Jurisprudence : Cass. crim., 28-01-2025, n° 24-81.410, F-B, Cassation

Cass. crim., 28-01-2025, n° 24-81.410, F-B, Cassation

A19056SD

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2025:CR00078

Identifiant Legifrance : JURITEXT000051151295

Référence

Cass. crim., 28-01-2025, n° 24-81.410, F-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/115168310-cass-crim-28012025-n-2481410-fb-cassation
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Abstract

Il se déduit de la réserve d'interprétation énoncée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2024-1111 QPC du 15 novembre 2024 (§ 10) que le juge des libertés et de la détention, saisi par le procureur de la République d'un référé environnemental sur le fondement de l'article L. 216-13 du code de l'environnement, doit, préalablement à son audition, informer de son droit de se taire la personne concernée par les mesures susceptibles d'être ordonnées, lorsqu'elle est visée par une enquête préliminaire


N° K 24-81.410⚖️ F-B

N° 00078


RB5
28 JANVIER 2025


CASSATION


M. BONNAL président,


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 28 JANVIER 2025



Le [1] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Orléans, en date du 1er février 2024, qui a confirmé partiellement l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ordonnant des mesures conservatoires en matière de droit de l'environnement.


Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Coirre, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat du [1], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 décembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Coirre, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Un procès-verbal d'infraction a été dressé après le constat de l'utilisation, lors d'un chantier confié au [1] (le [1]), de matériaux impropres à la recharge granulométrique d'un ruisseau.

3. Une enquête préliminaire a été ouverte par le procureur de la République qui a ultérieurement saisi le juge des libertés et de la détention d'un référé environnemental afin d'ordonner au [1] la suspension des opérations, l'interdiction du dépôt et du déversement de déchets dans le lit du cours d'eau et une mesure de remise en état.

4. Par ordonnance du 3 novembre 2023, le juge des libertés et de la détention a fait droit à cette requête après avoir entendu M. [Aa] [C], président du [1].

5. Le [1] a relevé appel de cette décision.


Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a .dit n'y avoir pas lieu à annuler le procès-verbal d'audition de M. [C] du 27 octobre 2023 et l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, a dit son appel mal fondé et a confirmé l'ordonnance entreprise, alors :

« 1°/ que la personne concernée par les mesures utiles visées à l'article L. 216-13 du code de l'environnement🏛, qui peut être amenée à reconnaître sa culpabilité et dont les déclarations sont susceptibles d'être portées à la connaissance des autorités de poursuite, de la juridiction d'instruction ou de jugement, a le droit de se taire et doit en être informée lors de son audition par le juge des libertés et de la détention ; qu'en jugeant l'inverse, au motif inopérant que la personne concernée par les mesure utiles visées à l'article L. 216-13 du code de l'environnement, n'est ni suspectée, ni poursuivie, ni accusée, au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme🏛 (p. 7, § 3), la cour d'appel a violé l'article L. 216-13 du code de l'environnement, ensemble l'article 9 de la Déclaration de 1789 ;

2°/ subsidiairement, que la déclaration d'inconstitutionnalité à intervenir des dispositions de l'article L. 216-13 du code de l'environnement emportera par voie de conséquence l'annulation de l'arrêt, privé de fondement juridique en application des articles 61-1 et 62 de la Constitution. »



Réponse de la Cour

Vu l'article L. 216-13 du code de l'environnement et la décision
n° 2024-1111 QPC rendue par le Conseil constitutionnel le 15 novembre 2024 :

7. Il résulte de la réserve d'interprétation formulée par cette décision que les dispositions du texte susvisé ne sauraient, sans méconnaître le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire, permettre au juge des libertés et de la détention, saisi d'un référé environnemental, d'entendre la personne concernée par les mesures que ce magistrat est susceptible d'ordonner, sans que ladite personne soit informée de son droit de se taire lorsqu'il apparaît qu'elle est déjà suspectée ou poursuivie pénalement pour les faits sur lesquels elle est entendue, dès lors que ses déclarations sont susceptibles d'être portées à la connaissance de la juridiction de jugement.

8. Pour dire n'y avoir lieu à annulation du procès-verbal d'audition de M. [C] par le juge des libertés et de la détention sans notification préalable du droit de se taire ainsi que de l'ordonnance subséquente rendue par ce magistrat saisi d'un référé environnemental, l'arrêt attaqué énonce qu'une telle obligation n'est pas prévue à l'article L. 216-13 du code de l'environnement qui organise une procédure, distincte de l'enquête préliminaire en cours, qui ne constitue pas une voie de poursuite pénale.

9. Les juges ajoutent que les principes directeurs du procès pénal n'ont pas vocation à s'appliquer à la personne concernée par un référé environnemental qui n'a pas pour objet d'établir sa responsabilité pénale, l'existence d'une infraction pénale étant étrangère à cette procédure.

10. En se déterminant ainsi, alors que la personne concernée a été entendue sur des faits dont était déjà suspectée, dans le cadre d'une enquête préliminaire, la personne morale qu'elle représente, la chambre de l'instruction a fait une application du texte susvisé qui n'est pas conforme à la réserve susmentionnée du Conseil constitutionnel.

11. L'annulation est par conséquent encourue de ce chef.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Orléans, en date du 1er février 2024, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Orléans et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille vingt-cinq.

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