AVIS DE Mme PICOT-DEMARCQ, AVOCATE GÉNÉRALE RÉFÉRENDAIRE
Arrêt n° 133 du 5 mars 2025 (FS-B) –
Première chambre civile Pourvoi n° 23-10.360⚖️ Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble du 27 septembre 2022 M. [B] [G] C/ Mme [M] [U] _________________
Faits et procédure [N] [D], veuve [G], est décédée le 15 novembre 2012, en laissant pour lui succéder ses deux fils, M. [B] [G] et [Y] [G]. Par courriers des 4, 13 mars et 3 mai 2014, M. [B] [G] a tenté de régler avec son frère diverses difficultés liées à la liquidation de la succession et, entre autres, lui a demandé de préciser l'identité des organismes destinataires de chèques débités, en 2011 et en 2012, du compte dont leur mère était titulaire, et sur lequel M. [Y] [G] bénéficiait d'une procuration. L'actif successoral était essentiellement composé d'une maison qui a été vendue le 8 décembre 2014 par le ministère de Maître [R], notaire, laquelle a, sur sollicitation de
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M. [B] [G], consigné à la Caisse des dépôts et des consignations une partie du prix de vente. Un jugement du 16 novembre 2017 a rejeté la demande de [Y] [G] en dé-consignation de cette somme. [Y] [G] est décédé le 9 février 2018, en laissant pour lui succéder Mme [M] [U] épouse [I], qu'il a instituée légataire universelle. Par actes des 13 janvier et 17 janvier 2020, M. [B] [G] a assigné Mmes [R] et [U], en constatation d'un recel successoral commis par [Y] [G] et dé-consignation de la somme séquestrée. Faisant droit sur ce point à des conclusions d'incident de Mme [U], une ordonnance du juge de la mise en état a constaté la prescription de l'action en recel successoral et en conséquence, déclaré irrecevable la demande formée à son encontre par M. [B] [G] à ce titre. Sur appel de M. [B] [G], cette ordonnance a été confirmée par un arrêt du 27 septembre 2022. C'est l'arrêt attaqué par M. [B] [G] qui développe un moyen divisé en deux branches.
Moyen de cassation Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir constaté la prescription de l'action en reconnaissance de recel successoral, en conséquence d'avoir déclaré un héritier réservataire (M. [B] [G]) irrecevable en sa demande dirigée à ce titre contre la légataire universelle (Mme [U]) de son cohéritier ; ALORS QUE l'héritier qui a recelé des biens ou des droits est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, de sorte que cette sanction ne peut être mise en œuvre que pour autant que l'héritier dispose encore de la faculté d'option ; qu'en déclarant la prescription de droit commun de cinq ans applicable à l'action en reconnaissance d'un recel successoral, pour la raison qu'aucun texte spécial ne régissait la prescription extinctive de cette action, quand le recel emporte déchéance du droit d'option, de sorte que l'action en recel successoral se prescrit de la même manière que l'option successorale, c'est-à-dire au terme d'un délai de dix ans pour les successions ouvertes après le 1er janvier 2007, la cour d'appel a violé les
articles 768, 773, 778 et 780 du code civil🏛🏛🏛🏛 dans leur rédaction issue de la
loi n° 2006 -728 du 23 juin 2006🏛 ; ALORS QUE, en toute hypothèse, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en faisant courir le délai de prescription de droit commun à compter du 4 mars 2014, date à laquelle l'héritier avait sollicité auprès de son frère, bénéficiaire d'une procuration, des explications sur les
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organismes destinataires de cinq chèques débités du compte de la défunte en 2011 et de six autres établis en 2012, pour la raison que, à cette date, « il avait détecté (…) des mouvements considérés comme suspects », sans constater qu'il aurait été également convaincu, ou aurait dû l'être, de l'intention de son cohéritier de porter atteinte à l'égalité du partage, une demande de reddition de compte n'impliquant pas d'emblée connaissance d'une intention frauduleuse, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'
article 2224 du code civil🏛.
Discussion « Ô l'amour d'une mère, amour que nul n'oublie ! (...) Chacun en a sa part et tous l'ont en entier1 ». Ces vers de Victor Hugo ne peuvent que laisser rêveurs les praticiens du droit des successions, lesquels veillent à l'égalité dans le partage. Le principe de l'égalité dans le partage entre les héritiers lors des opérations de compte, liquidation et partage d'une succession - hier égalité en nature, et désormais, égalité en valeur2- constitue une règle impérative posée par l'
article 826 du code civil🏛. C'est pour protéger ce principe essentiel du droit des successions, que le législateur a entendu sanctionner le recel successoral, compris comme toute manoeuvre dolosive, toute fraude commise sciemment et qui a pour but de rompre l'égalité du partage, quels que soient les moyens employés pour y parvenir, que ce soit par l'enlèvement secret de biens au domicile du de cujus (Cass. req., 5 août 1869, DP 1870, I, p. 84 ; Cass. civ., 28 oct. 1907, DP 1910, I, p. 292), la confection d'un faux testament instituant le faussaire légataire universel (Cass. civ., 15 avr. 1890, DP 1890, I, p. 437 ; Cass. req., 5 févr. 1895, DP 1895, I, p. 200 ; Cass. req., 24 oct. 1932, DH 1932, p. 537 ; Cass. 1re civ., 4 déc. 1956, JCP G 1959, II, n° 11141), la dissimulation d'une donation par un héritier (Cass. civ., 11 juill. 1893, DP 1893, I, p. 561. V., Cass. 1re civ., 19 juill. 1989, n°88-11.323, Bull. civ. I, n° 300, RTD civ. 1992, p. 424, obs. Patarin J., Defrénois 1989, art. 34663, note Champenois G.) 3- à considérer toutefois que celle-ci soit rapportable ou réductible (1re Civ., 20 octobre 2010, pourvoi n° 0916.157, Bull. 2010, I, n° 211 et 1re
Civ., 26 janvier 2011, pourvoi n° 09-68.368⚖️, Bull. 2011, I, n° 19 - ou encore l'omission intentionnelle d'un héritier (1re
Civ., 20 septembre 2006, pourvoi n° 04-20.614⚖️, Bull. 2006, I, n° 415).
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V. Hugo, Les feuilles d'automne (1831), I
Répertoire de droit civil - Partage judiciaire – Réalisation du partage – Claude Brenner – Octobre 2020 (actualisation : Mai 2024). 2
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Du domaine et de la sanction du recel en droit patrimonial de la famille - Rodolphe MÉSA, Maître de conférences à l'Université du Littoral, PRES Lille-Nord de France, À propos de Cass. 1re civ., 26 janv. 2011, no 09-68.368, P+B+I ; Cass. 1re civ., 4 mai 2011, no 10-15.787, P+B+I
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L'article 778 du code civil4 prévoit les sanctions appliquées au receleur, selon une rédaction reprise de l'ancien
article 792 de ce code🏛, auquel le législateur, par la loi du 23 juin 2006, a ajouté diverses précisions relatives notamment à l'hypothèse de la dissimulation d'une donation rapportable ou réductible. L'héritier receleur se voit sanctionné à un double titre puisqu'il est d'une part, déchu de l'option héréditaire et déclaré acceptant pur et simple de la succession -au risque, le cas échéant, de se trouver contraint de payer sur son propre patrimoine les dettes du défunt5 -, et d'autre part, privé de tous droits sur les biens détournés, jusqu'à se trouver tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession. Reste que le législateur, quoiqu'attentif au temps successoral et déterminé à hâter le cours du règlement des successions (V. loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités), dans le cadre d'une évolution générale favorable à l'abrégement des délais de prescription (V.
loi n° 2008-561 du 17 juin 2008🏛 portant réforme de la prescription en matière civile), n'a jamais pris le soin de préciser le délai de prescription de l'action en recel successoral. Il était auparavant jugé, ainsi que relevé au rapport, que l'action en recel successoral se prescrivait « par le laps de temps de trente années, comme se prescrivent en général, toutes actions réelles ou personnelles, aux termes de l'art. 2262 du code nap.».6 Toutefois, saisie de successions ouvertes avant le 1er janvier 2007, notre Cour a pu laisser paraître qu'elle n'appliquait pas à la prescription de l'action en recel successoral, le délai de droit commun de trente ans de l'ancien
article 2262 du code civil🏛, mais qu'elle le calquait plutôt sur la prescription du droit d'option, dont la durée, était sous l'empire de l'ancien
article 789 du code civil🏛, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006, « du laps de temps requis pour la prescription la plus longue des droits immobiliers », soit, et sauf causes d'interruption et de suspension...de trente ans (1re
Civ., 22 juin 2016, pourvoi n°15-12.705⚖️ ; 1re
Civ., 12 février 2020, pourvoi n°19-11.668⚖️, cités au rapport). La Cour n'a toutefois jamais eu à connaître de la question du délai de prescription de l'action en recel successoral s'agissant de successions ouvertes après le 1 er janvier 2007, concernées, en application de l'article 780 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 23 juin 2006, par un délai d'option ramené à dix ans à compter de l'ouverture de la succession, et, a fortiori, après l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin
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V.
art.1477 du même code🏛 s'agissant du recel de communauté par un époux.
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V.Revues Droit de la famille n° 4 du 01 avril 2020 Recel successoral - Maintien de la prescription trentenaire sous l'empire de l'ancien droit - Commentaire par Marc Nicod et Alex Tani. 6
Civ. 17 avril 1867, DP 1867.1.247, cité par JurisClasseur Notarial Formulaire V° Partage Fasc. 350 : PARTAGE. – Partage de succession. – Recel - Dernière mise à jour : 24 mai 2023 Marie-Cécile Forgeard - Ancien notaire, Ancien Rédacteur en chef du Répertoire Defrénois.
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2008, laquelle a limité à cinq ans le délai de prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil. Dans ces conditions, deux options s'offrent à vous : consacrer la solution tendant à calquer le délai de prescription de l'action en recel successoral sur la prescription du droit d'option désormais de dix ans - en tirant les conséquences du lien existant entre option héréditaire et action successorale - ou soumettre au contraire l'action en recel successoral au délai de droit commun de cinq ans de l'article 2224 du code civil. Les arguments plaidant en faveur de la première de ces deux solutions sont aussi nombreux qu'est étroit le lien existant entre option héréditaire et action successorale. On enseigne tout d'abord que l'action qui sanctionne le recel successoral n'appartient qu'à l'héritier, contre lequel la fraude a été ourdie, « à l'exclusion de toute autre personne »7 : de même que seul un héritier, en application des dispositions de l'article 792, devenu 778 du code civil - entendu au sens large, comme englobant tout ayant cause à titre universel, dont la qualité résulte de la loi ou des dispositions testamentaires8- peut commettre un recel successoral, l'on répète que seul un héritier peut en être victime. Ce lien étroit entre option héréditaire et action successorale justifie que passé le délai d'option, l'héritier inerte, qui n'a pas pris partie et ne peut plus le faire, et qui est alors considéré comme définitivement renonçant, ne soit plus recevable ni à réclamer la succession à laquelle il était appelé, ni à intenter une action en recel successoral. Sauf, pour celui qui se prévaut de sa qualité d'héritier, à justifier que lui-même ou celui ou ceux dont il tient cette qualité ont accepté cette succession avant l'expiration de ce délai en application des dispositions de l'
article 781 du code civil🏛, la perte de la vocation héréditaire - pour soi-même, ainsi que pour ses ayants-droits - rend irrecevable à mettre en oeuvre l'article 778 du code civil, dès lors que le recel successoral implique nécessairement que la personne qui s'en prévaut ait elle-même la qualité d'héritier et ait ainsi vocation à être appelée au partage successoral (voir 1re
Civ., 28 janvier 2009, pourvoi n° 07-19.573⚖️, Bull. 2009, I, n° 19). L'on aurait pu imaginer qu'au même titre que l'action en partage 9, ou que l'action en pétition d'hérédité - intentée lorsqu'une personne prétend que ses droits héréditaires n'ont pas été respectés - l'action en recel successoral intentée par un héritier présomptif puisse valoir, selon l'appréciation souveraine des juges du fond, acceptation tacite d'une succession au sens des dispositions de l'article 782 du code
La qualité d'héritier replacée au cœur de l'action pour recel successoral, Guillaume Chaucat-Rozier, Notaire assistant, Étude Saintamon (La Réunion), sous Cass. 1re civ., 28 janv. 2009, nº 07-19.573, P+B. 7
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Cass. 1re civ., 20 oct. 2010, n°09-16.157, Bull. civ. I, n° 211, JCP N 2011, n° 17, 1143.
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Civ, 3 mai 1865, D.P. 1865, 1, 153 et S. 1865, 1, 311 ; Req, 19 mai 1888, D.P. 1890, 1, 341 ; Req, 14 avril 1899, D.P. 1899, 1, 401 et S. 1899, 1, 439 ; Civ, 26 mars 1902, D.P. 1902, 1, 255 ; Com, 9 février 1949, S. 1952, 1, 17 et JCP 1949, II, 4822 ; Civ, 1ère, 6 juin 1984, B. n° 190 et D. 1985, IR. 306,
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civil. La question ne se pose toutefois pas, puisque l'action en recel successoral justifie, pour être recevable, de voir introduite une action concomitante en partage 10. L'insertion de l'article 792, devenu 778 du code civil, au sein du chapitre IV « de l'option de l'héritier » du titre premier « des successions », signe, sans doute le lien intime existant aux yeux du législateur, entre vocation héréditaire et recel successoral. Mais d'autres considérations plaident au contraire pour une autonomisation du délai de prescription de l'action en recel successoral par rapport au délai d'option, et pour l'application du délai de prescription quinquennal de droit commun 11. Pour commencer, la doctrine enseigne avec une certaine constance que l'action en réparation d'un recel successoral n'est assujettie à aucun délai de prescription spécial, de sorte qu'elle doit par conséquent, être soumise à la prescription de droit commun, par trente ans en application de l'ancien article 2262 du code civil, et désormais par cinq ans en application de l'article 2224 du code civil12. C'est d'ailleurs précisément sur l'absence de texte spécial régissant la prescription de l'action en recel successoral qu'est fondé l'arrêt dont pourvoi13. Par ailleurs « il est admis depuis longtemps, selon le Professeur Philippe Malaurie, que le droit d'invoquer le recel n'est pas seulement conféré aux héritiers lésés, mais aussi aux créanciers de la succession14. De vieilles décisions étaient allées plus loin et avaient jugé que les créanciers de l'héritier victime du recel pouvaient, par la voie oblique de l'art. 1166, exercer le droit de leur débiteur de se prévaloir du recel commis par un cohéritier15. C'était donc admettre, au moins au sens de l'art. 1166, que le droit
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1re
Civ., 2 septembre 2020, pourvoi n° 19-15.955 : «⚖️ Les demandes en rapport d'une donation déguisée dont aurait bénéficié un héritier et en application de la sanction du recel successoral ne peuvent être formées qu'à l'occasion d'une instance en partage successoral ». 11
V. notamment pour l'application du droit commun : Grimaldi M., Droit des successions, Lexis Nexis, coll. Manuels, 8e éd., 2020, p. 341, nº 436 ; Terré F., Lequette Y. et Gaudemet S., Droit civil - Les successions, les libéralités, Dalloz, coll. Précis, 2024, 5e éd, p. 809, nº 842, note nº 6. 12
Succession-Partage - Prescription par 30 ans du droit d'accepter ou de répudier une succession ouverte avant le 1er janvier 2007 - Commentaire par François Sauvage, professeur à l'université Paris Saclay (Evry Val d'Essonne) - La Semaine Juridique Notariale et Immobilière n° 26, 26 juin 2020, 1135, se référant lui-même à Fr. Terré, Y. Lequette, S. Gaudemet, Droit civil. Les successions. Les libéralités : Dalloz, 4e éd., 2013, n° 1095, p. 963. - C. Pérès et Chr. Vernières, Droit des successions : PUF, 2018, n° 493, p. 423). 13
« Il est constant qu'aucun texte spécial ne régit la prescription de l'action en recel successoral. En effet, le délai prévu à l'article 780 du code civil invoqué par l'appelant, ne porte que sur la faculté d'option de l'héritier qui dispose de 10 ans pour prendre parti à défaut de quoi il est réputé renonçant ». 14
Cass. civ., 28 oct. 1907, DP 1910, 1, Jur. p. 292 : la déchéance de la faculté de renoncer frappant l'héritier receleur « peut être prononcée sur la poursuite des créanciers de la succession comme à la demande des autres héritiers ». 15
CA Amiens, 2 juin 1869, DP 1869, 2, Jur. p. 181.
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n'était pas attaché à la personne. L'arrêt rapporté va encore plus loin et implique que, d'une manière générale, le droit d'invoquer le recel est une prérogative patrimoniale16. Si l'héritier lésé est celui qui, le plus fréquemment, exerce l'action en recel successoral l'action ne lui est ainsi pas réservée. Et il n'y aurait, pour le créancier de la succession, aucun sens à voir son délai pour agir calqué sur le délai de l'option successorale, alors même qu'il n'est pas soumis à l'option. En outre, les points de départ du délai d'option et du délai de prescription de droit commun diffèrent. Le délai d'option court en principe, pour les successions ouvertes à compter du 1er janvier 2007 et en application de l'article 780 du code civil, à compter de l'ouverture de la succession, à l'encontre de tous les héritiers potentiels, quel que soit leur rang. Il en sera ainsi notamment du représentant d'un renonçant ou d'un indigne, ou des héritiers pouvant venir de leur propre chef en suite de renonciations. Le délai ne court toutefois qu'à compter du décès du conjoint survivant, à l'encontre de l'héritier ayant laissé ce conjoint en jouissance des biens héréditaire ; qu'à compter de la décision définitive d'annulation d'une acceptation d'un héritier, à l'encontre de l'héritier subséquent ; et il ne court pas envers l'héritier qui a des motifs légitimes d'ignorer la naissance de son droit, notamment l'ouverture de la succession. L'on voit difficilement ce texte s'appliquer au créancier de la succession exerçant une action en recel successoral. Et l'application du délai de droit commun permettrait pour sa part de ne faire courir le délai de prescription du recel successoral, qu'à compter du jour où la victime du recel a eu connaissance du divertissement ou du recel, ou aurait dû en avoir connaissance, ce qui paraît plus adapté aux actions nées de détournements par définition occultes, pratiqués dans le huis clos familial. Enfin, l'application du délai de prescription de droit commun au recel successoral présenterait l'avantage d'unifier les délais de prescription du recel successoral et du recel de communauté prévu par l'article 1477 du code civil, notion proche, soumise à la prescription civile de droit commun17, laquelle court au jour où le conjoint victime du recel en a eu connaissance et au plus tard au jour de l'achèvement des opérations de partage18. Si le rapport suggère que l'admission du caractère autonome du délai d'exercice de l'action en recel successoral permettrait d'éviter de priver d'action l'héritier acceptant, victime d'un recel commis ou découvert postérieurement à l'écoulement de son délai d'option, l'on pourrait au contraire envisager que l'action en recel successoral exercée 16
V. Recueil Dalloz 1997 p.163 - L'exercice du recel successoral et la preuve de l'intention frauduleuse - Philippe Malaurie - commentaire de 1re
Civ., 29 mai 1996, pourvoi n° 94-13.736⚖️, Bulletin 1996 I n° 221. V aussi, s'agissant de l'exercice du recel successoral par les créanciers de la succession : 1re Civ., 28 janvier 2009, pourvoi n° 0719.573, Bull. 2009, I, n° 19 : « Mais attendu que les dispositions de l'article 792 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2006-728 du 23 juin 2006, ne peuvent être mises en oeuvre que par les héritiers et les créanciers de la succession ». 17
G. Cornu, préc. n° 4, spéc. p. 630. - F. Terré et Ph. Simler, préc. n° 1, spéc. n° 702. - J. Flour et G. Champenois, préc. n° 4, spéc. n° 628, note 8. - En jurisprudence Cass. civ., 17 avr. 1867 : DP 1867, 1, p. 267. - CA Paris, 23 juin 1843 : S. 1843, 2, p. 331. 18
M. Planiol et G. Ripert, par J. Boulanger, préc. n° 2, spéc. t. IX, n° 991.
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par l'héritier lésé soit encadrée d'une part par le délai de prescription quinquennal de l'article 2224 du code civil, et d'autre part par le délai de dix ans, au-delà duquel, faute d'avoir exercé sa faculté d'option, il serait irrecevable en son action. Ainsi guidé par deux limites temporelles, le raisonnement n'est pas sans faire songer à la prescription de l'action en réduction, qui, comme celle de l'action en recel successoral, connaît un point de départ « flottant » (la connaissance de l'atteinte portée à la réserve héréditaire), et s'agissant des successions ouvertes après le 1er janvier 2007, un délai complexe, comportant un délai butoir de dix ans à compter du décès19. Pour l'ensemble de ces motifs, nous concluons à l'application du délai de prescription de droit commun de cinq ans à l'action en recel successoral, et par suite, au rejet de la première branche du moyen. Le projet de rejet non spécialement motivé de la seconde branche du moyen n'appelant aucune observation de notre part, nous concluons au rejet du pourvoi.
V. l'
article 921, alinéa 2, du code civil🏛, dans sa rédaction issue de la loi n°2006-728 du 23 juin 2006, et sa mise en oeuvre par
Civ. 1re, 7 février 2024, n° 22-13.665⚖️, publié 19
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