Jurisprudence : CJCE, 11-02-2003, aff. C-187/01, Hüseyin Gözütok (C-187/01) c/ Klaus Brügge (C-385/01)

CJCE, 11-02-2003, aff. C-187/01, Hüseyin Gözütok (C-187/01) c/ Klaus Brügge (C-385/01)

A0390A7L

Référence

CJCE, 11-02-2003, aff. C-187/01, Hüseyin Gözütok (C-187/01) c/ Klaus Brügge (C-385/01). Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1129027-cjce-11022003-aff-c18701-huseyin-gozutok-c18701-c-klaus-brugge-c38501
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Abstract

Par deux arrêts en date du 11 février dernier, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) s'est prononcée pour la première fois sur l'interprétation de la Convention d'application de l'accord de Schengen (CJCE, 11 février 2003, aff. . C-187/01, Hüseyin Gözütok et aff. . C-385/01, Klaus Brügge).


c/
Klaus Brügge (C-385/01)



ARRÊT DE LA COUR


11 février 2003 (1)


"Convention d'application de l'accord de Schengen - Principe ne bis in idem - Champ d'application - Décisions par lesquelles le ministère public met définitivement fin aux poursuites pénales, sans l'intervention d'une juridiction, après que le prévenu a satisfait à certaines conditions"


Dans les affaires jointes C-187/01 et C-385/01,


ayant pour objet des demandes adressées à la Cour, en application de l'article 35 UE, respectivement par l'Oberlandesgericht Köln (Allemagne) et le Rechtbank van eersteaanleg te Veurne (Belgique) et tendant à obtenir, dans les procédures pénales poursuivies devant ces juridictions contre


Hüseyin Gözütok (C-187/01)


et


Klaus Brügge (C-385/01),


une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 54 de la convention d'application de l'accord de Schengen, du 14 juin 1985, entre les gouvernements des États de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes (JO 2000, L 239, p. 19), signée le 19 juin 1990 à Schengen (Luxembourg),


LA COUR


composée de M. G. C. Rodríguez Iglesias, président, MM. J.-P. Puissochet, M. Wathelet, R. Schintgen (rapporteur) et C. W. A. Timmermans, présidents de chambre, MM. C. Gulmann, A. La Pergola, P. Jann et V. Skouris, Mmes F. Macken et N. Colneric, MM. S. von Bahr et J. N. Cunha Rodrigues, juges,


avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,


greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,


considérant les observations écrites présentées:


- pour M. Gözütok, par Me N. Hack, Rechtsanwalt (C-187/01),


- pour le gouvernement allemand, par M. W.-D. Plessing, en qualité d'agent (C-187/01 et C-385/01),


- pour le gouvernement belge, par Mme A. Snoecx, en qualité d'agent (C-385/01),


- pour le gouvernement français, par MM. R. Abraham et G. de Bergues, ainsi que par Mme C. Isidoro, en qualité d'agents (C-187/01),


- pour le gouvernement néerlandais, par Mme H. G. Sevenster, en qualité d'agent (C-187/01 et C-385/01),


- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. W. Bogensberger et C. Ladenburger (C-187/01), ainsi que par MM. W. Bogensberger et R. Troosters (C-385/01), en qualité d'agents,


vu le rapport d'audience,


ayant entendu les observations orales de M. Gözütok, représenté par Me N. Hack, du gouvernement allemand, représenté par M. A. Dittrich, en qualité d'agent, du gouvernement belge, représenté par Mme A. Snoecx, ainsi que par MM. J. Devadder et W. Detavernier, en qualité d'agents, du gouvernement français, représenté par M. R. Abraham, du gouvernement italien, représenté par M. G. Aiello, avvocato dello Stato, du gouvernement néerlandais, représenté par Mme C. Wissels, en qualité d'agent, et de la Commission, représentée par MM. W. Bogensberger et R. Troosters, à l'audience du 9 juillet 2002,


ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 19 septembre 2002,


rend le présent


Arrêt


1.


Par ordonnances des 30 mars et 4 mai 2001, parvenues à la Cour respectivement les 30 avril et 8 octobre suivants, l'Oberlandesgericht Köln (C-187/01) et le Rechtbank van eerste aanleg te Veurne (C-385/01) ont posé, en application de l'article 35 UE, chacun une question préjudicielle sur l'interprétation de l'article 54 de la convention d'application de l'accord de Schengen, du 14 juin 1985, entre les gouvernements des États de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes (JO 2000, L 239, p. 19, ci-après la "CAAS"), signée le 19 juin 1990 à Schengen.


2.


Ces questions ont été soulevées dans le cadre de deux procédures pénales poursuivies, d'une part, en Allemagne contre M. Gözütok et, d'autre part, en Belgique contre M.Brügge, pour des infractions commises par ces derniers respectivement aux Pays-Bas et en Belgique, bien que les procédures engagées dans un autre État membre contre les deux prévenus pour les mêmes faits aient été définitivement clôturées après que ceux-ci eurent acquitté une certaine somme d'argent fixée par le ministère public dans le cadre d'une procédure d'extinction de l'action publique.


Le cadre juridique


3.


Aux termes de l'article 1er du protocole intégrant l'acquis de Schengen dans le cadre de l'Union européenne, annexé au traité sur l'Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne par le traité d'Amsterdam (ci-après le "protocole"), treize États membres de l'Union européenne, dont le royaume de Belgique, la République fédérale d'Allemagne et le royaume des Pays-Bas, sont autorisés à instaurer entre eux une coopération renforcée dans le domaine relevant du champ d'application de l'acquis de Schengen, tel que défini à l'annexe dudit protocole.


4.


Font partie de l'acquis de Schengen ainsi défini, notamment, l'accord entre les gouvernements des États de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signé à Schengen le 14 juin 1985 (JO 2000, L 239, p. 13, ci-après l'"accord de Schengen"), ainsi que la CAAS.


5.


L'accord de Schengen et la CAAS visent à "parvenir à la suppression des contrôles aux frontières communes dans la circulation des personnes [...]" (deuxième alinéa du préambule de la CAAS), étant entendu que "l'union sans cesse plus étroite des peuples des États membres des Communautés européennes doit trouver son expression dans le libre franchissement des frontières intérieures par tous les ressortissants des États membres [...]" (premier alinéa du préambule de l'accord de Schengen). Conformément au premier alinéa du préambule du protocole, l'acquis de Schengen vise "à renforcer l'intégration européenne et, en particulier, à permettre à l'Union européenne de devenir plus rapidement un espace de liberté, de sécurité et de justice". Aux termes de l'article 2, premier alinéa, quatrième tiret, UE, le maintien et le développement d'un tel espace, au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes, figurent parmi les objectifs de l'Union européenne.


6.


En vertu de l'article 2, paragraphe 1, premier alinéa, du protocole, à compter de la date d'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, l'acquis de Schengen s'applique immédiatement aux treize États membres visés à l'article 1er dudit protocole.


7.


En application de l'article 2, paragraphe 1, deuxième alinéa, seconde phrase, du protocole, le Conseil a adopté, le 20 mai 1999, la décision 1999/436/CE, déterminant, conformément aux dispositions pertinentes du traité instituant la Communauté européenne et du traité sur l'Union européenne, la base juridique de chacune des dispositions ou décisions constituant l'acquis de Schengen (JO L 176, p. 17). Il résulte de l'article 2 de cette décision, en liaison avec l'annexe A de celle-ci, que le Conseil a désigné les articles 34 UE et 31 UE, qui font partie du titre VI du traité sur l'Unioneuropéenne, intitulé "Dispositions relatives à la coopération policière et judiciaire en matière pénale", comme bases juridiques des articles 54 à 58 de la CAAS.


8.


Les articles 54 à 58 de la CAAS forment le chapitre 3, intitulé "Application du principe ne bis in idem", du titre III de celle-ci, lui-même intitulé "Police et sécurité". Ils prévoient notamment ce qui suit:


"Article 54


Une personne qui a été définitivement jugée par une Partie Contractante ne peut, pour les mêmes faits, être poursuivie par une autre Partie Contractante, à condition que, en cas de condamnation, la sanction ait été subie ou soit actuellement en cours d'exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois de la Partie Contractante de condamnation.


Article 55


1. Une Partie Contractante peut, au moment de la ratification, de l'acceptation ou de l'approbation de la présente Convention, déclarer qu'elle n'est pas liée par l'article 54 dans l'un ou plusieurs des cas suivants:


a) lorsque les faits visés par le jugement étranger ont eu lieu soit en tout, soit en partie sur son territoire; dans ce dernier cas, cette exception ne s'applique cependant pas si ces faits ont eu lieu en partie sur le territoire de la Partie Contractante où le jugement a été rendu;


b) lorsque les faits visés par le jugement étranger constituent une infraction contre la sûreté de l'État ou d'autres intérêts également essentiels de cette Partie Contractante;


c) lorsque les faits visés par le jugement étranger ont été commis par un fonctionnaire de cette Partie Contractante en violation des obligations de sa charge.


2. Une Partie Contractante qui a fait une déclaration concernant l'exception mentionnée au paragraphe 1, point b), précisera les catégories d'infractions auxquelles cette exception peut s'appliquer.


3. Une Partie Contractante pourra, à tout moment, retirer une telle déclaration relative à l'une ou plusieurs des exceptions mentionnées au paragraphe 1.


4. Les exceptions qui ont fait l'objet d'une déclaration au titre du paragraphe 1 ne s'appliquent pas lorsque la Partie Contractante concernée a, pour les mêmes faits, demandé la poursuite à l'autre Partie Contractante ou accordé l'extradition de la personne concernée.


[...]


Article 58


Les dispositions précédentes ne font pas obstacle à l'application de dispositions nationales plus larges concernant l'effet Ne bis in idem attaché aux décisions judiciaires prises à l'étranger."


Les affaires au principal et les questions préjudicielles


L'affaire C-187/01


9.


M. Gözütok est un ressortissant turc qui réside aux Pays-Bas depuis plusieurs années. Il y exploite, dans la ville de Heerlen, sous l'appellation "Coffee- and Teahouse Schorpioen", un commerce de restauration rapide.


10.


Dans le cadre de deux perquisitions effectuées dans cet établissement les 12 janvier et 11 février 1996, la police néerlandaise y a découvert et saisi respectivement 1 kg de haschisch, 1,5 kg de marijuana, 41 cigarettes de haschisch ainsi que 56 g de haschisch, 200 g de marijuana et 10 cigarettes de haschisch.


11.


Il résulte du dossier que les poursuites pénales engagées aux Pays-Bas à l'encontre de M. Gözütok au titre des saisies des 12 janvier et 11 février 1996 ont été abandonnées après que ce dernier eut accepté les offres faites par le ministère public dans le cadre d'une procédure d'extinction de l'action publique et payé les sommes de, respectivement, 3000 NLG et 750 NLG requises par celui-ci dans ce contexte.


12.


À cet égard, l'article 74, paragraphe 1, du Wetboek van Strafrecht (code pénal néerlandais) dispose:


"Avant le début de l'audience, le ministère public peut fixer une ou plusieurs conditions pour éviter les poursuites pénales relatives à des délits, à l'exception de ceux que la loi sanctionne d'une peine d'emprisonnement de plus de six ans, et à des contraventions. Le droit de poursuivre pénalement s'éteint lorsque le suspect a rempli ces conditions."


13.


Parmi ces conditions peut figurer le paiement à l'État d'une somme d'argent, dont le montant se situe entre 5 NLG et le maximum de l'amende qui peut être prononcée pour le fait reproché.


14.


L'attention des autorités allemandes a été attirée sur la personne de M. Gözütok par une banque allemande qui, le 31 janvier 1996, leur a signalé d'importants mouvements sur le compte bancaire de celui-ci.


15.


Après qu'elle se fut renseignée sur les agissements de M. Gözütok auprès des autorités néerlandaises, la police allemande a procédé, le 15 mars 1996, à son arrestation enAllemagne et, le 1er juillet 1996, la Staatsanwaltschaft Aachen (ministère public d'Aix-la-Chapelle) (Allemagne) a inculpé M. Gözütok au motif qu'il s'était livré aux Pays-Bas, à au moins deux reprises au cours de la période allant du 12 janvier au 11 février 1996, dont une fois dans des quantités non négligeables, au commerce de stupéfiants.


16.


Le 13 janvier 1997, l'Amtsgericht Aachen (Allemagne) a condamné M. Gözütok à une peine privative de liberté d'une durée totale d'un an et cinq mois, avec mise à l'épreuve.


17.


M. Gözütok et le ministère public ayant interjeté appel de ce jugement, le Landgericht Aachen (Allemagne) a, par ordonnance du 27 août 1997, mis un terme à la procédure pénale engagée contre M. Gözütok au motif, notamment, que, conformément à l'article 54 de la CAAS, l'abandon définitif des poursuites pénales par les autorités néerlandaises liait les autorités pénales allemandes. Selon ladite juridiction, la clôture des poursuites pénales est intervenue à la suite d'une transaction proposée par le ministère public ("transactie"), procédure de droit néerlandais qui est assimilable à une condamnation définitive ("rechtskräftige Verurteilung") au sens de la version allemande de l'article 54 de la CAAS, bien qu'une telle transaction ne comporte pas la participation d'un juge et ne prenne pas la forme d'un jugement.


18.


Le ministère public a introduit un recours contre cette ordonnance du Landgericht Aachen devant l'Oberlandesgericht Köln qui, considérant que la solution du litige nécessite une interprétation de l'article 54 de la CAAS, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:


"L'article 54 de la CAAS entraîne-t-il l'extinction de l'action publique en République fédérale d'Allemagne lorsque, en droit néerlandais, cette action est éteinte au royaume des Pays-Bas pour les mêmes faits? En particulier, cela est-il également le cas lorsqu'une décision du ministère public met fin, une fois certaines conditions satisfaites ("transactie" de droit néerlandais), à la procédure, ce qui exclut toute poursuite devant une juridiction néerlandaise, alors que l'ordre juridique des autres Parties Contractantes prévoit qu'une telle décision requiert l'approbation du juge?"


L'affaire C-385/01


19.


M. Brügge, un ressortissant allemand résidant à Rheinbach (Allemagne), est poursuivi par le ministère public belge pour avoir, à Oostduinkerke (Belgique), le 9 octobre 1997, porté à Mme Leliaert, en violation des articles 392, 398, paragraphe 1, et 399, paragraphe 1, du code pénal belge, des coups et blessures volontaires ayant entraîné une maladie ou une incapacité de travail.

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