Jurisprudence : CA Colmar, 01-07-2015, n° A 14/04158

CA Colmar, 01-07-2015, n° A 14/04158

A3280NMG

Référence

CA Colmar, 01-07-2015, n° A 14/04158. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/25168866-ca-colmar-01072015-n-a-1404158
Copier


MPA/KG MINUTE N°
Copie exécutoire à
- Me Yves ...
- Me ... marie BOUCON
- Me Joëlle ...
Copie au ministère public
Le 1er juillet 2015
Le Greffier
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE COLMAR
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRÊT DU 01 Juillet 2015
Numéro d'inscription au répertoire général 1 A 14/04158
Décision déférée à la Cour 18 Juillet 2014 par le BATONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS DE STRASBOURG

APPELANTE
SELARL MDL prise en la personne de son représentant légal
VILLEURBANNE
Représentée par Me Yves FROMONT, avocat à LYON
INTIMÉS
Maître Gwladys Y
LYON CEDEX09
Représenté par Me Anne marie BOUCON, avocat à la Cour
Plaidant Me ..., avocat à LYON
SELAS CABINET FIDAL prise en la personne de son représentant légal
Tour Prisma COURBEVOIE
Représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la Cour
Plaidant Me ..., avocat à LYON

COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 786 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juin 2015, en chambre du conseil, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, et Mme ALZEARI, Conseillère, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de
Mme PANETTA, Présidente de chambre
M. VALLENS, Conseiller
Mme ALZEARI, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats Mme ARMSPACH-SENGLE,
Ministère Public
représenté par M. ..., Substitut Général, absent lors des débats, mais dont les conclusions ont été communiquées aux parties.
ARRÊT
- Contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Mme Corinne PANETTA, Présidente et Mme Christiane MUNCH-SCHEBACHER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES.
Mme Gwladys Y a été embauchée par la SELARL MDL en qualité d'avocat salarié le 2 juillet 2007.
Par la souscription de 500 parts pour un montant de 16 000 euros représentant 5 % du capital, elle est devenue associée du cabinet à compter du 1er janvier 2011.
Le 9 juillet 2012, elle a informé ses associés qu'elle entendait quitter le cabinet. Il était convenu qu'elle exécuterait son préavis.
Après son départ, les associés se sont rendus compte qu'elle avait effacé l'ensemble des e-mails de l'ordinateur qu'elle avait restitué.
Par courrier du 21 novembre 2012, elle a répondu que la transcription des mails figurait dans les différents dossiers qu'elle avait traités et qu'en vertu de la double signature, les autres associés avaient nécessairement eu connaissance des messages échangés.
À la fin du mois de novembre 2012, la société BAYER cliente de la SELARL MDL a informé cette dernière qu'elle mettait fin au partenariat avec elle en vue d'une consultation pour des prestations similaires.
La société BAYER demandait au cabinet MDL de restituer tous les dossiers des salariés détachés ou expatriés dans un délai de un mois suivant l'expiration du contrat, soit au plus tard le 31 mars 2013.
La société BAYER a organisé une procédure d'appel d'offres auprès de quatre cabinets. À l'issue de cette procédure, la candidature du cabinet FIDAL a été retenue.
Par courrier du 9 avril 2013, la SELARL MDL a saisi Monsieur le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Lyon d'une plainte à l'encontre de la SELAS FIDAL et de Mme Gwladys Y reprochant à cette dernière une attitude déloyale ayant entraîné le départ du client BAYER au profit de la SELAS FIDAL
Aucun accord n'ayant pu être trouvé, Monsieur le bâtonnier du barreau de Lyon a désigné Monsieur le bâtonnier André ... en qualité de conciliateur dans le litige opposant les parties.
Ce dernier a dressé un procès-verbal de non-conciliation le 31 mai 2013.
Monsieur le bâtonnier du barreau de Lyon et Monsieur le bâtonnier des Hauts-de-Seine ont désigné Monsieur le bâtonnier Armand ... en qualité de tiers arbitre.

Vu l'ordonnance en date du 8 juillet 2014 par laquelle Monsieur Armand ... a
' dit et jugé qu'il n'appartenait pas au tiers arbitre sur le fondement des articles 179-1 et suivants du décret du 27 novembre 1992 de se prononcer sur le non-respect d'obligations déontologiques,
' dit et jugé qu'il n'était rapporté aucune preuve d'une faute civile caractérisant un acte de démarchage déloyal de la part de Mme Gwladys Y,
' dit et jugé qu'il n'était rapporté aucune preuve d'une collusion entre Mme Gwladys Y et son employeur caractérisant un détournement déloyal du client BAYER,
' débouté la SELARL MDL de ses demandes,
' dit qu'il n'y avait pas lieu à injonction de communiquer des pièces complémentaires après clôture des débats,
' débouté Mme Gwladys Y de sa demande en réparation du préjudice moral,
' débouté en l'état Mme Gwladys Y de sa demande tendant à fixer la rémunération de la cession de ses parts d'associé.

Vu la déclaration d'appel déposée par la SELARL MDL le 8 août 2014.
Vu les dernières conclusions de l'appelante du 15 octobre 2014.
Elle prétend à la violation conjointe par les intimées de leur obligation de loyauté et de confraternité et réclame le paiement d'une indemnité de 30 000 euros de ce chef.
Elle invoque également le détournement déloyal du client BAYER à son préjudice et prétend au paiement de la somme de 265 880 euros aux fins d'indemnisation.
Elle réclame en outre le paiement des sommes de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle demande en outre que soit ordonnée la communication du détail des honoraires facturés au client BAYER du 1er novembre 2012 au 31 mars 2013.
Elle rappelle que la violation de l'obligation de loyauté constitue une faute et expose que le préjudice direct et certain résulte du détournement de clientèle avérée.
Elle estime que le lien de causalité est évident dès lors que le client Bayer a été directement facturé par Mme Gwladys Y en novembre 2012 alors que le contrat de partenariat avec elle-même n'avait pas cessé.
Vu les dernières écritures de la SELAS FIDAL du 17 décembre 2014.
Elle conclut à la confirmation de la sentence arbitrale et réclame paiement d'une indemnité de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose que rien ne démontre qu'elle se soit comportée de façon déloyale à l'encontre de la SELARL MDL ou se soit rendue coupable de démarchage.
Elle ajoute qu'il n'est nullement démontré que la procédure d'appel d'offre initiée par Bayer ait été purement formelle alors que la société mère du groupe en Allemagne a mis en oeuvre cette procédure en 2013.
Elle ajoute qu'aucun élément comptable n'est produit susceptible de justifier du préjudice tel que réclamé.
Vu les dernières conclusions de Mme Gwladys Y du 18 décembre 2014.
Elle sollicite la confirmation de la décision déférée en ce qu'elle estime ne pas être à l'origine de la perte du client Bayer et n'avoir commis aucune faute de quelque nature que ce soit.
Plus précisément, elle explique qu'aucune preuve d'un acte de démarchage n'est rapportée.
Elle prétend au paiement de la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle forme appel incident et réclame le paiement de la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Elle explique que la brutalité des accusations portées à son encontre, à la fois mensongères et insultantes, mérite indemnisation.

MOTIFS,
Attendu que l'appelante soutient que les intimées ont enfreint leur obligation de loyauté, infraction qui constituerait une faute grave voire une faute lourde ; qu'elle explique que les avocats associés sont, non seulement tenus d'un devoir de loyauté mais également, d'une obligation de non-concurrence ;
Attendu qu'elle précise que le lien de causalité avec le préjudice résultant du détournement de clientèle résulte évidemment du fait que le client BAYER a été directement facturé par Mme Gwladys Y en sa qualité d'avocat de la SELAS FIDAL au mois de novembre 2012 alors que le contrat de partenariat entre elle-même et le client n'avait pas cessé ;
Attendu toutefois qu'il est constant que la société BAYER n'a pas mi-fin au contrat de partenariat qui la liait à la SELARL MDL au mois de novembre 2012 puisque celui-ci a perduré jusqu'au 31 mars 2013, date de son expiration ;
Attendu d'autre part que ce contrat ne comportait aucune clause d'exclusivité au profit de la SELARL MDL qui ne conteste pas avoir continué à percevoir une rémunération jusqu'à la fin ; que dans cette mesure, elle ne justifie nullement avoir été privée de la clientèle de ce client qu'elle a continué à facturer ; que dans cette mesure, il n'y a pas lieu d'ordonner la communication du détail des honoraires facturés au client BAYER pour la période du 1er novembre 2012 au 31 mars 2013 ;
Attendu surtout qu'il doit être observé que durant cette période, c'est la société BAYER qui a décidé de ne pas reconduire le contrat de partenariat et de procéder à un appel d'offres auxquel, d'ailleurs, l'appelante a participé ;
Attendu à cet égard qu'elle ne peut valablement soutenir que la procédure d'appel d'offres était de pure forme ce qui, compte tenu du déroulement des faits, impliquerait une collusion frauduleuse entre le client BAYER et les intimées ;
Attendu en effet que la SELARL MDL n'a jamais remis en cause la validité de cette procédure et y a participé en toute connaissance de cause ; qu'au demeurant, il suffit de se référer au message électronique du 5 février 2013 adressé à la SELARL MDL dans lequel le représentant de la société BAYER expose les raisons pour lesquelles sa proposition n'a pas été retenue ;
Attendu sur le grief de suppression des e-mails que l'appelante estime que la faute intentionnelle de Mme Gwladys Y est renforcée par le fait d'avoir procédé à l'effacement de tous ces mails professionnels ; qu'elle précise que, si elle a fait procéder à la restauration de l'historique professionnel des dossiers, cette récupération n'a pu être que partielle et ne concernait que les derniers mois d'activité de cette dernière ;
Attendu à cet égard que le tiers arbitre a justement rappelé qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur le non-respect d'obligations déontologiques notamment, en considération de l'effacement des messages sur l'ordinateur professionnel ;
Attendu au demeurant qu'il doit être observé que l'opération de restauration a été réalisée de manière unilatérale, sans contradiction et hors la présence de Mme Gwladys Y près de deux mois après son départ ; que cette dernière indique qu'il n'existe au sein de la SELARL MDL aucune charte informatique, seule susceptible d'encadrer les relations entre les parties en la matière ;
Attendu que pour autant, il appartient à la demanderesse de démontrer que, ce faisant, Mme Gwladys Y a commis ou accompagné un acte positif de démarchage déloyal constitutif d'une faute de nature à entraîner sa responsabilité ;
Attendu sur ce point qu'il ne peut être que constaté que la restauration de la messagerie de l'intéressée n'a nullement permis à l'appelante de découvrir des éléments permettant d'établir des actes positifs de démarchage déloyal ;
Attendu en effet que l'appelante, après avoir précisé que la restauration n'avait pu être que partielle car ne pouvant porter que sur les derniers mois d'activité de Mme Gwladys Y, ne fait état d'aucun e-mail permettant de considérer que cette dernière aurait commis des actes de démarchage envers le client BAYER ;
Attendu par ailleurs que la récupération des messages électroniques sur les derniers mois d'activité était, dans les faits, largement suffisante pour établir le démarchage invoqué, cette faute n'ayant pu être commises que dans les semaines ou les mois ayant précédé la décision de Mme Gwladys Y de quitter le cabinet ;
Attendu dans ces conditions que la décision du tiers arbitre doit être confirmée en ce qu'elle a retenu qu'aucun acte positif de démarchage de concurrence déloyale ne pouvait être retenu à l'encontre de celle-ci ainsi qu'aucune collusion ou détournement à l'encontre de la SELAS FIDAL ; que les demandes en paiement d'indemnités au titre du détournement déloyal mais également en réparation d'un préjudice moral seront donc rejetées ;
Attendu que Mme Gwladys Y forme appel incident pour réclamer la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ; qu'elle expose avoir été profondément affectée par les accusations mensongères et insultantes de la SELARL MDL alors qu'elle n'a jamais fait l'objet de la moindre observation ou critique durant sa collaboration avec cette dernière ;
Attendu néanmoins qu'il doit être observé que les faits reprochés à l'intimée ne sont pas mensongers d'un point de vue strictement factuel mais ont été considérés comme non constitutifs d'une faute ; que dans cette mesure, elle ne peut faire utilement état de propos véritablement insultant à son égard de nature à engager la responsabilité de la société ; que sa demande en paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral sera donc écartée ;
Attendu que la SELARL MDL qui succombe sur les mérites de son appel, doit être condamnée aux dépens et déboutée en sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ; qu'à l'opposé, il sera fait application de cet article au profit des intimées qui en font la demande en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS
LA COUR,
CONFIRME l'ordonnance rendue par le tiers arbitre le 18 juillet 2014 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE la SELARL MDL aux dépens d'appel,
CONDAMNE la SELARL MDL à payer à Mme Gwladys Y et la SELAS FIDAL chacune, la somme de 2500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

Agir sur cette sélection :

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus