CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 janvier 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 50 F-D
Pourvoi n° P 22-20.593
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2025
La caisse régionale de Crédit agricole mutuel Nord de France, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 22-20.593 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2022 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [G] [T], domicilié [… …], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Aa et Rebeyrol, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Nord de France, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 novembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Sara, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 24 juin 2022), M. [T], salarié de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Nord de France, a saisi un conseil de prud'hommes aux fins de voir constater la nullité de son licenciement et obtenir diverses indemnisations.
2. Le 9 décembre 2019, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Nord de France a fait appel du jugement ayant fait droit aux demandes de son salarié.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La CRCAM Nord de France fait grief à l'arrêt de constater que la cour d'appel ne se trouvait saisie d'aucune prétention contre le jugement du conseil de prud'hommes de Lille du 15 novembre 2019 rendu au profit de M. [T], alors « que le
décret du 25 février 2022🏛, qui a modifié l'
article 901, 4°, du code de procédure civile🏛🏛, et l'arrêté du 25 février 2022, qui a modifié celui du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel, peuvent conférer validité à des actes antérieurs, pour autant que ces actes n'ont pas été annulés ; qu'il résulte de ces textes qu'une déclaration d'appel à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction et ce, même en l'absence d'empêchement technique, et sans qu'il soit besoin que la déclaration d'appel comporte un renvoi exprès à l'annexe ; qu'en affirmant au contraire que la déclaration d'appel ne comportant aucun renvoi à l'annexe, elle n'avait pu être valablement complétée par celle-ci, si bien que la déclaration d'appel n'avait pu avoir aucun effet dévolutif, la cour d'appel a violé les textes susvisés et l'
article 562 du code de procédure civile🏛 ».
Réponse de la Cour
Vu l'
article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales🏛, l'article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, les
articles 748-1, 748-6, 930-1, alinéas 1 et 5, du code de procédure civile🏛🏛🏛 et l'
article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020🏛 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel, modifié par l'
article 2 de l'arrêté du 25 février 2022🏛 :
4. Selon le deuxième de ces textes, la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :
1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;
2° L'indication de la décision attaquée ;
3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle.
5. Selon le troisième, les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectués par voie électronique dans les conditions et selon les modalités fixées par le titre XXI du
livre 1er du code de procédure civile🏛, sans préjudice des dispositions spéciales imposant l'usage de ce mode de communication.
6. Il résulte du quatrième que les procédés techniques utilisés doivent garantir, dans des conditions fixées par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la justice, la fiabilité de l'identification des parties à la communication électronique, l'intégrité des documents adressés, la sécurité et la confidentialité des échanges, la conservation des transmissions opérées et permettre d'établir de manière certaine la date d'envoi et, celle de la mise à disposition ou celle de la réception par le destinataire. Vaut signature, pour l'application des dispositions du code de procédure civile aux actes que les parties, le ministère public ou les auxiliaires de justice assistant ou représentant les parties notifient ou remettent à l'occasion des procédures suivies devant les juridictions des premier et second degrés, l'identification réalisée, lors de la transmission par voie électronique, selon les modalités prévues au premier alinéa.
7. En matière de procédure avec représentation obligatoire, selon le cinquième, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. Un arrêté du garde des Sceaux définit les modalités des échanges par voie électronique.
8. Il résulte du dernier que, lorsqu'un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document. Ce document est communiqué sous la forme d'un fichier séparé du fichier visé à l'article 3. Ce document est un fichier au format PDF, produit soit au moyen d'un dispositif de numérisation par scanner si le document à communiquer est établi sur support papier, soit par enregistrement direct au format PDF au moyen de l'outil informatique utilisé pour créer et conserver le document original sous forme numérique.
9. Il en découle que, si en application de l'article 4 de l'arrêté précité, lorsqu'un document doit être joint à l'acte, ledit acte renvoie expressément à ce document, une telle prescription est propre aux dispositions relatives aux procédés techniques utilisés en matière de communication électronique et ne constitue pas une formalité substantielle ou d'ordre public, au sens de l'
article 114 du code de procédure civile🏛, dont l'inobservation affecterait l'acte en lui-même.
10. Aussi, la circonstance que la déclaration d'appel ne renvoie pas expressément à une annexe comportant les chefs de jugement critiqués ne peut donner lieu à nullité de l'acte en application de l'article 114 précité.
11. Par ailleurs, cette circonstance ne saurait davantage priver la déclaration d'appel de son effet dévolutif, une telle conséquence étant disproportionnée au regard du but poursuivi.
12. Pour constater que la cour d'appel ne se trouve saisie d'aucune prétention par la déclaration d'appel de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Nord de France, l'arrêt retient que la déclaration d'appel ne mentionne pas les chefs du jugement critiqués et ne comporte aucun renvoi à l'annexe énumérant ces chefs de dispositif, de sorte qu'elle n'a pu être valablement complétée par celle-ci.
13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ;
Condamne M. [T] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille vingt-cinq.