ARRÊT DU
26 Février 2014
RM / NC
RG N° 09/00766
CAISSE DE GARANTIE DES ADMINISTRATEURS ET MANDATAIRES JUDICIAIRES
C/
Me Fabrice Y
SA AXA FRANCE IARD
consorts W
SA DUCLER FRÈRES
SA ENTREPRISE DUCLER
ARRÊT n° 140-14
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l'article 450 et 453 du code de procédure civile le vingt six février deux mille quatorze, par Daniel ..., premier président, assisté de Nathalie ..., greffier,
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,
ENTRE
CAISSE DE GARANTIE DES ADMINISTRATEURS ET MANDATAIRES JUDICIAIRES, poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice audit siège
PARIS
représentée par Me Erwan VIMONT, membre de la SCP LURY-VIMONT-COULANGES, avocat postulant inscrit au barreau d'AGEN
et Me Florence ... ..., avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS
APPELANTE d'un jugement rendu par le tribunal de grande instance d'AUCH en date du 02 juillet 2008
D'une part,
ET
Maître Fabrice Y Me Y, ès qualité de commissaire à l'exécution du plan des sociétés SA DUCLER FRÈRES, SA ENTREPRISE DUCLER, SA ENTREPRISE TONDU, SARL SABLES INDUSTRIELS ET DERIVES, SARL DUCLER CAMEROUN, SARL DUCLER TP CAMEROUN, SARL LES A GREGA TS DE VIC ADO UR, SARL LES GRA VIERES DE CAHUZAC
VALDURENQUE
représenté par Me Jean-Christophe MOUTOU, membre de la SELARL AVOCATS SUD, avocat postulant inscrit au barreau d'AGEN
et Me Jean-Pierre ..., membre de la SCP SIMON GUEROT JOLLY, avocat plaidant inscrit au barreau de TOULOUSE
SA AXA FRANCE IARD, prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège
PARIS
représenté par Me Yves TANDONNET, avocat associé de la SCP TANDONNET ET ASSOCIÉS, avocat postulant inscrit au barreau d'AGEN
et Me ..., SCP PIALOUX, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS
Madame Hélène W épouse W
née le ..... à SAINT DENIS DU SIG (ALGÉRIE)
Madame Marie-Claude, Elisabeth W épouse W
née le ..... à TARBES (65000)
domiciliées LATRESNE
Madame Marie-Renée W épouse W
née le ..... à TARBES (65000)
de nationalité française, cogérante de société
domiciliée FRETIN
représentées par Me David LLAMAS, avocat postulant inscrit au barreau d'AGEN
et Me Pierre ..., avocat plaidant inscrit au barreau de LIBOURNE,
INTIMÉS
SA DUCLER FRÈRES, prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège
SA ENTREPRISE DUCLER, prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège
ayant toutes deux leur siège MIRANDE
représentée par Me Olivier O'KELLY, avocat postulant inscrit au barreau d'AGEN
et Me Thierry ..., avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS
INTERVENANTES VOLONTAIRES
D'autre part,
a rendu l'arrêt contradictoire suivant. La cause a été débattue et plaidée en audience publique, le 03 février 2014 sans opposition des parties, devant Raymond MULLER, président de chambre, rapporteur, assisté de Nathalie CAILHETON, greffier. Le président de chambre rapporteur en a, dans son délibéré, rendu compte à la cour composée, outre lui-même, de Daniel TROUVE, premier président, et Frédérique GAYSSOT, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 786 du code de procédure civile, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées par le président, à l'issue des débats, que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe à la date qu'il indique.
' ' '
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte introductif d'instance en date du 23 décembre 2002, Maître ..., ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de cession partielle des sociétés du groupe DUCLER, a fait assigner la Caisse de Garantie des Administrateurs et Mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et son assureur AXA COURTAGE, devant le tribunal de grande instance d'Auch aux fins de les voir condamner à lui payer, ès qualités, la somme de 3 346 480,45 euros au titre des sinistres déclarés.
Par acte du 23 janvier 2003 la Caisse de Garantie a fait appeler en cause les consorts W.
Par jugement en date du 2 avril 2003 le tribunal de grande instance d'Auch a dit que la Caisse de Garantie et son assureur étaient tenus de garantir les dettes résultant des prélèvements effectués par Me W en violation des dispositions du décret 85-1390 du 27 décembre 1985 et les a condamnés à verser une provision non de 2 219 800,80 euros, une expertise étant par ailleurs confiée à Monsieur ....
Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la cour d'appel d'Agen en date du 9 novembre 2004. Le 2 février 2005, Monsieur ... a déposé son rapport d'expertise.
Le 6 janvier 2006, Maître Y, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession partielle des sociétés du groupe DUCLER, et en exposant qu'il avait succédé à Maître ... selon jugement du tribunal de commerce d'Agen du 25 juin 2004, est intervenu volontairement à la procédure pour solliciter la condamnation des défendeurs à lui payer la somme de 1 079 797,86 euros au titre des sommes indûment prélevées par Maître W.
Par ordonnance du 19 mai 2006, le juge de la mise en état a ordonné la disjonction de l'instance principale (portant le numéro 3-24) et de l'intervention volontaire de Maître Y (procédure 06-592).
Dans le cadre de cette dernière procédure, le tribunal de grande instance d'Auch, par jugement du 27 juillet 2008, au visa des conclusions concordantes des parties représentées, a
- condamné in solidum la Caisse de Garantie, AXA France Iard, venant aux droits de AXA COURTAGE, et les consorts W à payer à Maître Y, ès qualités, la somme de 1 003 572,11 euros, majorée des intérêts légaux à compter de l'assignation ;
- donné acte à Maître Y, ès qualités, de son engagement de faire taxer sur la base de 50 % de l'honoraire total les rémunérations dues à Maître W au titre des contestations de créance et de verser à la compagnie AXA 80 % des sommes revenant à Maître W ;
- débouté les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires ;
- condamné in solidum la Caisse de Garantie, AXA et les consorts W aux dépens de l'instance.
La Caisse de Garantie a interjeté appel de ce jugement le 15 mai 2009.
Le 11 mai 2010, la SA DUCLER FRÈRES et la SA ENTREPRISE DUCLER sont intervenues volontairement à titre principal dans la procédure.
Les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par les intervenantes volontaires en cause d'appel ont été rejetées par arrêt de la cour des 4 juillet 2012 et 27 mai 2013.
L'ordonnance de clôture de la procédure de mise en état est intervenue le 6 novembre 2013.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES La Caisse de Garantie conclut
- à la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que Maître Y avait qualité pour recevoir la somme en principal de 1 003 572,11 euros et a donné acte à celui-ci de ses engagements ;
- au rejet des prétentions des intervenantes volontaires et à la condamnation de celles-ci à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en faisant valoir que ce ne peut être entre les mains de Maître Y, dont la mission de commissaire à l'exécution du plan de cession partielle se poursuit jusqu'à la clôture de la procédure, qu'elle doit assurer la représentation des fonds gérés par Maître W, que les intervenantes volontaires ne pourront obtenir que l'éventuel solde après règlement du passif par Maître Y ;
- à ce que la Cour dise que les 20 % restants des sommes revenant à Maître W au titre des honoraires dus sur les contestations de créance seront reversés à la Caisse de Garantie ;
- à la condamnation des consorts W à payer dans la proportion de leurs parts héréditaires la somme principale de 1 003 572,11 euros, outre intérêts, et celle de 10 000 euros à titre d'indemnité de procédure en soutenant que ceux-ci ont créé une SCI qui a acquis le 29 avril 2004 des biens et droits immobiliers faisant partie de la succession de feu Jean-Claude W pour un prix de 15 100 euros, qu'ils les ont cédé le 26 mai 2006 pour un prix de 260 000 euros, que les consorts
W ont ainsi indirectement perçu des fonds provenant de la vente d'un bien dépendant de la succession de feu Jean-Claude W, que le recel de bien successoraux est ainsi parfaitement caractérisé, que par suite les consorts W doivent être considérés comme ayant accepté la succession de Me W, nonobstant la renonciation qu'ils ont formulée en 2010, après leur assignation ;
- au rejet de la demande de Maître Y, ès qualités, de paiement d'une indemnité de procédure ;
La compagnie AXA conclut à l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour
- de déclarer irrecevable l'action engagée par Maître Y, ès qualités, en invoquant une démonstration " pertinente " faite par la Caisse de Garantie à cet égard, sans autrement s'en expliquer ;
- de débouter Me Y ès qualités de ses prétentions, sans autrement motiver cette demande ;
- de dire qu'elle ne peut être condamnée que dans les limites de garantie du contrat d'assurance, qui s'élèvent à la somme de 2 439 184,28 euros par sinistre et par année d'assurance, soit à un solde de 715 463,95 euros après déduction des sommes déjà réglées ;
- de condamner Me Y, ès qualités, aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure de 3 000 euros.
Les consorts W concluent à l'infirmation du jugement en ce qu'il a prononcé des condamnations à leur encontre et sollicitent leur mise hors de cause et la condamnation de la Caisse de Garantie à leur payer une indemnité de procédure de 5 000 euros en faisant valoir
- que le jugement querellé n'est pas motivé à leur égard et qu'il a été omis de statuer sur l'appel en garantie formé contre eux par la Caisse de Garantie ;
- qu'ils ont initialement accepté la succession de feu Jean-Claude W sous le bénéfice d'inventaire ;
- que la vente des parts détenues par feu Jean-Claude W dans la SCI W s'est effectuée par voie d'adjudication, conformément aux règles légales, après autorisation du président du tribunal de grande instance d'Auch par ordonnance du 2 avril 2003 ;
- quelle est intervenue dans le cadre des règles relatives à la succession acceptée sous bénéfice d'inventaire et qu'ils n'ont eux même perçu aucune somme provenant du prix de vente ;
- qu'ils ont renoncé à la succession de feu Jean-Claude W par acte du 5 mars 2010 après avoir constaté que la succession été déficitaire ;
- qu'il faut dans ces conditions une certaine audace à la Caisse de Garantie pour soutenir qu'ils auraient commis différentes fraudes dans le cadre des opérations réalisées à la suite du décès de feu Jean-Claude W, alors que ces opérations se déroulaient sous autorité de justice.
Les intervenantes volontaires, la société DUCLER FRÈRES et la société ENTREPRISE DUCLER concluent
- à l'irrecevabilité des conclusions récapitulatives n° 3 de Me Y dans la mesure où il agissait sous une qualité différente de celle qu'il avait devant le tribunal et la cour ;
- à l'irrecevabilité de l'intervention de Me Y en qualité de représentant des créanciers, celui-ci n'ayant pas qualité pour exercer après le jugement arrêtant le plan une action en paiement de dommages-intérêts ;
- à l'infirmation du jugement et la condamnation de la Caisse de Garantie et d'AXA à leur verser la somme de 1 007 299,16 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 31 mai 2009, et une indemnité de procédure de 10 000 euros en soutenant
' que bénéficiaires d'un plan de cession partielle, elles ont récupéré la totalité de leurs droits et pouvoirs l'exception de ceux attribués au commissaire à l'exécution du plan de cession partielle ;
' qu'elles sont donc recevables et fondées à solliciter le paiement entre leurs mains d'une créance née postérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, créance née du manquement de Me W à son obligation de représenter les fonds leur appartenant ;
' que Me Y ne démontre pas que les sommes en litige sont nécessaires au paiement des créanciers, alors qu'il détient pour le moins 10 168 643,59 euros, le passif n'ayant pas été vérifié et le récapitulatif des créances vérifiées dressé par Maître W le 15 décembre 1986 ne correspondant pas à la vérité ;
' que les agissements de Me Y, insincères, confirment seulement qu'il n'a jamais eu l'intention d'accomplir ses obligations, alors qu'il sait que le passif aurait pu être réglé, ce qui leur aurait permis de recouvrer leur entière liberté ;
' que la vérification du passif n'est pas achevée, 25 ans après l'ouverture de la procédure collective, et que la cour ne saurait se substituer ni au juge-commissaire pour dire que la vérification du passif est achevée, ni au président du tribunal de commerce pour arrêter les montants des honoraires éventuellement dus à Maître W dans le cadre de la vérification du passif.
Me Y ès qualités conclut
- à l'irrecevabilité de l'intervention volontaire des sociétés DUCLER FRÈRES et ENTREPRISE DUCLER en soutenant que celles-ci n'ont pas le droit d'agir en paiement de la somme détournée par Maître W, puisqu'elles n'ont pas le droit de disposer des fonds par l'effet de la procédure de redressement judiciaire ;
- à la confirmation du jugement querellé en ce qu'il a accueilli l'intervention volontaire de Me Y ès qualités ;
- à la condamnation de la Caisse de Garantie et d'AXA à lui payer ès qualités la somme en principal de 1 079 787,86 euros majorés des intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
- à la confirmation du jugement en ce qu'il lui a donné acte de son accord pour voir reconnaître à Maître W une créance de 76 225,75 euros à titre d'honoraires sur les vérifications de créances et pour le faire taxer sur la base de 50 % pour les contestations de créances ;
- à la condamnation in solidum de la Caisse de Garantie, d'AXA et des intervenantes volontaires aux dépens et à lui payer une indemnité de procédure de 5 000 euros.
MOTIFS DE L'ARRÊT
I . SUR L'ACTION DE ME Y
A. Sur la recevabilité de l'action de Me Y en qualité de commissaire à l'exécution du
plan de cession partielle des sociétés du groupe DUCLER
Dans le cadre de la présente procédure, Me Y est intervenu, tant en première instance que devant la cour, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession partielle des sociétés du groupe DUCLER (la SA DUCLER FRÈRES, la société ENTREPRISE DUCLER, la société ENTREPRISE TONDUE, la société SABLES INDUSTRIELS ET DÉRIVÉS, la société DUCLER Cameroun, la société DUCLER TP Cameroun, la société LES AGRÉGATS DE VIC ADOUR, la SOCIÉTÉ LES GRAVIERES DE CAHUZAC), fonction à laquelle il a été nommé en remplacement de Maître ... par jugement du tribunal de commerce d'Agen du 25 juin 2004, confirmé par un arrêt de la présente cour du 14 février 2005.
C'est en cette qualité qu'il a réclamé condamnation de la Caisse de Garantie, d'AXA et des consorts W, ainsi que le confirme l'examen du dispositif des conclusions qu'il a déposées en première instance, et c'est cette qualité qui est mentionnée dans ses dernières conclusions à hauteur d'appel.
Pour déclarer l'action de Me Y, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession partielle des sociétés du groupe DUCLER, recevable, il convient de relever
- qu'en l'absence de fixation d'une durée du plan dans le jugement arrêtant le plan de cession partielle, la mission de Me Y se poursuit jusqu'à la clôture de la procédure, étant rappelé que cette procédure a été ouverte avant l'entrée en vigueur de la loi du 10 janvier 1984 ;
- que Me Y ne poursuit pas le recouvrement d'une créance du débiteur postérieure à l'ouverture de la procédure collective, mais la reconstitution de l'intégralité du gage des créanciers constitué notamment par les fonds recueillis par Me W, premier commissaire à l'exécution du plan de cession partielle, mais qui n'ont pas pu être représentés par celui-ci, que Me Y est seul à pouvoir détenir ces fonds provenant de la réalisation des actifs dans le cadre de la procédure collective, ainsi que la Cour l'a d'ailleurs jugé dans un arrêt du 25 janvier 2010, étant observé que le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté par la Cour de Cassation ;
- que les 10 168 643,59 euros détenus par Me Y, ès qualités, au 15 mars 2011, déposés à la CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS, ne suffiront pas à désintéresser les créanciers, étant rappelé à cet égard que le courrier adressé par Maître W au greffier en chef du tribunal de commerce d'Auch le 15 décembre 1986 faisait état d'un passif vérifié de plus de 40 000 000 euros et que les intervenantes volontaires ont elle-même fait état dans une procédure parallèle d'un passif de 13 814 981 euros créé au seul titre des fautes de gestion de Messieurs ... et ....
B. Sur l'action dirigée contre la Caisse de Garantie
La Caisse de Garantie ne remet pas en cause les dispositions du jugement relatives à sa condamnation à payer à Me Y ès qualités la somme de 1 003 572,11 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, ni celles relatives au donner acte à Me Y de ses engagements.
Le jugement sera donc confirmé en son principe, sauf à porter la condamnation à 1 079 797,86 euros dans la mesure où les honoraires dus à Me W au titre de la vérification des créances doivent faire l'objet d'une taxation et qu'il n'appartient pas à la présente cour de se substituer à cet égard au juge taxateur, étant simplement rappelé à cet égard que lorsqu'ils auront été taxés, la Caisse de Garantie, qui assure par sa condamnation la représentation de l'intégralité des fonds détournés par Me W, aura vocation à les percevoir.
Il convient également d'ajouter que pour le même motif le solde de 20 % sur les honoraires dus à Maître W au titre des procédures de contestation de créance devra faire également l'objet d'un reversement la Caisse de Garantie.
C . Sur l'action dirigée contre AXA France
Si AXA conclut à l'irrecevabilité et au débouté de l'action de Me Y, ès qualités, à son encontre, force est de constater qu'elle ne motive d'aucune manière ses conclusions.
Dans la mesure où elle ne conteste pas par ailleurs devoir sa garantie à la Caisse de Garantie, il y a lieu de la condamner in solidum avec celle-ci, sauf à rappeler, d'une part, qu'elle ne peut être tenue que dans les limites de la garantie souscrite par son assurée la Caisse de Garantie, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu de fixer dans le présent arrêt le solde qui demeurera finalement à sa charge dans la mesure où il y aura lieu de tenir compte pour l'évaluer des sommes qui seront reversées par Me Y après taxation.
D. Sur l'action dirigée contre les consorts W
A hauteur d'appel, Me Y ne sollicite pas à la condamnation des consorts W à lui verser un quelconque montant. Par suite, il y a lieu d'en prendre acte et de réformer le jugement en ses dispositions prononçant condamnation des consorts W au profit de Me Y ès qualités.
II . SUR L'APPEL EN GARANTIE FORMÉ PAR LA CAISSE DE GARANTIE
CONTRE LES W COUMET
Pour écarter l'appel en garantie formé par la Caisse de Garantie contre les consorts W, il suffira de relever
- que les consorts W ont renoncé à la succession de feu Jean-Claude W par déclaration enregistrée au greffe le 5 mars 2010 ;
- que c'est vainement que la Caisse de Garantie soutient qu'ils se seraient rendus coupable préalablement de recel successoral par fraude 'indirecte ';
- qu'il résulte en effet des pièces produites
' que les droits de feu Jean-Claude W dans la SCI W ont fait l'objet d'une cession dans le cadre d'une adjudication ordonnée par le président du tribunal de grande instance d'Auch le 2 avril 2003,
' que si le prix d'adjudication était minime et que la cession est intervenue au profit d'un proche, il s'agit du résultat du libre jeu de l'adjudication, sans qu'aucune fraude ne puisse être caractérisée, compte-tenu des modalités de la cession ;
' que les droits indivis de feu Jean-Claude W sur l'immeuble situé à Auch ont eux aussi été cédés par voie d'adjudication, tout comme les meubles meublants ;
' que sur le produit de ces ventes les consorts W n'ont perçu aucun fonds ;
- que la réalisation d'actifs successoraux par voie de vente aux enchères publiques sur autorisation judiciaire, dans le strict respect des textes légaux applicables, exclut la fraude, dont l'existence seule permettrait de caractériser un recel successoral et de considérer les époux W comme acceptant pur et simple de la succession de feu Jean-Claude W ;
- qu'en l'absence de démonstration d'une fraude, il y a lieu de tirer les conséquences de la renonciation des consorts W à la succession de feu Jean-Claude W et par suite de dire qu'ils ne peuvent être condamnés au paiement ;
III . SUR L'INTERVENTION VOLONTAIRE DES SOCIÉTÉS DUCLER FRÈRES
ET ENTREPRISE DUCLER
Après avoir rappelé qu'il a déjà été répondu précédemment aux arguments d'irrecevabilité de l'action de Me Y, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan, et que la demande d'irrecevabilité des conclusions récapitulatives n° 3 de Me Y est devenue sans objet puisqu'il ne s'agit pas des dernières conclusions déposées par Me Y, il suffira pour écarter les demandes des sociétés DUCLER FRÈRES et ENTREPRISE DUCLER tendant à se voir attribuer les fonds de rappeler
- qu'il est définitivement jugé que c'est un plan de cession partielle qui a été homologué par arrêt du 17 juillet 1987 ;
- que si le débiteur par l'effet du jugement arrêtant un plan de cession partielle recouvre des pouvoirs, ceux-ci ne s'exercent ni sur les actifs cédés, respectivement le prix de cession, ni sur les actifs résiduels non compris dans le plan, qui sont définitivement voués à être vendus selon les modalités de la liquidation et échappent du fait de cette affectation spéciale, entièrement au débiteur, pour relever des seuls pouvoirs du commissaire à l'exécution du plan, chargé de la réalisation, ni sur les créances existant au jour de l'ouverture de la procédure collective qui ont pu être recouvrées par le commissaire à l'exécution du plan ;
- que le débiteur ne recouvre la plénitude de ses droits que pour les créances nées postérieurement à l'ouverture de la procédure collective ;
- que l'article 68 du décret 85-1389 du 27 décembre 1185, dans sa rédaction issue du décret du 29 décembre 1998, applicable en vertu de ces derniers alinéas aux procédures en cours à la date de publication dudit décret du 29 décembre 1998, dispose que toute somme déjà perçue par le commissaire à l'exécution du plan est, dès sa réception, immédiatement versée en compte de dépôt à la CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS ;
- qu'il ne prévoit nullement que le produit des actifs réalisés sous l'action du commissaire à l'exécution du plan soit remis, en cas de cession partielle, au débiteur ;
- que le litige ne porte pas sur le recouvrement d'une créance née postérieurement à l'ouverture de la procédure collective mais sur la représentation des fonds perçus par Me W dans le cadre de sa mission de commissaire à l'exécution du plan de cession partielle ;
- qu'à défaut de représentation de tout ou partie des fonds par Me W, c'est à la Caisse de garantie de se substituer à celui-ci pour assurer celle-ci, et que ce ne peut être qu'entre les mains du nouveau commissaire à l'exécution du plan désigné en lieu et place de Maître W que cette représentation doit être assurée par la Caisse de Garantie ;
- que l'action ne tend donc pas au recouvrement d'une créance, mais à la représentation des fonds recueillis par le commissaire à l'exécution du plan ;
- que les sociétés du groupe DUCLER ne pourront récupérer du commissaire à l'exécution du plan de cession partielle l'éventuel solde des actifs que lorsque celui-ci aura réglé tout le passif ;
- que les demandes des sociétés intervenantes sont donc mal fondées et ne peuvent qu'être rejetées ;
IV . SUR LES FRAIS NON RÉPÉTIBLES ET LES DÉPENS
La Caisse de Garantie qui succombe en son appel en garantie contre les consorts W ne peut réclamer condamnation de ceux-ci à lui payer une indemnité de procédure.
AXA France qui succombe également n'est pas fondée à obtenir condamnation de Me Y à lui verser une indemnité de procédure.
L'équité n'impose pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des consorts W.
Par contre, l'équité justifie la condamnation de la Caisse de Garantie à payer à Me Y une indemnité de procédure de 3 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par sa mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
DÉCLARE l'appel régulier en la forme et recevable,
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant
CONDAMNE in solidum la Caisse de Garantie des Administrateurs et Mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et AXA France à payer à Maître Y, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de cession partielle des sociétés du groupe DUCLER, la somme de 1 079 797,86 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
DIT toutefois que AXA France ne sera tenue in fine que dans les limites de garantie du contrat d'assurance souscrit par la Caisse de Garantie des Administrateurs et Mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises, par sinistre et par année d'assurance,
DIT que viendra en déduction de la somme de 1 079 797,86 euros le montant des frais taxables dus à Maître W au titre de la vérification des créances, après taxation des dits frais ;
DONNE ACTE à Me Y de ses engagements
- de faire taxer sur la base de 50 % de l'honoraire total, les rémunérations dues à feu Jean-Claude W au titre des procédures de contestation de créance ;
- de verser à la compagnie AXA 80 % des sommes revenant ainsi à feu Jean-Claude W ;
DIT que le solde de 20 % des sommes revenant à Maître W à ce dernier titre devront faire l'objet d'un reversement à la Caisse de Garantie dans la mesure où celle-ci ne fait qu'assurer la représentation des fonds recueillis par Maître W et détournés par celui-ci ;
CONSTATE qu'à hauteur d'appel Me Y, ès qualités, ne sollicite pas la condamnation des consorts W à lui payer une quelconque somme ;
DÉBOUTE la Caisse de Garantie des Administrateurs et Mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises de son appel en garantie dirigé contre les consorts W ;
DÉBOUTE les sociétés DUCLER FRÈRES et ENTREPRISE DUCLER, intervenantes volontaires, de l'ensemble de leurs prétentions ;
CONDAMNE la Caisse de Garantie des Administrateurs et Mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises à payer à Me Y, ès qualités, une indemnité de procédure de 3 000 euros ;
DÉBOUTE les autres parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE les sociétés DUCLER aux dépens afférents à leur intervention volontaire,
CONDAMNE la Caisse de Garantie des Administrateurs et Mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises aux autres dépens d'instance et d'appel et autorise le recouvrement de ces derniers conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Daniel ..., premier président, et par Nathalie ..., greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, ... Premier Président,
Nathalie ... Daniel TROUVE