispositif d'étirage transversal pour la fabrication de films biorientés" porte sur un dispositif relatif à la phase importante de fabrication de ces films, qui peuvent être par exemple des films servant à emballer des palettes, appelée phase d'étirage transversal qui est ainsi décrite dans la partie du brevet relative à la présentation du domaine de l'invention
" [cette étape] ...se produit à l'intérieur d'un four de grandes dimensions. Dans ce four, deux chaînes équipées de pinces et d'organes de guidage se déplacent sur des rails latéraux, d'abord, de façon parallèle et jusqu'à ce que le film ait atteint la température souhaitée, puis, grâce à un réglage des rails de guidage, s'éloignent de façon symétrique de manière à assurer un étirage transversal du film ".
Il est précisé que les chaînes à la sortie du four sont renvoyées vers l'arrière par une paire de roues crantées afin que le processus soit sans fin.
Afin d'éviter les inconvénients liés au passage des organes de guidage d'un rail à l'autre, notamment les vibrations produites par la discontinuité, les systèmes modernes préfèrent des dispositifs à rail unique c'est à dire ininterrompu de l'entrée à la sortie du four, qui autorisent des vitesses de traitement plus importantes pour des films plus techniques qui ne supportent pas la pollution qui résulte de la lubrification importante que nécessitent les systèmes à rails discontinus.
La structure et les moyens de positionnement des organes de guidage entre la chaîne et le rail ou entre la pince et le rail sont un autre facteur de bonne adaptation au procédé de fabrication. Le corps de l'organe d'étirage et de guidage est soumis à un ensemble de forces s'exerçant en production telles que le poids du système, l'effort d'étirage du film, la tension de la chaîne qui tend, selon la position de la pince sur la trajectoire de travail de la machine, à plaquer la chaîne sur le rail ou au contraire à l'en écarter. Pour assurer un guidage parfait et équilibrer le système des forces à l'oeuvre, il est nécessaire que les moyens de guidage de chaque pince soient munis d'un minimum de neuf à dix roulements.
Toutefois, une chaîne pouvant comporter plusieurs milliers de pinces, ce nombre optimum de roulements, indispensables en cas de vitesse de production dépassant 250 à 300 mètre par minutes, ou quand les efforts d'étirage sont très importants, est réservé à la fabrication de de films très techniques dont le prix de vente élevé peut permettre de supporter le coût de production induit pas ce nombre important de roulements.
Pour des films plus simples, un nombre plus restreint de roulements peut être utilisé sans qu'il soit toutefois inférieur à cinq sous peine de ne pas assurer le fonctionnement dans de bonnes conditions.
Le domaine technique de l'invention est plus précisément celui d'un dispositif utilisant des rails massifs et dans lequel la chaîne est intégrée dans le corps de guidage qui constitue aussi le corps de la pince. Ce dispositif s'impose pour obtenir une distance la plus courte possible entre la ligne de fermeture de la pince et le plan médian vertical de la chaîne, ce qui est un autre facteur essentiel pour obtenir un dispositif performant.
Il existe dans l'état de la technique des dispositifs mettant en oeuvre des rail massifs aptes à recevoir soit des organes de guidage totalement intégré à neuf roulements s'il est recherché un dispositif le plus parfait possible, soit des organes intégrés comportant trois ou cinq roulements si l'objectif est d'avoir un investissement réduit.
Les organes de guidage sont exclusivement dédiés à l'un ou l'autre de ces systèmes sans possibilité de les faire évoluer l'un vers l'autre. L'existence de deux type d'organe ne permet pas de rationaliser la fabrication .
L'invention objet du brevet est un dispositif coopérant avec des rails massifs et continus qui puissent s'adapter rapidement, à partir des mêmes éléments de base, à tous les besoins rencontrés, depuis une version optimale mais onéreuse à neuf éléments de guidage jusqu'à une version minimale la moins coûteuse à quatre éléments de guidage, en passant par toutes les versions intermédiaires.
Le dispositif doit en outre assurer une protection maximale contre les projections d'huile, éviter les variations de sens de frottement ou de roulement sur les éléments de guidage, être résistant et fiable, même dans des conditions d' exploitation difficile caractérisées par une grande vitesse ou de fortes tensions.
Le brevet comporte une revendication principale et trois revendications dépendantes
1. Dispositif d'étirage transversal pour la fabrication de films biorientés, du type comportant deux chaînes latérales sans fin (34), disposées de part et d'autre de la trajectoire d'étirage longitudinal d'un film (1),1.2 [les chaînes étant] composées de maillons (35-37), articulés autour d'axes verticaux, et solidaires chacune de nombreux organes (2) de guidage et d'étirage transversal répartis sur toute leur longueur et dans lesquels chaque organe (2) est composé d'un corps (3) portant au moins une pince d'étirage (17), et des axes pour cinq à neuf éléments de guidage, par roulement ou frottement, coopérant avec au moins trois des faces d'un rail (7), continu, massif et de section rectangulaire, caractérisé en ce que
le corps (3) de chaque organe (2) de guidage et d'étirage, présente, en section transversale, la forme générale d'un " U " retourné à ailes inégales (5-6) coiffant le rail (7) 1.4.2 et dont la grande aile (6), disposée à l'intérieur du dispositif s'étend jusqu'au dessous de ce rail (7), tandis que l'âme (8) de ce corps comporte, sur son côté intérieur et à proximité immédiate de la zone d'appui d'au moins une pince (17),
trois alésages verticaux alignés (27-28) pour le positionnement et la fixation d'axes verticaux (36-50) assurant la liaison du corps (3) avec l'un des maillons (35) de la chaîne (34), l'un au moins de ces axes portant, à chacune de ses extrémités, des éléments de guidage interchangeables (37-52) ayant une dimension transversale (7) supérieure à la largeur (L) des maillons (35-37) de la chaîne.
2.Dispositif selon la revendication 1, caractérisé en ce que le corps (3) est solidaire, par le prolongement vers le bas des axes (36 ou 50) le liant à la chaîne (34), d'un fond (4) rapporté présentant une section transversale en " U" dont l'aile extérieure (30) est sensiblement dans le prolongement vertical de la petite aile (5) du corps (3) dont l'aile intérieure (32) enveloppe l'extrémité inférieure de la grande aile (6) du corps (3), et dont l'âme (33) comporte des alésages (24a-27a-28a) pour la fixation, respectivement, d'éléments de guidage interchangeables extérieurs (43) et pour la fixation des extrémités inférieures des axes verticaux (36 ou 50) portant également des éléments de guidage interchangeables.
3.Dispositif selon l'une quelconque des revendications 1 à 2, caractérisé en ce que la liaison du corps (3) avec la chaîne (34) est assurée par les deux axes extrêmes (36) d'un maillon extérieur (35), axes comportant chacun, et de part et d'autre du maillon, un prolongement cylindrique (36a) pour positionner un élément de guidage (37), et un épaulement (36b) pour la fixation de l'axe sur le corps (2) ou sur le fond (4).
4. Dispositif selon l'une quelconque des revendications là 2, caractérisé en ce que chaque maillon extérieur, disposé dans le corps (3) de l'organe (2) de guidage et d'étirage et traversé de part en part par un axe (50) qui, parallèle aux axes (36) de ce maillon et à égale distance d'eux, se prolonge, verticalement et de part et d'autre du maillon, pour sa fixation sur le corps (3) ou sur le fond (4) et pour le positionnement et le maintien de l'un des deux éléments de guidage se substituant à ceux portés par les axes (63) précitées.
Il est illustré par des schémas d'un mode d'exécution qui sont décrits et commentés
4. Validité du brevet 609
La société TEISSIER TECHNIQUE conteste la validité du brevet en soulevant la nullité des revendications R1, R2, et R3.
Elle soutient qu'il existe une antériorité présentant les mêmes caractéristiques que l'invention objet du brevet de sorte que cette dernière ne serait pas nouvelle et subsidiairement qu'elle n'incorporerait pas d'activité inventive.
Elle soulève également la nullité du brevet pour insuffisance de description.
L'article L.611-10 1° du code de la propriété intellectuelle dispose "Sont brevetables dans tous les domaines technologiques, toutes les inventions nouvelles impliquant une activité inventive"
L'article L.611-11 énonce qu' "Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique. L'état de la technique est constitué de tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet soit par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen... " étant précisé en outre qu'il est constant que pour être comprise dans l'état de la technique et être privée de nouveauté, l'invention doit s'y trouver toute entière dans une seule antériorité au caractère certain, avec les mêmes éléments qui la constituent dans la même forme, le même agencement, le même fonctionnement, en vue du même résultat technique.
L'article L.611-14 prévoit qu "une invention est considérée comme impliquant une activité inventive, si, pour un homme du métier, elle ne découle pas de manière évidente de l'état de la technique".
L'article L. 612-5 dispose que "l'invention doit être exposée dans la demande de brevet de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter."
Enfin l'article L.613-25 énonce que "Le brevet est déclaré nul par décision de justice
a) si son objet n'est pas brevetable aux termes des articles L. 611-10, L.611-11 et L.611-13 à L.611-19. ;
b) S'il n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse 1 'exécuter,. "
L'antériorité présentée est constituée par un exemplaire d'une "pince à roulement film" marquée CELLIER qui a été adressée à la société TEISSIER TECHNIQUE par un salarié de la société BOLLORE Division films et emballages spéciaux -, Monsieur Pascal ...'H, chef d'atelier maintenance de l'Usine d'ODET.
La réception et la description de cette pièce ont fait l'objet d'un procès-verbal de constat par huissier de justice les 24 et 30 janvier 2012.
La société défenderesse soutient que cette pièce présente tous les éléments de la revendication n°1 du brevet.
a) validité et date de l'antériorité
Aucune date ne figure sur la pièce elle-même, mais son antériorité par rapport à la date de priorité du brevet soit en l'occurrence sa date de dépôt le 13 janvier 2012, serait démontrée selon elle par une lettre du 8 février 2013 au nom de Monsieur Pascal ...'H mais non signée, sur papier à en-tête de la société "BOLLORE DIVISION FILMS ET EMBALLAGES SPECIAUX", qui énonce "je vous certifie que société BOLLORE utilise des pinces et chaînes CELLIER 9 galets depuis fin 1988. " complétée par une lettre du 14 juin 2013 du même scripteur,
dûment signée, confirmant ce courrier, précisant qu'il est informé que la lettre sera produite dans le présent procès et qui indique que la pince CELLIER qu'il a adressée "équipe la chaîne d'étirage pour la fabrication de films à l'usine" et que la société BOLLORE est en possession du "plan ensemble de la pince à roulement CELLIER num = 15-26949-0 datant de mars 1988 t reçu chez BOLLORE le 23 juin 1988".
Il convient de rappeler que le juge de la mise en état a refusé par ordonnance du 4 octobre 2013 de faire droit à la demande de la société TEISSIER TECHNIQUE fondée notamment sur ces pièces, aux fins d'ordonner une expertise sur les lieux de l'usine BOLLORE en cause pour notamment déterminer les dates de fabrications et d'installation de ce matériel et de réunir toute documentation le concernant, et à titre subsidiaire, aux fins d'obtenir la production par la société société BOLLORE des documents avec date certaine établissant sa mise en oeuvre sur la ligne de production de films.
A la suite de ce rejet la société TEISSIER TECHNIQUE a versé au débat un plan d'un "ensemble PINCE A ROULEMENTS" n° 15-26949 portant la date de mise à jour de xx (jour illisible) juin 1988 qu'elle dit s'être procurée directement, sans plus de précision, compte tenu du rejet de sa demande d'expertise.
Les sociétés demanderesses contestent d'une part la date certaine de cette antériorité en faisant valoir que les lettres de Monsieur ......... ne présentent pas les formes requises pour les attestations par l'article 202 du code de procédure civile et que la certitude de la provenance de la société BOLLORE du plan produit aux débats n'est pas établie, qu'en toute hypothèse, les conditions dans lesquelles ce plan s'est trouvé au sein de cette société ne sont pas précisées, ce qui ne permet pas de fixer une date de divulgation certaine.
Toutefois, la lettre du 14 juin 2013 de Monsieur ......... est suffisamment claire et précise en exposant en outre sans ambiguïté que ce dernier sait que le contenu de son écrit est destiné à être produit en justice, pour avoir valeur probante. De surcroît, le plan versé au débat correspond, ce qui n'est pas contesté, à la pièce que Monsieur ......... a envoyée à la société TEISSIER TECHNIQUE, qui est décrite et photographiée dans le procès-verbal de constat d'huissier des 24 et 30 janvier 2012. Il s'ensuit que ces trois documents, le constat d'huissier des 24 et 30 janvier 2012 exposant la pièce CELLIER, le plan, et la lettre du 14 juin 2013 de Monsieur ..., constituent une faisceau convergent d'indices suffisant pour retenir que la pièce décrite dans le procès-verbal en cause et sa représentation sur plan forment une antériorité pertinente.
La date d'usage de cette pièce par la société BOLLORE à partir de fin 1988 indiquée par Monsieur ......... étant cohérente avec les mentions apposées sur le plan "reçu le 23 juin 1988" et "Bon pour exécution 20.07.88", il y a lieu de la retenir comme date de divulgation antérieure certaine.
Il s'ensuit que les demande de la société TESSIER TECHNIQUE d'expertise sur la divulgation de l'antériorité dans l'usine BOLLORE et de sursis à statuer dans l'attente du rapport de l'expert sont sans objet et seront rejetées.
b) portée de l'antériorité au regard de la nouveauté
Les sociétés demanderesses soutiennent que la revendication 1 ne se trouverait pas entièrement comprise dans cette antériorité.
Elles font notamment valoir qu'aucun élément ne vient démontrer que la pièce produite aux débats s'intègre dans un dispositif comportant tous les éléments décrits dans le préambule de la revendication 1 à savoir
"Dispositifd'étirage transversal pour la fabrication de films biorientés, du type comportant deux chaînes latérales sans fin (34), disposées de part et d'autre de la trajectoire d'étirage longitudinal d'un film (1), composées de maillons (35-37), articulés autour d'axes verticaux,
et solidaires chacune de nombreux organes (2) de guidage et d'étirage transversal répartis sur toute leur longueur et dans lesquels chaque organe (2) est composé d'un corps (3) portant au moins une pince d'étirage (17), et des axes pour cinq à neuf éléments de guidage, par roulement ou frottement, coopérant avec au moins trois des faces d'un rail (7), continu, massif et de section rectangulaire.."
Force est en effet de constater que la société TEISSIER TECHNIQUE fonde uniquement sa démonstration sur le fait que l'antériorité comporte tous les éléments de la partie caractérisante de la revendication 1 laquelle porte sur les caractéristiques de l'organe de guidage et d'étirage, à savoir "le corps (3) de chaque organe (2) de guidage et d'étirage, présente, en section transversale, la forme générale d'un "U" retourné à ailes inégales (5-6) coiffant le rail (7) et dont la grande aile (6), disposée à l'intérieur du dispositif s'étend jusqu'au-dessous de ce rail (7), tandis que l'âme (8) de ce corps (3) comporte, sur son côté intérieur et à proximité immédiate de la zone d'appui d'au moins une pince (17), trois alésages verticaux alignés (27-28)pour le positionnement et la fixation d'axes verticaux (36-50) assurant la liaison du corps (3) avec l'un des maillons (35) de la chaîne (34), l'un au moins de ces axes portant, à chacune de ses extrémités, des éléments de guidage interchangeables ayant une dimension transversale (7) supérieure à la largeur (L) des maillons de la chaîne."
Or si l'apparence de la pièce produite aux débats comme son plan de coupe verticale qui sont très ressemblants avec les schémas de l'invention contenue dans le brevet, permettent de conclure qu'il s'agit d'organe destiné à se déplacer sur un rail, comportant une pince d'étirage et destiné, comme l'indique quoique de manière elliptique la lettre de Monsieur ........., à l'étirage de films.
En revanche rien ne démontre que cet organe participe d'un "Dispositif d'étirage transversal pour la fabrication de films biorientés, du type comportant deux chaînes latérales sans fin (34), disposées de part et
d'autre de la trajectoire d'étirage longitudinal d'un film ni que les organes sont "répartis sur toute leur longueur de ces chaînes, ni surtout qu'ils sont coopérants avec au moins trois des faces d'un rail (7), continu, massif et de section rectangulaire.
S'agissant de ce dernier point en particulier le brevet souligne que l'invention concerne un dispositif utilisant ce type de rail qui se distingue d'autres solutions possibles.
La société défenderesse n'oppose du reste aucune défense véritable face à cet argument si ce n'est de dire qu'il peut être invoqué également, à rebours, pour s'opposer à la contrefaçon, ce qui sera vu par la suite, mais qui n'a pas de conséquence sur l'appréciation de la portée de l'antériorité sur la nouveauté de la revendication 1.
Ainsi l'antériorité opposée par la société TEISSIER TECHNIQUE ne contient pas tous les éléments de la revendication 1 et ne la prive en conséquence pas de nouveauté.
Aussi la demande de nullité de la revendication 1 au titre de l'absence de nouveauté sera rejetée.
Les revendications 2 et 3 pour lesquelles la nullité est également demandée au titre du défaut de nouveauté, étant dépendantes de la revendication 1, elles intègrent nécessairement la nouveauté de cette dernière. Les demandes de nullité de ces revendications pour ce motif seront dont également rejetées.
c) portée de l'antériorité au regard de l'activité inventive
Comme il a été vu, l'antériorité produite ne porte pas sur l'intégralité d'un dispositif comme le fait la revendication 1 du brevet, mais uniquement sur un organe de guidage et d'étirement.
Toutefois il est évident pour l'homme du métier qui peut être défini ici, comme le fait la société défenderesse - les sociétés demanderesses n'en proposant pour leur part aucune -comme un spécialiste des dispositifs d'étirage de films, que cet organe peut être utilisé dans un dispositif tel que celui décrit dans le préambule de la revendication 1 qu'il connaît puisqu'il est utilisé en l'état de la technique.
Il convient en conséquence de procéder à la comparaison de l'organe de guidage et d'étirage décrit dans le procès-verbal des 24 et 30 janvier 2012 et représenté sur le plan en pièce 38 de la défenderesse, avec la revendication 1 du brevet dans sa partie caractérisante afin de vérifier si comme le soutient la société défenderesse la connaissance par l'homme du métier de l'antériorité constituée par cette pièce TESSIER lui permettait naturellement sans effort inventif de concevoir l'organe décrit dans la revendication 1 du brevet z
"Le corps (3) de chaque organe (2) de guidage et d'étirage, présente, en section transversale, la forme générale d'un " U" retourné à ailes
inégales (5-6) coiffant le rail (7) 1.4.2 et dont la grande aile (6), disposée à l'intérieur du dispositif s'étend jusqu'au dessous de ce rail (7), tandis que l'âme (8) de ce corps comporte, sur son côté intérieur et à proximité immédiate de la zone d'appui d'au moins une pince (17), trois alésages verticaux alignés (27-28) pour le positionnement et la fixation d'axes verticaux (36-50) assurant la liaison du corps (3) avec l'un des maillons (35) de la chaîne (34), l'un au moins de ces axes portant, à chacune de ses extrémités, des éléments de guidage interchangeables (37-52) ayant une dimension transversale (7) supérieure à la largeur (L) des maillons (35-37) de la chaîne."
La société TEISSIER TECHNIQUE soutient d'une part que l'ensemble des caractéristiques sont présentes dans l'antériorité qui constituerait ainsi une antériorité de tout de pièce de l'organe objet de la revendication 1 du brevet.
Les sociétés ANDRITZ ne contestent pas que la plupart des caractéristiques décrites dans la partie caractérisante de la revendication 1 du brevet existent dans l'antériorité mais font valoir que ne seraient pas divulguées les caractéristiques suivantes
- la grande aile (6), disposée à l'intérieur du dispositif s'étend jusqu'au-dessous du rail que coiffe l'organe,
- l'âme (8) du corps de l'organe comporte, sur son côté intérieur et à proximité immédiate de la zone d'appui d'au moins une pince (17), trois alésages verticaux alignés, l'élément manquant étant selon les demanderesses l'alignement des trois alésages verticaux ;
- l'un au moins de ces axes portant, à chacune de ses extrémités, des éléments de guidage interchangeables (37-52), ce caractère interchangeable étant non démontré et du reste rendue impossible car il serait conditionnée par l'alignement des trois alésages des axes verticaux ;
-élément de guidage interchangeable ayant une dimension transversale (T) supérieure à la largeur (L) des maillons (35- 37) de la chaîne.
Toutefois la comparaison des figures 8 et 9 du brevet, reproduites ci-dessous (qui montrent un mode de réalisation mais qui contribuent à éclairer la revendication ainsi que le prévoit l'article L.613-2 du code de la propriété intellectuelle) avec le plan du corps de l'organe opposée à titre d'antériorité et les description et photographies du procès-verbal des 24 et 30 janvier 2012, établissent que le corps de l'organe de l'antériorité comporte comme celui de l'organe décrit dans le brevet, outre les caractéristiques dont il n'est pas contesté qu'elles sont communes
- une forme en U renversé comportant un aile plus importante que l'autre (6), tournée vers l'intérieur du dispositif qui s'étend jusqu'au dessous du rail, l'une des ailes du U située à l'intérieure du dispositif étant plus grande que l'autre,
- une dimension transversale des éléments de guidage représentés supérieur à la largeur des maillons de la chaîne, puisque sur le plan
versé en pièce 38 comme sur la figure 9, les éléments de guidage ( 37) sont plus larges que le maillon de la chaîne (35).
En définitive, cette comparaison met en évidence comme point de différence uniquement le fait que les trois alésages destinés à
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positionner les axes verticaux ne sont pas alignés dans l'axe horizontal.
Selon, la défenderesse il conviendrait d'interpréter " trois alésages verticaux alignés pour le positionnement et la fixation d'axes verticaux assurant la liaison du corps avec l'un des maillons " comme signifiant un alignement vertical permettant la liaison avec le fond (4).
Toutefois cette interprétation est, comme le font justement observer les demanderesses, en contradiction avec la logique de la revendication 1 au regard de la revendication 2.
En effet, ce n'est que dans celle-ci qu'est exposé un organe comportant un fond (4) qui est solidaire du corps en forme de U renversé (6) par le prolongement des axes verticaux (36).
L'organe de guidage et étirage décrit par la revendication 1 ne comporte pas de fond mais uniquement un corps en u renversé (6). Les axe verticaux passant dans les alésages (27 et 28) n'ont du reste dans la revendication 1 pour fonction que de solidariser le corps avec la chaîne en passant dans un maillon de celle-ci et pour au moins l'un d'entre eux de supporter à chacune de ses extrémités un élément de guidage.
En conséquence, la précision relative à l' alignement des alésages serait dépourvue de sens si elle s'entendait comme un alignement dans le plan vertical.
Cet élément de la revendication - l'alignement sur un plan horizontal des trois alésages de la grande aile du corps - n'est donc pas enseigné par l'antériorité.
Toutefois, la défenderesse fait valoir que l'homme du métier ayant connaissance de l'antériorité pourrait naturellement prévoir que les trois alésages sont alignées horizontalement comme le prévoit le brevet sans faire preuve d'activité inventive et ce d'autant plus que le brevet ne décrirait selon elle aucun effet technique résultant de cette disposition des alésages.
Selon les demanderesses, l'alignement serait au contraire un aspect important de l'invention en ce qu'il permettrait d'interchanger les éléments de guidage qui seraient tous identiques et de passer d'une configuration de l'organe de guidage et d'étirage à cinq éléments de guidage à une configuration en comportant neuf ou inversement en utilisant le même stock de ces éléments.
Elle fait en effet valoir que si les alésages ne sont pas alignés, les axes passant par eux, ne seront pas à égale distance du rail, si bien que les éléments de guidage pour remplir leur fonction, devraient être de taille différente selon l'axe sur lequel ils sont positionnés en fonction de la distance entre celui-ci et le rail.
Le brevet n'est pas parfaitement explicite sur le fait que l'ensemble des éléments de guidage sont identiques quel que soit leur positionnement.
Toutefois, tant la partie descriptive qui indique que l'invention permet de" "s 'adapter rapidement, à partir des mêmes éléments de base à tous les besoins rencontrés, depuis une version maximale, la plus onéreuse à neuf élément de guidage à une version minimale et la moins coûteuse à quatre éléments de guidage en passant par toutes les versions intermédiaires... "( p.5 liges 233 à 28) et qui récapitule les avantages de l'invention en indiquant que "Il ressort- de ce qui précède qu'à partir d'éléments constants, fabriqués en série, et donc à un prix de revient acceptable. Ce dispositif permet, en fonction des cas d'utilisation, de réduire ou au contraire d'améliorer le guidage des organes de guidage et d'étirage initiaux, et ceci même sur une installation en exploitation."( p.10 lignes 2à 6) que la désignation systématique des éléments de guidage comme étant "interchangeables ", que les schémas en coupe transversale 10 et 11 qui montrent des éléments de guidage identiques dans une configuration de la grande aile à quatre éléments de guidages (deux sur chacun des axes extérieurs) ou à deux éléments de guidage (un à chaque extrémité de l'axe central), ne peuvent que conduire l'homme du métier à comprendre le brevet comme prévoyant que les éléments de guidage sont tous interchangeables entre eux et sont donc tous de même dimension, nécessitant en conséquence de pouvoir être positionnés sur l'organe de guidage à même distance du rail sur des axes dont les alésages sont de ce fait alignés.
La société TEISSIER TECHNIQUE n'apporte aucun élément pour démontrer comment l'homme du métier partant de l'art antérieur et grâce à l'antériorité arriverait naturellement au dispositif précité. Aussi, elle échoue à établir que la revendication 1 serait dépourvue d'activité inventive.
La revendication un est donc valable.
Les revendications 2 et 3 étant dépendantes de la revendication 1, elles impliquent nécessairement 1' activité inventive qui s' attache à celle-ci. Les demandes de nullité de ces revendications seront donc rejetées.
d) l'insuffisance de description
La société défenderesse soutient que le brevet souffrirait d'une insuffisance de description en ce qu'il "ne résout pas le problème annoncé, à savoir de pouvoir utiliser les mêmes roulements pour passer d'une pince à neuf roulements à une pince à cinq ou sept roulements. En effet, il ne suffit pas, pour cela, de prévoir trois axes alignés, ni de prévoir des roulements interchangeables, ni de prévoir les autres caractéristiques décrites dans le brevet."
Elle fait valoir que dans la configuration avec deux éléments de guidage au lieu de quatre sur la grande aile du corps de guidage, lorsque le dispositif se trouve dans une phase où les rails sont courbes,
c'est à dire dans les zones de transition entre les portions à rails parallèles et les portions à rails convergents ou divergents ou dans les zones d'extrémité, le fait que l'élément de guidage ne soit pas disposé de manière symétrique, de chaque coté du rail, à un autre élément de guidage de la petite aile du corps de la pièce, induirait que les roulements serrent de manière excessive le rail de part et d'autre et provoquent un blocage ou une détérioration.
Toutefois le problème ainsi soulevé qui ne serait selon la défenderesse pas résolu par l'invention, n'est nullement présenté dans le brevet comme un problème technique à résoudre. Il n'est du reste documenté par aucune pièce, de sorte que la défenderesse procède par simple affirmation.
En conséquence, il ne peut être fait grief au brevet une insuffisance de description en ce qu'il ne détaille pas les solutions à apporter à un problème technique qu'il ne prétend pas résoudre et donc l'existence et les conséquences procèdent des seules affirmations de la défenderesse.
La demande de nullité du brevet fondée sur ce motif sera donc rejetée. Le brevet est ainsi valable et peut être opposé au titre de la contrefaçon 5. Contrefaçon du brevet 609
La contrefaçon de brevet est défini par l'article L.613-3 du Code de la propriété intellectuelle qui dispose notamment que
"Sont interdites à défaut de consentement du propriétaire du brevet .. a) La fabrication, 1 'offre, la mise dans le commerce, 1 'utilisation ou bien 1 'importation ou la détention aux fins précités du produit objet du brevet ; (..)"
Selon les sociétés ANDRITZ, le procès-verbal de la saisie-contrefaçon du 7juillet 2011 diligentée dans les locaux de la société TEISSIER TECHNIQUE, en présence du président de la société, Monsieur François T, établirait, tant à partir des documents et des plans, que de pièces saisies et des déclarations du président, que quatre types d'organe de guidage et d'étirage, appelés pince à roulements dans le procès-verbal, reproduisent les revendications 1, 2 et 3 du brevet, et sont soit détenus en vue de la commercialisation, soit font l'objet d'une offre au sens de l'article L. 613-3 du code de la propriété intellectuelle, soit sont fabriqués soit commercialisés.
La défenderesse oppose en premier lieu que les objets saisis ou décrits dans le procès-verbal de saisie-contrefaçon ne concernent que des pinces à roulement qui ne sont qu'un moyen de l'invention, alors que la revendication principale 1 du brevet viserait clairement la protection d' un dispositif d'étirage transversal pour la fabrication de films, c'est à dire un ensemble de moyens techniques destinés à coopérer entre eux. Aussi selon elle, faute de reproduire l'intégralité du dispositif, les
organes en cause seraient insusceptibles de reproduire la revendication 1 du brevet.
L'article L. 612-6 du code de la propriété intellectuelle énoncent que Les revendications définissent l'objet de la protection demandée. Elles doivent être claires et concises et se fonder sur la description.
L'article R. 612-16 prévoit que "Les revendications définissent I 'objet de la protection demandée en indiquant les caractéristiques techniques de l 'invention. (..)"
enfin l'article R.612-7 énonce que "Toute revendication comprend I° un préambule mentionnant la désignation de l'objet de l 'invention et les caractéristiques techniques qui sont nécessaires à la définition des éléments revendiqués mais qui combinés entre elles font partie de 1 'état de la technique ;
2° Une partie caractérisante, précédée d'une expression du type "caractérisé par", exposant les caractéristiques techniques qui, en liaison avec les caractéristiques prévues au I°, sont celles pour laquelle la protection est recherchée .(..)"
Il résulte de ces dispositions d'une part que les revendications définissent le champ de la protection. La partie descriptive et les schémas participent à la compréhension des revendications, en pouvant le cas échéant éclairer leur signification, mais sans pourvoir servir à en limiter ou à en étendre la portée.
D'autre part, le préambule de la revendication présente des caractéristiques techniques déjà présentes dans l'état de la technique, mais qui contribuent à la définition du champ de la protection en ce que les caractéristiques techniques de l'invention ne sont pas comprises uniquement par la partie caractérisante, isolément du préambule, mais en lien avec celui-ci.
En d'autres termes, le préambule ne saurait être lu comme un simple rappel du contexte technologique dans lequel se situe l'invention, ceci étant du reste dévolu à la partie descriptive du brevet, puisqu'il est partie prenante de l'invention. Le champ de la protection se définit par la combinaison ou l'intégration des éléments techniques de la partie caractérisante avec les caractéristiques techniques du préambule.
En l'espèce, les sociétés demanderesses ne sont donc pas fondées à soutenir que l'invention protégée par le brevet serait en réalité constituée uniquement par les caractéristiques techniques des organes de guidage et d'étirage décrites dans la partie caractérisante, peu important le dispositif auquel ces organes participent.
Il apparaît au contraire comme le soutient à bon droit la défenderesse que l'objet de la protection porte sur un Dispositif d'étirage transversal pour la fabrication de films biorientés, d'un type particulier dont les caractéristiques sont définies dans le préambule et présentant des organes de guidage et d'étirage tels qu'écrits dans la
partie caractérisante.
En conséquence, pour établir la contrefaçon au titre de l'article L. 6133 du code de la propriété intellectuelle, il ne suffit pas de démontrer, comme s'en prévalent les sociétés demanderesses, que ces organes avec leurs caractéristiques sont reproduits, mais il faut également prouver que les actes reprochés portent sur le dispositif dans son ensemble et non seulement sur ces organes.
Les sociétés ANDRITZ font valoir notamment que
- le procès-verbal de saisie-contrefaçon mentionne que les pinces à roulements (i.e. organes de guidage et d'étirage) décrites et saisies sont "des pinces constitutives d'un dispositif d'étirage transversal pour la fabrication de films biorientés",
- les plans Doc 1, Doc 6 et Doc 15 et les photographies 13 à 24 annexées au procès-verbal montreraient que les pinces sont prévues pour coopérer avec le rail et les maillons d'une chaîne,
- un tel dispositif comporte de façon inhérente deux chaînes latérales sans fin pour pouvoir procéder à l'étirage du film,
- il serait inhérent à un dispositif d'étirage transversal que les maillons des chaînes soient composés de maillons articulés autour d'axes verticaux et solidaires de nombreux organes de guidage et d'étirage répartis sur toute la longueur,
Toutefois, en premier lieu les preuves de contrefaçon ne peuvent reposer que sur des raisonnements déductifs, ou en invoquant des éléments qui bien que non constatés seraient "inhérents ".
Ensuite, contrairement à ce qui est soutenu, aucune des constatations faites lors de la saisie-contrefaçon ne permet de connaître la façon dont les pinces à étirements sont mises en position solidaire d'une chaîne par ses maillons. Aucune chaîne, ni aucun maillon n'est du reste clairement visible sur les photographies ou sur les plans annexés au procès-verbal, contrairement à ce qui est prétendu. Même en retenant les déductions auxquelles invitent les sociétés demanderesses, aucun élément ne permet d'affirmer que les rails avec lesquels les pinces à roulement sont appelés à coopérer sont massifs et continus.
Les photographies ne montrent en effet qu'un tronçon de rail servant apparemment à des démonstrations ou des tests des pinces a roulements mais qui n'est pas intégré dans un dispositif d'étirement transversal de sorte qu'il est impossible de conclure à partir de cet élement que les pinces sont utilisées sur des rails continus massifs.
Ainsi, il n'est pas démontré que les pinces à roulements décrites et saisies s'intégrent dans un dispositif d'étirement transversal qui présente toutes les caractérisitiques énoncées par le préambule de la revendication 1.
Enfin et surtout, le procès-verbal de saisie-contrefaçon ne prouve éventuellement que des actes portant sur les organes de guidage et d'étirage mais ne démontre nullement que la société TEISSIER
TECHNIQUE se soit livrée à des actes de fabrication, d'offre à la vente ou de détention en vue de commercialisation du dispositif d'étirage transversal pour la fabrication de films dans son ensemble. Or ainsi qu'il a été rappelé la revendication protège un tel dispositif.
Dès lors, pour l'ensemble de ces raisons, et sans même qu'il y ait lieu d'examiner si les organes de guidage et d'étirage décrits et saisis reproduisent la partie caractérisante de la revendication 1, il convient de constater que la reproduction des caractéristiques techniques de cette revendication n'est pas démontrée par les sociétés demanderesses.
Il ne saurait par ailleurs y avoir indépendamment de la reproduction de la revendication 1, de reproduction des revendications 2 et 3, qui sont dépendantes de celle-ci.
En conséquence l' ensemble des demandes au titre de la contrefaçon du brevet 609 sera rejeté.
Sur la contrefaçon de marque
La société ANDRITZ AG est titulaire de la marque semi-figurative communautaire n°008 684 318 suivante
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enregistrée le 27 mai 2010 et désignant des produits et services des classes 7 et 42 dont notamment les "machines et machines outils".
Les demanderesses soutiennent que la photographie n°5 du procès-verbal de saisie-contrefaçon portant sur le corps en fonte d'une pince à étirement faisant partie, selon les déclarations actées de Monsieur François T, d'un stock de 150 pièces qui ne seraient pas destinées à la vente, laisserait clairement apparaître sur les pièces de fontes les lettres DMT reproduites selon le même graphisme que les lettres de la marque invoquée (majuscule, même typographie, caractère inclinée vers la droite), de sorte que selon elle l'usage et l'offre de ces produits seraient constitutifs d'actes de contrefaçon par reproduction prévus par l'article L.713-2a) du code de la propriété intellectuelle du fait de l'identité des produits visés et des différences selon elles uniquement insignifiantes entre le signe second et la marque, ou tout au moins d'actes de contrefaçon par imitation prévus par l'article L. 713-3 b) du code de la propriété intellectuelle, en raison du risque de confusion.
La société TEISSIER TECHNIQUE sans discuter ni de l'identité ou de la similarité des signes et des produits concernés soutient que les pièces photographiées proviennent d'un reliquat de pièces de fonderie marquées DMT qui ont été livrées alors qu'elle était le principal sous-traitant de la société DMT pour la fabrication des pinces d'étirement et qu'à ce titre elle recevait de la société de fonderie italienne PERUCCHINI des pièces destinées à être assemblées et usinées qui étaient marquées du signe DMT, comme le demandait la société DMT, donneuse d'ordre. Il s'ensuit selon elle d'une part que l'apposition de la marque sur ces pièces résulte d'une autorisation de la société DMT alors titulaire de la marque, et d'autre part que ces pièces n'étaient pas destinées à être commercialisées.
L'article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que
"Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire
a) La reproduction, l'usage ou 1 'apposition d 'une marque, même avec l'adjonction de mot tels que "formule, façon, système, imitation, genre, méthode", ainsi que l 'usage d'une marque reproduite pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement
L'article L.713-3 du Code de la propriété intellectuelle dispose que "Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s 'il peut en résulter un risque de confusion dans 1 'esprit du public a) La reproduction, 1 'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ; b) l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans 1 'enregistrement."
La société TEISSIER TECHNIQUE établit certes par les factures et bons de commande produits qu'elle était destinataire de pièces de fonderies marquées DMT avec l'autorisation de la société DMT, pour assembler et usiner ces pièces et livrer des pinces à étirement à celle-ci, ce jusqu'au début 2010.
Toutefois les pièces litigieuses ont été découvertes le 7 juillet 2011, soit près de 18 mois après les dernières commandes.
En outre, il appartient à la société TEISSIER TECHNIQUE de démontrer l'autorisation du titulaire de la marque qu'elle invoque.
Or, ainsi que le relèvent à juste titre les demanderesses, le délai entre les dernières commandes et la découverte du stock ne permet pas de déduire qu'il s'agit d'un reliquat de ces commandes, et ce d'autant moins que la société TESSIER TECHNIQUE indique elle-même que les commandes qui lui ont été passées ont été livrées.
Au demeurant la société TEISSIER TECHNIQUE ne prétend pas démontrer que ce stock proviendrait du reste d'une commande identifiée qu'elle n'aurait que partiellement livrée, puisqu'elle
indique qu'il lui était habituel de passer commande à titre de précaution de pièces de fonderie en surnombre afin de parer des défauts éventuels d'usinage des lots commandés, mais sans produire la moindre preuve de cette pratique.
Aussi faute de produire la preuve de l'origine de ce stock de pièces qui permettrait de le rattacher à une commande passée auprès des fonderies, en vue de satisfaire une commande que lui aurait adressée la société DMT qui impliquerait l'autorisation de cette dernière d'apposer et utiliser les lettre DMT, et compte tenu du délai écoulé depuis les dernières commandes de cette dernière, la société TEISSIER TECHNIQUE échoue à établir que le stock en cause, soit un reliquat de la période où elle était sous-traitante pour DMT.
Nonobstant l'absence de preuve directe de commercialisation des pièces en cause, leur détention dans un local à usage professionnel parmi d'autres pièces commercialisées établit que le signe litigieux qui est apposé dessus est utilisé dans le contexte d'une activité commerciale visant un avantage économique et non dans le domaine privé.
Il convient dès lors de procéder à la comparaison du signe litigieux avec la marque.
Le signe litigieux n'est visualisé qu'au travers de la seule photographie n°5 du procès-verbal de saisie-contrefaçon. Il se compose des trois lettres en majuscule DMT gravées directement sur la pièce entourées d'un premier trait également gravé délimitant une forme géométrique en forme de bouteille horizontale laquelle est elle même située dans un rectangle délimité lui aussi par un trait gravé. La photographie ne permet pas de voir si les traits des lettres et des formes sont de couleurs blanches écaillée par endroit ou si cet effet provient de la lumière du flash de l'appareil photographique.
En tout état de cause il apparaît qu'il ne s'agit nullement d'une reproduction à l'identique de la marque invoquée, puisque ne sont retrouvés ni les couleurs bleue et rouge, ni le parallélogramme formé de points rouges, ni, contrairement à ce que soutiennent les demanderesses, l'inclinaison des lettres et qu'en revanche les cadres qui entourent celles-ci dans le signe litigieux n'existent pas dans la marque.
Ces différences n'étant pas insignifiantes, la contrefaçon doit être examinée au regard des dispositions de l'article L. 713-3 b) relatif à l'imitation de la marque.
Les produits "machines et machines outils" visés dans la marque sont au moins similaires aux produits sur lesquels sont apposés le signe litigieux puisque les corps de pièce de fonderie en cause servent à l'assemblage d'une pièce qui constitue un élément d'une machine outil, à savoir une ligne de fabrication de films.
L'appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants.
En l'occurrence la partie dominante du signe est constituée par les trois lettres en majuscules DMT. Aussi, malgré les différences visuelles tenant à l'absence de couleur et à une partie figurative distincte, la présence de ces seules trois mêmes lettres en majuscule, le fait que le signe se prononce de manière identique, et que conceptuellement il n'y ait pas de différence, font que les signes sont similaires et qu'il existe au total un risque e confusion puisque le public concerné sera amené à considérer que des produits revêtus de ces signes ont une origine commune.
En conséquence il existe une similitude des produits et des signes créant un risque de confusion de sorte que la contrefaçon de la marque
communautaire n°008 684 318 est établie.
Sur les actes de concurrence déloyale parasitaires à l'égard des sociétés ANDRITZ AG et ANDRITZ BIAX
Les sociétés ANDRITZ soutiennent que la société TEISSIER TECHNIQUE utilise indûment dans ses documents techniques et commerciaux les codes de référencement que la société DMT avait conçus et utilisés pour identifier les pièces composant les pinces à étirer à roulement et dont la société ANDRITZ BIAX, repreneur du fonds de commerce, poursuit l'usage dans ses documents techniques et commerciaux, et qui sont également utilisés par la société AG ANDRITZ qui conclut directement des contrats avec les clients concernés tout en faisant appel aux services de sa filiale ANDRITZ BIAX en qualité de société prestataire.
Elles reprochent en second lieu à la défenderesse d'utiliser des plans d'exécution de DMT et de les reproduire de manière quasi-servile, ce qui ressortirait selon elles, d'une pièce versée par la société TEISSIER TECHNIQUE aux débats d'une instance antérieure devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Chambéry qui porte sur un plan de pince à roulement, ainsi que de plans appréhendés lors de la saisie-contrefaçon. En procédant de la sorte, la défenderesse s'approprierait le travail de la société DMT, se livrant ainsi à du parasitisme.
Enfin, elles font enfin grief à la société défenderesse d'avoir évincé la société AG ANDRITZ d'un contrat d'un montant de 11.400.000 euros que cette dernière avait conclu avec la société SUPERFILM pour la livraison de lignes de production de films plastiques, au motif qu'elle aurait proposé à la société SUPERFILM, après la signature du contrat et alors qu'elle était sous- traitante de la société DMT puis de la société ANDRITZ AG de lui fournir des pinces à roulement vendus sous la même référence "1521", contrefaisante du brevet, et fabriquées à partir des plans de DMT devenus ceux de ANDRITZ BIAX.
Il sera rappelé que sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, les comportements fautifs tels que ceux visant à créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit ou ceux parasitaires, qui permettent à leur auteur de tirer profit sans bourse délier d'une valeur économique d'autrui lui procurant un avantage concurrentiel injustifié, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements .
Sur le premier grief, si les demanderesses versent des plans et documents de la société DMT établissant l'emploi par celle-ci d'une nomenclature de désignations des pièces des pinces à roulements commençant par le radical "1521" suivi d'un numéro identifiant la pièce concernée, elles n'apportent aucun document démontrant qu'elles-mêmes ont poursuivi l'utilisation auprès de la clientèle de cette nomenclature, de sorte la reprise de celle-ci par la société TEISSIER TECHNIQUE, qui parait en effet établie par les factures trouvées lors de la saisie-contrefaçon, ne démontre pas pour autant l'existence d'un préjudice.
S'agissant du deuxième grief, le plan de pince à roulements versé par la société TEISSIER TECHNIQUE dans la procédure devant le tribunal de grande instance de Chambéry comporte un tableau reprenant la désignation des pièces composant la pince qui comprend neuf pièces ayant une référence en "1521" provenant de la nomenclature de la société DMT et dont celle-ci a établi les plans.
Cependant outre que le plan litigieux ne reprend que les références et non pas les plans des pièces, et qu'il n'est pas démontré que ce plan reproduise un plan d'ensemble de la pièce de la société DMT, il n'est pas non plus démontré qu'il ait servi auprès de la clientèle puisque la société défenderesse fait valoir que ce plan constitue un document d'étude et que rien ne vient démontrer le contraire.
Du reste, un plan identique a été trouvé lors de la saisie-contrefaçon (document 1) avec la mention PATENT PENDING qui accrédite le fait qu'il s'agit de plan de recherche, et non d'exploitation, étant au surplus constaté qu'il ne comporte plus aucune référence appartenant à la nomenclature DMT.
Pour le reste, il existe des ressemblances entre le plan (document 17) trouvé lors de la saisie-contrefaçon avec des plans de la société DMT, que la société TEISSIER TECHNIQUE ne conteste pas en reconnaissant au moins implicitement avoir travaillé à l'amélioration des pinces à roulements à partir des plans de la société DMT que celle-ci lui avait remis pour, en sa qualité de sous traitant, assembler et usiner cette pièce.
Dès lors l'utilisation de ces plans pour faire évoluer la pièce en cause constitue un acte de parasitisme puisque le travail de réalisation de ce plan a ainsi servi à la société TEISSIER TECHNIQUE, sans bourse délier ni autorisation de la société ANDRITZ BIAX repreneuse des actifs de DMT, et ce alors même qu'elle n'était plus sous-traitante de
cette société.
En revanche, la responsabilité de la société TEISSIER TECHNIQUE dans l'éviction de la société ANDRITZ AG du contrat avec la société SUPERFILM, n'est pas démontrée dès lors qu'il n'est pas contesté que SUPERFILM a finalement conclu un contrat avec une société tierce ESOPP et qu'en outre rien ne prouve que le fait que la société défenderesse ait livré des pinces à roulements à la société SUPERFILM ait été déterminant dans l'éviction de la société ANDRITZ AG.
Il s'ensuit que la société TEISSIER TECHNIQUE a commis des actes de concurrence déloyale parasitaire mais uniquement en ce qu'elle a utilisé les plans de la société DMT pour établir un plan d'une version différente d'une pince à roulements.
Sur les mesures réparatrices
Les sociétés ANDRITZ qui demandent la désignation d'un expert pour permettre d'évaluer l'ensemble des préjudices subis en relation avec l'ensemble des actes illicites qu'elles invoquent, demandent que soient allouées à titre de provision sur les dommages et intérêts, une somme 300.000 euros à la société ANDRITZ AG et une somme de 150.000 euros à la société ANDRITZ BIAX.
Elles invoquent, sans plus de précision, un préjudice moral subi par la société ANDRITZ AG résultant des actes de contrefaçon de la marque communautaire n°008 684 318 et se bornent à indiquer au titre de la concurrence déloyale que la copie des plans de la pince à roulement a procuré un avantage concurrentiel à la société TEISSIER TECHNIQUE en lui épargnant le coût des investissements nécessaires à la fabrication de ce plan et sollicite une mesure d'expertise pour évaluer le préjudice.
Sans qu'il y ait lieu à une mesure d'expertise, laquelle ne se justifie pas pour évaluer le préjudice des actes illicites finalement retenus, le préjudice moral subi par la société ANDRITZ AG du fait de l'atteinte portée à sa marque est fixé à la somme de 10.000 euros.
S'agissant du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale parasitaire, il n'est pas démontré que la copie des plans en cause ait généré des pertes de marché pour les demanderesses ou des gains pour la défenderesse. En revanche, elle a permi à cette dernière d'économiser le coût de conception de ces plans. Le préjudice ainsi subi par la société ANDRITZ BIAX, repreneuse du fonds de la société DMT, peut en conséquence être fixé à la somme de 10.000 euros.
Sur la demande reconventionnelle
La société TEISSIER TECHNIQUE faisant valoir que l'action intentée par les sociétés ANDRITZ aurait été engagée de mauvaise foi sur des bases qu'elles savaient artificielles et lui aurait permis de prendre
connaissance de prototypes couverts pas le secret des affaires, demande leur condamnation à lui verser une somme de 100.000 euros au titre de la procédure abusive.
Toutefois il sera rappelé que l'exercice d'une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de faute caractérisée.
En l'espèce contrairement à ce que prétend la défenderesse, les sociétés demanderesses pouvaient légitimement vouloir défendre leurs monopoles résultant de droit de propriété intellectuelle dont elles sont titulaires et dont il n'a pas été démontré qu'ils aient été usurpés ou qu'ils ne soient pas valides, même si elles ont pu, sans commettre de faute, se méprendre sur la portée de leurs droits. En outre, il a pour partie été fait droit à leurs demandes.
En conséquence l'action engagée n'est pas abusive et la demande sera rejetée.
Sur les frais du litige et les conditions d'exécution de la décision
La société TEISSIER TECHNIQUE, partie perdante, sera condamnée aux dépens dont distraction au profit de Maître Jean-Christophe ... en application des dispositions de l'article 699 de code de procédure civile.
En outre elle doit être condamnée à verser aux sociétés ANDRITZ, qui ont dû exposer des frais pour faire valoir leurs droits, une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 5.000 euros.
Le surplus des demandes à ce titre est rejetée.
Les circonstances de l'espèce ne justifient pas d'ordonner l'exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS
- REJETTE les fins de non recevoir soulevées par la société TEISSIER TECHNIQUE ;
- ANNULE dans la page 3 du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 7 juillet 2011, les mots
"Ce plan est proche du plan F5446.a que je lui produis (pièce 7 des pièces de l'ordonnance).
M. Francois T me déclare qu'aucune pièce fabriquée conformément au plan F 5446.A n'a été vendue"
- DIT que le reste du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 7 juillet 2011 est valide ;
- REJETTE les demandes tendant à voir prononcer la nullité du brevet français n° 92 00 609 ;
- DÉBOUTE les sociétés ANDRITZ AG et ANDRITZ BIAX de leurs demandes au titre de la contrefaçon du brevet français n° 92 00 609;
- DIT que la société TEISSIER TECHNIQUE a commis des actes de contrefaçon de la marque communautaire n° 008 684 318 au préjudice de la société ANDRITZ AG ;
- DIT que la société TEISSIER TECHNIQUE, en élaborant le plan d'une pince à étirement à roulements à partir des plans conçus par la société DMT, a commis des actes de concurrence déloyale parasitaire au préjudice de la société ANDRITZ BIAX ;
- CONDAMNE la société TEISSIER TECHNIQUE à verser au titre du préjudice résultant des actes de contrefaçon de la marque communautaire, une somme de 10.000 euros à la société ANDRITZ AG;
- CONDAMNE la société TEISSIER TECHNIQUE à verser au titre du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale parasitaires, une somme de 10.000 euros à la société ANDRITZ BIAX ;
- CONDAMNE la société TEISSIER TECHNIQUE aux dépens dont distraction au profit de Maître Jean-Christophe ... en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- CONDAMNE la société TEISSIER TECHNIQUE à payer une somme globale de 5.000 euros aux sociétés ANDRITZ BIAX et ANDRITZ AG, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- REJETTE le surplus des demandes dont la demande reconventionnelle ;
- DIT n'y avoir lieu à l'exécution provisoire de la présente décision.
Fait à PARIS le 13 novembre 2015
LE PRÉSIDENT
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