Jurisprudence : CA Paris, 5, 1, 02-04-2025, n° 23/05696, Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

CA Paris, 5, 1, 02-04-2025, n° 23/05696, Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

A49660IR

Référence

CA Paris, 5, 1, 02-04-2025, n° 23/05696, Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/118122766-ca-paris-5-1-02042025-n-2305696-fait-droit-a-une-partie-des-demandes-du-ou-des-demandeurs-sans-accor
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 5 - Chambre 1


ARRÊT DU 02 AVRIL 2025


(n° 043/2025, 20 pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/05696 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHLJR (auquel a été joint par ordonnance du conseiller de la mise en état du 28 novembre 2023 le dossier enrôlé sous le numéro d'inspricption au répertoire général suivant : N° RG 23/07632 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHQQK)


Décision déférée à la Cour : jugement du 02 février 2023 de la 3ème chambre du tribunal de commerce de PARIS - RG n° J2023000021



APPELANTES


TEDIBER

Société par actions simplifiée immatriculée au RCS de Paris sous le n° 813 089 638, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Adresse 1]


Ayant pour avocat constitué par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C 2477

Ayant pour avocat plaidant Me Frédéric DUMONT de la SCP DEPREZ GUIGNOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P 221


EMMA MATRATZEN GMBH (appelante dans le dossier RG 23/07632)

Société de droit allemand enregistrée au registre du commerce B du tribunal d'instance de Francfort-sur-le-Main sous le numéro HRB 103278, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 3]

[Adresse 3]

ALLEMAGNE


Ayant pour avocat constitué Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K 111

Ayant pour avocats plaidants Me Caroline BOUVIER de la SELARL Bernard-Hertz-Béjot, avocat au barreau de PARIS, toque P 57, et Me Nathalia KOUCHNIR-CARGILL de la SELARL Grall & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque P 40


INTIMÉES


EMMA MATRATZEN GMBH

Société de droit allemand enregistrée au registre du commerce B du tribunal d'instance de Francfort-sur-le-Main sous le numéro HRB 103278, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 3]

[Adresse 3]

ALLEMAGNE


Ayant pour avocat constitué Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K 111

Ayant pour avocats plaidants Me Caroline BOUVIER de la SELARL Bernard-Hertz-Béjot, avocat au barreau de PARIS, toque P 57, et Me Nathalia KOUCHNIR-CARGILL de la SELARL Grall & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque P 40

TEDIBER (intimée dans le dossier RG 23/07632)

Société par actions simplifiée immatriculée au RCS de Paris sous le n° 813 089 638, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Adresse 1]


Ayant pour avocat constitué par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C 2477

Ayant pour avocat plaidant Me Frédéric DUMONT de la SCP DEPREZ GUIGNOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P 221



COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile🏛🏛, l'affaire a été débattue le 05 février 2025, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport, et Mme Françoise BARUTEL, conseillère.


Mmes Isabelle DOUILLET et Françoise BARUTEL ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :


- Mme Isabelle DOUILLET, présidente,

- Mme Françoise BARUTEL, conseillère,

- Mme Déborah BOHEE, conseillère.


Greffier lors des débats : M. Soufiane HASSAOUI


ARRÊT :


contradictoire ;

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛 ;

signé par Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre, et par M. Soufiane HASSAOUI, greffier présent lors de la mise à disposition et auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


***



FAITS ET PROCÉDURE


La société TEDIBER, fondée en 2015, se présente comme ayant révolutionné le marché du matelas en France en vendant exclusivement sur internet, depuis le site www.tebider.com, sans intermédiaire ni distributeur, un matelas de très haute qualité, livré gratuitement en express, comprimé et roulé dans sa boîte, avec 100 nuits d'essai.


La société de droit allemand EMMA MATRATZEN (ci-après, EMMA), fondée à la fin de l'année 2015 et basée à [Localité 2], indique qu'elle vend sur le site internet www.emma-matelas.fr des matelas qui s'adaptent à la morphologie de chacun et également d'autres produits de l'univers de la literie. Elle se présente comme l'un des leaders mondiaux du marché de la vente en ligne de matelas, avec notamment un matelas « Emma Original » ayant rencontré un grand succès en Europe, ses matelas étant livrés directement au consommateur, comprimés dans une boîte et assortis d'une offre d'essai de 100 nuits. Elle précise avoir pénétré le marché français en 2017.


La société GROUPE TEDIBER, maison mère de la société TEDIBER, est l'éditrice d'un site internet comparateur intitulé www.jaimedormir.com.


La société de droit allemand DIBMAT, qui n'est pas dans la cause, est la société s'ur de la société EMMA et édite un site internet intitulé www.top5meilleursmatelas.com.


La société TEDIBER reproche à la société EMMA d'avoir mis en place à partir de 2018 une politique commerciale trompeuse et déloyale reposant sur des promotions présentées comme temporaires mais qui, étant systématiquement renouvelées, sont en réalité des promotions permanentes.


Après des échanges infructueux avec la société EMMA, la société TEDIBER l'a fait assigner devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris.


Dans une ordonnance rendue le 11 octobre 2019, le juge des référés, faisant droit partiellement aux demandes de la société TEDIBER, a ordonné à la société EMMA « de cesser, par le biais de codes promotionnels, d'attirer les consommateurs en leur faisant croire que ces codes leur offrent un avantage tarifaire alors qu'ils sont proposés ou appliqués aux consommateurs de manières successives et quasi permanentes, de sorte que lesdits codes ne reposent sur aucun prix de référence réel, et ce sous astreinte de 250.000 euros par code promotionnel, à compter du 8ème jour de la signification de la présente ordonnance, pour une période de 3 mois » mais a rejeté la demande de provision de la société TEDIBER à valoir sur la réparation de son préjudice prétendu.


Cette ordonnance a été intégralement confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 octobre 2020 (chambre 1.3) qui a par ailleurs rejeté la demande reconventionnelle de la société EMMA relatives à des promotions permanentes illicites prétendument mises en œuvre par la société TEDIBER portant sur une offre d'oreillers gratuits, et à de fausses indications quant à l'origine géographique de ses produits et à sa qualité de « leader » de la vente de matelas en ligne.


Estimant que la société EMMA a, pendant la période de trois mois fixée par le juge des référés, substitué à la pratique condamnée une pratique analogue visant également à faire naître un sentiment d'urgence à acheter chez le consommateur au moyen notamment de l'annonce mensongère que le matelas « Emma Original » serait « bientôt en rupture de stocks », et qu'elle a par ailleurs, une fois l'interdiction provisoire terminée, continué à proposer des promotions permanentes, la société TEDIBER l'a fait assigner au fond devant le tribunal de commerce de Paris, par acte du 5 février 2020.


De son côté, la société EMMA, par acte du 10 février 2022, a assigné devant la même juridiction la société TEDIBER et la société GROUPE TEDIBER (éditrice du site www.jaimedormir.com).


Les deux procédures ont été jointes.


C'est ainsi que par jugement contradictoire rendu le 2 février 2023, le tribunal de commerce de Paris :


a condamné la société EMMA au paiement à la société TEDIBER de la somme de 500 000 euros en réparation du préjudice d'image du fait de pratiques commerciales déloyales ;


a ordonné à la société EMMA de cesser d'attirer les consommateurs en leur faisant croire que les codes promotionnels leur offrent un avantage tarifaire alors qu'ils sont proposés ou appliqués de manière successive et quasi permanente, de sorte qu'ils ne reposent sur aucun prix de référence réel, et ce sous astreinte de 50.000 euros par code promotionnel, à compter du 15ème jour de la signification du jugement, et ce pour une période de 12 mois excluant les périodes de soldes légales, passé lequel délai, il sera de nouveau fait droit ;


a condamnné solidairement les sociéts TEDIBER et GROUPE TEDIBER à payer à la société EMMA la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d'image du fait de leurs agissements sur le site internet www.jaimedormir.com ;

a condamné la société EMMA à verser aux sociétés TEDIBER et GROUPE TEDIBER la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de pratiques déloyales relatives au site Internet www.top5meilleursmatelas.com ;


a ordonné, aux frais de la société EMMA, la publication du dispositif du jugement en page d'accueil des sites Internet htts://www.emma-matelas.fr, https://www.emma.fr et https://www.top5meilleursmatelas.fr sur un espace occupant la moitié de la page d'accueil, dans un délai de 30 jours à compter de la signification du présent jugement et pour une durée de trente jours consécutifs, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard ;


a condamné la société EMMA à payer à la société TEDIBER la somme de 60.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;


a condamné la société EMMA aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 95,62 euros dont 15,72 euros de TVA ;


a débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;


a ordonné l'exécution provisoire du présent jugement sauf en ce qui concerne les mesures de publication.


La société TEDIBER, le 23 mars 2023, puis la société EMMA, le 21 avril 2023, ont interjeté appel de ce jugement. La société GROUPE TEDIBER n'est plus dans la cause en appel.



Par ordonnance du 28 novembre 2023, la conseillère de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures.


Par ordonnance du 18 juin 2024, la conseillère de la mise en état a rejeté une demande de communication de pièces, formée par voie d'incident par la société TEDIBER, portant sur des informations comptables censées lui permettre de chiffrer son préjudice économique et d'image.



Dans ses dernières conclusions récapitulatives, transmises le 16 janvier 2025, la société TEDIBER demande à la cour de :


confirmer le jugement en ce qu'il a :


ordonné à la société EMMA MATRATZEN de cesser d'attirer les consommateurs en leur faisant croire que les codes promotionnels leur offre un avantage tarifaire alors qu'ils sont proposés ou appliqués de manière successive et quasi permanente, de sorte qu'ils ne reposent sur aucun prix de référence réel,

ordonné, aux frais de la société EMMA MATRATZEN, la publication du dispositif du jugement en page d'accueil des sites internet https//www.emma-matelas.fr, https//www.emma.fr et https//www.top5meilleursmatelas.fr sur un espace occupant la moitié de la page d'accueil,

débouté la société EMMA MATRATZEN de ses demandes autres, plus amples ou contraires et notamment en ce qu'il a rejeté ses demandes reconventionnelles,

condamné la société EMMA MATRATZEN à payer à la SAS TEDIBER la somme de 60.000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et

condamné la société EMMA MATRATZEN aux dépens de l'instance dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 95,62 ' dont 15,72 ' de TVA,


infirmer le jugement en ce qu'il a :


débouté la société TEDIBER de sa demande de condamnation de la société EMMA MATRATZEN à payer à TEDIBER la somme de 27 500 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de perte de marge subi par TEDIBER du fait des pratiques commerciales déloyales imputées,

limité la condamnation de la société EMMA MATRATZEN au paiement de la somme de 500.000 euros en réparation du préjudice d'image du fait de pratiques commerciales déloyales,


statuant à nouveau,


condamner la société EMMA MATRATZEN à payer à TEDIBER la somme de 27 500 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de perte de marge subi par TEDIBER du fait des pratiques commerciales déloyales pour la période de novembre 2018 au 1er août 2021,


condamner la société EMMA MATRATZEN à payer à TEDIBER la somme de 0,8 millions d'euros par mois à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de perte de marge subi par TEDIBER du fait des pratiques commerciales déloyales pour la période du 1er août 2021 ' date de fin de calcul du préjudice par SORGEM EVALUATION - et la date de la décision à intervenir,


condamner la société EMMA MATRATZEN au paiement à TEDIBER de la somme de 4 200 000 euros en réparation du préjudice d'image subi par TEDIBER,


y ajoutant,


ordonner à la société EMMA MATRATZEN d'espacer toute annonce de réduction de prix pour un même produit de 30 jours sous astreinte de 100.000 ' par jour de dépassement par produit,


en tout état de cause,


débouter la société EMMA MATRATZEN de l'ensemble de ses demandes,


condamner la société EMMA MATRATZEN à payer la somme de 60.000 ' à TEDIBER en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,


condamner la société EMMA MATRATZEN aux entiers dépens de l'instance.


Dans ses dernières conclusions récapitulatives, transmises le 20 janvier 2025, la société EMMA demande à la cour de :


confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société TEDIBER de sa demande indemnitaire en réparation du préjudice de manque à gagner,


infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :


condamné la société EMMA MATRATZEN au paiement à la société TEDIBER de la somme de 500.000 Euros en réparation du préjudice d'image du fait de pratiques commerciales déloyales,

ordonné à la société EMMA MATRATZEN de cesser d'attirer les consommateurs en leur faisant croire que les codes promotionnels leur offre un avantage tarifaire alors qu'ils sont proposés ou appliqués de manière successive et quasi permanente, de sorte qu'ils ne reposent sur aucun prix de référence réel,

ordonné, aux frais de la société EMMA MATRATZEN, la publication du dispositif du jugement en page d'accueil des sites internet https//www.emma-matelas.fr, https//www.emma.fr et https//www.top5meilleursmatelas.fr sur un espace occupant la moitié de la page d'accueil,

débouté la société EMMA MATRATZEN de ses demandes autres, plus amples ou contraires et notamment en ce qu'il a rejeté ses demandes reconventionnelles,

condamné la société EMMA MATRATZEN à payer à la société TEDIBER la somme de 60.000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et

condamné la société EMMA MATRATZEN aux dépens de l'instance dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 95,62 ' dont 15,72 ' de TVA,


statuant à nouveau,


débouter la société TEDIBER de l'ensemble de ses demandes,


constater que le tribunal de commerce a omis de statuer sur la demande reconventionnelle de la société EMMA MATRATZEN relative aux promotions permanentes de la société TEDIBER, de réparer cette omission, et en conséquence, de :


condamner la société TEDIBER au paiement de la somme de 15.000 euros à la société EMMA MATRATZEN au titre des promotions permanentes qu'elle a réalisées,

condamner la société TEDIBER à payer à la société EMMA MATRATZEN la somme de 15.000 euros pour fausse indication d'origine de ses produits,

condamner la société TEDIBER à payer à la société EMMA MATRATZEN la somme de 15.000 euros pour indication trompeuse de sa qualité de leader du marché,


condamner la société TEDIBER à payer à la société EMMA MATRATZEN la somme de 30.000 Euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et de la condamner aux dépens,


et y ajoutant,


condamner la société TEDIBER à payer à la société EMMA MATRATZEN la somme de 60.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et la condamnation aux entiers dépens d'appel.


L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 janvier 2025.



MOTIFS DE LA DÉCISION


En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile🏛, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.


Sur les chefs du jugement non contestés


La cour constate que le jugement n'est pas contesté, et est donc définitif, en ce qu'il a :


condamné solidairement les sociétés TEDIBER et GROUPE TEDIBER à payer à la société EMMA la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d'image du fait de leurs agissements sur le site internet www.jaimedormir.com (ces agissements recouvrant le fait de n'avoir pas clairement indiqué la qualité de GROUPE TEDIBER d'éditeur du site, de n'avoir pas procédé à de véritables tests des matelas comme indiqué sur le site et à des classements des produits reposant sur des comparaisons objectives),

condamné la société EMMA à verser aux sociétés TEDIBER et GROUPE TEDIBER la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de pratiques déloyales relatives au site Internet www.top5meilleursmatelas.com,


rejeté les demandes des sociétés TEDIBER pour procédure abusive et de publication du jugement dans des journaux d'information générale et celles de la société EMMA tendant à la fermeture du site jaimedormir.com et à la publication du jugement.


Sur les demandes de la société TEDIBER dirigées contre la société EMMA


Sur la matérialité des pratiques commerciales déloyales commises par la société EMMA


La société EMMA conteste avoir commis les pratiques sanctionnées par le tribunal, consistant à pratiquer des promotions quasi permanentes et à créer un sentiment d'urgence à l'achat chez le consommateur par l'usage de faux comptes à rebours et la mention de fausses ruptures de stocks.


Elle fait valoir, sur le premier point, que la pertinence des informations qui fondent l'argumentation de TEDIBER et qui ont été retenues par le tribunal sur la période novembre 2018octobre 2019 (ordonnance de référé) est contestable et qu'il n'est pas démontré la réalité de la permanence des promotions pratiquées à l'époque ; que le tribunal a repris à son compte les décisions rendues en référé sans aucune motivation complémentaire ; que si EMMA a certes augmenté le prix de son matelas « Emma Original » en novembre 2018, c'est pour des raisons de gestion des coûts et que les opérations promotionnelles qui ont été faites ensuite l'ont été sur des produits non concernés par cette augmentation (par ex. les matelas « Emma Air » ou des accessoires : protège-matelas, couettes, oreillers) ; qu'il est licite de pratiquer des promotions régulières, de même que de pratiquer des promotions sur une longue période ou encore plusieurs promotions par mois dès lors qu'elles ne s'appliquent pas continuellement aux mêmes produits ; qu'il n'a pas été démontré que le comportement économique du consommateur avait été altéré, les messages de consommateurs invoqués par TEDIBER ne citant pas EMMA ou faisant état de prix pratiqués pendant les soldes ou étant très obscurs ; que la permanence de ses promotions n'a pas été démontrée par les constats d'huissier produits au débat ; que les messages de consommateurs sur le site ma-reduc.com ne sont pas probants (on ne sait à quelle période de promotion se rapportent les codes de réduction mentionnés ; le site concerné met en garde les utilisateurs sur la possibilité d'informations erronées contenues dans les offres et les invite à consulter le site du revendeur pour vérification) ; que TEDIBER a procédé à une compilation artificielle pour faire croire à l'existence de promotions permanentes ; que les chiffres obtenus de la société FOX INTELLIGENCE portant sur 94 clients ne sont pas représentatifs ; qu'en ce qui concerne la période postérieure à l'ordonnance de référé du 11 octobre 2019, il ne résulte nullement des pièces produites par TEDIBER qu'EMMA a mené des promotions permanentes puisqu'il en ressort qu'en 2020, elle a comptabilisé 40 jours de promotion (soit 3,3 jours par mois) et 62 jours en 2021 (environ 5 jours par mois) ; que de même, il n'est pas démontré qu'elle a pratiqué des promotions permanentes depuis janvier 2022 et qu'aucun élément n'est produit pour la période postérieure à octobre 2022 ; qu'EMMA a en outre respecté les nouvelles dispositions de l'article L.112-1-1 du code de la consommation🏛 qui a réintroduit la notion de prix de référence suite à la transposition en droit français de la Directive 2019/2161 du Parlement Européen et du Conseil du 27 novembre 2019 (dite Directive Omnibus) ; que comme de nombreux opérateurs, il lui a fallu un peu de temps pour prendre toute la mesure et l'étendue de ces nouvelles règles, ce qui a été toléré par la DGCCRF, mais qu'elle s'est efforcée de se conformer aux nouvelles dispositions ; que d'ailleurs TEDIBER n'a pas demandé la liquidation de l'astreinte prononcée par le tribunal de commerce ; que la règlementation relative au prix de référence n'est pas applicable aux ventes liées ni aux ventes par lot ; qu'en tout état de cause, rien dans la règlementation actuelle applicable ne permet d'affirmer que lorsqu'un prix de référence est mentionné dans le cadre d'une annonce de réduction de prix d'un lot, le prix de référence de chaque produit composant ce lot devrait également être mentionné.


Elle fait valoir, sur le second point, que le grief de TEDIBER relatif à l'usage d'un faux compte à rebours créant une prétendue urgence à l'achat ne repose que sur une compilation de messages qui concernent des périodes de soldes ou d'utilisation de la période d'essai de 10 jours et sur un constat d'huissier constatant une réinitialisation du compte à rebours lors d'une unique journée, laquelle était due à un dysfonctionnement technique rapidement résolu ; que le grief de fausse mention de rupture de stocks repose pareillement sur des captures d'écran couvrant seulement 3 journées sur une période d'un mois, ce qui ne peut traduire une pratique récurrente ; qu'en outre, rien ne prouve que la mention était inexacte, les captures d'écran faisant seulement état du fait, qu'à ces dates, certaines tailles de matelas étaient les « dernières tailles disponibles » ou « bientôt en rupture de stock » ; que les informations relatives aux stocks des tailles listées étaient exactes et la mise à jour régulière (entre le 6 novembre 2019 et le 5 décembre 2019) des pages concernées du site internet d'EMMA attestent par ailleurs de cette véracité.


La société TEDIBER soutient en substance que la stratégie commerciale d'EMMA s'appuie sur une démarche déloyale consistant à créer artificiellement un sentiment d'urgence chez le consommateur, en pratiquant de façon permanente de fausses promotions à compter de 2018, en substituant à cette pratique pendant la période d'interdiction de trois mois résultant de l'ordonnance de référé (octobre 2019 / janvier 2020) une pratique déloyale équivalente consistant à prétendre de façon trompeuse que ses produits seraient en rupture de manière imminente. Elle ajoute qu'EMMA a affiné ses pratiques déloyales de promotions permanentes à la faveur de l'entrée en vigueur, le 28 mai 2022, du nouvel article L.112-1-1 du code de la consommation en ne respectant pas les dispositions relatives aux annonces de réduction de prix, les prix antérieurs des produits proposés à la vente en promotion variant d'un jour à l'autre et les prix de références étant artificiellement rendus opaques et majorés, et qu'EMMA méconnaît en outre la réglementation relative aux ventes liées. Elle soutient que le modèle économique d'EMMA est constitutif de pratiques commerciales déloyales commises à son préjudice.


Ceci étant exposé, selon l'article L.121-1 du code de la consommation🏛, « Les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service. (...) Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-2 à L. 121-4 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 121-6 et L. 121-7 ».


L'article L. 121-2 du même code🏛 précise que « Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes :

(')

2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants :

a) L'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;

(')

c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service (') ».


Selon l'article L. 121-4 du même code🏛, « Sont réputées trompeuses, au sens des articles L. 121-2 et L. 121-3, les pratiques commerciales qui ont pour objet :

(')

7° De déclarer faussement qu'un produit ou un service ne sera disponible que pendant une période très limitée ou qu'il ne sera disponible que sous des conditions particulières pendant une période très limitée afin d'obtenir une décision immédiate et priver les consommateurs d'une possibilité ou d'un délai suffisant pour opérer un choix en connaissance de cause (') ».


Sur la pratique déloyale consistant à proposer de prétendues promotions de manière constante


Il est établi que la société EMMA a augmenté le prix de son matelas « Emma Original » de 20 % en novembre 2018 (pièces 8, 9, 10, 11, 17 TEDIBER) qui est passé de 599 ' TTC à 699 ' TTC (pour la dimension en 140 x 190).


Il ressort des éléments du dossier, notamment des copies d'écran des codes promotionnels proposés par la société EMMA sur son site internet, des copies d'écran du site www.ma-reduc.com et des constats d'huissier de justice que la société TEDIBER a fait établir les 20 mai 2019, 20 juin 2019, 11 juillet 2019, 9 août 2019 et 23 août 2019, portant donc, ensemble, sur une période significative de 3 mois, que la société EMMA a réalisé des promotions au moyen de codes valables plusieurs jours, proposant des réductions comprises entre 30 % et 40 % qui se succédaient dans le temps, à un rythme de deux à trois fois par mois, conférant ainsi aux offres promotionnelles un caractère quasi-permanent ainsi que l'ont justement relevé les juridictions de référé. Le calendrier figurant en page 7 des conclusions de l'intimée montre ainsi que sur la période de 6 mois avrilseptembre 2019, la société EMMA a proposé des promotions pendant plus de 20 semaines. La société TEDIBER fournit en outre un extrait d'une étude FOX INTELLIGENCE de laquelle il ressort que sur la période octobre 2018 à septembre 2019, plus de 92 % des matelas vendus par la société EMMA ont été vendus en « promotion » (pièce 43). L'intimée verse encore au débat des messages que lui ont adressés des consommateurs en 2018 et 2019 pour lui demander de pratiquer les mêmes remises que la société EMMA.


Il ressort par ailleurs des pièces au dossier, notamment des constats d'huissier de justice précités, que toutes les promotions litigieuses étaient présentées comme des offres limitées dans le temps (notamment par l'affichage d'un compte à rebours).


La société EMMA critique vainement la pertinence des éléments fournis par la société TEDIBER. Ainsi, contrairement à ce qu'elle affirme, les constats d'huissier montrent que les promotions successives ont porté sur plusieurs produits, y compris le matelas « Emma Original », objet de l'augmentation de prix de novembre 2018. Par ailleurs, il importe peu que les dates visées par les codes mentionnés sur le site ma-reduc.com ne soient pas précises, dès lors qu'elles se rapportent à la période concernée et qu'il n'est pas prétendu que ces codes n'aient pas existé. En outre, les éléments précités sont précis et concordants et, ensemble, établissent à suffisance que la pratique commerciale mise en œuvre par la société EMMA est trompeuse dès lors qu'elle consiste à annoncer faussement que ses produits sont en promotion pendant une période limitée alors que ces promotions sont en réalité quasi permanentes.


La société TEDIBER démontre que la tromperie du consommateur est encore aggravée par le fait, établi par le constat d'huissier en date du 9 août 2019, que le compte à rebours affiché sur le site emma-matelas.fr à proximité immédiate du code promotionnel est en réalité faux dans la mesure où ce décompte est en réalité réinitialisé si l'internaute referme la page de navigation du site internet, supprime son historique, puis se reconnecte sur le site. Cette pratique est de nature à faire naître artificiellement chez le consommateur un sentiment d'urgence à l'achat. Le dysfonctionnement technique allégué par la société EMMA le jour du constat d'huissier n'est étayé par aucune pièce.


Contrairement à ce que soutient la société EMMA, il n'est pas besoin de démontrer que ces pratiques ont entraîné ou ont été susceptibles d'entraîner une altération substantielle du comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé à l'égard des biens concernés, dès lors que selon l'article L.121-4-7° précité du code de la consommation, la pratique consistant à annoncer faussement qu'un produit ou un service ne sera disponible ou ne sera disponible sous des conditions particulières que pendant une période très limitée, ce qui est précisément le cas des pratiques litigieuses, est réputée trompeuse et de ce fait prohibée per se. Au demeurant, la pratique mise en œuvre par la société EMMA est susceptible d'altérer de façon substantielle le comportement économique du consommateur moyen, dès lors que les sociétés TEDIBER et EMMA sont directement concurrentes sur le segment de marché du matelas proposé dans une boîte, exclusivement en ligne, et que le consommateur est attentif au prix des articles de literie, notamment des matelas qui ne sont pas des biens de consommation courante mais des biens durables au prix relativement élevé. Les messages adressés à la société TEDIBER pour lui demander de s'aligner sur les prix pratiqués par la société EMMA (« Actuellement EMMA offre même 40% sur le matelas équivalent au votre. Nous sommes prêts à passer commande sur le site et vous retourner votre matelas sauf si vous jugez intéressant et moins couteux de nous accorder une remise » ; « Emma propose actuellement 35% de réduction » ; « Votre concurrent EMMA en fait [des promotions] actuellement » ; « Là sur le matelas allemand il y a une promotion de -200 euros sur ce modèle ») sont du reste de nature à démontrer que les pratiques litigieuses sont susceptibles, pour le moins, d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur.


La société TEDIBER produit en pièce 56 des captures d'écran du site de la société EMMA, datées de façon fiable grâce au procédé WayBack Machine, qui montrent qu'au cours de l'année 2021, la société EMMA a recouru à des promotions quasi permanentes : après la période de soldes d'hiver qui s'est achevée fin février, ont suivi la « Semaine mondiale du sommeil » (jusqu'à 45 %) (du 12 au 21 mars), puis « Joyeuses Pâques » (jusqu'à 40 %) (du 30 mars au 5 avril), puis les « Offres de printemps - Jusqu'à 40 % » le 10 avril, puis une « Vente flash Pack Emma » et une « Vente flash Emma 02 » qui se sont enchainées (du 17 avril au 24 avril), puis des périodes de réduction (-15 %, -20 %) du 4 mai au 11 mai quasiment sans interruption, puis de nouveau une « Vente flash Pack Emma » du 12 mai au 17 mai. Ces captures d'écran établissent par ailleurs que la société EMMA a utilisé de nouveau un compte à rebours réinitialisé : ainsi, en février 2021, en période de « Soldes d'hiver », l'annonce le 1er février « Soldes d'hiver - Jusqu'à 50 % - Valide Plus que 06 jours : 15 heures' », redevient, le 8 février « Soldes d'hiver - Jusqu'à 50 % - Valide Plus que 06 jours : 2 heures' », laquelle annonce est encore le 15 février « Soldes d'hiver - Jusqu'à 50 % - Valide Plus que 06 jours : 9 heures' ») ; et l'annonce le 12 mars 2021 « Semaine mondiale du sommeil - Jusqu'à 45 % - Valide Plus que 2 jours 12 heures' » est encore présentée le 15 mars comme « Valide Plus que 6 jours 9 heures' », une vente de matelas présentée le 21 avril 2021 « Valable encore 04 jours : 20 heures' » étant encore, avec la même photographie promotionnelle, « Valable encore 05 jours / 17 heures' » le 27 avril. La société EMMA conteste vainement le caractère quasi permanent des promotions qui ressort de cette pièce 56 en arguant seulement (page 17 de ses conclusions) que la période prise en compte par la société TEDIBER inclut les soldes d'hiver et que la loi n'interdit pas la pratique de promotions en dehors des périodes légales de soldes, le caractère quasi continu des promotions étant constaté en dehors même des périodes de soldes d'hiver.


En revanche, la société EMMA doit être suivie quand elle oppose à la production par la société TEDIBER des pièces 71 à 75 censées démontrer la continuation de promotions pendant 46 jours sans discontinuité au cours des mois de septembre et octobre 2022, que les différentes promotions s'appliquaient à des produits différents, de sorte qu'un même produit n'était pas en promotion sur l'intégralité des périodes de promotion faisant l'objet des constats et captures d'écran. De fait, ces pièces portent sur des promotions portant sur toutes sortes de produits.


Sur la pratique déloyale (mise en œuvre pendant la période provisoire d'interdiction prononcée en référé) consistant à prétendre de façon trompeuse que les produits sont en rupture de stock imminente


La société TEDIBER produit des captures d'écran provenant du site www.emma-matelas.fr qui montrent que des produits sont faussement annoncés comme étant en rupture de stock imminente. Ainsi le 18 novembre 2019, un matelas « Emma Original » est proposé en plusieurs tailles (70 x 200, 140 x 190, 160 x 190, 160 x 200) avec le message en rouge « dernières tailles disponibles », puis sans ce message, et ce à quelques minutes d'intervalle (pièces 26 à 28). Cette pratique, qui, comme le compte à rebours réinitialisé, tend à faire naître artificiellement chez le consommateur un sentiment d'urgence à l'achat, est également révélée par des captures d'écran datées du 6 novembre et du 5 décembre 2019. La réalité de cette pratique à trois dates distinctes, couvrant une période d'un mois (6 novembre 2019 / 5 décembre 2019), est ainsi suffisamment établie. La société EMMA plaide que « rien ne prouve » que les mentions figurant sur son site à ces trois dates étaient fausses mais ne donne aucune explication qui pourrait rendre vraisemblable que, par exemple, le matelas « Emma Original » en 140 x 190 soit affiché avec l'annonce « dernières tailles disponibles » le 18 novembre 2019 à 15h00 et sans cette même mention le même jour à 15h03, et contrairement à ce qu'elle indique, la délibération n° 2019-093 du 4 juillet 2019 de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés⚖️ (CNIL) portant adoption de lignes directrices relatives à l'application de l'article 82 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée🏛 aux opérations de lecture ou écriture dans le terminal d'un utilisateur (notamment aux cookies et autres traceurs) (sa pièce 51) ne valide pas une telle pratique.

Cette pratique relève d'une pratique réputée trompeuse au sens de l'article L. 121-4 du code de la consommation, repréhensible per se.


Comme le souligne la société TEDIBER, elle revêt un caractère déloyal aggravé dans la mesure où elle a été mise en œuvre pendant la période de 3 mois (novembre 2019 / janvier 2020) couverte par l'injonction prononcée par l'ordonnance de référé, confirmée par cette cour, interdisant sous astreinte à la société EMMA de pratiquer des offres promotionnelles permanentes.


Le jugement entrepris sera donc approuvé en ce qu'il a dit que les pièces produites par la société TEDIBER démontraient à l'encontre de la société EMMA l'existence de promotions commerciales quasi-permanentes et la création d'un sentiment d'urgence à l'achat pour le consommateur par l'affichage sur son site de vente en ligne d'un compte à rebours réinitialisé quand l'internaute efface son historique et par l'annonce de fausses ruptures de stocks.


Sur les pratiques déloyales consistant à contourner le nouvel article L. 112-1-1 du code de la consommation créé par l'ordonnance n°2021-1734 du 22 décembre 2021🏛 et entré en vigueur le 28 mai 2022


La société TEDIBER soutient que les annonces de réduction de prix d'EMMA ne respectent pas la nouvelle réglementation, entrée en vigueur postérieurement à la clôture des débats devant le tribunal de commerce, destinée à introduire la notion de prix de référence dans toutes les annonces de réduction de prix afin de lutter précisément contre les fausses promotions, en transposant la directive dite « Omnibus ».


Selon l'article L.112-1-1 du code de la consommation entré en vigueur le 28 mai 2022, issu de l'ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021 transposant la directive 2019/2161 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 et relative à une meilleure application et une modernisation des règles de l'Union en matière de protection des consommateurs,

« I - Toute annonce d'une réduction de prix indique le prix antérieur pratiqué par le professionnel avant l'application de la réduction de prix.

Ce prix antérieur correspond au prix le plus bas pratiqué par le professionnel à l'égard de tous les consommateurs au cours des trente derniers jours précédant l'application de la réduction de prix.

Par exception au deuxième alinéa, en cas de réductions de prix successives pendant une période déterminée, le prix antérieur est celui pratiqué avant l'application de la première réduction de prix.

Le présent I ne s'applique pas aux annonces de réduction de prix portant sur des produits périssables menacés d'une altération rapide.

II - Les présentes dispositions ne s'appliquent pas aux opérations par lesquelles un professionnel compare les prix qu'il affiche avec ceux d'autres professionnels ».


La société TEDIBER produit deux constats d'huissier établis les 31 août et 8 septembre 2022, ainsi que des captures d'écran quotidiennes couvrant la période entre le 11 septembre 2022 et le 27 octobre 2022. Ces éléments font apparaître que le prix antérieur d'un produit proposé à la vente en promotion varie d'un jour à l'autre et aussi que le prix antérieur le plus bas pratiqué dans les 30 jours précédents n'est pas le prix de référence indiqué par la société EMMA sur son site : ainsi, le 11 octobre 2022, le prix le plus bas pratiqué sur un ensemble composé d'un « Lit Select », d'un « matelas Hybride », de 2 oreillers « Original », d'un protège-matelas et d'une couette au cours des 30 derniers jours était de 734,25 ', prix qui avait été pratiqué le 13 septembre 2022 ; or, l'ensemble est présenté avec un prix barré de 1.335 ' affecté d'une réduction de 45 %, soit un prix final de 734,25 ', de sorte que le produit est finalement vendu au même prix que 28 jours auparavant et non avec une réduction de 45 % comme annoncé. Le même constat peut être fait sur d'autres ensembles de produits, comportant d'autres types d'oreillers.


Toutefois, la société TEDIBER fait valoir, sans être utilement contestée, qu'une période de tolérance a été admise par la DGCCRF au profit des entreprises pour se mettre en conformité avec les nouvelles dispositions, et ce jusqu'à la fin du mois de novembre 2022 (FAQ édité par le MEDEF concernant les conditions d'application de l'article L.112-1-1 du code de la consommation - sa pièce 110), et l'appelante ne produit aucun élément de preuve postérieur à cette date permettant d'affirmer qu'elle ne respecte pas les nouvelles règles applicables au prix de référence.


En l'état de ces éléments, le grief ne sera pas retenu.


Sur les pratiques déloyales consistant à méconnaître la réglementation sur les ventes liées


La société TEDIBER affirme, à partir d'une capture d'écran du site de la société EMMA (pièce 76), que celle-ci propose des ventes liées (par exemple, en proposant des « packs » comprenant le « Lit Select », le « matelas Hybride », les 2 oreillers « Original », un protège-matelas et une couette) sans que le prix de chaque article soit indiqué, seul le prix antérieur de l'ensemble étant indiqué, et ce, en violation des orientations de la Commission européenne et de l'article 7 de l'arrêté du 3 décembre 1987🏛 relatif à l'information du consommateur sur les prix qui prévoit que « Les produits vendus par lots doivent comporter un écriteau mentionnant le prix et la composition du lot ainsi que le prix de chaque produit composant le lot ».


La société EMMA oppose cependant, sans être utilement contestée, que la communication de la Commission relative aux orientations concernant l'interprétation et l'application de l'article 6 bis de la directive 98/6/CE du Parlement européen et du Conseil relative à la protection des consommateurs en matière d'indication des prix des produits offerts aux consommateurs, prévoit que l'article 6 bis
1: (') Le prix antérieur désigne le prix le plus bas appliqué par le professionnel au cours d'une période qui n'est pas inférieure à trente jours avant l'application de la réduction de prix (')


« ne s'applique pas non plus à d'autres techniques de promotion de prix compétitifs qui ne sont pas des réductions de prix telles que les comparaisons de prix et des offres (conditionnelles) liées » ; qu'en outre, selon la circulaire du 7 juillet 2009 concernant les conditions d'application de l'arrêté du 31 décembre 2008 relatif aux annonces de réduction de prix à l'égard du consommateur, « Dans le cas particulier où un prix réduit est appliqué à un lot de produits également vendus à l'unité, le prix de référence à retenir sera le prix le plus bas pratiqué pour la vente de ce lot de produits dans les trente jours précédant le début de la publicité, indépendamment du prix qui aura été pratiqué pour le produit à l'unité » ; qu'enfin, l'arrêté du 3 décembre 1987 relatif à l'information du consommateur sur les prix ne porte pas sur la réglementation concernant les annonces de réduction de prix.

En l'état de ces éléments, le grief ne sera pas retenu.


Sur les réparations


La société TEDIBER soutient qu'elle a subi nécessairement un préjudice économique du fait des pratiques commerciales déloyales dès lors que celles-ci visent, en altérant le comportement économique du consommateur, à capter indûment des clients, ce qui se traduit par la réalisation par l'opérateur fautif d'un chiffre d'affaires qu'il n'aurait pas réalisé s'il avait été loyal ; que c'est donc à tort que le tribunal n'a pas reconnu ce préjudice ; que la réparation intégrale du dommage se calcule par la différence entre la situation dite « contrefactuelle » de la victime (qui aurait été en l'absence de faute) et sa situation dite « réelle » ou « factuelle » (consécutive à la faute) ; que selon une étude réalisée par SORGEM EVALUATION, le préjudice de TEDIBER est double : un préjudice économique et un préjudice d'image ; que la pratique de promotion permanente ont débuté courant 2018 et ont perduré jusqu'à ce jour (exception faite de la période de la mesure provisoire de l'ordonnance de référé (octobre / décembre 2019) ; que depuis le jugement, elle s'est poursuivie sous une forme plus sophistiquée, à travers les promotions permanentes portant sur des ensembles de produits.


En ce qui concerne son préjudice économique, la société TEDIBER fait valoir que l'étude réalisée par SORGEM a montré que sur la période considérée, d'une part, la croissance des visiteurs du site TEDIBER a été beaucoup moins importante que ce qu'elle aurait dû être, parce que les internautes sont attirés par les fausses promotions d'EMMA via les liens sponsorisés sur les moteurs de recherche et les plateformes d'affiliation, d'autre part, que le taux de conversion des visiteurs du site TEDIBER a chuté drastiquement à compter d'octobre 2018, ce qui a causé à TEDIBER un préjudice de manque à gagner très important déterminé par SORGEM EVALUATION à 27,5 millions d'euros (selon une première méthode d'évaluation) ou au moins de 18,7 millions d'euros (selon une seconde méthode d'évaluation) ; que la notion de marché pertinent, retenue par le tribunal, pour rejeter sa demande au titre du préjudice économique, est une notion propre au droit de la concurrence et étrangère à la concurrence déloyale ; que le tribunal a méconnu le fait que EMMA a capté des actes d'achat émanant de consommateurs qui, sans la publicité litigieuse, se seraient tournés vers le produit identique proposé par TEDIBER, son principal concurrent à l'époque (80 % du segment du « bed in box » à elles deux), à savoir le matelas en boîte de TEDIBER ; que le tribunal ne pouvait exiger de TEDIBER la preuve que les ventes réalisées par EMMA du fait de ses pratiques déloyales se traduisent de manière certaine et quantifiées par des non-ventes chez TEDIBER, ce qui revient à exiger une preuve impossible et est en outre contraire à la jurisprudence constante selon laquelle en la matière le préjudice s'infère nécessairement de la faute ; que dans le secteur du « bed in box », le prix des produits et son éventuelle promotion sont des éléments déterminants de l'achat du consommateur ; que son préjudice est un préjudice de manque à gagner et non pas de perte de chance, de sorte qu'il n'y a lieu d'appliquer un quelconque coefficient réducteur comme le demande EMMA ; que contrairement à ce que soutient EMMA, les mesures provisoires d'interdiction prononcées en référé ont eu une incidence sur la part de marché d'EMMA.


En ce qui concerne son préjudice d'image, la société TEDIBER fait valoir qu'il a été sous-évalué par le tribunal ; que les agissements d'EMMA ont gravement porté atteinte à son image ; qu'EMMA a en effet durablement indument renforcé son « image prix » et son attractivité auprès des consommateurs grâce aux publicités incriminées, alors que le secteur du matelas vendu en ligne est extrêmement sensible au prix ; que A doit donc engager des investissements conséquents pour contrebalancer les effets négatifs des pratiques illicites d'EMMA ; que selon SORGEM EVALUATION, en multipliant la somme moyenne dépensée par TEDIBER au titre de ses dépenses marketing par le taux de conversion perdu et un coefficient multiplicateur, le préjudice d'image est de 4,5 millions d'euros ou au moins de 4,2 millions d'euros ; que le taux de conversion est l'indicateur le plus pertinent au cas d'espèce pour apprécier l'étendue du préjudice d'image ; que s'agissant du coefficient multiplicateur, le préjudice correspond aux investissements supplémentaires qu'il faudra dépenser pour reconstituer l'image de TEDIBER, qui seront nécessairement plus élevés dans la mesure où il est beaucoup plus difficile et donc plus coûteux de réparer l'atteinte à l'image que de la provoquer ; qu'il est ainsi usuel de retenir au minimum un coefficient de 2 à appliquer au montant net des investissements pour déterminer les investissements supplémentaires qui devront être dépensés.


La société EMMA répond que c'est à raison que le tribunal a rejeté la demande de TEDIBER au titre d'un préjudice économique résultant d'une prétendue perte de marge, en l'absence de toute démonstration de l'existence de ce gain manqué et d'un lien de causalité entre les pratiques commerciales reprochées et la baisse prétendue de son taux de marge ; que contrairement à ce que soutient TEDIBER, lorsqu'une faute de concurrence déloyale est reconnue, le préjudice à réparer n'est pas nécessairement économique (à défaut pour le demandeur d'en avoir démontré l'étendue), mais il est alors uniquement moral ; que les demandes de TEDIBER ne reposent pas sur un gain manqué, qui est exclusif de tout aléa, mais sur une perte de chance, TEDIBER ne faisant pas état de pertes (son chiffre d'affaires a été multiplié par 2 entre 2018 et 2020 sur le seul produit matelas), mais de résultats qui auraient pu être meilleurs si les pratiques d'EMMA n'avaient pas existé ; que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; que l'indemnisation de la perte de chance est toujours inférieure à l'avantage qu'aurait procuré cette chance et s'apprécie donc indépendamment du préjudice final ; que si l'existence d'un préjudice est présumé du fait de la concurrence déloyale, le demandeur doit néanmoins prouver la réalité du quantum du préjudice qu'il allègue ; que les éléments d'évaluation transmis par TEDIBER ne se fondent que sur des extrapolations déconnectées de toute réalité ; qu'en effet, le marché sur lequel les parties interviennent est un marché hautement concurrentiel, de sorte que ce qui est gagné par un opérateur n'est pas nécessairement pris à l'autre et qu'une variation des parts de marché respectives du demandeur et du défendeur ne prouve pas, en soi, l'existence d'un lien de causalité entre les pratiques prétendument commises par le défendeur et le préjudice allégué du demandeur ; que le rapport VELTYS OIKO qu'elle a fait établir montre les incohérences du scénario contrefactuel de TEDIBER qui repose sur des éléments factuels erronés ; qu'en effet, le chiffre d'affaires de TEDIBER a très fortement augmenté entre 2018 et 2020 et que son nombre de visiteurs a quasiment doublé ; que ses recettes ont augmenté de 250% entre 2022 et 2023, soit 20 % de croissance en plus par rapport à 2022 ; que les parts de marché d'EMMA et de TEDIBER n'étaient pas équivalentes en 2017 et 2018, l'écart au profit d'EMMA étant déjà très conséquent en 2018; que le marché du matelas en ligne n'est pas bipolarisé mais compte plusieurs autres opérateurs ; qu'entre 2018 et 2020, TEDIBER a augmenté son chiffre d'affaires de 112 %, soit 46 % par an en moyenne, alors que le secteur ne connaissait une croissance que de 8% par an en moyenne pendant cette période et que plusieurs opérateurs reculaient voire quittaient le marché ; qu'entre 2022 et 2023, TEDIBER a enregistré une croissance de 20%; que la croissance d'EMMA n'a pas soudainement augmenté à compter des pratiques critiquées (novembre 2018) ; que TEDIBER n'a pas perdu de parts de marché, sa part de marché n'ayant jamais été aussi élevée qu'entre novembre 2018 et mai 2019 (entre 7,3% et 11,7%) ; qu'il n'y a pas de corrélation entre l'exécution de l'ordonnance de référé (entre octobre 2019 et janvier 2020) et la baisse de parts de marché d'EMMA ; que les paramètres utilisés dans l'estimation du prétendu préjudice de perte de marge sont sans aucune pertinence ; que comme l'a retenu le tribunal, TEDIBER ne donne pas d'explication sur le lien de causalité qui existerait entre les pratiques d'EMMA et la baisse alléguée du taux de conversion de TEDIBER ; que les pratiques promotionnelles d'EMMA n'ont pas d'incidence sur le taux de conversion de TEDIBER ; que le taux de conversion retenu de 2,12 % ne présente aucune fiabilité, étant contredit par les propres écritures de TEDIBER; que le taux de conversion n'est pas fréquemment utilisé pour évaluer les préjudices subis par les opérateurs d'un site internet dans la mesure où les internautes visitent plusieurs sites internet lorsqu'ils sont à la recherche d'un produit de literie ; qu'un taux de conversion peut être en baisse alors que les ventes augmentent ; que le rapport VELTYS OIKO montre qu'il n'y a aucune corrélation entre le taux de conversion de TEDIBER et les pratiques promotionnelles d'EMMA ; que le taux de conversion de TEDIBER avait déjà commencé à chuter en août 2018 et était même tendanciellement à la baisse depuis de nombreux mois avant août 2018 ; que pendant la période d'exécution de l'ordonnance de référé (octobre 2019 ' janvier 2020), le taux de conversion de TEDIBER n'a pas augmenté, n'ayant jamais été aussi bas qu'en octobre 2019 (0.31 %) ; que des périodes de hausse du taux de conversion de TEDIBER sont observées pendant la période des pratiques reprochées à EMMA (mai 2019 par exemple) ; qu'EMMA n'a pas détourné le trafic du site internet de TEDIBER dans la mesure où EMMA et TEDIBER, comme leurs concurrents, ont recours à la pratique de l'achat de mots clefs et aux sites d'affiliation (« sleeps.fr » ou « quelmatelas », « les-matelas.fr ») pour drainer du trafic d'internautes sur leurs sites internet respectifs ; que la baisse du taux de conversion de TEDIBER est liée à des causes extérieures (baisse de la qualité du trafic drainé, élargissement de la gamme de ses produits, concurrence féroce des acteurs du marché du « bed in box » qui pratiquent tous des promotions régulières) ; qu'à l'inverse, l'augmentation du trafic sur le site internet d'EMMA entre janvier et août 2019 est due à une meilleure stratégie marketing d'EMMA comparée à celle de TEDIBER.


La société EMMA conteste par ailleurs le préjudice d'image allégué par TEDIBER, faisant valoir que TEDIBER ne rapporte pas la preuve de l'existence de ce préjudice ni des prétendues dépenses supplémentaires qu'elle a dû engager pour restaurer son image et que le montant exorbitant du prétendu préjudice d'image de TEDIBER ne repose sur aucune méthode sérieuse d'évaluation, rien ne justifiant que le taux de conversion soit une donnée pertinente pour évaluer les dépenses marketing à venir de TEDIBER pour contrecarrer une prétendue atteinte à son image.


Sur le préjudice économique résultant du manque à gagner


Il est rappelé qu'il s'infère nécessairement l'existence d'un préjudice, fût-il seulement moral, d'un acte de concurrence déloyale.


En l'espèce, la société TEDIBER argue à juste raison que les pratiques commerciales trompeuses mises en œuvre par la société EMMA, ayant pour but de capter indûment des clients et donc des parts de marché, constituent également des actes de concurrence déloyale à son égard et ont nécessairement entraîné pour elle, concurrente directe de la société EMMA, un préjudice économique dont il lui appartient de démontrer l'étendue. Ce préjudice est d'autant plus réel qu'en matière de commerce en ligne, le prix ' et donc les promotions ' revêtent une importance fondamentale dans la mesure où, comme le souligne la société TEDIBER, les consommateurs opèrent un choix au sein d'un nombre limité de références parmi lesquelles est généralement mis en avant un produit phare, et ne testent pas les produits avant des acheter, ce qui est d'autant plus vrai pour des produits proposés par des « pure players », telles les parties en litige, qui ne possèdent pas d'espaces de vente.


Le prix des produits et les éventuelles promotions étant des éléments déterminants de l'achat du consommateur, le préjudice résultant des pratiques de la société EMMA pour la société TEDIBER s'analyse en un manque à gagner et non en une perte de chance. Le consommateur étant amené à penser, à tort, que la société EMMA propose des offres mieux-disantes que celles de ses concurrents, ce qui altère substantiellement son comportement à l'achat sur un marché exclusivement en ligne très sensible au prix, son choix se portera sur les produits EMMA plutôt que sur ceux proposés par les concurrents, ce qui a nécessairement un impact sur les ventes, et donc la marge, réalisées par ceux-ci, parmi lesquels la société TEDIBER.


À cet égard, il est de peu d'emport que le chiffre d'affaires de la société TEDIBER ait fortement progressé entre 2019 (13 661 628 ') et 2020 (23 597 757 ') comme le montrent ses comptes annuels pour l'exercice clos au 31 décembre 2020, l'intéressée étant fondée à soutenir que ce chiffre d'affaires, et donc sa marge, auraient été plus importants en l'absence des pratiques litigieuses.


La réparation du préjudice économique résultant d'actes de concurrence déloyale doit rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre concurrentiel détruit par le comportement fautif et replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu. Pour déterminer cette réparation, il est loisible à la victime des actes de concurrence déloyale de proposer une méthode contrefactuelle consistant à tenter de reconstituer la situation économique qui aurait été en l'absence des pratiques litigieuses.


La société TEDIBER invoque en l'occurrence un préjudice de gain manqué en se fondant sur une étude qu'elle a fait réaliser par le cabinet SORGEM EVALUATION, lequel a procédé à la reconstitution de la situation qui aurait été celle de la société TEDIBER en l'absence des pratiques litigieuses, et ce, sur la base d'un taux de conversion (proportion de visiteurs du site internet qui deviennent clients et procèdent à un achat).


Ce rapport relève une faible croissance du nombre mensuel de visiteurs de la société TEDIBER à compter de la fin de l'année 2018, ce qui coïncide au début des pratiques litigieuses, et en même temps une forte hausse du nombre mensuel de visiteurs de la société EMMA, alors que précédemment, en 2017/2018, les deux sociétés connaissaient un trafic équivalent. La société TEDIBER estime que la croissance du nombre de ses visiteurs aurait été beaucoup plus importante en l'absence des pratiques relevées, alors que le marché du « bed in box » était en pleine croissance et qu'elle bénéficiait d'une excellente réputation.


Cependant, la société EMMA montre à partir de sources Google Analytics qu'à partir d'avril 2018, soit avant le début des pratiques incriminées, elle enregistrait un trafic nettement plus important que celui de la société TEDIBER et que celle-ci n'accuse aucun décrochage du trafic à l'automne 2018, alors que les pratiques litigieuses ont commencé. Il ressort en outre de son rapport VELTYS OIKO, non contesté sur ce point, que la société TEDIBER a interrompu, entre août et novembre 2018, ses campagnes de promotion publicitaire à la télévision et en sponsoring (page 8 ; annexe 1 du rapport VELTYS OIKO), ce qui est susceptible d'expliquer le ralentissement du trafic sur son site à cette époque. Ces éléments conduisent à relativiser l'affirmation de la société TEDIBER selon laquelle la faible croissance du trafic sur son site internet à l'automne 2018 est directement liée au début des pratiques litigieuses mises en œuvre par la société EMMA.


Ensuite le rapport SORGEM EVALUATION fait état d'une chute du taux de conversion de la société TEDIBER à compter des pratiques incriminées, selon deux estimations issues de données distinctes. Selon la première estimation, issue du nombre mensuel de commandes TEDIBER comprenant au moins un matelas, tel que recensé par le logiciel de gestion interne de la société, Sylius, et le nombre mensuel de visites du site internet de TEDIBER, issu de SimilarWeb, alors que le taux de conversion contrefactuel de TEDIBER aurait été de 2,12 % sur toute la période novembre 2018 /juillet 2021, il s'est établi en moyenne à 0,70 %, soit une perte de marge de 27,5 millions d'euros ; selon la seconde estimation, issue des mêmes données que précédemment mais recensées par Google Analytics, alors que le taux de conversion contrefactuel de TEDIBER aurait été de 1,18 % sur toute la période novembre 2018 /juillet 2021, il s'est établi en moyenne à 0,45 %, soit une perte de marge de 18,7 millions d'euros.


Ces estimations ne manquent cependant pas de questionner dès lors que ce rapport fait état d'un taux de conversion contrefactuel stable sur toute la période considérée (2,12 % ou 1,18 %) alors même que, selon ces estimations, le nombre de visites sur le site de la société TEDIBER varie de façon substantielle : passant de 252 060 visiteurs en novembredécembre 2018 à 1 868 316 visiteurs en 2019, puis à 2 769 711 en 2020 et à 2 502 361 en janvier / juillet 2021 (estimation 1) ; et de 275 558 visiteurs en novembredécembre 2018 à 2 260 977 visiteurs en 2019 puis à 3 369 185 en 2020 et à 3 559 583 en janvier / juillet 2021 (estimation 2). Or, la société TEDIBER ne s'explique pas sur la stabilité des taux de conversion contrefactuels invoqués sur toute la période considérée alors qu'elle fait état d'un trafic d'intensité variable sur son site sur cette même période. En outre, comme le souligne l'intimée, les propres pièces de la société TEDIBER (sa pièce 38 intitulée « Evolution du taux de conversion de TEDIBER entre janvier 2018 et octobre 2019 ») montrent que la baisse du taux de conversion n'est pas corrélée à une baisse de fréquentation de son site ni à une baisse de chiffre d'affaires, et donc à une baisse de marge (ainsi, il est fait état, par exemple, entre septembre et octobre 2019, d'une substantielle augmentation de la fréquentation du site (149 073 sessions / 296 344 sessions) et des ventes (840 / 924) mais d'une baisse du taux de conversion (0,56 % / 0,31 %)).


En outre, le rapport SORGEM EVALUATION fait état, dans ses deux estimations, de taux de marge sur coûts variables variant de 18,92 % à 35,22 % selon les époques considérées (novembre/ décembre 2019, 2019, 2020, janvierjuillet 2021), la moyenne s'établissant donc à 27,59, sans fournir d'explications sur ces importantes variations.


Par ailleurs, s'il est constant que les sociétés EMMA et TEDIBER sont les deux principaux acteurs du marché en France, la société TEDIBER se revendiquant comme « la première marque française en ligne de produits essentiels pour le sommeil » sur son site internet et la société EMMA étant décrite en 2019 comme « le n° 1 des matelas universels en France » et en janvier 2023 comme « la plus grand marque de literie D2C [direct to customer] au monde » (pièces 1 et 82), le marché du commerce de matelas sur internet n'est pas binaire, la société EMMA justifiant qu'il compte de nombreux opérateurs, y compris sur le segment du « matelas en boîte » qui compte une dizaine de sociétés directement concurrentes (TEDIBER, EMMA, EVE, IIOBED, CASPER, COSME, HYPNIA, BRUNO, SIMBA, TULO (Conforama)'). Ainsi, l'avantage concurrentiel indu que s'est octroyée la société EMMA du fait des pratiques trompeuses ne l'a pas été automatiquement au seul préjudice de la société TEDIBER, et ce d'autant que le consommateur internaute a accès très facilement, par quelques clics seulement, à l'ensemble des offres du marché et que son choix ne se reportera pas systématiquement sur les produits de la société EMMA.


Il sera retenu que la durée des pratiques trompeuses mises en œuvre par la société EMMA, par l'affichage de promotions quasi permanentes, s'est étalée d'octobre 2018 à mai 2021, la période de trois mois correspondant à l'interdiction prononcée en référé (11 octobre 2019 / 11 janvier 2020) ayant été marquée, du moins au cours de la période 6 novembre 2019 / 5 décembre 2019, par la pratique tout aussi trompeuse consistant à prétendre fallacieusement que les produits mis en vente étaient en rupture de stock imminente.


Il résulte des développements qui précèdent que la cour dispose des éléments nécessaires lui permettant d'évaluer le gain manqué subi par la société TEDIBER résultant des pratiques trompeuses mises en œuvre par la société Emma pendant plus de deux ans et demi, à la somme de 2 millions d'euros. Il y a donc lieu de fixer à la somme de 2 millions d'euros la réparation du préjudice économique subi par la société TEDIBER.


Le jugement sera réformé en ce sens.


Sur le préjudice d'image


S'il peut être admis que, comme le soutient la société TEDIBER, la société EMMA a renforcé indûment son « image prix » et son attractivité auprès des consommateurs du fait des pratiques déloyales constatées, il ne s'en infère pas nécessairement que la société TEDIBER a corrélativement souffert d'un préjudice d'image.


Les pratiques litigieuses ne visaient pas, en effet, à porter atteinte à l'image ou au crédit de la société TEDIBER ou de ses produits mais seulement à acquérir des parts de marché supplémentaires en captant des clients par la mise en œuvre d'une politique de promotions illicite et n'ont pas pris la forme de dénigrement des produits TEDIBER ou de comparaisons illicites avec les produits ou les prix de cette dernière. La société TEDIBER affirme, mais sans le démontrer, que du fait des pratiques litigieuses, « le consommateur n'a plus confiance dans le fait que Tediber répond à sa promesse de proposer un juste prix/un bon rapport qualité-prix » (rapport SORGEM), ce qui ne résulte pas, en soi, des pratiques de prix constatées de la société EMMA.


Au demeurant, la société TEDIBER ne justifie pas qu'elle a dû engager des dépenses particulières pour restaurer une image qui aurait été dégradée du fait des pratiques commerciales déloyales déployées par sa concurrente, ni même n'explicite les actions qui seraient nécessaires au rétablissement de son image.


Et elle ne convainc pas en expliquant que le taux de conversion ' soit, la proportion de visiteurs d'un site de e-commerce qui deviennent des clients en procédant à un acte d'achat ' notion qu'elle invoque pertinemment au soutien de sa demande au titre du préjudice économique, constituerait un indicateur pertinent pour apprécier l'étendue du préjudice d'image dont l'existence n'est pas même démontrée.


Enfin, il n'est pas contesté que malgré les pratiques litigieuses, la société TEDIBER a connu une forte progression de son chiffre d'affaires entre 2018 et 2020, ce qui est de nature à établir qu'elle n'a pas souffert d'un préjudice d'image.


Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société EMMA à payer à la société TEDIBER la somme de 500 000 euros en réparation du préjudice d'image du fait des pratiques commerciales déloyales et la société TEDIBER sera déboutée de sa demande formée de ce chef.


Sur les mesures complémentaires


En tant que de besoin, le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné à la société EMMA, sous astreinte, de cesser d'attirer les consommateurs en leur faisant croire que les codes promotionnels leur offrent un avantage tarifaire alors qu'ils sont proposés ou appliqués de manière successive et quasi permanente, de sorte qu'ils ne reposent sur aucun prix de référence réel.


Il sera également confirmé en ce qu'il a ordonné, aux frais de la société EMMA, sous astreinte, la publication du dispositif du jugement en page d'accueil des sites Internet htts://www.emma-matelas.fr, https://www.emma.fr et https://www.top5meilleursmatelas.fr, cette mesure étant adaptée aux faits litigieux et proportionnée.


Le préjudice de la société TEDIBER étant ainsi suffisamment réparé, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande tendant à ordonner à la société EMMA, sous astreinte, « d'espacer toute annonce de réduction de prix pour un même produit de 30 jours ».


Sur les demandes de la société EMMA dirigées contre la société TEDIBER


La société EMMA soutient que la société TEDIBER pratique elle-même des promotions permanentes. Elle soutient, de première part, qu'elle a mis en place, au mois de juillet 2019, une promotion intitulée « l'incroyable semaine Tediber », présentant chaque jour, sous le titre trompeur « aujourd'hui », l'offre de deux oreillers pour l'achat d'un matelas et d'un sommier, promotion qu'elle a étendue au mois d'août 2019 pour la désigner comme « le mois incroyable Tediber » et qui perdurait encore en septembre 2019 et en novembre 2019 sous la dénomination « le mois incroyable Tediber ' aujourd'hui, pour l'achat d'un matelas Tediber et d'un sommier : 2 oreillers offerts (d'une valeur de 170 Euros) » ; que la promotion du « jour » (« aujourd'hui ») a duré au minimum 10 mois, entre juillet 2019 et mars 2020 ; qu'ainsi, l'offre de vente avec prime est présentée comme temporaire, ce qui incite le consommateur, qui pense qu'il ne dispose que d'une journée pour se décider à acheter un matelas, voire un sommier, et obtenir un ou deux oreillers en prime, à une prise de décision immédiate alors que l'offre se poursuit en réalité dans le temps ; que la décision d'achat du consommateur est nécessairement altérée ; que de deuxième part, la société TEDIBER a laissé croire faussement que ses matelas étaient fabriqués en France, en reproduisant un drapeau français et en utilisant les expressions « marque française » ou « designé en France » ou « fabriqué près de chez vous » ou encore « première marque française de matelas 100% en ligne », alors que ses matelas sont fabriqués en Belgique ; que ces allégations sont de nature à altérer le comportement du consommateur, alors que l'achat local/français est de nos jours un critère dans la prise de décision d'achat du consommateur français ; que A se prévalait d'ailleurs de cet argument trompeur à titre de comparaison avec EMMA (« nous sommes français alors qu'Emma est une marque allemande ») ; que l'allégation « première marque française de matelas 100% en ligne » est d'ailleurs fausse puisque une marque française « HYPNIA » a été déposée avant la marque de TEDIBER ; que, de troisième part, TEDIBER a fait faussement état de sa position de leader de la vente de matelas en ligne en France, alors que les matelas EMMA ont été classés en 2018 , 2019 et 2020 devant ceux de TEDIBER et qu'il existe sur le marché des concurrents français (comme la société MALITERIE) qui réalise des chiffres d'affaires supérieurs ; que cette allégation est de nature à altérer substantiellement le comportement économique du consommateur ; que ces comportements sont constitutifs d'actes de concurrence déloyale commis à son préjudice.


La société TEDIBER répond que ses ventes avec prime sont licites ; que les ventes avec prime ne sont pas en tant que telle déloyales ; que EMMA ne démontre pas en quoi ses offres seraient trompeuses et déloyales, ni qu'elle seraient susceptibles d'altérer substantiellement le comportement économique du consommateur ; que l'offre de deux oreillers offerts n'incite pas les consommateurs à effectuer un investissement conséquent portant sur un matelas et un sommier ; qu'il en est de même, de l'offre d'un oreiller pour l'achat d'un matelas, et ce, alors que le taux de renouvellement des matelas en France est de 13 ans, et celui des oreillers plutôt de 2 ans ; que la perspective d'avoir un ou deux oreillers offerts ne peut donc pas inciter les consommateurs à acheter un matelas et un sommier ; que TEDIBER revendique à juste titre l'origine belge de ses produits et le fait qu'elle est une société française et qu'à aucun moment, il n'a été prétendu que ses produits étaient fabriqués en France ; que ses communications avec le terme « leader » ne sont pas fautives, compte tenu du caractère hyperbolique vague et usuel de ce terme ; qu'elles ne sont pas en soi déloyales, ni susceptibles d'altérer le comportement économique du consommateur.


Sur la pratique déloyale consistant à proposer de prétendues promotions de manière constante


En application de l'article L. 121-19 du code de la consommation🏛, « Est interdite toute vente ou offre de vente de produits ou de biens ou toute prestation ou offre de prestation de services faite aux consommateurs et donnant droit, à titre gratuit, immédiatement ou à terme, à une prime consistant en produits, biens ou services dès lors que la pratique en cause revêt un caractère déloyal au sens de l'article L. 121-1 ».


Il ressort des captures d'écran du site www.tediber.fr et des procès-verbaux d'huissiers de justice des 6, 7, 8 novembre 2019, 14 février 2020 et 2 mars 2020 produits par la société EMMA (pièces 2, 39, 41, 46) que la société TEDIBER a proposé à partir du 22 juillet 2019 une vente avec prime intitulée « L'incroyable semaine Tediber ' Aujourd'hui pour l'achat d'un matelas Tediber et d'un sommier : 2 OREILLERS OFFERTS (d'une valeur de 170 euros) » ; que cette offre s'est prolongée jusqu'au 31 juillet 2019 ; qu'elle a été suivie à compter du 2 août 2019 d'une campagne « L'incroyable mois Tediber ' Aujourd'hui pour l'achat d'un matelas Tediber et d'un sommier : 2 OREILLERS OFFERTS (d'une valeur de 170 euros) », laquelle était encore affichée sur le site le 8 novembre 2019 ; que le 14 février 2020, était annoncée une offre « 1 MATELAS TEDIBER ACHETE + 1 SOMMIER = 2 OREILLERS OFFERTS D'UNE VALEUR DE 170 EUROS » ; que cette annonce sans indication temporelle était toujours visible le 2 mars 2020, date à laquelle était également proposée l'offre « 1 MATELAS TEDIBER ACHETE - 1 OREILLER OFFERT D'UNE VALEUR DE 85 EUROS ».


L'offre « L'incroyable semaine Tediber' » annoncée comme hebdomadaire, nonobstant l'emploi du terme « aujourd'hui » que le consommateur comprendra comme « en ce moment », c'est-à-dire pendant cette semaine, s'est prolongée jusqu'au 31 juillet 2019, ce qui est globalement conforme à l'annonce.


Le fait de proposer deux oreillers offerts pour l'achat d'un ensemble matelas + sommier prétendument pendant un mois alors que l'offre s'est prolongée en réalité pendant plus de trois mois ne revêt pas en soi un caractère déloyal au sens de l'article L. 121-4-7° précité du code de la consommation dès lors qu'elle ne vise pas à « obtenir une décision immédiate et priver les consommateurs d'une possibilité ou d'un délai suffisant pour opérer un choix en connaissance de cause », eu égard à la modicité de la prime offerte (2 oreillers d'une valeur de 170 euros) par rapport au prix de l'ensemble matelas + sommier (près de 1 000 '). Il ne peut être sérieusement soutenu que l'offre de deux oreillers (170 ') incite les consommateurs à effectuer un investissement conséquent de près de 1 000 euros portant sur un matelas et un sommier. Pour cette même raison, la société EMMA ne démontre pas que le comportement économique du consommateur soit substantiellement altéré, ou seulement susceptible de l'être, par la promotion contestée.


Les offres sans indication de durée portant sur la gratuité d'un ou deux oreillers pour l'achat, respectivement d'un ensemble matelas + sommier ou seulement d'un matelas ne sont pas déloyales en soi et, pour les raisons qui viennent d'être exposées, il n'est pas démontré qu'elles modifient ou soient susceptibles de modifier le comportement économique du consommateur.


La demande de la société EMMA de ce chef, sur laquelle le tribunal ne s'est pas prononcé, sera en conséquence rejetée.


Sur la fausse indication de l'origine des produits


Il ne résulte pas des pièces fournies par la société EMMA que la société TEDIBER, dont le siège social est situé en France, a revendiqué l'origine française de ses produits, mais seulement l'origine française de la marque sous laquelle elle commercialise lesdits produits, ce qui n'est pas inexact, ou le fait que ses produits sont designés en France, allégation dont la fausseté n'est pas démontrée.


Le caractère trompeur de l'indication « première marque française de matelas 100% en ligne » n'est pas établi, nonobstant le dépôt d'une marque « HYNDIA » en février 2015, soit quelques mois avant le dépôt de la marque semi-figurative de la marque n° 4190420 déposée par la société TEDIBER en juin 2015, dans la mesure où il n'est pas contesté que la société appelante a été l'initiatrice du marché du matelas en boîte en France. Il n'est en tout état de cause pas démontré que cette allégation altère ou est susceptible d'altérer le comportement économique du consommateur.


Enfin, il est constant que la société TEDIBER a modifié son site internet afin d'indiquer désormais expressément que ses produits sont fabriqués en Belgique.


Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de ce chef.


Sur l'indication trompeuse de la qualité de leader du marché


La société EMMA ne démontre pas que la revendication de la qualité de « leader », terme hyperbolique et usuel dans le monde des affaires, soit de nature à altérer le comportement du consommateur en l'amenant à prendre une décision d'achat qu'il n'aurait pas prise autrement.


Le jugement sera donc également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de ce chef.


Sur les frais irrépétibles et les dépens,


La société EMMA, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.


La somme qui doit être mise à la charge de la société EMMA au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société TEDIBER peut être équitablement fixée à 40 000 ', cette somme complétant celle allouée en première instance.



PAR CES MOTIFS,


Confirme le jugement sauf en ce qu'il a :


débouté la société TEDIBER de sa demande en réparation de son préjudice économique résultant des pratiques commerciales déloyales ;

condamné la société EMMA au paiement à la société TEDIBER de la somme de 500 000 euros en réparation du préjudice d'image du fait de pratiques commerciales déloyales ;


Statuant à nouveau des chefs infirmés,


Condamne la société EMMA à payer à la société TEDIBER la somme de deux millions d'euros en réparation de son préjudice économique résultant des pratiques commerciales déloyales ;


Déboute la société TEDIBER de sa demande en réparation de son préjudice d'image résultant des pratiques commerciales déloyales ;


Y ajoutant,


Déboute la société TEDIBER de sa demande tendant à ce qu'il soit ordonné à la société EMMA, sous astreinte, « d'espacer toute annonce de réduction de prix pour un même produit de 30 jours »,


Déboute la société EMMA de sa demande relative aux prétendues promotions permanentes mises en œuvre par la société TEDIBER,


Condamne la société EMMA aux dépens d'appel et au paiement à la société TEDIBER de la somme de 40 000 ' en application de l'article 700 du code de procédure civile.


LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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