Jurisprudence : Cass. com., 22-01-2025, n° 22-21.855, F-D, Cassation

Cass. com., 22-01-2025, n° 22-21.855, F-D, Cassation

A01396SX

Référence

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COMM.

MB


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 janvier 2025


Cassation


M. VIGNEAU, président


Arrêt n° 36 F-D

Pourvoi n° K 22-21.855


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 JANVIER 2025


1°/ Le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 2], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques,

2°/ le directeur général des finances publiques, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 3],

ont formé le pourvoi n° K 22-21.855 contre l'arrêt rendu le 16 juin 2022 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile), dans le litige les opposant à la société CG Car-Garantie Versicherungs Aktiengelsellschaft, compagnie d'assurance de droit allemand, dont le siège est [Adresse 6], [Localité 4] (Allemagne), défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Maigret, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris et du directeur général des finances publiques, de la SARL Boré,Aa de Bruneton et Mégret, avocat de la société CG Car-Garantie Versicherungs Aktiengelsellschaft, après débats en l'audience publique du 26 novembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Maigret, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 16 juin 2022) et les productions, la société CG Car-garantie Versicherungs-Aktiengesellschaft (la société CG Car-garantie), succursale française de la société CG Car Garantie Versicherungs AG, compagnie d'assurance de droit allemand, est autorisée à commercialiser en France des produits d'assurances des branches 9 « autres dommages aux biens» et 16 « pertes pécuniaires diverses » énumérées à l'article R. 321-1 du code des assurances🏛.

2. Soutenant que les contrats devaient être taxés au taux réduit de 9 % prévu à l'article 1001, 6°, du code général des impôts🏛🏛 et non au taux de 18 % prévu à l'article 1001, 5° bis, la société CG Car-garantie a, par lettres des 1er septembre 2016, 10 février et 3 mai 2017, sollicité de l'administration fiscale le dégrèvement de la moitié de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance (TSCA) versée au titre des années 2015 à 2017, à hauteur d'un montant total de 1 025 210,50 euros.

3. Ces réclamations ayant été rejetées, elle a saisi un tribunal d'une demande de dégrèvement.


Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'administration fiscale fait grief à l'arrêt de déclarer non-fondées les décisions de rejet du 12 mars 2019, accorder à la société CG Car-Garantie le dégrèvement des droits correspondants et ordonner la restitution à cette société de la somme de 1 025 210,50 euros assortie des intérêts moratoires, alors « qu'il résulte des dispositions de l'article 1001, 5° bis, du code général des impôts🏛 que le tarif de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance est fixé à 18 % pour les assurances contre les risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestres à moteur ; que selon une jurisprudence constante, la garantie "panne mécanique" entre dans le champ d'application de cet article lorsque le bénéficiaire de la garantie est l'acquéreur du véhicule, que l'objet de l'assurance est ce même véhicule et que la prestation qui est offerte par la garantie consiste en la prise en charge par l'assureur des conséquences matérielles de la réalisation d'un risque (la panne mécanique) né directement de l'usage d'un véhicule terrestre à moteur ; que la Cour de cassation écarte en revanche l'application du taux de 18 % lorsque le bénéficiaire de la garantie est le vendeur de véhicule et que la garantie couvre les pertes financières générées par la mise en oeuvre de la garantie commerciale que ce vendeur accorde lui-même au client acquéreur ; qu'en pratique, compte tenu de la diversité des conventions établies en matière de panne mécanique, seule une analyse détaillée des clauses des différents contrats permet de déterminer, au cas par cas, si les dispositions de l'article 1001, 5° bis, du code général des impôts peuvent ou non trouver application ; qu'en l'espèce, pour juger que la garantie en litige ne relevait pas du taux de 18 %, la cour d'appel a déduit du "contrat de garantie Comfortech" et de ses conditions de garantie, d'abord que le vendeur avait l'obligation personnelle de réparer à ses frais une pièce défectueuse couverte par la garantie voire de la remplacer dans le cadre d'une garantie commerciale consentie à l'acheteur, ensuite que la société CG Car-Garantie n'était pas partie à ce contrat, "fût-il établi sur un document à son en-tête" ; qu'aucune des constatations opérées par la cour d'appel ne permettait pourtant de démontrer l'existence d'une garantie commerciale consentie par le vendeur à l'acquéreur ; qu'au contraire, il résultait des constatations de la cour d'appel que le "contrat de garantie", contrat que la société Car-Garantie présentait comme la garantie commerciale proposée par le concessionnaire à l'acquéreur, était en réalité le contrat de garantie Comfortech (G17AA) à l'origine du présent litige et commercialisé par la société Car-Garantie ; que ce constat contredisait la thèse de l'existence d'une garantie commerciale accordée par le vendeur à l'acquéreur ; qu'en se fondant néanmoins sur ces motifs inopérants, la cour d'appel de Colmar a violé l'article 1001 du code général des impôts. »


Réponse de la Cour

Vu l'article 1001, 5° bis, du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014🏛 :

5. Selon ce texte, le tarif de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance est fixé à 18 % pour les assurances contre les risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestres à moteur autres que les assurances relatives à l'obligation d'assurance en matière de véhicules terrestres à moteur prévue à l'article L. 211-1 du code des assurances🏛.

6. Ces dispositions s'appliquent lorsque la garantie, qui n'est pas nécessairement incluse dans un contrat d'assurance relevant de l'article L. 211-1 du code des assurances, joue à l'occasion de tout sinistre mettant en cause un véhicule terrestre à moteur.

7. Pour déclarer non-fondées les décisions de rejet du 12 mars 2019, accorder à la société CG Car-Garantie le dégrèvement des droits correspondants et ordonner la restitution à cette société la somme de 1 025 210,50 euros assortie des intérêts moratoires, l'arrêt, après avoir relevé que le contrat de garantie Comfortech, remis à l'acquéreur du véhicule, signé par lui et le vendeur/concessionnaire, stipule que « l'acheteur reçoit du vendeur une garantie, dont le contenu résulte du présent accord de garantie (...) et des conditions de garantie détaillées ci-après ou en annexe. Cette garantie est assurée par CG Car-garantie Versicherungs-AG », prévoit à l'article 1 intitulé « contenu de la garantie » que « le vendeur/donneur de garantie délivre à l'acheteur/preneur de garantie, conformément aux conditions sous § 4, une garantie s'étendant au bon fonctionnement des composants cités dans le § 2, chiffre 1 pour la durée de validité convenue. Cette garantie est assurée par CG Car-garantie Versicherungs-AG (ci-après dénommée CG) » et, à l'article 1.2 que « si, durant la validité de la garantie, un de ces composants perd instantanément sa fonctionnalité et non pas à la suite du défaut d'un composant non couvert, l'acheteur/preneur de garantie a droit à une réparation professionnelle par le remplacement ou la remise en état du composant. (...) », retient qu'il en résulte que le vendeur a l'obligation personnelle de réparer à ses frais une pièce défectueuse couverte par la garantie voire de la remplacer, au titre de la garantie commerciale qu'il a consentie à l'acheteur, la société CG Car-garantie n'étant pas partie à ce contrat fût-il établi sur un document à son en-tête. L'arrêt en déduit que l'objet de « l'assurance garantie » consentie par la société CG Car-garantie est d'assurer l'exécution de réparations rendues nécessaires par un vice interne du véhicule vendu, dans les limites de la garantie contractuelle consentie par le vendeur.

8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la garantie contractuelle consentie par le vendeur correspondait au contrat de garantie Comfortech proposé par la société CG Car-garantie, et que la garantie en cause, portant sur le bon fonctionnement de composants d'un véhicule, jouait à l'occasion d'un sinistre mettant en cause un véhicule terrestre à moteur, la cour d'appel a violé le texte susvisé.


Et sur le moyen, pris en sa troisième branche,

Enoncé du moyen

9. L'administration fiscale fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en tout cas, en l'espèce, la cour d'appel de Colmar avait constaté que le contrat Comfortech prévoyait en son article 1 intitulé "le contenu de la garantie" que "le vendeur/donneur de garantie délivre à l'acheteur/preneur de garantie (…) une garantie s'étendant au bon fonctionnement des composants cités dans le § 2, chiffre1 pour la durée de validité convenue" et en son article 1.2 que "si, durant la validité de la garantie, un de ces composants perd instantanément sa fonctionnalité et non pas à la suite du défaut d'un composant non couvert, l'acheteur preneur de garantie a droit à une réparation professionnelle par le remplacement ou la remise en état du composant..." ; que la cour avait également constaté que les conditions générales auxquelles renvoie le contrat collectif "désignent (…) clairement l'acheteur comme étant le bénéficiaire de la garantie" ; que la cour avait enfin relevé que, conformément à l'article 6-3 des conditions de garantie, "l'acheteur preneur de garantie est autorisé, directement en son nom, à faire valoir tous les droits tenus de la garantie assurée envers la CG", puis que l'acheteur/preneur "s'engage à réclamer ses prétentions toujours auprès de CG" ; que de ces constatations il résultait que la garantie Comfortech portait sur le bon fonctionnement de certains des composants du véhicule (ce qui relève d'une garantie "panne mécanique"), que l'acquéreur du véhicule était le bénéficiaire de cette garantie et qu'il devait s'adresser à la société Car-Garantie pour obtenir une indemnisation en cas de dysfonctionnement interne du véhicule ; que ces seuls éléments justifiaient ainsi l'application du taux de 18 % à la garantie en cause, qui ne pouvait jouer par nature qu'à l'occasion d'un sinistre mettant en cause un véhicule terrestre à moteur ; qu'en jugeant le contraire, et en retenant en particulier que la garantie en litige ne constituait pas une assurance contre un risque relatif aux véhicules terrestres à moteur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en violation des dispositions de l'article 1001-5° bis du code général des impôts. »


Réponse de la Cour

Vu l'article 1001, 5° bis, du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 :

10. Pour déclarer non-fondées les décisions de rejet du 12 mars 2019, accorder à la société CG Car-Garantie le dégrèvement des droits correspondants et ordonner la restitution à cette société requérante de la somme de 1 025 210,50 euros assortie des intérêts moratoires, l'arrêt, après avoir constaté que l'acheteur était le bénéficiaire de la garantie, que conformément à l'article 6-3 de ces conditions de garantie, il était autorisé, directement en son nom, à faire valoir tous les droits tenus de la garantie assurée envers la société CG-Car garantie, et qu'il s'engageait à réclamer ses prétentions auprès de cette société, retient encore que la garantie en cause n'a pas pour objet de garantir l'acquéreur contre un risque relatif au véhicule lui-même, mais, à l'égard de l'acquéreur, de garantir l'exécution de l'obligation contractée par le vendeur, notamment lorsque le véhicule nécessitant des réparations se trouve en un lieu éloigné de l'atelier du vendeur et, à l'égard du vendeur, de garantir celui-ci contre les risques financiers liés à l'exécution de l'obligation contractée à l'égard de l'acquéreur.

11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ces éléments que la garantie en cause relevait des risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestres à moteur, en sorte que le taux de taxation applicable était de 18 %, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne la société CG Car-Garantie Versicherungs Aktiengesellschaft aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société CG Car-Garantie Versicherungs Aktiengesellschaft et la condamne à payer au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris et au directeur général des finances publiques la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé en l'audience publique du vingt-deux janvier deux mille vingt-cinq et signé par M. Ponsot, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de M. Vigneau président, empêché, le conseiller référendaire rapporteur et M. Doyen, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile🏛🏛🏛.

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