Jurisprudence : CJCE, 11-03-2003, aff. C-40/01, Ansul BV c/ Ajax Brandbeveiliging BV

CJCE, 11-03-2003, aff. C-40/01, Ansul BV c/ Ajax Brandbeveiliging BV

A4319A74

Référence

CJCE, 11-03-2003, aff. C-40/01, Ansul BV c/ Ajax Brandbeveiliging BV. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1133053-cjce-11032003-aff-c4001-ansul-bv-c-ajax-brandbeveiliging-bv
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Abstract

La Cour de justice des Communauté européennes (CJCE), dans un arrêt du 11 mars 2003 (CJCE, 11 mars 2003, aff. . C-40/01, Ansul BV c/ Ajax Brandbeveiliging BV,), s'est prononcée, à l'occasion de deux questions préjudicielles, sur les critères de l'usage sérieux d'une marque.





ARRÊT DE LA COUR


11 mars 2003 (1)


"Marques - Directive 89/104/CEE - Article 12, paragraphe 1 - Déchéance des droits du titulaire de la marque - Notion d'usage sérieux de la marque - Activité consistant en l'entretien de produits déjà commercialisés, avec vente de pièces de rechange et d'accessoires"


Dans l'affaire C-40/01,


ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre


Ansul BV


et


Ajax Brandbeveiliging BV,


une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 12, paragraphe 1, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1),


LA COUR,


composée de M. G. C. Rodríguez Iglesias, président, MM. J.-P. Puissochet (rapporteur), M. Wathelet et C. W. A. Timmermans, présidents de chambre, MM. C. Gulmann, A. La Pergola, P. Jann et V. Skouris, Mmes F. Macken et N. Colneric, et M. S. von Bahr, juges,


avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,


greffier: Mme M.-F. Contet, administrateur principal,


considérant les observations écrites présentées:


- pour Ansul BV, par Mes E. J. Louwers et T. Cohen Jehoram, advocaten,


- pour Ajax Brandbeveiliging BV, par Me R. E. P. de Ranitz, advocaat,


- pour le gouvernement néerlandais, par M. H. G. Sevenster, en qualité d'agent,


- pour la Commission des Communautés européennes, par Mme K. Banks et M. H. M. H. Speyart, en qualité d'agents,


vu le rapport d'audience,


ayant entendu les observations orales d'Ansul BV et de la Commission, à l'audience du 4 juin 2002,


ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 2 juillet 2002,


rend le présent


Arrêt


1.


Par arrêt du 26 janvier 2001, parvenu à la Cour le 31 janvier suivant, le Hoge Raad der Nederlanden a posé, en application de l'article 234 CE, deux questions préjudicielles sur l'interprétation de l'article 12, paragraphe 1, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1, ci-après la "directive").


2.


Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant les sociétés de droit néerlandais Ansul BV (ci-après "Ansul") et Ajax Brandbeveiliging BV (ci-après "Ajax") à propos de l'usage de la marque Minimax pour des produits et des services qu'elles commercialisent.


Le cadre juridique


Le droit communautaire


3.


L'article 10, paragraphes 1 à 3, de la directive dispose:


"1. Si, dans un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la procédure d'enregistrement est terminée, la marque n'a pas fait l'objet par le titulaire d'un usage sérieux dans l'État membre concerné pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque est soumise aux sanctions prévues dans la présente directive, sauf juste motif pour le non-usage.


2. Sont également considérés comme usage aux fins du paragraphe 1:


a) l'usage de la marque sous une forme qui diffère par des éléments n'altérant pas son caractère distinctif dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée;


b) l'apposition de la marque sur les produits ou sur leur conditionnement dans l'État membre concerné dans le seul but de l'exportation.


3. L'usage de la marque avec le consentement du titulaire ou par toute personne habilitée à utiliser une marque collective ou une marque de garantie ou de certification est considéré comme usage fait par le titulaire."


4.


Aux termes de l'article 12, paragraphe 1, de la directive:


"Le titulaire d'une marque peut être déchu de ses droits si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux dans l'État membre concerné pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et qu'il n'existe pas de justes motifs pour le non-usage; toutefois, nul ne peut faire valoir que le titulaire d'une marque est déchu de ses droits si, entre l'expiration de cette période et la présentation de la demande en déchéance, la marque a fait l'objet d'un commencement ou d'une reprise d'usage sérieux; cependant, le commencement ou la reprise d'usage qui a lieu dans un délai de trois mois avant la présentation de la demande de déchéance, ce délai commençant à courir au plus tôt à l'expiration de la période ininterrompue de cinq ans de non-usage, n'est pas pris en considération lorsque les préparatifs pour le commencement ou la reprise de l'usage interviennent seulement après que le titulaire a appris que la demande de déchéance pourrait être présentée."


La législation interne


5.


L'article 5, paragraphe 3, de la loi uniforme Benelux sur les marques, du 19 mars 1962, entrée en vigueur le 1er janvier 1971 (Bulletin Benelux, 1962-2, p. 59, ci-après la "LBM"), était libellé comme suit dans sa version applicable jusqu'au 31 décembre 1995:


"Le droit à la marque s'éteint:


[...]


3. dans la mesure où il n'y a eu, sans juste motif, aucun usage normal de la marque sur le territoire Benelux, ni par le titulaire, ni par un licencié, soit dans les trois années qui suivent le dépôt, soit pendant une période ininterrompue de cinq années; en cas de litige, le tribunal peut mettre, en tout ou partie, le fardeau de la preuve de l'usage à charge du titulaire de la marque; toutefois, le non-usage à une époque précédant l'assignation de plus de six années doit être prouvé par celui qui s'en réclame.


[...]"


6.


Dans sa version applicable à compter du 1er janvier 1996, issue du protocole signé le 2 décembre 1992 (Nederlands Traktatenblad 1993, n° 12, p. 1), lequel était destiné à assurer la transposition de la directive, la LBM dispose, en son article 5, paragraphes 2 et 3:


"2. Le droit à la marque est déclaré éteint dans les limites fixées à l'article 14, C:


a) dans la mesure où il n'y a eu, sans juste motif, aucun usage normal de la marque sur le territoire Benelux pour les produits pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq années; en cas de litige, le tribunal peut mettre, en tout ou en partie, le fardeau de la preuve de l'usage à charge du titulaire de la marque;


[...]


3. Pour l'application du deuxième [paragraphe], sous a), on entend également par usage de la marque:


a) l'usage de la marque sous une forme qui diffère par des éléments n'altérant pas son caractère distinctif dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée;


b) l'apposition de la marque sur les produits ou sur leur conditionnement dans le seul but de l'exportation;


c) l'usage de la marque par un tiers avec le consentement du titulaire de la marque."


7.


L'article 14, C, de la LBM définit les conditions dans lesquelles la déclaration de la déchéance de l'enregistrement d'une marque peut être demandée aux juridictions nationales compétentes.


8.


Les dispositions de la LBM mentionnées aux points 5 à 7 du présent arrêt s'appliquent mutatis mutandis, en vertu de l'article 39 de ce texte, aux marques désignant des services.


Le litige au principal


9.


Depuis le 15 septembre 1971, Ansul est titulaire de la marque verbale Minimax, enregistrée auprès du bureau Benelux des marques sous le n° 052713 pour diverses classes de produits, à savoir essentiellement des extincteurs et des produits connexes.


10.


En 1988, l'agrément des extincteurs commercialisés par Ansul sous la marque Minimax est venu à expiration. Depuis le 2 mai 1989 au plus tard, Ansul ne commercialise donc plus d'extincteurs sous cette marque.


11.


De mai 1989 à 1994, Ansul a cependant vendu des pièces détachées et des substances extinctrices pour des extincteurs de cette marque à des entreprises chargées d'entretenir ceux-ci. Elle a également, durant la même période, entretenu, révisé et réparé elle-même des appareils portant la marque Minimax, fait figurer ladite marque sur les factures afférentes à ces prestations et apposé sur lesdits appareils des étiquettes autocollantes portant la même marque, ainsi que des bandelettes où apparaissaient les mots "Gebruiksklaar Minimax" (prêt à l'emploi Minimax). Ansul a, par ailleurs, vendu de telles étiquettes autocollantes et bandelettes aux entreprises d'entretien d'extincteurs.


12.


Ajax est une filiale de la société de droit allemand Minimax GmbH. Elle commercialise aux Pays-Bas des matériels de protection contre le feu et des articles apparentés, notamment des extincteurs, qui proviennent de Minimax GmbH.


13.


En Allemagne, Minimax GmbH est titulaire depuis plus de 50 ans de la marque Minimax. Depuis le 16 mars 1992, elle est également titulaire au Benelux de la marque verbale et figurative enregistrée sous le n° 517006 et composée du mot "Minimax", dessiné et agencé d'une certaine manière, pour divers produits, en particulier des extincteurs et des substances extinctrices, ainsi que pour certains services, notamment l'installation, la réparation, l'entretien et le remplissage d'extincteurs.


14.


En 1994, Ajax et Minimax GmbH ont effectivement commencé à utiliser la marque Minimax au Benelux. Ansul s'y est opposée, par une lettre du 19 janvier 1994.


15.


Le 13 juin 1994, Ansul a déposé la marque verbale Minimax pour certains services, notamment des services d'entretien et de réparation d'extincteurs. Cette marque a été enregistrée par le bureau Benelux des marques sous le n° 549146.


16.


Ajax a assigné Ansul devant l'Arrondissementsrechtbank te Rotterdam (Pays-Bas), le 8 février 1995, en vue d'obtenir, d'une part, la déchéance des droits d'Ansul relatifs à la marque Minimax enregistrée en 1971 sous le n° 052713, pour cause de non-usage, et, d'autre part, l'annulation de l'enregistrement de la même marque, effectué en 1994sous le n° 549146, au motif que celle-ci aurait été déposée de mauvaise foi. Ansul a contesté ces prétentions et formé une demande reconventionnelle tendant à l'interdiction de l'usage de la marque Minimax par Ajax sur le territoire du Benelux.


17.


Par jugement du 18 avril 1996, l'Arrondissementsrechtbank te Rotterdam a rejeté la demande d'Ajax et fait droit aux conclusions reconventionnelles d'Ansul. Ajax s'est ainsi vu interdire l'usage de la marque Minimax au Benelux.


18.


Ajax a interjeté appel de ce jugement devant le Gerechtshof te 's-Gravenhage (Pays-Bas). Celui-ci a considéré qu'Ansul n'avait plus fait un usage normal de la marque Minimax depuis 1989. Il a notamment considéré que, depuis lors, Ansul n'avait plus mis de nouveaux produits sur le marché mais avait seulement entretenu, révisé et réparé des appareils usagés. Il a indiqué que l'utilisation d'étiquettes autocollantes et de bandelettes portant cette marque ne pouvait permettre de distinguer les extincteurs et que, à supposer même qu'elle soit regardée comme un usage de la marque, une telle utilisation, dès lors qu'elle ne visait pas à créer ou à conserver un débouché pour les extincteurs, ne pouvait constituer un usage normal de la marque, au sens de l'article 5, paragraphe 3, de la LBM.


19.


En conséquence, par un arrêt du 5 novembre 1998, le Gerechtshof a réformé le jugement contesté en prononçant la déchéance des droits d'Ansul à la marque enregistrée en 1971 sous le n° 052713 ainsi que l'annulation des droits d'Ansul à la marque enregistrée en 1994 sous le n° 549146 et en ordonnant la radiation de ces enregistrements.


20.


Ansul s'est pourvue en cassation devant le Hoge Raad der Nederlanden. Celui-ci a considéré que l'issue du litige au principal dépendait de l'interprétation de la notion d'"usage normal" de la marque au sens de l'article 5, paragraphe 3, de la LBM.


21.


Le Hoge Raad a, d'une part, indiqué qu'une marque faisait l'objet d'un usage normal, au sens de la LBM, lorsque "le signe en cause est effectivement utilisé dans la vie des affaires pour distinguer les produits ou services d'une entreprise". Il a relevé à cet égard que l'appréciation du caractère normal de l'usage de la marque exigeait la prise en compte "de tous les faits et circonstances propres à la cause" et qu'il devait se dégager de l'ensemble de ces faits et circonstances que, "compte tenu de ce qui passe pour usuel et commercialement justifié dans le secteur des affaires envisagé, l'usage a pour objet de créer ou de conserver un débouché pour les produits et services marqués et qu'il ne vise pas au seul maintien du droit à la marque". Le Hoge Raad a ajouté, en se référant à l'arrêt de la Cour de justice Benelux du 27 janvier 1981, Turmac/Reynolds (A 80/1, Jur. 1980-81, p. 23), qu'"il faut en principe, en ce qui concerne ces faits et circonstances, prendre en considération la nature, l'étendue, la fréquence, la régularité ainsi que la durée de l'usage en relation avec la nature du produit ou du service de même qu'avec la nature et la dimension de l'entreprise".


22.


Le Hoge Raad der Nederlanden a, d'autre part, considéré que l'interprétation de l'article 5, paragraphe 3, de la LBM devait s'accorder avec celle de la notioncorrespondante d'"usage sérieux" qui figure à l'article 12, paragraphe 1, de la directive. Il a, en conséquence, décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:


"1) Les termes 'usage sérieux' utilisés à l'article 12, paragraphe 1, de la directive 89/104 doivent-ils se voir donner la signification spécifiée au point 3.4 ci-dessus [, à savoir celle, exposée au point 21 du présent arrêt de la Cour, de l'usage normal d'une marque au sens de la LBM,] et, dans la négative, à l'aide de quel (autre) critère y a-t-il lieu de déterminer la signification des termes 'usage normal'?


2) Le fait de ne pas mettre en vente de nouveaux produits mais de mener d'autres activités, telles que décrites ci-devant au point 3.1, sous v) et vi), [à savoir celles exercées par Ansul de 1989 à 1994 qui sont décrites au point 11 du présent arrêt de la Cour,] sous la marque en question constitue-t-il un 'usage normal' tel que visé ci-dessus?"


Sur la première question


23.


Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, comment doit être interprétée la notion d'usage sérieux de la marque au sens de l'article 12, paragraphe 1, de la directive, qui figure également à l'article 10, paragraphe 1, de celle-ci, et notamment si cette notion peut être définie à partir des mêmes critères que celle d'"usage normal" de la marque visée à l'article 5 de la LBM ou si d'autres critères doivent être pris en considération.

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