Jurisprudence : Cass. crim., 12-02-2025, n° 24-83.285, F-B, Cassation

Cass. crim., 12-02-2025, n° 24-83.285, F-B, Cassation

A55736UX

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2025:CR00183

Identifiant Legifrance : JURITEXT000051243788

Référence

Cass. crim., 12-02-2025, n° 24-83.285, F-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/115555885-cass-crim-12022025-n-2483285-fb-cassation
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Abstract

Les dispositions de l'article 67 quinquies A du code des douanes, en application desquelles les agents des douanes peuvent recourir à toute personne qualifiée pour effectuer des expertises techniques nécessaires à l'accomplissement de leurs missions et leur soumettre les objets, échantillons et documents utiles à ces expertises, sont applicables, dans le cadre d'une retenue douanière, s'agissant de biens se rapportant à un flagrant délit douanier saisis à la suite d'un contrôle effectué sur le fondement de l'article 60-3 du même code


N° Y 24-83.285⚖️ F-B

N° 00183


RB5
12 FÉVRIER 2025


CASSATION PARTIELLE


M. BONNAL président,


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 FÉVRIER 2025



M. [E] [T] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon, en date du 15 mai 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de contrebande, blanchiment et blanchiment douanier, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.

Par ordonnance du 9 septembre 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.


Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de M. [E] [T], et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. [E] [T] a été contrôlé, avec deux autres personnes, par les agents des douanes le 7 novembre 2023. La fouille de leur véhicule a amené la découverte de six diamants.

3. M. [T] a été placé en retenue douanière, ainsi que les deux personnes qui se trouvaient avec lui. Durant le temps de celle-ci, les douaniers ont fait expertiser les diamants dont la valeur totale a été estimée à un peu plus de 250 000 euros.

4. Une information a ensuite été ouverte et l'intéressé a été mis en examen des chefs susmentionnés.

5. Il a présenté une requête aux fins d'annulation de certaines pièces de la procédure.


Examen des moyens

Sur le troisième moyen, pris en ses première et sixième branches, et le quatrième moyen

6. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de M. [T], alors « que la loi impose que les personnes contrôlées ne soient maintenues à la disposition des fonctionnaires des douanes que le strict temps nécessaire à la réalisation des opérations de visite, d'où il suit qu'un laps de temps substantiel écoulé entre l'arrestation d'une personne et son placement en retenue douanière entache la procédure d'irrégularité, s'il n'est pas caractérisé que ce temps était absolument nécessaire à l'exécution du contrôle ; que la cour d'appel a retenu (arrêt attaqué, p. 9, p. 10, in limine) : « - Sur la validité de la retenue douanière (60-7) / Au préalable, il convient de rappeler qu'avant de procéder à une retenue douanière des trois futurs mis en examen, les douaniers ont procédé à une visite du véhicule de 23 à 0 heures 35. (D5 notamment). / - Délai avant retenue douanière / Avant de placer en rétention douanière chacun des trois individus occupant le véhicule contrôlé, les agent[s] des douanes ont : / - procédé à un contrôle d'identité en anglais des trois personnes occupant le véhicule ; / - procédé à une palpation de sécurité des trois individus ; - procédé à une visite minutieuse du véhicule (certains diamants ayant été retrouvés dans la cache du plafonnier) ; / - procédé à l'appréhension de plusieurs sommes en espèces, de plusieurs diamants ou pierres précieuses ; / - procédé à une recherche sur internet sur l'origine des diamants et la valeur de ceux-ci. Dès lors, l'écart d'une heure 35 entre l'immobilisation du véhicule occupé par trois personnes et les premières notifications de rétention douanière n'apparaît pas excessif au regard des actes accomplis, de l'absence supposée de connaissance en langue française des intéressés, des communications faites en langue anglaise. / De plus, il convient de rappeler que pour la visite d'un véhicule ou d'un bien immobilier, le code des douanes n'impose pas que les personnes contrôlées dans un véhicule fassent l'objet d'un placement en rétention douanière dès le début du contrôle, ce d'autant plus qu'en l'espèce les douaniers ne suspectaient pas la commission d'infractions douanières ou de raisons plausibles leur laissant penser la commission de telles infractions au moment du contrôle » ; qu'en se fondant sur de telles diligences banales, pour dire légal le délai écoulé avant l'arrestation et le début de la retenue douanière, sans constater le moindre fait justifiant qu'il eût été indispensable de garder à disposition les trois personnes interpellées avant toute retenue douanière, la nécessité de parler en langue anglaise aux trois personnes interpellées, par suite de leur absence de maîtrise du français, ne fournissant elle-même pas une justification effective et suffisante puisque, soit les douaniers avaient une maîtrise suffisante de l'anglais pour conduire les entretiens de manière fluide, et rien n'expliquait que les opérations de contrôle, dénuées de complexité, durent plus d'une heure et demie, soit ils n'avaient pas une maîtrise suffisante de cette langue, et il s'imposait aux fonctionnaires de recourir aux services d'un interprète, circonstance non relevée, la chambre de l'instruction a violé l'article 60-7 du code des douanes🏛. »


Réponse de la Cour

8. Pour écarter le moyen de nullité selon lequel le délai écoulé entre le début du contrôle douanier et le placement en retenue douanière était excessif, l'arrêt attaqué relève que, avant ce placement en retenue, les agents des douanes ont procédé à un contrôle d'identité en anglais des trois personnes occupant le véhicule contrôlé, à une palpation de sécurité, à une visite minutieuse du véhicule, à l'appréhension d'espèces et de diamants, ainsi qu'à une recherche sur internet quant à l'origine et à la valeur des diamants.

9. Les jugent en déduisent que l'écart d'une heure trente-cinq minutes entre l'immobilisation du véhicule occupé par les trois personnes et leur placement en retenue douanière n'apparaît pas excessif.

10. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction, qui a apprécié la nature et la durée des opérations réalisées avant le placement en retenue douanière sur le fondement de l'article 60-7 du code des douanes, en a fait l'exacte application.

11. Ainsi, le moyen doit être écarté.


Sur le troisième moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de M. [T], alors :

« 2°/ de surcroît, que le procès pénal n'est équitable que si sont respectés les droits de la défense et l'égalité des armes ; que l'article 323-11, I, du code des douanes🏛 est contraire aux garanties du procès équitable, comme ne ménageant aucun contrôle effectif ni concret de l'autorité judiciaire sur la prise de connaissance, par les fonctionnaires des douanes, du contenu des objets, documents et informations appréhendés lors de l'enquête douanière et sur le fondement desquels la poursuite est ensuite susceptible de s'appuyer ; qu'en appliquant néanmoins (arrêt attaqué, p. 11, in fine) les dispositions de ce texte pour rejeter un moyen d'annulation des investigations douanières, la chambre de l'instruction a violé l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales🏛 ;

3°/ que si les agents des douanes peuvent appréhender matériellement les indices recueillis dans le cadre d'un contrôle effectué en vertu de l'article 60 du code des douanes🏛, c'est à la condition de procéder à leur inventaire immédiat, de s'abstenir de tout acte d'investigation les concernant, de les transmettre dans les meilleurs délais à l'officier de police judiciaire compétent pour qu'il procède à leur saisie et à leur placement sous scellés et de s'assurer, dans l'intervalle, qu'ils ne puissent faire l'objet d'aucune atteinte à leur intégrité ; qu'en retenant au contraire (arrêt attaqué, p. 11, alinéas troisième et s.) que les dispositions de l'article 67 quinquies A du code des douanes🏛 autorisaient les douaniers à faire pratiquer une expertise gemmologique sur les objets saisis, la chambre de l'instruction a violé ce texte ;

4°/ qu'en retenant la prétendue absence d'intérêt de monsieur [T] à agir en nullité des investigations douanières, du fait que celui-ci contestait avoir été propriétaire ou possesseur des objets concernés (arrêt attaqué, p. 11, sixième alinéa), cependant que la présence dans l'automobile de pierres précieuses, saisies par les douaniers, avait été, conjointement avec la détention par monsieur [T] d'espèces, la raison pour laquelle il avait été regardé comme potentiel auteur d'infractions douanières, de sorte qu'il importait peu que l'intéressé n'ait pas été propriétaire ou détenteur de ces pierres précieuses, l'irrégularité de l'expertise des pierres lui ayant nui comme aux deux autres personnes poursuivies, et que la nullité de la procédure était donc avérée à l'égard de tous, sans que monsieur [T] puisse être regardé comme ayant moins intérêt que les autres à la soulever, la chambre de l'instruction a violé l'article 802 du code de procédure pénale🏛 ;

5°/ qu'à supposer l'article 323-11 du code des douanes conforme aux normes de valeur supérieure, il ne déroge pas à l'obligation faite aux agents des douanes de procéder à l'inventaire immédiat des objets saisis et de les transmettre dans les meilleurs délais à un officier de police judiciaire en vue de saisie et de placement sous scellés et de s'assurer, dans l'intervalle, de leur intégrité ; que la chambre de l'instruction (arrêt attaqué, pp. 11 et 12) n'a constaté aucune circonstance justifiant la remise tardive des pierres à l'officier de police judiciaire et l'absence de garantie de leur intégrité pendant 30 heures, faute de scellés, se contentant de relever la remise finale des objets aux gendarmes le 9 novembre 2023 ; qu'en ne répondant par aucun motif à la contestation soulevée sur ce point par monsieur [T] (requête en nullité, pp. 15 et 16), la chambre de l'instruction a violé l'article 593 du code de procédure pénale🏛. »


Réponse de la Cour

Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches

13. Pour écarter le moyen de nullité selon lequel les douaniers ne pouvaient faire procéder à une expertise des diamants durant la retenue douanière ni réaliser des expertises sur les téléphones portables appréhendés, l'arrêt attaqué relève que, en application de l'article 67 quinquies A du code des douanes, les agents des douanes peuvent recourir à des personnes qualifiées pour effectuer des opérations d'expertise.

14. Les juges retiennent également que, en application de l'article 323-11, I, du même code, les douaniers peuvent procéder à la saisie de données informatiques soit en saisissant l'objet physique soit en réalisant une copie des données et qu'en l'espèce les données ont été copiées en présence notamment de M. [T].

15. En l'état de ces seules énonciations, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen pour les motifs qui suivent.

16. En premier lieu, en application de l'article 323-11, I, du code des douanes, les agents des douanes peuvent, pour les nécessités de l'enquête douanière, prendre connaissance, au cours de la retenue douanière, du contenu des documents et des autres objets en possession de la personne contrôlée, avant de procéder à la saisie de ceux se rapportant au flagrant délit douanier. Ils peuvent procéder à la saisie de données informatiques soit en procédant à la saisie du support physique de ces données, soit en réalisant une copie en présence de la personne retenue.

17. La prise de connaissance des documents et du contenu des objets se fait en la présence constante et effective de la personne retenue. Par ailleurs, le procureur de la République est informé par tout moyen de leur saisie et peut s'y opposer.

18. L'article 323-11, I, du code des douanes n'est donc pas contraire aux droits de la défense et à l'égalité des armes tels que protégés par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

19. En deuxième lieu, les agents des douanes peuvent, en application de l'article 67 quinquies A du code des douanes, recourir à toute personne qualifiée pour effectuer des expertises techniques nécessaires à l'accomplissement de leurs missions et peuvent leur soumettre les objets, échantillons et documents utiles à ces expertises. Ces dispositions sont applicables, dans le cadre d'une retenue douanière, s'agissant de biens se rapportant à un flagrant délit douanier saisis à la suite d'un contrôle effectué sur le fondement de l'article 60-3 du même code.

20. Ainsi, et dès lors que, compte tenu du rejet du moyen pris en sa troisième branche, les motifs critiqués par la quatrième branche sont surabondants, les griefs doivent être écartés.

Sur le moyen, pris en sa cinquième branche

21. Le grief est inopérant.

22. En effet, en premier lieu, l'article 323-11, II, du code des douanes n'impose pas aux douaniers de transmettre à un officier de police judiciaire, dans les meilleurs délais, les biens saisis au cours d'une retenue douanière, mais uniquement que ceux-ci soient transmis à un tel officier à l'issue de la retenue douanière, si la personne retenue est remise à cet officier.

23. En second lieu, le requérant ne soutenait en tout état de cause pas que l'absence de placement sous scellés des diamants pendant la retenue douanière lui avait causé un grief.

24. Dès lors, il ne saurait être reproché à la chambre de l'instruction d'avoir insuffisamment répondu à des nullités tirées de ce que les biens saisis n'ont pas été immédiatement transmis par les douaniers à un officier de police judiciaire et de ce que les diamants saisis n'ont pas été placés sous scellés pendant la durée de la retenue douanière.

25. Ainsi, le grief doit être écarté.


Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

26. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de M. [T], alors :

« 1°/ que les services des douanes ne peuvent valablement agir sous le régime de l'article 60-3 du code des douanes🏛 que si les enquêteurs éprouvent un soupçon particulier d'infraction particulière en un certain temps et en un certain lieu, et non pour fonder des contrôles généraux et aléatoires sur la voie publique, à l'égard de personnes contre lesquelles n'existait a priori aucun soupçon de comportement suspect ou de situation insolite ; que de surcroît, le texte ne peut être appliqué que sous réserve d'une information préalable du procureur de la République et d'une absence d'opposition de ce dernier ; que l'information préalable due au procureur de la République ne saurait être vague, abstraite ni générale et doit être effective, concrète, précise et suffisante, ce qui commande qu'elle vise d'une manière documentée et exhaustive les raisons pour lesquelles les fonctionnaires estiment devoir rechercher une infraction de l'une des catégories visées au texte et que les agents fassent connaître au procureur de la République la nature de l'infraction qu'ils soupçonnent, le temps et le lieu dans lesquels ils redoutent sa commission, et les raisons et indices factuels qui leur permettent de penser qu'une telle commission est plausible ; qu'en retenant (arrêt attaqué, p. 9) qu'« il résult[ait] du procès-verbal de synthèse des douanes D5 que les douaniers [avaie]nt fondé le contrôle du véhicule concerné sur les dispositions des articles 60-3 et 61 du code des douanes🏛 nécessitant l'information préalable du Procureur de la [R]épublique. / L'accomplissement de cette formalité découl[ait] de la mention opérée sur le procès-verbal de synthèse des douanes D5 page 1, ce d'autant plus que ce procès verbal indiqu[ait] spécifiquement qu'il s'agi[ssai]t du Procureur de DIJON qui a[vait] été destinataire de cette information et que celui-ci ne s'y [était] pas opposé », donc en regardant comme suffisante une mention abstraite du procès-verbal de synthèse, qui pourtant n'était pas de nature à attester la délivrance préalable au procureur de la République d'une information effective et concrète, et non pas théorique ou illusoire, la chambre de l'instruction a violé l'article 60-3 du code des douanes et l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ en tout état de cause, qu'en ne constatant pas la teneur des informations préalables supposées avoir été délivrées au procureur de la République, la chambre de l'instruction a insuffisamment motivé sa décision et violé l'article 593 du code de procédure pénale et l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que les droits de visite des agents des douanes ne peuvent être mis en œuvre dans un même lieu que pour une durée n'excédant pas, pour l'ensemble des opérations, douze heures consécutives ; que la chambre de l'instruction a retenu (arrêt attaqué, p. 9) : « Par ailleurs, concernant la durée de ces contrôles qui ne doit pas excéder la durée de 12 heures, il se déduit de la mention suivante "Ce jour, le 7 novembre 2023, en tenue d'uniforme, nous sommes en service de contrôle en circulation à bord de notre véhicule sérigraphi[é] "Douanes", sur l'[Adresse 2] dans le sens Nord/Sud, après information préalable du procureur de la république près le tribunal judiciaire de Dijon, lequel ne s'y est pas opposé" que ces contrôles ne duraient pas depuis plus de 12 heures dans la mesure où les douaniers incriminés sont tous agents des douanes et droits indirects à la Brigade de Surveillance Intérieure des douanes de [Localité 4] sise [Adresse 1], et dans la mesure où le lieu de contrôle se situe sur l'aire de [Localité 3]-[Localité 6], [Localité 3] (lieu situé sur la commune de [Localité 5]) étant distant d'environ 40 kilomètres de [Localité 4] » ; qu'en supposant ainsi que la mention d'une présence des fonctionnaires en tenue d'uniforme et à bord d'un véhicule identifié comme étant des douanes et d'une information préalable du procureur de la République de Dijon, aurait suffi à attester que les fonctionnaires n'effectuaient pas leurs contrôles depuis plus de douze heures, dans la mesure où le lieu de contrôle se situait à environ 40 kilomètres de [Localité 4], cependant que les faits que les fonctionnaires relevaient d'une brigade dijonnaise et qu'était dijonnais le magistrat du parquet supposé avoir été consulté préalablement, n'étaient pas de nature à démontrer l'absence de dépassement de la durée légale maximale de douze heures, la chambre de l'instruction a violé l'article 60-5 du code des douanes🏛 et l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4°/ que la cour d'appel a retenu (arrêt attaqué, p. 9, in fine, p. 10, in limine) : « De plus, il convient de rappeler que pour la visite d'un véhicule ou d'un bien immobilier, le code des douanes n'impose pas que les personnes contrôlées dans un véhicule fassent l'objet d'un placement en rétention douanière dès le début du contrôle, ce d'autant plus qu'en l'espèce les douaniers ne suspectaient pas la commission d'infractions douanières ou de raisons plausibles leur laissant penser la commission de telles infractions au moment du contrôle » ; qu'ayant donc constaté expressément l'absence de tout élément matériel ou de comportement ayant pu laisser soupçonner aux douaniers, avant le début du contrôle, l'existence d'une infraction, ce dont elle aurait dû déduire l'impossibilité d'appliquer l'article 60-3 du code des douanes et l'irrégularité de la procédure ayant prétendu fonder sur ce texte le contrôle et, subséquemment, l'irrégularité des saisies, de la retenue douanière, de la garde à vue, de la mise en examen et de tous autres actes, la chambre de l'instruction, qui a néanmoins refusé de statuer en ce sens, a violé ce texte et l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »



Réponse de la Cour

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches

27. Pour écarter les moyens de nullité, selon lesquels, d'une part, le contrôle était irrégulier en l'absence d'éléments indiquant sur quel fondement juridique il avait lieu et, d'autre part, les mentions figurant en procédure étaient insuffisantes pour vérifier que l'information délivrée au procureur de la République satisfaisait aux exigences de l'article 60-3 du code des douanes, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte du procès-verbal de synthèse des douanes, d'une part, que les douaniers ont fondé leur contrôle sur l'article 60-3 précité et, d'autre part, que le procureur de la République de Dijon a été informé des opérations de contrôle et qu'il ne s'y est pas opposé.

28. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application du texte visé au moyen et a suffisamment justifié sa décision.

29. En effet, en premier lieu, l'article 60-3 précité n'exige pas qu'il existe à l'encontre de la personne contrôlée des raisons plausibles de la soupçonner d'avoir commis une infraction.

30. En second lieu, la mention en procédure selon laquelle le procureur de la République a été informé du contrôle satisfait aux exigences de l'article 60-3.

31. Ainsi, les griefs doivent être écartés.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche

Vu l'article 60-5 du code des douanes :

32. Selon ce texte, le droit de visite des agents des douanes prévu par l'article 60-3 du code des douanes ne peut être mis en œuvre dans un même lieu que pour une durée n'excédant pas, pour l'ensemble des opérations, douze heures consécutives et il ne peut consister en un contrôle systématique des personnes présentes ou circulant dans le lieu ou la zone contrôlée.

33. Il en résulte que doivent figurer en procédure des mentions permettant d'apprécier le respect par les agents des douanes de ces conditions.

34. Pour écarter le moyen de nullité selon lequel le contrôle était irrégulier dès lors que ne figuraient pas en procédure les mentions permettant de s'assurer que les opérations de contrôle n'avaient pas duré plus de douze heures, l'arrêt attaqué relève que le respect de cette durée maximale se déduit de la mention « Ce jour, le 7 novembre 2023, en tenue d'uniforme, nous sommes en service de contrôle en circulation à bord de notre véhicule sérigraphi[é] "Douanes", sur l'[Adresse 2] dans le sens Nord/Sud, après information préalable du procureur de la république près le tribunal judiciaire de Dijon, lequel ne s'y est pas opposé » dès lors que « les douaniers incriminés sont tous agents des douanes et droits indirects à la Brigade de Surveillance Intérieure des douanes de [Localité 4] sise 4 avenue de Dallas [Localité 4], et dans la mesure où le lieu de contrôle se situe sur l'aire de [Localité 3]-[Localité 6], [Localité 3] (lieu situé sur la commune de [Localité 5]) étant distant d'environ 40 kilomètres de [Localité 4]. »

35. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé.

36. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquence de la cassation

37. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions ayant rejeté la requête en nullité du contrôle douanier. La chambre de l'instruction de renvoi devra apprécier la régularité de cet acte mais également en cas d'annulation celle des actes subséquents. Les autres dispositions sont expressément maintenues.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon, en date du 15 mai 2024, mais en ses seules dispositions ayant rejeté la requête en nullité du contrôle douanier, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Besançon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille vingt-cinq.

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