Références
COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYONN° 13LY02005Inédit au recueil Lebon
3ème chambre - formation à 3lecture du mardi 12 mai 2015REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'organisme gestionnaire de l'école catholique (OGEC) Ecole Sainte-Thérèse a demandé au tribunal administratif de Lyon :
- d'annuler la décision du 30 juillet 2007 par laquelle le maire de Villeurbanne a rejeté sa demande indemnitaire préalable, ainsi que la décision implicite par laquelle le préfet du Rhône a rejeté son recours administratif en date du 31 juillet 2008 ;
- de condamner, à titre principal, la commune de Villeurbanne à lui verser la somme de 286 618,86 euros, assortie des intérêts au taux légal, à compter du 10 juillet 2007 et de leur capitalisation à compter de la date d'enregistrement de la requête et à chaque fin d'année civile ;
- à titre subsidiaire, de désigner un expert ayant pour mission de déterminer le montant du forfait communal qu'elle aurait dû percevoir au titre des années scolaires 2003-2004 à 2006-2007, après intégration des dépenses que le Tribunal aura regardées comme étant des dépenses de fonctionnement entrant dans la composition du montant du forfait communal au titre de ces années.
Par un jugement n° 1007968 du 16 mai 2013 le tribunal administratif de Lyon a rejeté l'ensemble de ces demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 26 juillet et 13 décembre 2013, l'organisme gestionnaire de l'école catholique (OGEC) Ecole Immaculée Conception, Immacgestion, venant aux droits de l'OGEC Ecole Sainte-Thérèse, représenté par la SCP B...et associés demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1007968 du 16 mai 2013 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées ;
3°) de condamner la commune de Villeurbanne à lui verser la somme de 286 618,86 euros, sauf à parfaire, assortie des intérêts au taux légal, à compter du 10 juillet 2007 et de leur capitalisation à compter de la date d'enregistrement de la requête et à chaque fin d'année civile ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Villeurbanne les entiers dépens dont le frais d'expertise ;
5°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer sur le montant de l'indemnisation et désigner un expert ayant pour mission de déterminer le montant du forfait communal qu'elle aurait dû percevoir au titre des années scolaires 2003-2004 à 2006-2007, après intégration des dépenses que, la Cour aura jugées comme étant des dépenses de fonctionnement entrant dans la composition du montant du forfait communal au titre de ces années ;
6°) de mettre à la charge de la commune de Villeurbanne les frais de l'expertise dont le rapport a été déposé le 29 mars 2010 ainsi que de l'expertise qui est sollicitée ;
7°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Villeurbanne et de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que le rapporteur public a méconnu l'article R. 711-3 du code de justice administrative dès lors qu'il n'a pas précisé lequel des motifs d'irrecevabilité lui paraissait fonder, à titre principal, la solution ;
- le Tribunal a méconnu le principe du contradictoire en retenant l'incompétence du préfet alors que ce moyen n'avait pas été soulevé ;
- le jugement est entaché d'une insuffisance de motivation en ce qu'il n'a pas répondu au moyen soulevé et développé par le rapporteur public tiré de ce que le contentieux était indemnitaire ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, il résulte de la combinaison des articles L. 442-11 et R. 442-73 du code de l'éducation que le préfet était compétent, même de manière facultative, pour connaître des litiges relatifs aux conditions de prise en charge par les collectivités des dépenses de fonctionnement des classes au contrat simple ou d'association avec l'Etat ; il existe donc une décision implicite de rejet ;
- sa requête était recevable dès lors que le préfet étant compétent au 31 juillet 2008 pour statuer sur son recours hiérarchique même dans le cadre d'un recours facultatif ; il a satisfait à l'obligation de recours hiérarchique posé par l'article L. 442-5-2 du code de l'éducation ;
- à titre subsidiaire, sa demande étant indemnitaire, l'article L. 442-5-2 du code de l'éducation ne pouvait s'appliquer ;
- la responsabilité de la commune de Villeurbanne ne peut qu'être engagée dès lors qu'elle n'a pas intégré les dépenses de fonctionnement nouvellement listées par la circulaire de 2005 ;
- le montant de la contribution obligatoire ne peut être contractualisé ; le protocole de 2002 est inopposable dès lors qu'il est contraire à la loi ;
- les illégalités commises par la commune sont de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
- la commune engage sa responsabilité pour faute dès lors qu'elle a versé une contribution insuffisante ; elle n'a pas tenu compte des dépenses figurant dans la circulaire de 2005 ;
- suite à la faute commise par la commune et l'Etat, il a subi un préjudice correspondant à la différence entre le montant du forfait qui lui a été alloué et celui qu'il aurait dû percevoir, multiplié par le nombre d'élèves scolarisés au sein de l'établissement pour les années 2003 à 2007, soit une somme de 286 618,86 euros ;
- pour évaluer son préjudice, il est fondé à se prévaloir de la circulaire n° 2007-1423 du 27 août 2007 pour dresser la liste des dépenses de fonctionnement qui doivent être retenues ainsi que celles déterminées par la jurisprudence ;
- l'évaluation initiale du préjudice doit être actualisée suite à l'expertise qui a été pratiquée ; le calcul du forfait communal par la commune est contestable, concernant la prise en compte de la masse salariale ; elle précise son exposé méthodologique pour calculer le coût par éléve ;
- l'évaluation des charges de personnel du service éducation est contestable, notamment en ce qui concerne les ratios appliqués par la commune ; la masse salariale de la sous-fonction 21 aurait dû être prise en compte ;
- les charges de personnel " éducateurs sportifs " auraient dû être intégrées, au vu du livret de rentrée scolaire 2006/2007, le temps de mise à disposition de la quinzaine d'éducateurs sportifs pour les classes sportives autre que celui consacré à l'accueil dans les piscines municipales doit être intégré dans le calcul de la contribution communale, soit la somme de 262 500 euros ;
- de même, doivent être prises en compte les charges de personnel " médecine scolaire ", en prenant en compte l'emploi du temps " médecins infirmiers " pour l'année scolaire 2008-2009 ; il existe un déséquilibre entre les visites de la médecine scolaire dans les écoles publiques et privées ; les ETP correspondant aux visites surnuméraires de médecine scolaire au profit des écoles publiques doivent être prise en compte dans le calcul ;
- elle demande la prise en compte de la subvention " caisse des écoles " qui est attribuée pour des dépenses de fonctionnement ;
- au vu du livret de rentrée scolaire 2006/2007, doit être pris en compte l'équivalent en fonctionnement de quatre classes correspondant à l'effectif accueilli à Chamagnieu en permanence ;
- les ETP relatifs aux élus locaux doivent être intégrés dans le forfait communal après application d'un ratio de 7,2 % comme préconisé par l'expert ;
- le mobilier doit être intégralement pris en compte dans le calcul de la contribution communale ;
- diverses dépenses relatives à l'entretien locatif doivent être classés en dépenses de fonctionnement ;
- le coût des fluides doit être pris en compte dans le calcul ;
- des corrections sont à faire concernant les modalités générales de détermination de la dépense moyenne par élève.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2013, la commune de Villeurbanne conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- le jugement n'est pas irrégulier, le sens des conclusions du rapporteur public qui a été communiqué étant conforme aux exigences de l'article R. 771-3 du code de justice administrative ;
- la requête de première instance était irrecevable pour défaut d'exercice du recours préalable auprès du préfet du département prévu à l'article L. 442-5-2 du code de l'éducation ; la saisine du préfet du 31 juillet 2008 sur le fondement de l'article R. 442-73 du même code ne lui a pas conféré de compétence pour trancher un litige lié au montant du forfait communal ;
- en vertu du principe de l'application immédiate de la loi nouvelle, l'OGEC était tenu d'exercer un recours préalable devant le préfet au plus tôt le 30 octobre 2009 ;
- le jugement a répondu au moyen tiré du caractère indemnitaire de la demande ; le préfet doit être saisi en cas de litige ;
- la demande indemnitaire n'était pas suffisamment précise pour obtenir une réponse favorable ; la circulaire de 2005, annulée par le Conseil d'Etat, ne pouvait donc être prise en compte ; elle s'est fondée sur le protocole du 19 juin 2002 qui a légalement contractualisé le montant de la contribution obligatoire et qui n'a pas été dénoncé par l'OGEC ;
- les communes ne sont pas soumises à l'obligation de tenue d'une comptabilité analytique ;
- le montant du forfait communal n'est pas sous-évalué ;
- le recours contentieux étant introduit le 24 décembre 2010, les sommes dues au titre des années 2003-2004 et 2004-2005 sont couvertes par la prescription quadriennale ;
- la contribution versée n'est pas insuffisante dès lors qu'elle s'est fondée sur le protocole du 19 juin 2002 qui a respecté les dispositions législatives et réglementaires en vigueur et son montant est conforme au principe de parité ;
- concernant les charges de personnel, le nombre d'ETP à prendre en compte est de 52.25 ;
- l'estimation financière du coût moyen de la masse salariale des éducateurs sportifs est hypothétique ; il n'existe aucune méconnaissance du principe de parité concernant l'accès aux installations sportives ;
- l'établissement scolaire ne démontre pas qu'il serait victime d'un traitement différencié dans le cadre de la médecine scolaire de nature à s'opposer au principe de parité ; la commune ne peut interférer dans l'action de la médecine scolaire qui est indépendante ;
- pour les dépenses relatives à l'entretien locatif, les dépenses de fonctionnement sont régulièrement comptabilisées ; contrairement aux affirmations du requérant, elle n'a pas volontairement procédé à une dissimulation de certaines dépenses relatives à l'entretien des bâtiments affectés à l'enseignement élémentaire public afin de réduire la part de dépenses de fonctionnement à intégrer au calcul du forfait communal ;
- elle n'a jamais contesté la prise en compte des fluides pour déterminer le montant du forfait communal ; elle a appliqué un coefficient de 40 % concernant la répartition du temps d'utilisation des locaux entre les activités d'enseignement et les autres activités ;
- il est exclu d'intégrer la quantité d'heures potentielles consacrées par les élus aux écoles élémentaires ;
- la subvention accordée à la caisse des écoles ne peut être prise en compte en raison de leur statut et de leurs activités essentiellement facultatives ;
- le décalage constaté par l'expert démontre qu'aucun préjudice n'est porté au requérant ;
- en l'absence de faute commise, l'OGEC ne peut prétendre à la réparation d'un préjudice inexistant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 février 2014, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le jugement n'a pas été rendu au terme d'une procédure irrégulière, l'article R. 711-3 du code de justice administrative n'ayant pas été méconnu ;
- la requête est irrecevable dès lors qu'elle n'a pas respecté la procédure administrative préalable prévue par l'article L. 442-5-2 du code de l'éducation ; le recours de l'OGEC fondé sur l'article R. 442-73 est un recours indépendant qui ne peut tenir lieu de recours préalable obligatoire au sens de l'article L. 442-5-2 ;
- à titre subsidiaire, le refus du maire de la commune de Villeurbanne de faire droit à la demande de réévaluation du forfait communal n'est pas illégal ;
- la décision implicite du préfet du Rhône s'abstenant de déférer le refus de la commune de Villeurbanne n'est pas illégale ; la responsabilité de l'Etat n'est engagée à ce titre qu'en cas de faute lourde qui n'est pas caractérisée en l'espèce.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi en ce que la procédure du recours préalable obligatoire, prévue par les dispositions de l'article L. 442-5-2 du code de l'éducation dans sa rédaction issue de l'article 2 de la loi n° 2009-1312 du 28 octobre 2009 publiée au Journal officiel du 29 octobre 2009, n'est, en l'espèce, pas applicable à un litige antérieur à son entrée en vigueur.
Par un mémoire, enregistré le 30 mars 2015, l'organisme gestionnaire de l'école catholique (OGEC) Ecole Immaculée Conception Immacgestion a présenté des observations sur le moyen d'ordre public.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 2009-1312 du 28 octobre 2009 ;
- le décret n° 60-389 du 22 avril 1960 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Courret, président-assesseur,
- les conclusions de M. Clément, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant l'OGEC Ecole Immaculée Conception venant aux droits de l'OGEC Ecole Sainte-Thérèse et de Me C..., représentant la commune de Villeurbanne.
1. Considérant que l'organisme de gestion de l'école catholique (OGEC) Ecole Sainte-Thérése devenue OGEC Ecole Immaculée Conception, Immacgestion, laquelle est sous contrat d'association avec l'Etat, a demandé à la commune de Villeurbanne, par lettre datée du 10 juillet 2007, de lui verser une somme de 122 585 euros en réparation du préjudice résultant, selon lui, de l'insuffisance de la contribution communale aux dépenses de fonctionnement des classes de son établissement pour les années scolaires 2003-2004 à 2006-2007 ; que cette demande a été rejetée par la commune de Villeurbanne le 30 juillet 2007 ; que, par un courrier du 31 juillet 2008 l'établissement scolaire a saisi le préfet du Rhône de ce litige, sur le fondement des dispositions de l'article R. 442-73 du code de l'éducation ; que la commission de concertation saisie par le préfet a émis un avis lors de sa séance du 5 décembre 2008 ; que, par une ordonnance du 13 mars 2009, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a désigné M. A...en qualité d'expert qui a déposé son rapport le 31 mars 2010 ; que, par un jugement du 16 mai 2013, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 30 juillet 2007 du maire de Villeurbanne ainsi que la décision implicite par laquelle le préfet du Rhône a rejeté son recours administratif, d'autre part, à titre principal, à la condamnation de la commune de Villeurbanne à lui verser la somme de 286 618,86 euros, assortie des intérêts au taux légal, à compter du 10 juillet 2007 et de leur capitalisation à compter de la date d'enregistrement de la requête et à chaque fin d'année civile, et enfin, à titre subsidiaire, à la désignation d'un expert ayant pour mission de déterminer le montant du forfait communal qu'elle aurait dû percevoir au titre des années scolaires 2003-2004 à 2006-2007, après intégration des dépenses que le Tribunal aura regardées comme étant des dépenses de fonctionnement entrant dans la composition du montant du forfait communal au titre de ces années ; que l'OGEC Immacgestion venant au droit de l'OGEC Ecole Sainte-Thérése relève appel de ce jugement ;