CIV.3 I.G
COUR DE CASSATION
Audience publique du 25 janvier 2006
Rejet
M. WEBER, président
Arrêt n° 111 FS P+B
Pourvoi n° S 04-20.386
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par M. Rémy Z, demeurant Launois-sur-Vence,
en cassation d'un arrêt rendu le 29 septembre 2004 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), au profit de Mme Josette Y, épouse Y, ayant demeuré Thin le Moutier, décédée, aux droits de laquelle viennent ses héritiers M. Jean-Claude Y, Mme Marie-Christine Y, M. Jean-Michel Y, Mme Danièle Y et Mlle Claudette Y, ayant déclaré reprendre l'instance par conclusions déposées au greffe le 21 juin 2005, défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 13 décembre 2005, où étaient présents M. Weber, président, M. Peyrat, conseiller rapporteur, MM. Dupertuys, Philippot, Assié, Mme Bellamy, MM. Foulquié, Garban, conseillers, MM. Betoulle, Jacques, conseillers référendaires, M. Bruntz, avocat général, Mme Bordeaux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Peyrat, conseiller, les observations de la SCP Peignot et Garreau, avocat de M. Z, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat des consorts Y, les conclusions de M. Bruntz, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 29 septembre 2004) que M. Z exploitait une parcelle appartenant à M. X ; que Mme Y a, par acte du 18 décembre 2000, acquis la parcelle ; qu'elle a alors contesté la qualité de preneur à bail de M. Z et demandé, dans l'hypothèse où il serait reconnu titulaire d'un bail rural, la résiliation de ce bail pour mise à disposition de la parcelle dès 1996, sans avis préalable au bailleur, à une société Singerythères ;
Attendu que M. Z fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation du bail, alors, selon le moyen ;
1°/ que seules doivent être considérées comme étant d'ordre public, les dispositions du statut de fermage auxquelles le législateur a expressément conféré cette qualité ; que, dès lors, en statuant comme elle l'a fait, bien que l'article L. 411-37 du Code rural ne soit pas déclaré d'ordre public, la cour d'appel a procédé d'une violation de ce texte ;
2°/ qu'en l'absence d'action en résiliation introduite par le vendeur avant la vente, l'acquéreur ne peut se plaindre personnellement de l'inexécution des clauses du bail ou d'un manquement du preneur à ses obligations, à l'égard de ce vendeur ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, tout en constatant que le précédent propriétaire s'était abstenu d'invoquer une quelconque irrégularité commise par le preneur à l'occasion de la mise à disposition des biens loués au profit de la société, la cour d'appel a procédé d'une violation des articles L. 411-31, L. 411-35 et L. 411-37 du Code rural ;
3°/ qu'en toute hypothèse, en statuant comme elle l'a fait, sans même rechercher si M. X qui avait, à plusieurs reprises, accepté, au titre des fermages, des chèques tirés par la société Singerythères, ne devait pas être considéré comme ayant été régulièrement tenu informé de l'opération de mise à disposition de la parcelle en cause au profit de la société, la cour d'appel n'a pas donné une base légale à sa décision au regard de l'article L. 411-37 du Code rural ;
Mais attendu qu'ayant exactement relevé, d'une part, que, selon l'article L. 411-37 du Code rural, disposition d'ordre public, dans sa rédaction applicable en la cause, le défaut d'avis préalable au bailleur de la mise à disposition de terres louées s'analysait en une cession de bail prohibée, et, d'autre part, que la violation de l'article L. 411-37 pouvait être invoquée, non seulement par le bailleur en place à l'époque de la mise à disposition, mais également par l'acquéreur ultérieur des terres, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui n'était pas demandée et qui a retenu que M. ... ne justifiait, ni même n'alléguait avoir avisé préalablement M. X de la mise à disposition de sa parcelle au profit d'une société, en a exactement déduit que la résiliation du bail s'imposait ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. Z à payer aux consorts Y la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille six.