Jurisprudence : Cass. crim., 25-04-2006, n° 05-84.239, FS-D, Rejet

Cass. crim., 25-04-2006, n° 05-84.239, FS-D, Rejet

A5544NBX

Référence

Cass. crim., 25-04-2006, n° 05-84.239, FS-D, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/23186189-cass-crim-25042006-n-0584239-fsd-rejet
Copier


COUR DE CASSATION - CRIM.
Audience publique du 25 avril 2006
Pourvoi n° 05-84.239 FS-D
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq avril deux mille six, a rendu l'arrêt suivant
Sur le rapport de M. le conseiller ..., les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN et THOUVENIN, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ... ... ;

Statuant sur le pourvoi formé par
- X... Jean-Pierre,
contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 24 février 2005, qui, pour blessures involontaires, l'a condamné à deux mois d'emprisonnement avec sursis, 5 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1, 121-3, 222-19, R. 625-2 du Code pénal, L.231-2, L.263-2, L.263-6 et R. 238-35, alinéa 2, du Code du travail, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré un délégataire en matière de sécurité (Jean-Pierre ......, le demandeur) coupable des délits et contraventions de blessures involontaires ayant entraîné plus de trois mois d'incapacité de travail pour un salarié et moins de trois mois pour un autre, et l'a condamné de ces chefs ;
"aux motifs, tout d'abord, que, si le prévenu avait bien bénéficié, à compter du 1er mars 1998, d'un congé pour formation d'entreprise, il n'en demeurait pas moins établi qu'il s'était expressément engagé à mener à bien l'achèvement du chantier dont il assurait, depuis le début, la direction, en y consacrant désormais 20 à 25 % de son temps ; que, dans un courrier daté du 15 décembre 1997, son employeur, la société Spie Citra Sud-Est, lui avait indiqué qu'il avait accepté de consacrer 20 % de son temps pour assurer l'achèvement du chantier mais que cet accord devait être approuvé par les autres membres de la société en participation ; que le comité de direction de la SEP avait donné son accord car, à la date du 1er mars 1998, le chantier était quasiment achevé, la majeure partie des moyens en hommes et en matériels étant transférée sur le lot 11 avenant gare ; qu'il était ainsi incontestable que Jean-Pierre ...... n'avait à aucun moment après le 1er mars 1998 ni demandé ni obtenu une décharge de sa délégation de pouvoirs ; qu'il était présent aux réunions du comité de direction ainsi qu'aux réunions mensuelles de chantier ; que, s'il était avéré qu'à compter de cette date Laurent ...... avait vu son rôle d'adjoint du directeur de travaux renforcé, ce dernier n'en avait pas pour autant reçu délégation de pouvoirs notamment en ce qui concernait l'hygiène et la sécurité des travailleurs ; que, dès lors, Jean-Pierre ...... était bien resté, à la date de l'accident, titulaire de la délégation le chargeant notamment d'assurer le respect de la réglementation relative à l'hygiène et la sécurité et qu'en l'absence d'autres documents remplaçant cette délégation dont aucun document ne permettait d'établir qu'elle était devenue caduque, la responsabilité du prévenu devait être retenue ;
"aux motifs, ensuite, que les éléments déterminants de l'accident du 12 août 1998 étaient une absence de respect du plan particulier de sécurité et de protection, la non-fixation des poutres ainsi que le positionnement des salariés sous la charge en mouvement, la nacelle n'étant pas positionnée dans un périmètre de sécurité préalablement déterminé ; que, si les deux victimes avaient indiqué avoir suivi les instructions de leur chef de chantier, Alain ......, les investigations du magistrat instructeur avaient établi que le modus operandi pour le décoffrage avait été arrêté une quinzaine de jours avant l'accident par Jean-Pierre ......, Alain ...... et Laurent ...... de sorte qu'en laissant Daniel ...... et Rabah ...... travailler dans les conditions décrites tandis que les poutres non fixées pouvaient se désolidariser à tout moment du retrait des plateaux coffrants et venir percuter la nacelle et les ouvriers s'y trouvant, Jean-Pierre ...... avait commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, de sorte que la déclaration de culpabilité serait confirmée ;
"alors que, d'une part, en matière d'hygiène et de sécurité, la délégation de pouvoirs susceptible d'exonérer le chef d'entreprise de la responsabilité pénale encourue, doit être exhaustive et non limitée à une journée par semaine, une telle limitation sur un chantier qui se déroule chaque jour de la semaine étant de nature à restreindre les pouvoirs de direction et d'organisation du délégataire ainsi que les moyens nécessaires mis à sa disposition pour faire respecter la sécurité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait statuer comme elle l'a fait, omettant de tirer les conséquences légales de ses constatations, après avoir relevé que Jean-Pierre ...... n'avait accepté, selon un courrier daté du 15 décembre 1997 émanant de son employeur, de ne consacrer que 20 % de son temps à la surveillance du chantier, soit un jour par semaine, et que cette répartition avait été validée par le comité de direction de la société de participation avant que le prévenu ne soit en congé pour formation à compter du 1er mars 1998 ;
"alors que, d'autre part, en tout état de cause, la faute caractérisée prévue par l'article 121-3 du Code pénal ne peut être retenue que si elle exposait autrui à un risque d'une particulière gravité que le prévenu ne pouvait ignorer ; qu'une telle faute suppose que le contrevenant ait eu une connaissance effective du risque créé et la volonté de passer outre ; que la cour d'appel ne pouvait se borner à relever que Jean-Pierre ......, en arrêtant le modus operandi du décoffrage quinze jours avant l'accident et en laissant travailler les victimes dans des conditions éventuellement dangereuses, avait commis une faute de cette nature, sans aucunement caractériser une connaissance effective du risque et la volonté de passer outre" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, sur le chantier de construction d'une gare sur la ligne du train à grande vitesse Méditerranée, Daniel ...... et Rabah ......, occupés, dans une nacelle, au décoffrage du tablier d'un pont, ont été victimes, le 12 août 1998 d'un accident du travail provoqué par la chute d'une poutre heurtée lors d'une manoeuvre d'enlèvement de panneaux ; que Jean-Pierre ......, notamment, a été renvoyé devant le tribunal du chef de blessures involontaires ;

Attendu que, pour écarter l'argumentation du prévenu excipant de la caducité de la délégation de pouvoir, reçue le 15 octobre 1996, en qualité de directeur des travaux, de la société de participation regroupant les entreprises oeuvrant sur le chantier, l'arrêt retient qu'il n'importe qu'il ait bénéficié, à compter du 1er mars 1998, d'un congé pour formation d'entreprise, dès lors qu'il s'était engagé à mener à bien, en y consacrant une partie de son temps, l'achèvement du chantier dont il assurait, depuis le début, la direction ; qu'il ajoute que Jean-Pierre ......, qui a été présent au réunions du comité de direction et aux réunions de chantier, après le 1er mars 1998, a participé à l'élaboration du mode opératoire du décoffrage du pont ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable des infractions visées à la poursuite, les juges énoncent qu'en laissant travailler des salariés alors que les poutres, non fixées, pouvaient à tout moment venir percuter la nacelle dans laquelle ils se trouvaient, celui-ci a commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ; qu'ils ajoutent que cette faute a contribué à la réalisation du dommage ;
Attendu qu'en prononçant par de tels motifs et dès lors que la constatation de l'existence d'une délégation de pouvoirs relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 131-3, 222-19 et R. 625-2 du Code pénal, 591, 593, 800-1 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé la condamnation à la peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis à titre de peine principale et au paiement d'une amende de 5.000 euros à titre de peine complémentaire ainsi qu'au paiement d'une somme de 700 euros au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale et à la condamnation du prévenu (Jean-Pierre ......, le demandeur) aux dépens de l'action civile ;
"alors que, d'une part, l'amende est une peine principale correctionnelle qui ne peut être prononcée à titre de peine complémentaire ;
"alors que, d'autre part, les frais de justice criminelle, délictuelle et de police sont à la charge de l'Etat et sans recours contre les condamnés" ;
Sur le moyen pris en sa première branche
Attendu que l'erreur commise par le tribunal sur la qualification de la peine d'amende étant inopérante, le grief n'est pas fondé ;
Sur le moyen pris en sa seconde branche
Attendu qu'en allouant aux parties civiles une somme au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, les juges ont fait à bon droit l'application de ce texte, réservé aux frais non payés par l'Etat ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros, la somme que Jean-Pierre ...... devra payer à Daniel ......, au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire M. Joly conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Beyer conseiller rapporteur, Mme Anzani conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Agir sur cette sélection :

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus