Jurisprudence : TA Toulouse, du 21-01-2025, n° 2407799

TA Toulouse, du 21-01-2025, n° 2407799

A38026RA

Référence

TA Toulouse, du 21-01-2025, n° 2407799. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/115057664-ta-toulouse-du-21012025-n-2407799
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Abstract

Mots clés : environnement • autoroute • espèces protégées • intérêt général • infrastructures Saisi notamment par des associations environnementales, le tribunal administratif de Toulouse a annulé le 27 février 2025 les projets d'autoroute A69 et d'élargissement de l'autoroute A680, qui avaient été autorisés par les préfets de la Haute-Garonne et du Tarn en mars 2023.


Références

Tribunal Administratif de Toulouse

N° 2407799


lecture du 21 janvier 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 16 décembre 2024, l'association France Nature Environnement Midi-Pyrénées, l'association Agir pour l'environnement, l'association Amis de la terre Midi-Pyrénées, l'Association pour la taxation des transactions financières pour l'aide aux citoyens du Tarn, l'association Groupe national de surveillance des arbres, l'association Nature en Occitanie, l'association Union protection nature environnement du Tarn, l'association Village action durable, la commune de Teulat, la fédération syndicale Confédération paysanne, la fédération syndicale Confédération paysanne de la Haute-Garonne, la fédération syndicale Confédération paysanne Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon, la fédération syndicale Confédération paysanne du Tarn et la société Atelier Missègle et atelier Joly, représentées par Me Terrasse, demandent au juge des référés :

1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative🏛 l'exécution de l'arrêté préfectoral interdépartemental du 2 mars 2023 portant autorisation environnementale au titre des articles L. 181-1 et suivants du code de l'environnement🏛 en vue de la réalisation des travaux de la mise à 2 x 2 voies de la liaison routière entre Castelmaurou et Verfeil, dite " A 680 " ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elles soutiennent que :

- eu égard, d'une part, à l'intervention d'une audience au fond tenue le 25 novembre 2024 au cours de laquelle la rapporteure publique a conclu à l'annulation de l'arrêté et, d'autre part, à la réouverture de l'instruction décidée par la formation de jugement saisie au fond à la suite de cette audience, les requérantes sont recevables à saisir à nouveau le tribunal d'une demande de suspension sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ;

- la poursuite des travaux, les atteintes à l'environnement qu'elle engendre et les carences de la société Atosca dans l'exécution des mesures d'évitement, de réduction et de compensation prévues par l'autorisation environnementale, engendrent un risque de dommages irréversibles à l'environnement, de même que l'exploitation future de l'autoroute, et la poursuite du chantier crée enfin un risque financier pour l'Etat et les sociétés concessionnaires, de telle sorte que l'urgence est caractérisée au sens de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ;

- le moyen tiré de ce que l'autorisation attaquée méconnaît le 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement🏛 car aucune raison impérative d'intérêt public majeur ne justifie le projet est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2025, la société Autoroutes du sud de la France, représentée par Me Clément, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge des personnes morales requérantes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'urgence invoquée par les requérantes n'est pas établie ;

- le moyen soulevé par les requérantes n'est pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2025, le préfet de la région Occitanie, préfet de la Haute-Garonne, et le préfet du Tarn concluent au rejet de la requête.

Ils font valoir que :

- la requête est irrecevable en l'absence d'éléments de fait nouveaux justifiant une nouvelle saisine du juge du référé suspension ;

- l'urgence invoquée par les requérantes n'est pas établie ;

- le moyen soulevé par les requérantes n'est pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée.

Des pièces complémentaires ont été produites par les requérantes le 13 janvier 2025.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la requête n° 2303830 enregistrée le 3 juillet 2023 par laquelle les personnes morales requérantes demandent l'annulation de l'arrêté préfectoral interdépartemental du 2 mars 2023.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 13 janvier 2025 à 10 h 00, en présence de Mme Tur, greffière d'audience :

- le rapport de M. Grimaud, président du tribunal par intérim, juge des référés,

- les observations de Me Rover, représentant les requérantes,

- les observations de M. A, représentant le préfet de la région Occitanie, préfet de la Haute-Garonne,

- et les observations de Me Clément, représentant la société Autoroutes du sud de la France.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Une note en délibéré a été produite le 14 janvier 2025 pour les requérantes.

Considérant ce qui suit :

1. Le projet de liaison autoroutière entre Castres et Toulouse par le biais de la construction d'une chaussée à deux fois deux voies, approuvé dans son principe par une décision du ministre de l'équipement, des transports et du tourisme du 8 mars 1994, a été déclaré d'utilité publique, en ce qui concerne son parcours entre Verfeil et Castelmaurou, dénommé A 680, par un arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 22 décembre 2017 et, en ce qui concerne son parcours entre Verfeil et Castres, dénommé A 69, par le décret n° 2018-638 du 19 juillet 2018🏛. Par un arrêté conjoint du 2 mars 2023, le préfet de la région Occitanie, préfet de la Haute-Garonne et le préfet du Tarn, ont accordé à la société Autoroutes du sud de la France l'autorisation environnementale permettant la réalisation des travaux de l'autoroute A 680 en lui octroyant, notamment, une dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées et de leur habitat sur le fondement des dispositions de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. Par une requête n° 2303830 enregistrée le 3 juillet 2023, l'association France Nature Environnement Midi-Pyrénées, l'association Agir pour l'environnement, l'association Amis de la terre Midi-Pyrénées, l'Association pour la taxation des transactions financières pour l'aide aux citoyens du Tarn, l'association Groupe national de surveillance des arbres, l'association Nature en Occitanie, l'association Union protection nature environnement du Tarn, l'association Village action durable, la commune de Teulat, la fédération syndicale Confédération paysanne, la fédération syndicale Confédération paysanne de la Haute-Garonne, la fédération syndicale Confédération paysanne Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon, la fédération syndicale Confédération paysanne du Tarn et la société Atelier Missègle et atelier Joly ont demandé l'annulation de cet arrêté. A la suite d'une première audience tenue le 25 novembre 2024 par la formation de jugement saisie de cette requête, l'examen de celle-ci a été renvoyé à une audience ultérieure. Par un courrier du 16 décembre 2024, le tribunal a informé les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative🏛, que la formation de jugement compétente envisage d'inscrire ce dossier à une audience devant se tenir entre le 17 et le 28 février 2025.

Sur les conclusions à fin de suspension :

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. () ".

3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. Il lui appartient également, l'urgence s'appréciant objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, de faire apparaître dans sa décision tous les éléments qui, eu égard notamment à l'argumentation des parties, l'ont conduit à considérer que la suspension demandée revêtait un caractère d'urgence.

4. En l'espèce, l'association France nature environnement et les autres personnes morales requérantes font valoir, en vue de justifier de l'urgence à suspendre l'exécution de l'arrêté interpréfectoral du 2 mars 2023, d'une part, que la poursuite de son exécution entraînerait de graves atteintes à l'environnement, notamment pour les espèces protégées en vertu de l'article L. 411-1 du code de l'environnement🏛, en raison de la localisation et de la nature des travaux menés par le concessionnaire et des carences de la société Atosca dans l'exécution des mesures d'évitement, de réduction et de compensation prévues par l'autorisation environnementale. Elles soutiennent, d'autre part, que l'exploitation future de l'autoroute A 680 créerait de même un risque d'atteinte à l'environnement, enfin que la poursuite du chantier engendrerait un risque financier pour l'Etat et les sociétés concessionnaires en cas d'annulation de cette autorisation environnementale par le tribunal dans le cadre des instances ouvertes par les requérantes devant le juge du fond.

S'agissant des éléments constitutifs de l'urgence pouvant résulter d'un intérêt public lié au risque financier associé à l'exécution des travaux :

5. Les personnes morales requérantes font valoir que le risque d'annulation de l'autorisation environnementale accordée par l'arrêté du 2 mars 2023 par la formation de jugement du tribunal saisie au fond commande la suspension de l'exécution de cette autorisation dans le but de protéger les deniers publics et, plus largement, l'intérêt public tenant à la bonne exécution de la chose jugée au fond par le tribunal. Toutefois, d'une part, il n'appartient pas au juge des référés, qui en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative🏛 ne statue que par des mesures qui présentent un caractère provisoire et n'est pas saisi du principal, de prendre en compte, en vue de caractériser l'urgence à prononcer la suspension d'un acte administratif, le sort susceptible d'être réservé par la formation de jugement effectivement saisie au fond aux conclusions à fin d'annulation de la décision dont la suspension lui est demandée. D'autre part et en tout état de cause, il résulte de l'instruction que le chantier de l'autoroute A 680, qui consiste à faire passer cette autoroute de 2 x 1 voie à 2 x 2 voies, a été entièrement réalisé sur 4 des 9 kilomètres du parcours et que cette partie de l'ouvrage doit être mise en service avant la fin du mois de janvier 2025, le reste de l'ouvrage devant être mis en service à l'été 2025. Dès lors, eu égard à l'importance économique limitée de ce chantier et à son état d'avancement, il ne résulte pas de l'instruction que l'intérêt public invoqué par les requérantes, qui ne font d'ailleurs état d'aucun élément de fait précis sur ce point, créerait une situation d'urgence justifiant la suspension de son exécution.

S'agissant des éléments constitutifs de l'urgence pouvant résulter des atteintes à l'environnement :

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il vient d'être dit, que l'ouverture au public partielle de l'autoroute A 680 est prévue dans les semaines suivant la notification de son ordonnance, l'intégralité de l'ouvrage devant l'être à l'été 2025. Les personnes morales requérantes n'apportent aucune pièce ou élément de nature à démontrer que l'exploitation des 4 premiers kilomètres de l'ouvrage auront une incidence sur l'environnement immédiat de l'ouvrage, de telle sorte qu'aucune urgence n'est démontrée sur ce point. Quant à l'ouverture au public de l'autoroute A 680 dans son intégralité à compter de l'été de 2025, ses éventuelles conséquences sur l'environnement de l'ouvrage sont insusceptibles de caractériser une urgence au sens des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

7. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il résulte de l'instruction que le chantier de l'autoroute A 680, qui consiste à faire passer cette autoroute de 2 x 1 voie à 2 x 2 voies, a été entièrement réalisé sur 4 des 9 kilomètres du parcours et que cette partie de l'ouvrage doit être mise en service avant la fin du mois de janvier 2025. En ce qui concerne les 5 derniers kilomètres du chantier, la société Autoroutes du sud de la France soutient, sans être utilement contredite, que l'empreinte maximale prévisible du chantier a été atteinte et que les travaux de terrassement ont été réalisés, de telle sorte que l'impact du chantier sur l'environnement et notamment sur les espèces protégées, est entièrement réalisé. A cet égard, si les personnes morales requérantes font valoir, en termes généraux, que la poursuite de l'exécution du chantier est susceptible d'engendrer des dommages irréversibles pour l'environnement, et font état d'opérations de travaux pouvant avoir une incidence importante sur celui-ci, l'argumentation qu'elles développent sur ce point et les pièces qu'elles produisent à l'appui de cette argumentation ne portent que sur l'ouvrage dénommé A 69, correspondant au parcours entre Verfeil et Castres, aucun élément de fait ou pièce versé aux débats n'invoquant ou n'attestant précisément d'incidences potentielles du chantier de l'autoroute A 680 sur l'environnement. Les requérantes n'établissent donc pas davantage sur ce point l'existence d'une urgence au sens des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

8. En troisième lieu, si les requérantes font valoir que la société Atosca, concessionnaire des travaux de réalisation de l'autoroute A 69, ne respecterait pas les conditions de réalisation de ce chantier prescrites par l'arrêté l'autorisant à réaliser les travaux, cette circonstance est sans incidence sur l'urgence en ce qui concerne le chantier de l'autoroute A 680, réalisé par la société Autoroutes du sud de la France.

9. Il résulte de ce tout ce qui précède, et dès lors en outre que l'audience devant examiner au fond la légalité de l'arrêté attaqué doit se tenir dans un délai d'un mois environ à compter de la notification de la présente ordonnance, que les éléments invoqués par les requérantes pour justifier l'urgence ne peuvent à ce jour être regardés, ni pris isolément, ni regardés globalement, comme de nature à établir une urgence justifiant en l'espèce la suspension de l'exécution de l'arrêté interpréfectoral du 2 mars 2023 sans attendre le jugement de la requête au fond.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de l'association France Nature Environnement Midi-Pyrénées, de l'association Agir pour l'environnement, de l'association Amis de la terre Midi-Pyrénées, de l'Association pour la taxation des transactions financières pour l'aide aux citoyens du Tarn, de l'association Groupe national de surveillance des arbres, de l'association Nature en Occitanie, de l'association Union protection nature environnement du Tarn, de l'association Village action durable, de la commune de Teulat, de la fédération syndicale Confédération paysanne, de la fédération syndicale Confédération paysanne de la Haute-Garonne, de la fédération syndicale Confédération paysanne Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon, de la fédération syndicale Confédération paysanne du Tarn et de la société Atelier Missègle et atelier Joly ne peut qu'être rejetée, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres conditions d'application des dispositions de l'article L. 521- 1 du code de justice administrative.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a par ailleurs pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Autoroutes du sud de la France sur le fondement de ces mêmes dispositions.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête présentée par l'association France Nature Environnement Midi-Pyrénées, l'association Agir pour l'environnement, l'association Amis de la terre Midi-Pyrénées, l'Association pour la taxation des transactions financières pour l'aide aux citoyens du Tarn, l'association Groupe national de surveillance des arbres, l'association Nature en Occitanie, l'association Union protection nature environnement du Tarn, l'association Village action durable, la commune de Teulat, la fédération syndicale Confédération paysanne, la fédération syndicale Confédération paysanne de la Haute-Garonne, la fédération syndicale Confédération paysanne Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon, la fédération syndicale Confédération paysanne du Tarn et la société Atelier Missègle et atelier Joly est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Autoroutes du sud de la France tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association France Nature Environnement Midi-Pyrénées, première dénommée des requérantes, à la société Autoroutes du sud de la France, au préfet de la région Occitanie, préfet de la Haute-Garonne et au préfet du Tarn.

Fait à Toulouse, le 21 janvier 2025.

Le juge des référés,

P. GRIMAUD

La greffière,

P. TUR

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

la greffière en chef,

ou par délégation, la greffière,

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