Jurisprudence : CA Rennes, 25-02-2025, n° 24/03941, Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

CA Rennes, 25-02-2025, n° 24/03941, Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

A53126ZR

Référence

CA Rennes, 25-02-2025, n° 24/03941, Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/116629148-ca-rennes-25022025-n-2403941-deboute-le-ou-les-demandeurs-de-lensemble-de-leurs-demandes
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Abstract

Le Bâtonnier ne pouvant être considéré comme un juge au sens du Code des procédures civiles d'exécution, il ne peut assortir sa décision d'une astreinte.


1ère Chambre


ARRÊT N°.


N° RG 24/03941 -

N° Portalis DBVL-V-B7I-U6FU


(Réf 1ère instance : 24-7348)


S.E.L.A.R.L. A


C/


Me [T] [C]


Copie exécutoire délivrée


le :


à :


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 25 FÉVRIER 2025



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :


Président : Monsieur Aa Ab, Premier Président de chambre, entendu en son rapport,

Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,


GREFFIER :


Madame Ac B, lors des débats et lors du prononcé,


DÉBATS :


A l'audience publique du 26 novembre 2024 après acceptation des parties,


ARRÊT :


Contradictoire, prononcé publiquement le 25 février 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats


****



APPELANTE :


S.E.L.A.R.L. FISCAREA représentée par son gérant Monsieur [L] [S]

[Adresse 2]

[Localité 4]


Représentée par Me Alain PALLIER de la SELARL PALLIER-DENIS ASSOCIES, avocat au barreau de NANTES


INTIMÉ :


Maître [T] [C]

né le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 6] (71)

[Adresse 1]

[Localité 4]


Représenté par Me Eric CHEDOTAL de la SELARL EC JURIS, avocat au barreau de NANTES



FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :


Les relations entre Me Laurent Savarin, avocat au barreau de Nantes exerçant sa profession par le truchement d'une Selarl dénommée Fiscarea LS, et Me Hélène Boreau, avocat au même barreau, associés au sein d'une société civile de moyens, la SCM [Adresse 5], s'étant gravement détériorées, Me [C] a informé le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nantes des difficultés les opposant.


Une première tentative de conciliation a été organisée le 3 juillet 2023. Un procès-verbal de conciliation a été rédigé aux termes duquel les parties se sont engagées à mettre en place des modalités apaisées de relations et à se faire accompagner par un professionnel choisi d'un commun accord. Une seconde tentative de conciliation devant le délégué du bâtonnier a eu lieu le 7'septembre 2023 au cours de laquelle les parties sont convenues de diverses mesures provisoires dans l'attente de la séparation définitive des associés (informatique
1:

Les frais informatiques relèvent de la SCM [Adresse 5].


, téléphonie
2: Il existe un numéro fixe unique 02 52 59 58 15 pour la SCM. Pas de ligne directe... À titre de mesures provisoires, il est convenu entre les parties de la mise en place par le prestataire téléphonique de la SCM [Adresse 5] d'un message d'accueil et paramétrage de sorte que les appelants seront invités à appuyer sur la touche 1 pour contacter Me [C], à appuyer sur la touche 2 pour contacter Me [S]... en appuyant sur la touche 1 relative à Me [C], les appelants seront transférés automatiquement sur le numéro de téléphone à fournir par Me [C]... Ces mesures provisoires perdureront jusqu'à l'exercice séparé des associés de la SCM [Adresse 5].


, occupation physique du bureau et de la salle de réunion par Me'[C]).

Le 22 septembre 2023, les parties ont constaté l'échec de la conciliation quant aux modalités définitives de leur séparation, mais sans remettre en cause les dispositions provisoires sur lesquelles elles s'étaient accordées le 7 septembre.


Par requête du 26 octobre 2023, la Selarl Fiscarea LS a saisi le bâtonnier, sur le fondement des dispositions des articles 142 et suivants du du 27 novembre 1991, du différend l'opposant à Me'[C], sollicitant le départ immédiat de celle-ci des locaux [Adresse 5], le payement de diverses sommes et le rachat par ses soins des parts de Me'[C] dans la SCM et de ses droits sur la marque Fiscarea.


Un protocole d'accord a été signé le 15 novembre 2023 par Me'[S] et Me'[C], mais celui-ci ayant été remis en cause quelques jours plus tard par Me [S], Me [C] en a, par mémoire du 22'décembre 2023, sollicité l'homologation par le bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Nantes.


Par décision du 3 avril 2024, le bâtonnier a :

- débouté la Selarl Fiscarea LS de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du protocole d'accord en date du 15 novembre 2023,

- homologué le protocole d'accord,

en conséquence':

- dit n'y avoir lieu à statuer sur d'autres demandes,

- constaté l'extinction de l'instance par l'effet de la transaction intervenue,

- condamné la Selarl Fiscarea LS, agissant par Me [S], aux éventuels dépens.

Par déclaration adressée par lettre recommandée postée le 6 mai 2024, la Selarl Fiscarea LS, prise en la personne de son gérant, Me [L] [S], a formé un recours contre cette décision.


Exposant que ses droits de coadministratrice du compte Microsoft Office 365 attaché au nom de domaine fiscarea.fr et de coadministratrice du site internet A avaient été révoqués sans préavis, Me [C] a, par requête du 22 mai 2024 adressée par voie électronique, saisi, au visa de l'article 148 du décret du 27 novembre 1991🏛, le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nantes d'une demande dirigée contre la société Fiscarea LS tendant à ce qu'elle soit rétablie dans ses droits.



Par ordonnance du 24 juin 2024, le bâtonnier a':

- fait injonction à la société Fiscarea LS, agissant par Me [L] [S], de rétablir Me'[T] [C] dans sa qualité de coadministrateur du compte Microsoft Office 365 adossée au nom de domaine fiscarea.fr et ce dans un délai de trois jours à compter de la notification de la décision à intervenir,

- fait injonction à ladite Selarl de communiquer sous le même délai à Me [C] les codes permettant d'administrer ledit compte,

- fait assortir chacune de ces injonctions d'une astreinte de 50'euros par jour de retard,

- débouté la société Fiscarea LS, agissant par Me [L] [S], de sa demande de provision,

- rappelé qu'en application de l'article 143
3:

Il s'agit en droit de l'article 179-7 du même décret et non de l'article 153 (l'article 143 relatif à la récusation étant mentionné à la suite à une erreur matérielle).


du décret 91-1197, cette décision pourra être rendue exécutoire par le président du tribunal judiciaire si elle n'est pas déférée à la cour d'appel,

- condamné la société Fiscarea LS, agissant par Me [L] [S], aux dépens éventuels.



Par déclaration adressée par voie postale le 27 juin 2024, la Selarl Fiscarea LS a interjeté appel de cette décision.


Aux termes de ses dernières écritures (3 septembre 2024) développées oralement lors de l'audience, la Selarl Fiscarea (nouvelle dénomination de la Selarl Fiscarea LS) demande à la cour de':

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

y faisant droit,

- annuler en toutes ses dispositions la décision rendue par le bâtonnier de l'ordre des avocats de Nantes le 24 juin 2024,

et statuant à nouveau':

- débouter Me [T] [C] de l'ensemble de ses demandes,

à titre subsidiaire :

- annuler la décision rendue par le bâtonnier de l'ordre des avocats de Nantes le 24 juin 2024 en ce qu'elle assortit l'ensemble des injonctions d'une astreinte de 50 euros par jour de retard,

à titre très subsidiaire :

- annuler la décision rendue par le bâtonnier de l'ordre des avocats de Nantes le 24 juin 2024 en ce qu'elle fixe comme point de départ des astreintes un délai de 3 jours à compter de la notification de la décision,

- condamner Me [T] [C] au paiement de la somme de 1'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛, outre les entiers dépens de l'instance.

- rappeler que l'exécution provisoire est de droit.


La société Fiscarea soutient que les conditions d'application de l'article 148 du décret précité ne sont pas réunies, en l'absence de trouble manifestement illicite, la voie de fait retenue par le bâtonnier n'étant pas caractérisée.

Elle expose qu'à compter du mois d'août 2023 et jusqu'au mois de juillet 2024, Me [C] a bénéficié en tant qu'utilisatrice de la licence de la société Fiscarea LS et a perdu tout droit sur le nom de domaine fiscarea.fr dont la société Fiscarea est seule titulaire depuis le mois de mars 2024.

Elle estime que, dépourvue de fondement légal, la décision du bâtonnier doit être annulée.

Subsidiairement, elle fait valoir que le bâtonnier n'étant pas une juridiction ne peut prononcer d'astreinte.

Elle ajoute que la décision n'étant pas exécutoire, son prononcé ne peut être le point de départ de l'astreinte.


Aux termes de ses dernières écritures (8 octobre 2024) développées oralement lors de l'audience, Me [T] [C] demande à la cour de':

à titre principal,

- confirmer, dans l'intégralité de ses dispositions, la décision du bâtonnier rendue le 24 juin 2024,

- débouter consécutivement la Selarl Fiscarea LS agissant par Le [L] [S] de toutes ses demandes, fins et prétentions,

à titre subsidiaire

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

' fait injonction à la société Fiscarea LS, agissant par Me [L] [S], de rétablir Me'[T] [C] dans sa qualité de coadministrateur du compte Microsoft office 365 adossé au nom de domaine fiscarea.fr,

' fait injonction à la société Fiscarea LS de communiquer sous le même délai à Me [T] [C] les codes permettant d'administrer ledit compte,

y additant,

- assortir chacune des deux injonctions faites à la Selarl Fiscarea LS d'une astreinte journalière de 100 euros à compter de la signification de la décision à intervenir,

en tout état de cause,

- condamner la Selarl Fiscarea LS agissant par Me [L] [S] à payer à Me [T] [C] la somme de 3'500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Selarl Fiscarea LS agissant par Me [L] [S] aux entiers dépens de la présente instance.


Me [C] relève que le fondement juridique de la décision du bâtonnier est clairement précisé (article 148 du décret précité) et que la décision sanctionnant un trouble manifestement illicite non contesté est donc également fondée en fait, que si les parties ont conclu un protocole d'accord celui-ci a été remis en cause par Me [S] et sa société d'exercice.

Elle précise que le compte de la société Atemis qui était le prestataire informatique de la SCM, a également été désactivé par Me [S] et que le contrat qui liait la SCM à la société Almeria (interface avec OVH) a été désactivé en mars 2024.

Elle ajoute que si Me [S] l'a rétablie dans ses droits d'administrateur, il ne lui a pas fourni de code d'accès valable.

Elle sollicite, si le bâtonnier devait ne pas être considéré comme une juridiction, que la cour assortisse sa décision d'une astreinte.


L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 novembre 2024.


L'affaire a été prise en audience publique conformément au souhait émis par les parties, interrogées sur ce point.



SUR CE :


Il convient préliminairement de rappeler que l'appel tend, aux termes de l'article 542 du code de procédure civile🏛, par la critique de la décision rendue en première instance, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel, l'annulation sanctionnant une irrégularité dans l'élaboration de la décision et la réformation, le mal jugé (Ad Ae C procédure fasc. 1000-25).

Il ressort que l'article 954 al 4 du même code que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des écritures.


En l'espèce, force est de relever que les écritures de la Selarl Fisacrea, développées oralement lors de l'audience, ne tendent qu'à l'annulation et non à la réformation de la décision critiquée.


Pour soutenir que la décision du bâtonnier est nulle, la société Fiscarea expose qu'elle est dépourvue de fondement légal et que le bâtonnier a outrepassé ses pouvoirs en assortissant sa décision d'une astreinte.


Il suffit, sur le premier point, de rappeler que Me [C] a saisi le bâtonnier d'une demande de mesure urgente visant expressément l'article 148 du décret du 27 novembre 1991, texte dont le bâtonnier a rappelé, dans le corps de sa décision, la teneur':

«'En cas de mesure d'urgence sollicitée par l'une des parties, le bâtonnier peut être saisi à bref délai.

Dans tous les cas d'urgence, le bâtonnier peut, sur la demande qui lui en est faite par une partie, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Le bâtonnier peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, ordonner les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite...'».


Si ce texte est inséré dans la section consacrée au salariat du décret précité, il convient de rappeler que l'article 179-4, insérée dans la section relative au règlement des différends entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel, applicable en l'espèce, y renvoie expressément («'les règles prévues aux articles 142 à 148 et 150 à 152 sont applicables aux différends régis par la présente section'»).


Ainsi, et contrairement à ce que la Selarl Fiscarea expose, la décision du bâtonnier est fondée en droit quand bien même ce dernier ne vise pas expressément ce texte dans le dispositif de sa décision, étant précisé que Me [C], jusqu'alors co-administratrice du compte Microsoft Office 365 adossé au nom de domaine fiscarea.fr et du site Internet Fiscarea, alléguait d'un trouble manifestement illicite pour en avoir été privée unilatéralement et sans la moindre information préalable par la société Fiscarea.


Ayant considéré que ces agissements constituaient, comme prétendu, un trouble manifestement illicite au sens du décret susvisé, le bâtonnier a régulièrement pu faire application de la disposition précitée pour trancher la demande dont il était saisi. La demande d'annulation de ce chef ne peut qu'être rejetée.

Sur le second point, il convient de rappeler qu'aux termes de l'article L 131-1 du code des procédures civiles d'exécution🏛': «'Tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision'».


Si la décision rendue par le bâtonnier revêt un caractère quasi juridictionnel, il convient toutefois de rappeler que':

- la Cour de cassation considère que le bâtonnier n'est pas une juridiction au sens de l'article L'441-1 du code de l'organisation judiciaire et que la décision qu'il rend n'est pas une décision à laquelle la loi attache les effets d'un jugement (2e Civ., 27 mai 2021, n° 17-11220⚖️, en l'espèce prise en matière de contestation d'honoraires mais la situation est transposable),

- la décision du bâtonnier rendue en la matière n'est pas exécutoire (article 179-7 du décret précité': «'lorsqu'elles ne sont pas déférées à la cour d'appel, les décisions du bâtonnier peuvent être rendues exécutoires par le président du tribunal judiciaire auprès duquel est établi son barreau'»)


Le bâtonnier ne pouvant donc être considéré comme un juge au sens du code des procédures civiles d'exécution, il ne pouvait assortir sa décision d'une astreinte.


Ayant dès lors outrepassé ses pouvoirs, ce chef de décision doit être annulé.


Par décision de ce jour, la cour ayant débouté la Selarl Fiscarea de sa demande d'annulation de la décision du bâtonnier du 3 avril 2024 ayant homologué le protocole d'accord en date du 15 novembre 2023, il n'y a lieu de prononcer une astreinte.


Chaque partie conservera la charge des frais, compris ou non dans les dépens par elle exposés.


Les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront, en conséquence rejetées.



PAR CES MOTIFS :


Statuant par arrêt rendu publiquement et contradictoirement':


Vu les articles 179-1 à 179-7 et par renvoi 148 du décret du 27 novembre 1991🏛🏛.


Annule la décision rendue par le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nantes le 24 juin 2024 mais seulement en ce qu'elle a prononcé une astreinte.


Rejette la demande pour le surplus.


Dit n'y avoir lieu à astreinte.


Dit que chaque partie supportera la charge des frais, compris ou non dans les dépens par elle exposés.


Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.


LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


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