Jurisprudence : Cass. civ. 2, 03-07-2025, n° 22-15.342, FS-B, Cassation

Cass. civ. 2, 03-07-2025, n° 22-15.342, FS-B, Cassation

B7774APM

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2025:C200687

Identifiant Legifrance : JURITEXT000051856683

Référence

Cass. civ. 2, 03-07-2025, n° 22-15.342, FS-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/121209267-cass-civ-2-03072025-n-2215342-fsb-cassation
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Abstract


CIV. 2

CH10


COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 3 juillet 2025


Cassation


Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 687 FS-B

Pourvoi n° F 22-15.342


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 JUILLET 2025


1°/ Mme [S] [Aa], épouse [M],

2°/ M. [Ab] [M],

tous deux domiciliés [Adresse 3],

3°/ Mme [R] [N], épouse [Aa], domiciliée [Adresse 2],

4°/ Mme [C] [M], devenue majeure le 10 septembre 2022, domiciliée [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° F 22-15.342 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2022 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Hauts de Seine, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société UCB Pharma, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5],

3°/ à la société Zurich Insurance Public Ltd Company, dont le siège est [Adresse 4],

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Waguette, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. et Mme [M], Mme [Aa] et Mme [C] [M], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat des sociétés UCB Pharma et Zurich Insurance Public Ltd Company, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Waguette, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, Mme Grandemange, M. Delbano, Mmes Vendryes, Caillard, conseillers, Mmes Bohnert, Techer, Bonnet, conseillers référendaires, M. Adida-Canac, avocat général, et Mme Sara, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à Mme [C] [M], devenue majeure, de sa reprise d'instance en son nom.

2. Il est donné acte à la société UCB Pharma SA et à la société Zurich Insurance public Ltd Company de leur reprise d'instance contre Mme [C] [M], devenue majeure.


Faits et procédure

3. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 janvier 2022), M. et Mme [M], agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de leur fille mineure [C] [M], et Mme [Aa] (les consorts [M]) ont relevé appel d'un jugement d'un tribunal de grande instance dans un litige les opposant à la société UCB Pharma SA, la société Zurich Insurance public Ltd Company et la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine.

4. Le 3 juillet 2020, un conseiller de la mise en état a enjoint à l'avocat des appelants de synthétiser ses prétentions ainsi que les moyens qui les fondent en de nouvelles écritures ne devant pas excéder 35 pages, sans modification de la police, du caractère et de la mise en page, dans un délai de trois mois en précisant qu'à défaut, l'affaire pourra être radiée. Par une ordonnance du 10 septembre 2020, la radiation de l'affaire a été prononcée à défaut d'avoir satisfait à cette injonction.


Examen du moyen du pourvoi additionnel

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

5. Les consorts [M] font grief à la décision du conseiller de la mise en état du 3 juillet 2020 de leur enjoindre de synthétiser, dans de nouvelles écritures, les prétentions et moyens de leurs conclusions actuelles, dans la limite de 35 pages, à peine de radiation de l'affaire et à la décision du conseiller de la mise en état du 10 septembre 2020 de radier l'affaire, alors :

« 1°) que le conseiller de la mise en état ne tient pas d'autres pouvoirs à l'égard des conclusions des parties que celui d'enjoindre à leurs avocats de les mettre en conformité avec les dispositions des articles 954 et 961 du code de procédure civile🏛🏛 ; qu'en statuant de la sorte, le conseiller de la mise en état a commis un excès de pouvoir et violé l'article 913 du code de procédure civile🏛 ;

2°) que le juge ne peut, par un formalisme excessif, porter atteinte à la substance du droit d'accès à un tribunal ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a imposé aux consorts [M] de réduire de moitié leurs écritures et les a astreints à un formalisme excessif injustifié portant atteinte à leur droit d'accès au juge d'appel, en violation de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales🏛. »


Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. La société UCB Pharma SA et la société Zurich Insurance public Ltd Company soutiennent que le moyen est irrecevable en ce qu'il attaque des mesures d'administration judiciaire insusceptibles de tout recours.

7. Il résulte de l'article 537 du code de procédure civile🏛 qu'une mesure d'administration judiciaire n'est susceptible d'aucun recours, fût-ce pour excès de pouvoir.

8. Bien que l'article 383 du même code qualifie de mesure d'administration judiciaire la décision de radiation du rôle de l'affaire qui sanctionne le défaut de diligence des parties, cette décision peut faire l'objet d'un recours en cas d'excès de pouvoir lorsqu'elle entrave l'exercice du droit d'appel.

9. Le moyen du pourvoi additionnel des consorts [M] fait grief au conseiller de la mise en état d'excéder ses pouvoirs et de porter atteinte à leur droit d'accès au juge d'appel. Il convient d'examiner ce moyen.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 913 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023🏛 et l'article 780 du code de procédure civile🏛 :

10. Selon le deuxième de ces textes, le conseiller de la mise en état peut enjoindre aux avocats de mettre leurs conclusions en conformité avec les dispositions des articles 954 et 961 du code de procédure civile.

11. Selon le troisième, rendu applicable à la procédure d'appel par l'article 907 du code de procédure civile🏛, le conseiller de la mise en état a mission de veiller au déroulement loyal de la procédure et peut, si besoin, adresser des injonctions aux avocats et ordonner le retrait du rôle dans les cas et conditions des articles 382 et 383 du code de procédure civile🏛🏛.

12. Si les deuxième et troisième de ces textes donnent au conseiller de la mise en état le pouvoir d'enjoindre aux avocats de mettre leurs conclusions en conformité avec les dispositions des articles 954 et 961 du code de procédure civile et de prononcer la radiation, dans les conditions de la loi pour sanctionner le défaut de diligences des parties, ces textes ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne lui donnent le pouvoir de contraindre les parties, sous peine de radiation, à limiter le nombre de pages de leurs conclusions, ce qui serait de nature à entraver l'exercice du droit d'appel.

13. Pour ordonner la radiation de l'affaire, l'ordonnance du conseiller de la mise en état, qui avait préalablement fait injonction à l'avocat des appelants de synthétiser ses prétentions ainsi que les moyens qui les fondent en de nouvelles écritures qui ne devraient pas excéder 35 pages, retient que les parties n'ont pas respecté la demande de synthèse des écritures . Elle précise que l'affaire ne sera rétablie que sur justification de l'accomplissement des diligences dont le défaut a entraîné la radiation.

14. En statuant ainsi, le conseiller de la mise en état, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et entravé l‘exercice du droit d'appel, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

15. En application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, la cassation des décisions du conseiller de la mise en état des 3 juillet et 10 septembre 2020 entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt du 27 janvier 2022 qui en est la suite.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi additionnel, du pourvoi principal initial et du pourvoi incident, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, la décision d'injonction du 3 juillet 2020 et l'ordonnance de radiation du 10 septembre 2020 rendues entre les parties par le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Versailles ;

Constate, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt rendu le 27 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la société UCB Pharma SA et la société Zurich Insurance public Ltd Company aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande de la société UCB Pharma SA et de la société Zurich Insurance public Ltd Company et les condamne à payer à M. et Mme [M], Mme [Aa] et Mme [C] [M] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le trois juillet deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛.

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