Jurisprudence : TA Toulon, du 03-04-2025, n° 2203422


Références

Tribunal Administratif de Toulon

N° 2203422

3ème chambre
lecture du 03 avril 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire et des pièces complémentaires, enregistrés le 7 décembre 2022, le 26 septembre 2024 et le 27 septembre 2024, M. A B, représenté par Me Sautereau, demande au tribunal :

1°) d'annuler le compte-rendu de son évaluation professionnelle au titre de l'année 2021 ;

2°) d'annuler la décision de la directrice générale du centre national de gestion (CNG) des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière du 23 mars 2022 ;

3°) d'annuler les décisions du directeur du centre hospitalier (CH) Henri Guérin du 5 avril 2022 et du 4 octobre 2022 portant modification de son évaluation ;

4°) d'enjoindre à la directrice générale du CNG, ou à défaut au directeur du CH Henri Guérin, de réexaminer sa situation ;

5°) de mettre à la charge du CH Henri Guérin et du CNG la somme de 2 000 euros chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Il soutient que :

- la décision du 23 mars 2022 est entachée d'incompétence négative ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'évaluation établie le 21 décembre 2021 et les décisions du 5 avril 2022 et du 4 octobre sont entachées d'incompétence ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2023, le CH Henri Guérin, représenté par Me Magnaval, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions à fin d'annulation du compte-rendu d'évaluation dans ses versions établies le 21 décembre 2021 puis le 5 avril 2022 sont irrecevables dès lors que la dernière version de ce compte-rendu a entraîné le retrait des versions précédentes ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2024, la directrice générale du CNG des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les conclusions à fin d'annulation de la décision du 23 mars 2022 sont irrecevables ;

- le moyen tiré de l'incompétence du directeur du CH n'est pas fondé ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986🏛 ;

- le décret n° 2020-719 du 12 juin 2020🏛 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Montalieu, conseillère,

- les conclusions de M. Kiecken, rapporteur public,

- et les observations de Me Sautereau, avocat du requérant, et de Me Blanchard, substituant Me Magnaval, représentant le CH Henri Guérin ;

- la directrice générale du CNG n'étant ni présente, ni représentée.

Une note en délibéré, présentée par le requérant, a été enregistrée le 18 mars 2025.

Considérant ce qui suit :

1. M. B, directeur d'hôpital hors classe, a exercé les fonctions de directeur adjoint-directeur des ressources humaines à l'hôpital Henri Guérin de Pierrefeu-du-Var à compter du 1er septembre 2020. Le 30 novembre 2021, il a bénéficié d'un entretien professionnel au titre de l'année 2021 conduit par le directeur d'établissement. Le compte-rendu de cet entretien professionnel a été signé par le directeur d'établissement le 21 décembre 2021 et par M. B le 27 décembre suivant. Par des courriers du 30 décembre 2021 et du 31 janvier 2022, M. B a formé une demande de révision de ce compte-rendu auprès de la directrice générale du CNG des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière. Par une décision du 23 mars 2022, la directrice générale a fait droit partiellement à sa demande et a demandé au directeur d'établissement de procéder aux modifications. Le compte-rendu modifié a été établi le 5 avril 2022. Par un courrier du 14 avril 2022, M. B a formé un recours auprès de la commission administrative paritaire nationale (CAPN). Par un avis du 22 septembre 2022, la CAPN a proposé de nouvelles modifications du compte-rendu. Par une décision 4 octobre 2022, le directeur d'établissement a donné une suite favorable à cet avis et a modifié le compte-rendu.

Sur les fins de non-recevoir opposées en défense :

2. D'une part, aux termes de l'article 12 du décret du 12 juin 2020🏛 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de la fonction publique hospitalière : " I. - L'autorité compétente pour conduire l'entretien professionnel annuel est : / () 3° Le directeur d'établissement pour les directeurs adjoints () ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 14 du même décret : " Un recours individuel sur l'évaluation peut être présenté par les personnels de direction ou les directeurs des soins auprès du directeur général du Centre national de gestion dans un délai de quinze jours à compter de la notification à l'agent du compte rendu de l'entretien. / La commission administrative paritaire nationale du corps peut, à la demande de l'intéressé et sous réserve qu'il ait au préalable exercé la demande de révision mentionnée à l'alinéa précédent, proposer au directeur général du Centre national de gestion la modification du compte rendu de l'entretien professionnel. Dans ce cas, communication doit être faite à la commission de tous les éléments utiles d'information. La commission administrative paritaire doit être saisie dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de la réponse du directeur général du Centre national de gestion dans le cadre de la demande de révision. ".

4. En premier lieu, d'une part, il ressort des pièces du dossier que les versions du compte-rendu d'entretien en date du 5 avril 2022 et du 4 octobre 2022, faisant suite aux recours formés par M. B auprès de la directrice générale du CNG puis de la CAPN, procèdent à quelques modifications du compte-rendu initial. Dans ces conditions, l'établissement de versions modifiées du compte-rendu ne saurait avoir eu pour effet de fait disparaître de l'ordonnancement juridique les versions précédentes. D'autre part, le recours prévu par les dispositions citées au point 3 n'institue pas un recours administratif préalable obligatoire, de sorte que les versions du compte-rendu établies à l'issue de ces recours ne se sont pas substituées à la version initiale. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que la version initiale du compte-rendu et celle établie le 5 avril 2022 ne sont pas susceptibles de recours en raison de leur retrait doit être écartée.

5. En second lieu, il ressort des pièces du dossier, que, par sa décision du 23 mars 2022, la directrice générale du CNG a imposé à l'évaluateur de M. B de procéder aux modifications qu'elle a retenues et d'établir un " nouveau support corrigé ". Le caractère contraignant de la décision prise par la directrice sur le recours individuel est d'ailleurs expressément mentionné par l'instruction n° CNG/DH/D3S/DS/2021/129 du 17 juin 2021, publiée au bulletin officiel santé du 30 juillet 2021. Dans ces conditions, la directrice générale du CNG n'est pas fondée à soutenir que sa décision, qui s'apparente à une décision prise sur recours hiérarchique, n'est qu'un préalable à la saisine de la CAPN et que le contenu de l'évaluation de M. B relève exclusivement des décisions du directeur d'établissement. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que la décision du 23 mars 2022 n'est pas susceptible de recours doit être écartée.

Sur le moyen commun à l'ensemble des décisions et comptes-rendus attaqués :

6. Pour contester son évaluation, M. B fait valoir qu'il n'a pas été tenu compte du contexte de l'établissement dans lequel il a pris ses fonctions tenant à une situation dégradée de gestion des ressources humaines, administrative et financière. Toutefois, l'évaluation du requérant fait expressément état de l'existence de tensions au sein de l'établissement, notamment consécutives à la crise sanitaire liée au covid-19, impactant significativement la gestion des ressources humaines et engendrant un contexte complexe en particulier en phase de prise de fonctions. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'évaluation du requérant aurait été décorrélée de la situation de l'établissement. Par ailleurs, si M. B fait valoir que l'évaluation contestée est intervenue dans un contexte d'animosité et d'humiliation de la part du directeur d'établissement à son égard, ce contexte n'est pas établi par les pièces du dossier. En outre, M. B soutient qu'il a atteint l'ensemble des objectifs qui lui ont été assignés au regard du travail fourni et critique en particulier l'appréciation portée sur les objectifs 2, 3 et 5 dont le niveau de réalisation a été fixé à " partiellement atteint ". Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, pour ces objectifs, l'évaluation tient compte tant du travail accompli par M. B que des difficultés rencontrées et des politiques restant à mener à terme. Enfin, pour critiquer l'appréciation générale sur sa manière de servir et sur les compétences mises en œuvre durant l'année 2021, le requérant conteste tout d'abord la mention relative à la pluralité d'entretiens effectués avec le chef d'établissement à son arrivée. Toutefois, cette mention permet de contextualiser sa prise de fonctions dans un nouvel établissement. En faisant valoir que ses objectifs n'ont été fixés qu'en avril 2021, que son travail a été consacré en grande partie à la gestion de la crise sanitaire et qu'il ne dispose pas des moyens humains suffisants, alors que le CH précise en défense que sa direction est composée d'un attaché, de deux adjoints des cadres, d'un cadre de santé et de cinq adjoints administratifs, les éléments apportés par M. B ne permettent pas de remettre sérieusement en cause la mention selon laquelle il n'a pas mené à bien les chantiers prioritaires, qui est en cohérence avec les commentaires figurant dans le bilan des résultats. Le requérant n'apporte pas non plus d'éléments probants pour remettre en cause le caractère " parfois complexe " de ses relations avec les syndicats et corroboré par des courriers circonstanciés produits par le CH. La circonstance qu'il ait mené à bien plusieurs missions et projets ne permet pas à elle-seule de sérieusement contredire les points d'amélioration qui lui ont été soumis tenant à développer son sens de l'initiative et à poursuivre l'acquisition d'une vision stratégique et pluriannuelle de son action. En se prévalant de la régularité des réunions avec ses collaborateurs et des relations conflictuelles préexistantes dans son service, le requérant ne critique pas sérieusement l'invitation à soumettre davantage la pertinence de ses analyses à l'ensemble de ses collaborateurs et interlocuteurs et dont le CH justifie de l'intérêt par les pièces qu'il produit. Par suite, M. B n'est pas fondé à soutenir que son évaluation au titre de l'année 2021 et les décisions prises sur ses recours administratifs sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur le vice propre de la décision du 23 mars 2022 :

7. Il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3 que, d'une part, l'autorité compétente pour conduire l'entretien professionnel et procéder à l'évaluation d'un directeur adjoint est le directeur d'établissement et que, d'autre part, le directeur général du CNG est compétent pour statuer sur la demande de révision présentée par un directeur adjoint sur son évaluation. Par suite, M. B, qui se prévaut d'anciennes dispositions, lesquelles prévoyaient une répartition des compétences différentes, n'est pas fondé à soutenir que la décision du 23 mars 2022 est entachée d'incompétence négative.

Sur le vice propre du compte-rendu initial et des comptes-rendus modifiés en date du 5 avril 2022 et du 4 octobre 2022 :

8. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 7, M. B n'est pas fondé à soutenir que le directeur d'établissement était incompétent pour procéder à son évaluation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que l'ensemble des conclusions à fin d'annulation présentées par M. B doivent être rejetées, ainsi que par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CH Henri Guérin, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande le requérant au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. B une quelconque somme au titre des frais exposés par le CH Henri Guérin et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le CH Henri Guérin sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. A B, au centre hospitalier Henri Guérin et à la directrice générale du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière.

Délibéré après l'audience du 13 mars 2025, à laquelle siégeaient :

M. Didier Sabroux, président,

M. Zouhaïr Karbal, conseiller,

Mme Mathilde Montalieu, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025.

La rapporteure,

Signé

M. MONTALIEU

Le président,

Signé

D. SABROUX

La greffière,

Signé

F. POUPLY

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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