Jurisprudence : CA Lyon, 06-05-2025, n° 22/01386, Radie l'affaire pour défaut de diligence des parties

CA Lyon, 06-05-2025, n° 22/01386, Radie l'affaire pour défaut de diligence des parties

A87020RQ

Référence

CA Lyon, 06-05-2025, n° 22/01386, Radie l'affaire pour défaut de diligence des parties. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/119142970-ca-lyon-06052025-n-2201386-radie-laffaire-pour-defaut-de-diligence-des-parties
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AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE


RAPPORTEUR


R.G : N° RG 22/01386 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OEHG


[R]


C/

[14]

Société SAS [16]


APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de [Localité 10]

du 10 Janvier 2022

RG : 20/00034


AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS


COUR D'APPEL DE LYON


CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE


ARRÊT DU 06 MAI 2025



APPELANTE :


[J] [R]

née le … … … à [Localité 17]

[Adresse 6]

[Localité 2]


représentée par Me Camille DI-CINTIO de la SELARL CAMILLE DI-CINTIO AVOCAT, avocat au barreau de CHAMBERY substituée par Me Emilie GARCIA, avocat au barreau de LYON


INTIMEES :


[14]

[Adresse 5]

[Adresse 18]

[Localité 3]


représenté par Mme [W] [O] (Membre de l'entrep.) en vertu d'un pouvoir général


Société SAS [16]

[Adresse 7]

[Localité 8]


représentée par Me Valéry ABDOU de la SELARL ABDOU ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Ludivine MARTIN, avocat au barreau de LYON


DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 01 Avril 2025


Présidée par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Présidente, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Anais MAYOUD, Greffière.



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :


- Delphine LAVERGNE-PILLOT, présidente

- Nabila BOUCHENTOUF, conseillère

- Anne BRUNNER, conseillère


ARRÊT : CONTRADICTOIRE


Prononcé publiquement le 06 Mai 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile🏛 ;


Signé par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Magistrate, et par Anais MAYOUD, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************



FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS


Mme [R] (la salariée) a été engagée par la société [16] (la société, l'employeur) en qualité de responsable commerciale et approvisionnements du 5 janvier 2009 au 31 juillet 2018.


Le 26 janvier 2017, la salariée a été victime d'un accident alors qu'elle participait à une activité course de luges lors d'un séminaire organisé par son employeur à [Localité 19], en Suisse. Cet accident a été pris en charge par la [12] (la [13]) au titre de la législation professionnelle le 16 février 2017.


Mme [R] a été placée en arrêt de travail du 26 janvier 2017 au 10 juin 2018 puis a repris son poste à mi-temps thérapeutique jusqu'à la rupture conventionnelle de son contrat de travail le 31 juillet 2018.


Son état de santé a été déclaré consolidé avec séquelles (raideurs de flexion, laxité postérieure, amyotrophie), le 21 février 2019 et la commission médicale de recours amiable a évalué son taux d'IPP à 15%.


Entre temps, le 30 octobre 2018, Mme [R] a saisi la [13] aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.


Le 16 janvier 2020, elle a saisi le pôle social du tribunal judiciaire aux mêmes fins.



Par jugement du 10 janvier 2022, le tribunal a rejeté ses demandes.


Par déclaration enregistrée le 15 février 2022, la salariée a relevé appel de cette décision.


Dans ses conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 25 février 2025 et reprises à l'audience, sauf à préciser que la [11] visée en ses écritures est celle de l'Ain et non de l'Isère, elle demande à la cour de :


- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le caractère professionnel de l'accident survenu le 26 janvier 2017 était indéniable,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes,

Statuant à nouveau,

- juger que l'accident du travail qu'elle a subi est dû à la faute inexcusable de son employeur,

En conséquence,

- ordonner la majoration de la rente à son maximum,

- condamner la société à l'indemniser de ses préjudices indemnisables en cas de faute inexcusable,

- avant dire droit, ordonner son expertise médicale,

- désigner un expert orthopédiste indépendant des compagnies d'assurance avec mission élargie pour l'évaluation des postes de préjudice suivants :

* déficit fonctionnel temporaire,

* souffrances endurées,

* préjudice esthétique temporaire et permanent,

* préjudice d'agrément,

* préjudice sexuel,

* besoin d'assistance par tierce personne à titre temporaire,

* frais de véhicule adapté,

* frais de logement adapté,

* perte de chance de promotion professionnelle,

* préjudice d'établissement,

* déficit fonctionnel permanent : indiquer si, après la consolidation, la victime subit un déficit fonctionnel permanent ; dans l'affirmative, évaluer les trois composantes :

- l'altération permanente d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales ou psychiques en chiffrant le taux d'incapacité et en indiquant le barème médico-légal utilisé,

- les douleurs subies après la consolidation en précisant leur fréquence et leur intensité,

- l'atteinte à la qualité de vie de la victime en précisant le degré de gravité,

* préjudice permanent exceptionnel,

- donner mission complémentaire à l'expert au sujet de la tierce personne temporaire dans les termes suivants :

- évaluer les besoins strictement personnels de tierce personne de la salariée depuis son accident du 26 janvier 2017 et jusqu'à consolidation,

- évaluer distinctement les besoins en tierce personne requis, du fait des incapacités de la salariée, par la présence de ses deux enfants et ce pour tous les besoins existants pour la garde, l'entretien, la surveillance, les soins, les courses, le ménage, et ce jusqu'à un âge d'autonomie pouvant être fixé à 15 ans,

- préciser dans le corps de la mission confiée à l'expert que « l'expert ne peut s'opposer à la présence de l'avocat durant l'examen clinique si la victime en émet la demande »,

- condamner la société à lui payer une provision d'un montant de 50 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel définitif,

- condamner la société à lui payer la somme de 3 500 euros à titre de provision ad litem,

- déclarer le jugement commun et opposable à la [14],

- condamner la société à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile🏛 - outre les entiers dépens.


Dans le dernier état de ses conclusions reçues au greffe le 21 février 2025 et reprises oralement sans ajout ni retrait au cours des débats, la société demande à la cour de :


A titre principal,

- confirmer le jugement déféré,

- débouter Mme [R] de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- limiter l'action récursoire de la [13] sur le montant de la majoration de l'indemnité en capital sur le taux fixé par elle initialement, soit 8%,

- exclure, dans la mission dévolue à l'expert, l'évaluation des répercussions dans l'exercice des activités professionnelles et l'évaluation de la tierce personne en sa qualité de mère,

- débouter Mme [R] de sa demande d'indemnité provisionnelle formulée à hauteur de 50 000 euros et, subsidiairement, la ramener à 2 000 euros,

- débouter Mme [R] de s demande formée au titre de la provision ad litem,

- ramener à de plus justes proportions l'indemnité accordée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.


Par ses écritures reçues au greffe le 11 mars 2025 et reprises oralement sans ajout ni retrait au cours des débats, la [13] demande à la cour de


- lui donner acte qu'elle s'en remet sur l'appréciation de la faute inexcusable de l'employeur,

- prendre acte de ce qu'elle fera l'avance des sommes allouées à la victime au titre de la majoration de la rente et de l'indemnisation des préjudices,

- dire et juger qu'elle procédera au recouvrement de l'intégralité des sommes dont elle sera amenée à faire l'avance auprès de l'employeur au titre de la majoration de rente sur la base du taux de 8%, au titre des préjudices reconnus, y compris des frais d'expertise.


En application de l'article 455 du code de procédure civile🏛, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.



MOTIFS DE LA DECISION


SUR LA FAUTE INEXCUSABLE DE L'EMPLOYEUR


La reconnaissance de la faute inexcusable d'un employeur suppose préétablie l'existence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.


Au cas particulier, le caractère professionnel de l'accident dont la salariée a été victime le 26 janvier 2017 n'est pas discuté par les parties qui divergent uniquement sur l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur à l'origine de cet accident.


La salariée critique en particulier la décision déférée en ce qu'elle écarte la faute inexcusable motifs pris de ce que :

* l'activité de « luge » organisée par la société était facultative,

* la société avait « délégué » l'organisation de l'activité à un tiers « le Chalet d'[M] »,

* la société ne pouvait dès lors avoir conscience d'exposer ses salariés à un risque particulier de blessures.


Elle soutient que :

- l'activité organisée était obligatoire et qu'il ne peut donc lui être reproché sa participation ;

- le recours à un service prestataire pour l'organisation matérielle d'un séminaire et de ses activités n'est pas une « délégation » au sens juridique du terme ;

- la délégation invoquée par son employeur n'existe pas ; à tout le moins, la délégation invoquée n'est pas valable et, en tout état de cause, sans emport sur la faute inexcusable de l'employeur et sur son propre droit à indemnisation ;

- la possible faute contractuelle du Chalet d'[M] n'est pas de nature à exonérer la responsabilité de son employeur ;

- l'activité organisée (concours de luges la nuit, sur une piste de ski, sans éclairage, sans casque, ni matériel de protection et sur une piste verglacée) présentait un caractère par essence dangereux que l'employeur n'ignorait pas ;

- elle n'a reçu aucune consigne de sécurité et n'a de surcroît pas adopté de comportement délibérément dangereux ;

- l'employeur a omis d'évaluer les risques encourus et n'a jamais démontré avoir pris les mesures nécessaires à la prévention des risques de chute et d'atteinte à l'intégrité physique de ses salariés ;


Elle prétend, en substance, que la faute de son employeur est caractérisée par le choix du site, le défaut d'organisation de l'évènement, l'absence de mise à disposition de matériel de sécurité adéquat et l'absence d'intervention de l'employeur au moment même de l'activité.


En réponse, la société conteste avoir eu conscience du danger auquel était exposé sa salariée dès lors que l'organisation de l'activité luges avait été déléguée à un tiers chargé de la sécurité et qu'elle était, de surcroît, facultative. Elle précise qu'elle s'en est remise à l'organisation interne de l'établissement le Chalet d'[M] et qu'elle n'avait pas la maîtrise de la sécurité du matériel choisi par ce prestataire. Elle souligne que la piste empruntée était adaptée aux débutants, s'agissant d'une piste bleue, sans danger caractérisé. Elle ajoute que Mme [R] avait tout loisir de refuser de participer à l'activité proposée qui revêtait un caractère extra-professionnel.

La société relève également qu'elle n'a, à aucun moment identifié cette activité comme dangereuse, qu'elle était dans l'ignorance du caractère inapproprié de la piste et que la version des faits donnée par Mme [R] n'est corroborée par aucun élément probant.

Elle considère enfin que, n'ayant pu avoir conscience d'un quelconque danger, il ne peut lui être reproché d'avoir manqué à son obligation de mettre en place des mesures de prévention autres que celles par ailleurs applicables.


Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur, obligation de moyen renforcée, a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.


Il résulte de l'application combinée des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale🏛, L.4121-1 et L. 4121-2 du code du travail🏛 que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur et le fait qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, sont constitutifs d'une faute inexcusable.


Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié ou de la maladie l'affectant ; il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire, même non exclusive ou indirecte, pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée.


Il incombe, néanmoins, au salarié de rapporter la preuve de la faute inexcusable de l'employeur dont il se prévaut. Il lui appartient en conséquence de prouver, d'une part, que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait ses salariés et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires concernant ce risque, d'autre part, que ce manquement tenant au risque connu ou ayant dû être connu de l'employeur est une cause certaine et non simplement possible de l'accident ou de la maladie.


La conscience du danger exigée de l'employeur est analysée in abstracto et ne vise pas une connaissance effective et précise de celui-ci. En d'autres termes, il suffit de constater que l'employeur ne pouvait ignorer celui-ci ou ne pouvait pas ne pas en avoir conscience ou encore qu'il aurait dû en avoir conscience. Cette conscience s'apprécie au moment ou pendant la période de l'exposition au risque.


Pour que l'employeur puisse s'exonérer de la faute inexcusable, il ne suffit pas qu'il invoque les mesures prises pour protéger le salarié, encore faut-il qu'il ait pris les mesures nécessaires à la protection de l'intéressé.


Il résulte par ailleurs de l'article L. 542-1 du code de la sécurité sociale🏛 que la responsabilité de l'employeur peut se trouver engagée vis-à-vis de la victime ou de ses ayants droit en raison non seulement de sa propre faute, mais également de celle des personnes qu'il s'est substituées dans la direction.


Au sens de cet article, la personne substituée est la personne investie par l'employeur du pouvoir de direction, par délégation à un salarié de la même entreprise.

Et il est constant que l'absence de délégation formelle n'exclut pas la possibilité d'une substitution dans la direction du travail.


En tout état de cause, l'existence ou non d'une délégation dans la direction du travail n'a aucune incidence sur la faute inexcusable de la société, les actions en réparation des préjudices résultant d'un accident du travail ne pouvant être dirigées par le salarié qu'à l'encontre de son employeur à charge pour ledit employeur d'appeler éventuellement en garantie celui qu'il s'est substitué dans la direction au moment de l'accident devant les juridictions compétentes pour connaître de leurs rapports contractuels ou extracontractuels.


Ici, il n'appartenait pas à Mme [R] d'appeler en cause le Chalet d'[M], qui plus est devant la juridiction de sécurité sociale incompétente pour connaître de sa responsabilité éventuelle. Au surplus, la cour rappelle que le Chalet d'[M] était un prestataire de services et non pas un délégataire.


Il est patent que l'accident de luges s'est produit lors d'un séminaire organisé par l'employeur et que l'activité « course de luges », dont a également profité l'encadrement de la société, a été mise en œuvre par la conciergerie de l'hôtel le Chalet d'[M], au temps et au lieu du travail. Le caractère facultatif ou non de l'activité à l'origine de l'accident du travail est sans emport. Elle s'est produite dans un lieu choisi par l'employeur qui conservait un pouvoir de direction et de surveillance, a eu lieu avec l'assentiment de ce dernier et à sa demande, étant ajouté que, selon l'attestation de M. [C], il s'agissait d'une « sorte de tradition lors des séminaires Juvise » qui s'inscrivait dans une volonté de cohésion de l'équipe et prévoyait une récompense pour le gagnant.


La cour rappelle qu'un salarié a droit à la protection prévue à l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale🏛 pendant tout le temps de la mission qu'il accomplit pour son employeur, y compris durant une activité organisée lors d'un séminaire, peu important en effet que l'accident survienne à l'occasion d'un acte professionnel ou d'un acte de la vie courante, sauf la possibilité pour l'employeur ou la caisse de rapporter la preuve que le salarié avait interrompu sa mission pour un motif personnel, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.


Par ailleurs, la faute de la victime, dès lors qu'elle ne revêt pas le caractère d'une faute intentionnelle, n'a pas pour effet d'exonérer l'employeur de la responsabilité qu'il encourt en raison de sa faute inexcusable. Ainsi, outre le fait qu'aucune consigne de sécurité n'a été donnée à Mme [R], peu importe sa faute éventuelle dès lors qu'elle ne revêt aucun caractère volontaire et que son comportement délibérément dangereux, comme le sous-entend l'employeur, n'est pas de nature à l'exonérer de sa faute inexcusable éventuelle. Au surplus, la faute inexcusable du salarié n'emporte que la réduction du droit à majoration de la rente.


Afin d'apprécier la faute inexcusable de la société, il appartient à Mme [R] d'établir que son employeur avait conscience du danger auquel elle était exposée lors du concours de luges et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en protéger.


L'employeur explique s'en être remis à l'organisation interne de l'établissement le Chalet d'[M] et n'avoir pas eu la maîtrise de l'organisation. Ce faisant, il admet n'avoir pas vérifié la sécurité de l'activité litigieuse proposée à ses salariés dans le cadre du séminaire organisé par ses soins. Il fait ainsi l'aveu de l'absence de mesures prises pour assurer la sécurité de Mme [R] alors qu'il ne pouvait ignorer que l'activité en question présentait par définition un caractère intrinsèquement dangereux, s'agissant d'une course de luges la nuit, sur une piste de ski gelée, sans aucun éclairage - hormis une lampe frontale - ni sans protection particulière (pas d'équipement de protection individuelle). Il importe peu que la piste ait été une piste bleue : l'employeur aurait dû évaluer les risques en amont et, le cas échéant, intervenir soit pour interdire l'activité soit pour donner des consignes de sécurité dont il pouvait s'enquérir auprès du prestataire afin d'assurer la sécurité de sa salariée, peu important encore qu'il n'ait pas été prévenu d'un quelconque danger par quiconque. La cour rappelle que l'accident litigieux revêt un caractère professionnel, ce qui est admis par l'employeur et qui implique que la salariée demeurait sous son autorité et sa surveillance en l'absence de délégation. Or, le risque de chute et de blessure dans le cadre de l'activité concernée était parfaitement prévisible.


Il y a donc lieu de considérer que l'employeur aurait, à tout le moins, dû avoir conscience du danger auquel il exposait ses salariés, Mme [R] en particulier, et qu'il n'a pris aucune mesure pour évaluer les risques ni les prévenir.


En conséquence, la faute inexcusable est établie, le jugement étant infirmé en ses dispositions contraires.


SUR LES CONSEQUENCES DE LA FAUTE INEXCUSABLE


La majoration de la rente sera fixée au maximum, dans les conditions énoncées à l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale🏛, et suivra l'évolution du taux d'incapacité de la victime.


Une mesure d'expertise confiée à un médecin orthopédiste, comme le demande Mme [R] dès lors que ses séquelles définitives sont majoritairement orthopédiques, sera ordonnée selon les modalités énoncées au dispositif ci-après, afin d'évaluer l'ensemble des préjudices subis par la victime, soit les préjudices définis par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale🏛 et ceux non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, y compris le déficit fonctionnel permanent, le besoin de tierce-personne de la victime pour ses besoins personnels avant consolidation.

S'agissant de la demande d'évaluation de la tierce personne de Mme [R] en sa qualité de parent de deux enfants mineurs lors des faits, la cour rappelle que la tierce personne est la personne qui apporte de l'aide à la victime incapable d'accomplir seule certains actes essentiels de la vie courante. Ce besoin d'aide concerne les actes essentiels de la vie courante, à savoir : l'autonomie locomotive (se laver, se déplacer, se coucher), l'alimentation (manger, boire) et procéder à ses besoins naturels.

La nécessité d'une aide temporaire dans le cadre de la prise en charge des deux enfants mineurs, respectivement âgés de 7 et 3 ans et vivant au domicile, au jour de l'accident, doit pouvoir également être évaluée par l'expert.

Il n'y a pas lieu, en revanche, d'ajouter à la mission l'évaluation de la perte de chance de promotion professionnelle qui ne relève pas de l'appréciation de l'expert mais de la cour.

La demande de la salariée que son examen clinique s'effectue en présence de son avocat et de celui de la partie adverse ne peut être refusée dès lors qu'elle y consent expressément.


Au vu des séquelles résultant de l'accident (déficit de flexion, laxité postérieure, douleurs persistantes), une provision de 5 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices personnels sera accordée à la victime.


Mme [R] sollicite le paiement d'une provision ad litem visant à lui garantir la possibilité d'organiser sa défense dans des conditions utiles, sans toutefois préciser le fondement juridique de sa demande, étant rappelé que l'article 809 du code de procédure civile🏛 qui le permet dans le cadre de la procédure de référé n'est pas applicable en l'espèce. De plus, les frais « exorbitants à l'avenir » dont se prévaut la salariée ne sont pas certains et la consignation de l'expert incombera à la caisse, non pas à la victime de l'accident du travail, ainsi que tous les frais d'expertise. Quant aux frais d'avocat, ils sont indemnisés dans le cadre du présent litige et le seront également au stade de la liquidation des préjudices.

Cette demande sera donc rejetée.


Il résulte de l'article L. 452-3, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale que les frais d'expertise ordonnée en vue de l'évaluation des chefs de préjudice sont avancés par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur (2e Civ., 8 novembre 2012, pourvoi n° 11-23.516, 11-23.524⚖️, Bull. 2012, II, n°182).


Conformément aux dispositions des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, en cas de faute inexcusable, la majoration de la rente d'accident du travail et les sommes dues en réparation des préjudices subis, y compris celles accordées à titre provisionnel, sont payées directement au bénéficiaire par la caisse, à charge pour celle-ci de récupérer, auprès de l'employeur, les compléments de rente et indemnités ainsi versés.

Toutefois, l'action récursoire de l'organisme ne pourra donc s'exercer que dans les limites découlant de l'application du taux d'IPP initialement fixé à 8% dès lors que l'employeur n'était pas partie à la procédure devant la commission médicale de recours qui a porté ce taux à 15%.


Enfin, vu les articles 561 et 562 du code de procédure civile🏛🏛, il n'y a pas lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire pour la liquidation des préjudices de Mme [R], non tranchée par les premiers juges et ce, en vertu du principe de l'effet dévolutif de l'appel défini aux dispositions précitées, dès lors qu'il existe une indivisibilité entre la reconnaissance de la faute inexcusable et la liquidation des préjudices en résultant.


SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES


Il n'y a pas lieu de déclarer le présent arrêt commun et opposable à la [13] qui est dans la cause, cette demande étant sans objet.


La décision attaquée sera infirmée en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.


La société, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel, outre une indemnité au titre des frais irrépétibles engagés devant le premier juge et la cour de céans.



PAR CES MOTIFS :


La cour,


Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,


Statuant à nouveau et y ajoutant,


Dit que l'accident du travail subi par Mme [R] le 26 janvier 2017 est dû à la faute inexcusable de son employeur, société [16],


Fixe au maximum la majoration de la rente servie à Mme [R] et dit que cette majoration suivra l'évolution du taux d'incapacité de la victime,


Avant dire droit sur l'appréciation des préjudices personnels de Mme [R] résultant de l'accident du travail dont elle a été victime le 26 janvier 2017, ordonne une mesure d'expertise médicale et désigne à cette fin :


le docteur [T] [G],

Chirurgien orthopédiste,

Centre Hospitalier de Fleyriat

Service de chirurgie orthopédique

[Adresse 9]

[Localité 1]

Téléphone: [XXXXXXXX04]

Mail: [Courriel 15]


lequel aura pour mission :


- de se faire remettre par la victime ou tout tiers détenteur tous documents médicaux utiles qui seront annexés à son rapport,

- de procéder à l'examen de la victime et recueillir ses doléances,

- de déterminer les postes de préjudices suivants :

* déficit fonctionnel temporaire,

* déficit fonctionnel permanent défini comme une altération permanente d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles ou mentales, ainsi que des douleurs permanentes ou tout autre trouble de santé, entraînant une limitation d'activité ou une restriction de participation à la vie en société subie au quotidien par la victime dans son environnement,

* souffrances physiques et morales endurées avant consolidation,

* préjudice d'agrément temporaire et permanent,

* préjudice esthétique temporaire et permanent,

* besoin strictement personnel de tierce personne avant consolidation : nature (soins ménagers, '), nombre d'heures par jour ou semaine, durée,

* besoin en tierce personne avant consolidation de Mme [R] en tant que parent de deux jeunes enfants : nature (garde, entretien, surveillance), nombre d'heures par jour ou semaine, durée,

* frais d'aménagement du logement ou du véhicule,


Dit que l'expert fera connaître sans délai son acceptation et qu'en cas de refus ou d'empêchement légitime, il sera pourvu aussitôt à son remplacement ;


Précise que l'expert ne peut s'opposer à la présence de l'avocat durant l'examen clinique si la victime en fait la demande expresse ;


Dit que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix dans une spécialité différente de la sienne ;


Dit que l'expert pourra formuler toutes observations utiles à l'évaluation des préjudices subis ;


Dit que l'expert établira un pré-rapport qui devra être communiqué aux parties, lesquelles disposeront d'un délai d'un mois pour faire connaître leurs observations ;


Dit qu'à l'expiration de ce délai et après avoir répondu aux observations des parties, l'expert devra établir et déposer son rapport définitif au service des expertises de la cour de céans, lequel dépôt devra intervenir avant le 31 janvier 2026, sauf prorogation de délai préalablement sollicité ;


Dit que l'expert notifiera son rapport définitif à chaque partie ;


Dit que de manière générale, l'expert devra se conformer aux dispositions du code de procédure civile pour le déroulement des opérations d'expertise ;


Dit que la [12] devra consigner, à titre d'avance, au service des expertises de la cour de céans, la somme de 1 200 euros (mille deux cents euros) à valoir sur la rémunération de l'expert dans le délai d'un mois à compter du présent arrêt ;


Dit qu'à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de l'expert sera caduque, sauf motif légitime, et que l'affaire sera rappelée à l'audience pour y être jugée ;


Désigne la présidente de chambre de la section D de la chambre sociale, en qualité de magistrat chargé du suivi des opérations d'expertise ;


Alloue à Mme [R] une somme de 5 000 euros (cinq mille euros) à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices personnels ;


Rejette la demande de Mme [R] d'une provision ad litem ;


Dit que la majoration de la rente d'accident du travail attribuée à Mme [R] ainsi que les sommes dues à celle-ci en réparation des préjudices subis, y compris celles accordées à titre provisionnel, seront payées directement à la bénéficiaire par la [12], à charge pour celle-ci de récupérer, auprès de la société [16], les compléments de rente et indemnités ainsi versés ;


Dit que la [12], tenue de faire l'avance des frais de l'expertise judiciaire, incluant la consignation, pourra en récupérer le montant auprès de la société [16] ;

Dit que l'action récursoire de la [12] à l'encontre de la société [16] ne pourra s'exercer que dans les limites découlant de l'application du taux d'incapacité permanente partielle de 8 % fixé, par décision définitive, dans les rapports entre l'organisme susvisé et la société susvisée ;


Dit qu'à réception du rapport d'expertise définitif, les parties disposeront chacune d'un délai de trois mois pour conclure, outre trois mois supplémentaires en réponse ou en réplique,


Radie dès à présent l'affaire du rôle des affaires en cours,


Dit n'y avoir lieu de déclarer le présent arrêt commun et opposable à la [12],


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société [16] et la condamne à payer à Mme [R] la somme de 4 000 euros,


Condamne la société [16] aux dépens de première instance et d'appel,


Rejette toute demande plus ample ou contraire des parties.


LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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