Jurisprudence : Cass. soc., Conclusions, 27-11-2024, n° 23-11.720

Cass. soc., Conclusions, 27-11-2024, n° 23-11.720

A39606KU

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Cass. soc., Conclusions, 27-11-2024, n° 23-11.720. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/113300593-cass-soc-conclusions-27112024-n-2311720
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AVIS DE Mme GRIVEL, AVOCATE GÉNÉRALE

Arrêt n° 1212 du 27 novembre 2024 (FS-B) – Chambre sociale Pourvoi n° 23-11.720⚖️ Décision attaquée : Cour d'appel de Reims du 14 décembre 2022 M. [F] [G] C/ la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) de Champagne Bourgogne _________________

Renvoyant au rapport pour un exposé plus complet des faits et de la procédure, nous rappellerons simplement les données nécessaires à la solution du litige. Le salarié a été licencié disciplinairement par le Crédit agricole le 9 octobre 2020, après avoir été entendu par le conseil de discipline sur la base du seul rapport de synthèse établi par l'employeur et non de l'audit interne qu'il avait fait effectuer. Débouté par l'arrêt confirmatif attaqué de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il a formé un pourvoi qui s'articule en trois moyens. Nous limiterons nos observations principalement au premier moyen, le deuxième n'appelant pas d'autres observations et réponse que celles figurant au rapport, et le troisième, subsidiaire, découlant de la solution apportée au premier. Pour contester la décision en ce qu'elle a retenu que le défaut de communication par l'employeur devant le conseil de discipline du rapport d'audit interne ne caractérisait pas la violation d'une garantie de fond privant le licenciement de cause réelle et sérieuse, le premier moyen lui reproche d'avoir violé les articles L. 1232-1, L. 1235-1

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et 13 de la convention collective nationale du Crédit agricole du 4 novembre 1987, le salarié ayant été ainsi privé de la possibilité d'assurer utilement sa défense, n'ayant pu discuter ni des modalités de traçage des connexions et des appels reprochés, ni de leur temporalité et de leur fréquence exactes (1re branche), et le fait que le rapport de synthèse ne précisait pas que la cliente concernée par les opérations en question était la compagne du salarié ayant pu avoir une influence sur la décision du conseil (3e branche). Il lui reproche encore un manque de base légale en statuant par un motif inopérant, la mention du nom de chaque participant au conseil de discipline ne permettant pas de tenir pour acquis que chaque personne avait pu discuter des faits reprochés « qui étaient suffisamment précisés pour permettre l'engagement d'une véritable discussion » (2e branche). Une première observation vient immédiatement à l'esprit : si les circonstances de l'affaire sont intéressantes en ce qu'elles permettent de s'interroger sur l'incidence sur la jurisprudence de la chambre des nouvelles dispositions de l'article L. 1235-2 du code du travail🏛, telles qu'elles ressortent de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017🏛 qui a entendu exclure toute remise en cause de la validité du licenciement du fait du non-respect d'une procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement, c'est par des reproches bien factuels que le moyen nous demande de contrôler s'il y a eu, en l'espèce, violation d'une garantie de fond. Rappelons en effet qu'après leur avoir étendu 1la jurisprudence ancienne et constante (Soc., 23 mars 1999, n°97-40.412⚖️, Bull n°134 ; Ass.plén., 5 mars 2010, n°08-42843 et suivant, Bull n°1) qui avait posé comme principe que la consultation d'un organisme chargé, en vertu de dispositions conventionnelles, statutaires ou d'un règlement intérieur, de donner son avis sur un licenciement disciplinaire envisagé par l'employeur constitue une garantie de fond dont le non-respect prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, la chambre a entendu clairement circonscrire les effets des simples irrégularités de procédure sur la validité du licenciement. Elle distingue désormais la consultation elle-même, garantie de fond dont l'absence prive le licenciement de cause réelle et sérieuse 2, et le déroulement de la procédure, dont l'irrégularité ne peut être « assimilée à » la violation d'une telle garantie que si « elle a privé le salarié de droits de sa défense ou lorsqu'elle est susceptible d'avoir exercé en l'espèce une influence sur la décision finale de licenciement par l'employeur » (Soc., 8 septembre 2021, n°19-15039⚖️, publié, et les arrêts postérieurs cités au rapport p. 11). Il doit être souligné que si toutes les décisions ont, jusqu'à ce jour, été prises avant la modification de l'ancien article L. 1235-2, cette évolution de la jurisprudence, qui lui est postérieure et qui reprend la formulation du nouvel article L. 1235-2 3, a nécessairement pris en compte la Soc.,16 janvier 2001,n°98-43189⚖️, bull n°9 : conseil de discipline ayant statué à la majorité simple sans rédiger de conclusions ; Soc.12 septembre 2018, n°16-26853⚖️, bull n°149: composition irrégulière d'une commission consultative 1

mais n'entraîne pas la nullité du licenciement, les dispositions de l'article 6, § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales🏛 n'étant pas applicables à un organe purement consultatif qui ne constitue pas un tribunal au sens de ce texte : Soc.6 avril 2022, n°19-25244 et -25994, publié 2

« Lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment sans que (...) la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire »

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modification législative. Malgré les craintes de certains auteurs cités au rapport, elle est en effet, au moins pour partie, parfaitement compatible avec les nouvelles dispositions légales, lesquelles ne visent que « la procédure de consultation » et non la consultation elle-même, ce qui permet de maintenir la qualification de garantie de fond pour cette dernière. Reste, certes, la distinction désormais opérée parmi les irrégularités, sujette à critique puisque non prévue par la loi. Il doit être cependant noté que si les dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas applicables devant un conseil de discipline, cela ne signifie pas pour autant que le salarié y est privé de ses droits de la défense, mais simplement que leur violation n'entraîne pas les mêmes effets. Or le non-respect des droits de la défense, droits de valeur constitutionnelle selon la jurisprudence rappelée au rapport, ne peut être assimilé à une simple irrégularité de procédure, laquelle peut n'avoir aucune conséquence pratique et ne pas préjudicier au salarié. La distinction jurisprudentielle reste donc tout à fait pertinente et n'est d'ailleurs pas remise en cause dans la présente affaire, ni par la cour d'appel qui l'a reprise, ni par le mémoire ampliatif du salarié qui n'y a aucun intérêt dans son souci de la voir appliquée à son profit, ni par le mémoire en défense qui estime qu'elle a été scrupuleusement respectée par l'arrêt attaqué. Et de fait, l'arrêt échappe à mon sens à toute critique à cet égard, ayant procédé à la recherche dont le défaut avait entraîné la cassation dans l'arrêt de principe précité du 8 septembre 2021, et l'ayant faite par des motifs pertinents et opérants, ayant successivement examiné les deux causes susceptibles d'invalider le licenciement. Que cet examen soit l'objet d'un contrôle de qualification de votre part comme le soutient le mémoire ampliatif (page 7) ou qu'il soit laissé au pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond s'agissant d'une appréciation in concreto comme l'indique le mémoire en défense (page 7), l'arrêt confirmatif y a procédé soigneusement (page 6), vérifiant d'abord que tous les éléments essentiels de l'accusation avaient bien été portés à la connaissance du salarié et du conseil, puis que la prétendue irrégularité n'avait pu avoir d'incidence sur la décision de l'employeur (encore que sa conclusion se contente d'indiquer que l'avis lui-même n'a pu avoir d'incidence). Et les griefs faits par les trois branches sont inopérants, d'une part parce que la chambre se contente de contrôler la conséquence que les juges du fond tirent de leurs constatations, c'est-à-dire s'il y eu violation d'une garantie de fond du fait de l'atteinte aux droits de la défense constatée par eux 4, et non si l'irrégularité constatée a, ou non, privé le salarié de la possibilité d'assurer utilement sa défense, d'autre part parce qu'ils manquent pour partie en fait. Les juges du fond ont en effet souverainement constaté que le rapport de synthèse précisait « de manière très détaillée » (jugement p. 3) « les faits constatés, la procédure suivie et les griefs relevés», y compris le nombre de connexions faites par le salarié sur le compte de son ex-compagne et d'appels depuis son téléphone professionnel ainsi que la période concernée (arrêt p. 5), les copies d'écran ne figurant pas davantage dans le rapport d'audit produit en justice (jugement p. 3, 5e attendu du paragraphe Soc., 8 juillet 2020, n°18-15603⚖️, publié : «..alors qu'il ne résultait pas de ses constatations que le défaut de signature du procès-verbal par l'ensemble des membres de la commission et de transmission de celui-ci à l'issue de la réunion, qui ne constituent pas des garanties de fond, avaient porté atteinte aux droits de la défense.. » ; Soc.,28 septembre 2016, n°15-10621 : «⚖️ ..ayant relevé...en a exactement déduit.. »; 6 avril 2016, n°14-21530⚖️, dont le 3e sommaire, qui rapporte inexactement la motivation, pourrait faire croire à un contrôle différent. 4

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1), et la qualité d'ex-compagne de la cliente en question ayant été au coeur des débats dès l'audit interne, dont le rapport de synthèse reprenait le compte-rendu de l'entretien avec le salarié. Le premier moyen pourrait donc être aisément rejeté par le rappel de l'objet de votre contrôle. Pourtant, une seconde observation s'impose, que la motivation même de la cour d'appel, extrêmement prudente, appelle : à aucune moment celle-ci ne se hasarde à qualifier le défaut de communication du rapport d'audit d'irrégularité de procédure, ni dans sa réponse sur le bien-fondé du licenciement, ni sur la demande d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, où sa réponse est encore plus ambigüe, puisqu'elle se contente de conclure que le demandeur ne peut prétendre « au bénéfice de dommages-intérêts sur le fondement d'une irrégularité de la procédure » (page 8). Tout au plus admet-elle implicitement cette qualification en reprenant la jurisprudence de la chambre du 8 septembre 2021 qui repose sur le postulat de l'existence d'une irrégularité, résultant, comme dans la présente affaire, de la simple communication par l'employeur, devant le conseil de discipline de la banque, d'un rapport de synthèse reprenant les données du rapport d'audit interne mais non de celui-ci dans son entier. Or l'on pourrait, me semble-t-il, discuter cette qualification (laquelle ressort assurément du contrôle de la chambre) tant à la lecture du texte conventionnel qu'à l'examen de la jurisprudence et des faits de l'espèce. Le texte conventionnel, tout d'abord, ne précise pas les éléments « du dossier » qui doivent être communiqués au conseil et partant, au salarié et à son conseil. Dans le précédent de 2021, la cour d'appel en avait tiré comme conséquence que ce dossier ne pouvait s'entendre que de l'entier dossier ; et d'en conclure que l'employeur devait communiquer le rapport d'audit sur lequel il fondait ses poursuites. Rien n'est moins sûr. D'une part parce que le rapport d'audit est un élément de preuve et que le conseil de discipline n'a pas pour office d'examiner les pièces pour se faire juge du caractère réel et sérieux du licenciement, comme un tribunal qu'il n'est pas, ainsi qu'il a été jugé (cf. note 2), mais simplement de donner un avis sur le bien-fondé d'une sanction et sur la nature de celle-ci. A cet effet il lui faut donc avoir connaissance parfaite et entière des griefs reprochés et entendre les parties, à tout le moins les explications du salarié. Point ne lui est besoin d'avoir les éléments de preuve pour se faire cette double opinion. D'autre part, il est de principe constant que des dispositions conventionnelles ne peuvent être étendues au-delà de leurs termes. On pourrait donc raisonner différemment si le texte conventionnel était plus exigeant, par exemple en parlant, précisément, de « l'entier dossier », ou « du dossier et des pièces relatives aux faits reprochés », comme dans un arrêt du 16 janvier 2013, n° 11-22584⚖️, ce qui sous-entendrait toutes les pièces en la possession de l'employeur à cette date. Mais tel n'est pas le cas, si bien qu'il me paraît délicat de présupposer l'irrégularité conventionnelle quand le texte ne prévoit pas une obligation précise. L'examen de votre jurisprudence, ensuite, permet aussi de discuter cette qualification. Certes, vous l'avez admise dans le précédent de 2021, alors qu'elle était discutée par la première branche du moyen, ce qui n'est pas le cas ici. Mais la cour d'appel avait constaté que le rapport communiqué ne contenait que la synthèse

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des griefs imputés au salarié à l'exclusion des éléments de l'enquête interne ayant permis de les découvrir, à l'inverse des constatations de l'arrêt présentement attaqué qui, par motifs propres et adoptés, en souligne la précision. Par ailleurs vous affirmez (Soc., 27 février 2023, n° 12-23213, Bull n° 63) que l'absence d'accès au dossier de l'employeur lors de l'entretien préalable et avant la notification du licenciement n'est pas contraire aux droits de la défense : il suffit que l'intéressé puisse en discuter le contenu devant les juridictions5. Certes, la situation est différente devant le conseil de discipline puisqu'il existe un texte prévoyant cette communication, garantie supplémentaire pour le salarié. Pour autant, il n'est pas du tout évident que l'employeur ait à communiquer à ce stade un audit, dont il ne reprend d'ailleurs pas nécessairement toutes les éléments (je pense à des faits qui pourraient être prescrits). A mon sens, encore une fois, c'est le dossier d'accusation qui doit être fourni pour respecter les droits de la défense, non le dossier probatoire. Enfin, les circonstances de l'espèce rappelées par les juges du fond ne se prêtent aucunement à la qualification d'irrégularité. Dès lors qu'ils ont constaté que le rapport de synthèse (qui nous est produit) reprenait les conclusions du rapport d'audit et en rappelait les données précises et circonstanciées, y compris le compterendu de l'audition du salarié, où est l'irrégularité ? Faute de texte plus précis, il faudrait que des éléments essentiels de l'audit soient passés sous silence. Si bien que finalement, pour que l'on puisse parler d'irrégularité, il faut soit que le texte conventionnel, statutaire ou interne pose une obligation procédurale formelle précise à la charge de l'employeur (respect d'un délai de convocation, composition du conseil...) dont le non-respect est alors susceptible de caractériser la violation d'une garantie de fond sous les conditions précitées, soit que le déroulement de la procédure de consultation révèle à tout le moins une fraude ou un non-respect patent des droits de la défense invalidant alors le licenciement. Il me semble donc que la qualification en l'espèce d'irrégularité de la procédure constitue un pré-supposé discutable, qui n'est pas une donnée de fait, une constatation des juges du fond, mais bien la prémisse juridique du raisonnement. ▸Je serais donc d'avis de rejeter le premier moyen par un motif de pur droit substitué tiré de l'absence d'irrégularité, ce qui pourrait être fait sans contradiction avec votre précédent de 2021 dès lors que les juges du fond ont fourni suffisamment de précisions sur la teneur du rapport de synthèse (et sur celle guère plus complète du rapport d'audit) pour que l'on puisse écarter la qualification d'irrégularité. Il s'en déduit naturellement qu'en l'absence d'une quelconque irrégularité, aucune indemnité n'est susceptible d'être due, le rejet du troisième moyen s'imposant par voie de conséquence. ▸Si vous estimiez devoir malgré tout rester dans le cadre de votre précédent et du moyen, le rejet du premier moyen n'en devrait pas moins être prononcé pour les raisons que j'ai précédemment indiquées. Resterait alors le troisième moyen. Pour une bonne compréhension de la jurisprudence en matière de fixation d'une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, il n'est peut-être pas Ce qui rejoint la jurisprudence civile en matière d'expertise, dont le déroulement n'a pas à respecter le principe de la contradiction, il suffit que ses conclusions puissent être discutées devant les juridictions.

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inutile de rappeler les termes de l'ancien article L. 1235-2 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 précitée : « Si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l'employeur d'accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.» L'article L. 1235-5 ajoutait : « Ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives: 1° Aux irrégularités de procédure prévues à l'article L. 1235-2 ; 2° A l'absence de cause réelle et sérieuse, prévues à l'article L. 1235-3 (qui prévoyait une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant minimum de 6 mois de salaire) 3° Au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l'article L. 1235-4. Le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi. » Il en résultait donc que dans les cas prévus à l'article L. 1235-2 (licenciement fondé et salarié ayant plus de 2 ans d'ancienneté dans une entreprise de plus de 10 salariés), une indemnité était due en cas de non-respect de la procédure de licenciement, d'un montant maximum d'un mois de salaire, sans justification d'un préjudice, le présent employé par le législateur ayant force d'impératif : « le juge accorde » (l'ancien article L. 122-14-4 était encore plus clair qui disposait : « le juge doit accorder.. »). C'est ce que rappelait régulièrement la jurisprudence qui employait alors, sans aucune création jurisprudentielle dans ce cas, la terminologie de « préjudice nécessaire » : « Ne tire pas les conséquences légales de ses constatations la cour d'appel qui déboute un salarié de sa demande d'indemnité pour non-respect de la procédure au motif que le respect des formalités prévues par la convention collective n'aurait rien changé, alors que l'inobservation de la procédure de licenciement cause nécessairement au salarié un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'importance dans les limites fixées par la loi » (Soc.,18 février 1998, n°95-42.500⚖️, Bull n°95). Dans la pratique, les juges accordaient systématiquement un mois de salaire sans discussion. Dans l'hypothèse prévue à l'article L. 1235-5 (ancien article L. 122-14-5), le salarié ne pouvait avoir droit à une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement qu'en fonction « du préjudice subi », cumulable avec une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse selon la jurisprudence : les juges retrouvaient donc leur pouvoir souverain d'appréciation habituel en matière d'évaluation d'un préjudice. D'où l'arrêt (cité au rapport) au sommaire un peu elliptique car ne précisant pas l'hypothèse dans laquelle il se place, qui n'est pas un revirement de jurisprudence après l'abandon de la jurisprudence relative au « préjudice nécessaire » mais la simple application des dispositions légales : « L'existence d'un préjudice résultant du non-respect de la procédure de licenciement et l'évaluation qui en est faite relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond\fs24fs24 » (Soc.13 septembre 2017, pourvoi n°1613.578, Bull. n°136). Qu'en est-il aujourd'hui ? Si l'ancien article L. 122-14-5 a pu être à l'origine de la jurisprudence relative au « préjudice nécessaire », les multiples évolutions de celle-

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ci sont, pour autant, sans emport sur les hypothèses où la loi prévoit elle-même que le non-respect de certaines dispositions entraîne l'allocation d'une indemnité dont elle fixe alors le maximum (licenciement sans cause réelle et sérieuse de l'article L. 1235-3 avant ou après l'introduction d'un barème par l'ordonnance du 22 septembre 2017, indemnités pour requalification des contrats temporaires..). Or, force est de constater que le nouvel article L. 1235-2 alinéa 5, qui dispose que « Lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d'un salarié intervient sans que la procédure (...) ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire », emploie toujours le présent qui vaut impératif dans l'arsenal législatif. La jurisprudence sur le préjudice nécessaire, en constante évolution, ne peut donc avoir aucune incidence sur la solution à adopter : le juge n'a qu'un pouvoir d'appréciation très restreint sur le montant de l'indemnité à allouer dans l'hypothèse en question qui est précisément la nôtre, celle d'un salarié dont le licenciement a été jugé fondé par une cause réelle et sérieuse mais dont la procédure de licenciement conventionnelle serait considérée comme entachée d'une irrégularité. ▸ Si la chambre devait considérer qu'il y a eu irrégularité, elle devrait donc casser l'arrêt non pour un manque de base légale comme le soutient le troisième moyen mais pour violation de la loi, en ce qu'il a refusé d'allouer une indemnité en raison de l'absence d'atteinte aux droits de la défense.

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