N° X 24-80.823 F-B
N° 00229
SL2
26 FÉVRIER 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 26 FÉVRIER 2025
M. [U] [V] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Nîmes, en date du 22 janvier 2024, qui a déclaré irrecevable sa demande d'aménagement de peine.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de M. [U] [V], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'
article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [U] [V] a été condamné le 5 janvier 2022, par une cour criminelle départementale, à la peine de cinq ans d'emprisonnement, pour des faits commis en 2018. Libre, il a saisi le juge de l'application des peines d'une demande de libération conditionnelle parentale, en faisant état de ce que, compte-tenu des périodes de détention provisoire effectuées en 2018 et 2022, et du crédit de réduction de peine auquel ces périodes lui ouvrent droit, la durée de la peine restant à subir entre dans les conditions fixées à l'
article 729-3 du code de procédure pénale🏛.
3. Par ordonnance du 7 décembre 2023, le juge de l'application des peines a déclaré cette demande irrecevable.
4. M. [Aa] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a, par confirmation, constaté l'irrecevabilité de sa demande de libération conditionnelle parentale, alors « que, pour l'octroi de la libération conditionnelle, il est tenu compte du crédit de réduction de peine dont le condamné bénéficie de plein droit ; qu'aux termes de l'
article 721 du code de procédure pénale🏛, dans sa rédaction antérieure à la
loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021🏛, chaque condamné bénéficie d'un crédit de réduction de peine calculé sur la durée de la condamnation prononcée à hauteur de trois mois pour la première année et de deux mois pour les années suivantes ; qu'il résulte de l'
article 59, VI, de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021🏛 que les personnes placées sous écrou avant le 1er janvier 2023 demeurent soumises au régime défini par l'article 721 du code de procédure pénale dans sa rédaction antérieure à ladite loi ; que M. [V], après avoir été placé en détention provisoire du 16 octobre au 11 décembre 2018, a été condamné à cinq ans d'emprisonnement par un arrêt de la cour criminelle de l'Hérault du 5 janvier 2022, devenu définitif à la suite des désistements d'appels du condamné et du ministère public ; qu'il a été placé sous écrou le 5 janvier 2022, en exécution de cet arrêt de condamnation, avant de bénéficier d'une mise en liberté ordonnée le 15 février 2022 par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier ; qu'ayant été placé sous écrou avant le 1er janvier 2023, pour exécuter la peine d'emprisonnement prononcée par l'arrêt définitif du 5 janvier 2022, M. [V] demeure soumis au régime de crédit de réduction de peine prévu par l'article 721 du code de procédure pénale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 ; qu'il devait être tenu compte de ce crédit de réduction de peine pour statuer sur sa demande de libération conditionnelle parentale ; qu'en jugeant, au contraire, qu'aucun crédit de réduction de peine n'avait lieu d'être pris en compte dans le calcul de la durée d'emprisonnement restant à subir par M. [V], en raison de la suppression de ce mécanisme par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour les peines portées à l'écrou à compter du 1er janvier 2023 (ordonnance de première instance, pp. 2 et 3), la juridiction de l'application des peines a violé l'article 59, VI, de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, ainsi que les
articles 591, 721 et 729-3 du code de procédure pénale🏛. »
Réponse de la Cour
6. Pour déclarer irrecevable la requête de M. [V], l'ordonnance attaquée, par motifs adoptés, énonce que la durée du reliquat de peine qu'il doit accomplir, compte tenu de la détention provisoire qu'il a effectuée, s'élève à quatre ans huit mois et vingt-trois jours, seuil supérieur à la durée de quatre ans, permettant de solliciter une libération conditionnelle familiale.
7. Le juge ajoute que le crédit de réduction de peine ayant été supprimé à compter du 1er janvier 2023 pour les condamnés qui n'étaient pas écroués à cette date, et le demandeur étant alors en liberté, ce crédit ne peut être déduit de la durée de la peine restant à accomplir pour examiner la recevabilité de la demande d'aménagement de peine, présentée sur le fondement de l'
article 723-15 du code de procédure pénale🏛.
8. En cet état, c'est à tort que les juges ont estimé qu'ils étaient saisis dans le cadre de l'article 723-15 précité. En effet, ce texte, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, prévoit un régime simplifié d'aménagement des peines n'excédant pas un an, ou pour lesquelles la détention restant à subir n'excède pas un an. Cette durée était de deux ans, avant l'entrée en vigueur de la loi précitée du 23 mars 2019.
9. Lorsque la demande d'aménagement de peine est présentée dans ce cadre, l'
article D. 147-12 du code de procédure pénale🏛 prévoit que le juge de l'application des peines, pour calculer la durée de la peine restant à subir, tient compte, le cas échéant, des réductions de peine auxquelles le condamné peut prétendre au titre de la détention provisoire. Seule cette disposition permet de tenir compte de la durée d'un crédit de réduction de peine ou d'une réduction de peine pour apprécier cette durée restant à subir. (
Crim., 28 avril 2011, pourvoi n° 10-88.890⚖️, Ab. crim. 2011, n°81).
10. Mais, en l'espèce, le reliquat de peine restant à accomplir par le demandeur étant supérieur au seuil prévu par l'article 723-15, la demande ne pouvait être examinée dans ce cadre.
11. La demande devait être examinée sur le seul fondement de l'article 729-3 du code de procédure pénale.
12. Selon ce texte, la libération conditionnelle familiale peut être accordée à tout condamné à une peine privative de liberté inférieure ou égale à quatre ans, ou pour laquelle la durée de la peine restant à subir est inférieure ou égale à cette durée, lorsqu'il exerce l'autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans ayant chez lui sa résidence habituelle. Il en résulte que le condamné libre peut demander à bénéficier de cette mesure dès lors qu'il remplit ces conditions.
13. Faute de dispositions expresses le prévoyant, il ne peut être tenu compte du crédit de réduction de peine ou des réductions de peine, pour le calcul de la durée de la peine restant à subir au sens de l'article 729-3 du code de procédure pénale.
14. Dès lors que la durée de la peine qui restait à accomplir était supérieure à quatre ans, la demande était irrecevable.
15. Le moyen ne peut donc être accueilli.
16. Par ailleurs, l'ordonnance est régulière en la forme.
PAR CES MOTIFS la Cour,
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille vingt-cinq.