**COUR D'APPEL DE VERSAILLES
12ème chambre section 2
DU 02 MAI 2002
**N° d'inscription au répertoire général : 98/00006
Le deux mai deux mille deux, la cour d'appel de VERSAILLES, 12ème chambre
section 2, a rendu l'arrêt REPUTE CONTRADICTOIRE suivant,
prononcé en audience publique,
La cause ayant été débattue à l'audience publique du SEPT MARS DEUX MILLE
DEUX,
DEVANT : Madame Françoise LAPORTE, Conseiller, faisant fonction de président
chargé du rapport, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés, en
application de l'article 786 du nouveau code de procédure civile,
assisté pendant les débats de Melle Aa A, faisant fonction de
greffier,
Le magistrat rapporteur en a rendu compte à la cour, dans son délibéré, celle-
ci étant composée de :
Madame Françoise LAPORTE, Conseiller, faisant fonction de président,
Monsieur Jean-François FEDOU, conseiller,
Monsieur Denis COUPIN, conseiller,
et ces mêmes magistrats en ayant délibéré conformément à la loi,
**DANS L'AFFAIRE,
**
ENTRE :
**Société OIL TERMINAL** , (société de droit roumain) dont le siège est Strada
Caraiman N 2 - 87000 CONSTANTZA (ROUMANIE), prise en la personne de ses
représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
APPELANTE d'un jugement rendu le 04 Avril 1997 par le Tribunal de Commerce de
NANTERRE, 6ème chambre
CONCLUANT par la SCP JULLIEN-LECHARNY-ROL, Avoués près la Cour d'Appel de
VERSAILLES
AYANT POUR AVOCAT la SCP HOLMAN FENWICK ET WILLAN, Avocats au Barreau de PARIS
**ET :
**
**S.A. BUREAU VERITAS** , dont le siège est 17 bis place des Reflets -
Immeuble B22, La Défense 2 - 92400 COURBEVOIE, représentée par son Président
Directeur Général en exercice domicilié en cette qualité audit siège
INTIME
CONCLUANT par la SCP LISSARRAGUE-DUPUIS & ASSOCIES, Avoués près la Cour
d'Appel de VERSAILLES
AYANT POUR AVOCAT la SCP R. D'ORNANO, M. B - T. D'ORNANO,
Avocats au Barreau de MARSEILLE
Société HELENA SHIPPING COLTD, dont le siège est 20, Vassilissis Fridericks
Street - EL Greco House Office 104 NICOSIA - (CHYPRE), et aussi 43 SYNGROU AVE
11743 ATHENS (GREECE) prise en la personne de ses représentants légaux
domiciliés en cette qualité audit siège
ASSIGNEE PAR ACTE DELIVRE A PARQUET ETRANGER LE 07 JUILLET 2000
N' A PAS CONSTITUE AVOUE.
**FAITS ET PROCEDURE
**
[[5]]Se prévalant du non règlement de factures concernant la classification
des navires " CERNAVODA " et " OLTINA " en 1992 et 1993 dont la société de
droit grec ELENA SHIPPING Co LTD serait armateur gérant et les sociétés de
droit roumain OIL TERMINAL et NAVROM seraient respectivement propriétaires, la
SA BUREAU VERITAS a assigné ces trois sociétés devant le tribunal de commerce
de NANTERRE aux fins d'obtenir leur condamnation solidaire à leur paiement.
Par jugement réputé contradictoire du 04 avril 1997, cette juridiction a mis
hors de cause la société NAVROM, condamné solidairement la société ELENA
SHIPPING et la société OIL TERMINAL à verser à la société BUREAU VERITAS la
somme de 144.329 francs français (22.002,81 euros), majorée des intérêts au
taux de 1,5 % par mois à compter du 10 août 1994 avec le bénéfice de
l'exécution provisoire, rejeté les autres demandes de la société BUREAU
VERITAS, lui a alloué une indemnité de 12.000 francs (1.829,39 euros) en vertu
de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et condamné ces deux
sociétés aux dépens.
La société OIL TERMINAL qui a relevé appel de cette décision à l'encontre de
la seule société BUREAU VERITAS a exposé avoir conclu avec la société ELENA
SHIPPING, les 05 décembre 1991 et 24 février 1992, des chartes-parties pour
l'affrètement " coque nue " des deux navires stipulant le maintien de leur
classification auprès du registre naval roumain pendant toute la durée
d'exécution de ces conventions.
Elle a affirmé que la société ELENA SHIPPING avait néanmoins décidé sans son
accord de faire effectuer une seconde classification des navires auprès de la
société BUREAU VERITAS.
Elle a soutenu qu'elle ne pouvait être tenue d'honorer le coût de ces
prestations dès lors que seule la société ELENA SHIPPING avait conclu un
contrat avec la société BUREAU VERITAS comme cette dernière l'a reconnu et que
son propre intérêt à de telles opérations, à supposer qu'il ait existé, ne
saurait la rendre débitrice envers la société intimée qui ne pouvait ignorer
les classifications antérieures, en sa qualité d'organisme de classification.
Elle a démenti toute société créée de fait entre elle-même et la société ELENA
SHIPPING en l'absence de toute apparence démontrée à cet égard et dénié que
cette dernière ait été son mandataire.
Elle a argué, en toute hypothèse, de l'irrecevabilité des demandes formées par
le BUREAU VERITAS à son encontre, eu égard à la réalisation des prestations en
cause durant la période s'étant écoulée entre le 04 septembre 1992 et le 24
mars 1993, et subsidiairement de l'irrecevabilité des demandes de cette
société comme étant prescrites par application de l'article 433 du code de
commerce, devenu L.110-4 du même code.
Elle a réclamé, en outre, une indemnité de 30.000 francs (4.573,47 euros) au
titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société BUREAU VERITAS a conclu à la confirmation intégrale du jugement
déféré sauf à y ajouter une indemnité de 36.180 francs (5.515,61 euros) sur le
fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle a opposé que les classifications auxquelles elle a procédé avaient été
opérées également dans l'intérêt de la société OIL TERMINAL armateur
propriétaire des navires en faisant état de leur caractère essentiel pour
l'exploitation commerciale des navires puisqu'elles établissaient leur bon
état et leur conformité aux normes de sécurité exigées par les assureurs ainsi
que par les conventions internationales et les réglementations nationales.
Elle s'est prévalue de l'article 32 " share of profits " de la charte-partie
du MT OLTINA pour faire état de la communauté d'intérêts entre les sociétés
ELENA SHIPPING et OIL TERMINAL démontrant l'existence d'une véritable société
créée de fait dont elle a estimé tous les critères réunis en l'espèce.
Elle a ajouté que l'armateur fréteur avait la charge des travaux nécessaires à
la mise en conformité du navire en vue du service qu'il devait effectuer.
Elle a prétendu n'avoir nullement entendu contracter avec la seule société
ELENA SHIPPING laquelle était apparue agir pour le compte de l'armateur OIL
TERMINAL en soulignant qu'il n'était pas justifié de la publication des
chartes parties, ni qu'elles aient été portées à sa connaissance.
L'affaire est venue en cet état à l'audience du 11 janvier 2000.
Par arrêt du 24 février 2000, la Cour a ordonné la réouverture des débats et
d'office la mise en cause de la société de droit grec ELENA SHIPPING Co LTD en
application de l'article 552 du nouveau code de procédure civile, enjoint à la
société OIL TERMINAL d'y procéder et réservé toutes les demandes ainsi que les
dépens.
La procédure a été à nouveau fixée à l'audience de plaidoiries du 26 avril
2001, après assignation de la société ELENA SHIPPING.
La Cour, selon un second arrêt du 14 juin 2001, ayant constaté que tous les
documents communiqués par les parties étaient rédigés en langue étrangère, a
encore ordonné la réouverture des débats et la traduction en français par
celles-ci des pièces pertinentes produites en réservant toutes les demandes
ainsi que les dépens.
Les parties ont versé aux débats un certain nombre de traductions.
La société OIL TERMINAL n'a pas reconclu.
La société BUREAU VERITAS a réitéré son argumentation précédente.
**MOTIFS DE LA DECISION
**
Considérant que les diligences effectuées par les sociétés de classification
constituent des prestations de service et ne peuvent donc nullement être
assimilées à des fournitures faites au navire comme le prétend à tort
l'appelante ;
qu'elles ne sont dès lors pas soumises à la prescription de l'article L.110-4
du code de commerce en sorte que l'action en recouvrement de factures,
afférentes à de telles prestations, poursuivie par la société BUREAU VERITAS
est recevable ;
considérant que la société OIL TERMINAL propriétaire des navires " CERNAVODA "
et " OLTINA " qui les a frétés " coque nue " à la société ELENA SHIPPING, pour
une durée de cinq ans selon chartes-parties en date des 05 décembre 1991 et 24
février 1992, affirme ne pas être redevable des frais de classification de ses
navires en prétendant qu'ils ont été engagés à la demande de l'affréteur et
exposés dans l'unique intérêt de ce dernier ;
considérant que la société OIL TERMINAL ne discute pas s'être engagée envers
l'affréteur à lui mettre à disposition ses navires en bon état de navigabilité
laquelle implique que ces derniers soient munis de tous les certificats de
navigation leur permettant d'assurer un service commercial conformément aux
clauses de la charte-partie ;
or, considérant que l'article 19 des chartes-parties des 05 décembre 1991 et
24 février 1992 stipule que les navires en cause sont destinés à naviguer dans
le monde entier en sorte que leur propriétaire la société OIL TERMINAL avait
l'obligation de fournir les certificats nécessaires pour y procéder et qu'il
n'est pas justifié que leur classement lors de la signature des chartes-
parties auprès du registre naval roumain ait pu bénéficier d'une
reconnaissance internationale suffisante s'agissant de pétroliers, certains
pays subordonnant l'autorisation de naviguer de tels navires dans leurs eaux
territoriales à la possession de certificats délivrés par une société membre
de l'association internationale des sociétés de classification, ce qui est le
cas de la société BUREAU VERITAS ;
qu'il incombait donc à la société OIL TERMINAL de faire classer ses navires
auprès d'une société de classification autre que le registre naval roumain ;
considérant, en outre, que la société OIL TERMINAL avait effectivement intérêt
à réaliser la classification des navires " CERNAVODA " et " OLTINA " auprès du
BUREAU VERITAS tant en qualité de propriétaire puisque l'attribution de
certificats attestant du bon état de navigabilité et autorisant une navigation
dans le monde entier leur conférait une plus value certaine en cas de vente ou
d'affrètement ultérieurs, qu'en qualité d'associée de la société ELENA
SHIPPING dès lors que la clause 32 des chartes-parties intitulée " share of
profits " prévoit que pendant toute leur durée, 50 % des bénéfices nets
résultant de l'exploitation des navires seront versés à la société OIL
TERMINAL laquelle a aussi un droit de regard sur leurs comptes d'exploitation
;
considérant que la société BUREAU VERITAS déduit, à juste titre, de ces
dispositions caractérisant une communauté d'intérêts certaine entre elles,
l'existence d'une société créée de fait entre le fréteur et l'affréteur pour
l'exploitation des navires la société OIL TERMINAL fournissant les navires et
la société ELENA SHIPPING les exploitant dans leur intérêt commun, les
bénéfices et les pertes (reportées sur les bénéfices futurs) étant partagés
tandis que la société propriétaire qui ne participe pas directement à
l'exploitation dispose d'un contrôle par l'intermédiaire de l'examen et de
l'approbation des comptes ;
que cette seconde qualité rend la société OIL TERMINAL solidairement
responsable des dettes nées de l'exploitation des deux navires ;
considérant par ailleurs, que la société OIL TERMINAL ne peut se prévaloir des
chartes-parties " coque nue " conclues avec la société ELENA SHIPPING pour
tenter de se soustraire à ses obligations dans la mesure où elle ne démontre
pas que les contrats d'affrètement aient été publiés, ni même simplement
portés à la connaissance de la société BUREAU VERITAS en sorte qu'elle est
présumée être l'armateur de ces navires à son égard et que cette dernière
pouvait donc estimer, de bonne foi, que l'affréteur agissait pour le compte de
l'armateur apparent pour elle, la société OIL TERMINAL, étant de surcroît
observé que les certificats de classification ont bien été établis au nom de
la société OIL TERMINAL ;
qu'il suit de là que la société appelante est personnellement débitrice envers
la société BUREAU VERITAS au titre des opérations de classification des
navires " CERNAVODA " et " OLTINA " dont la réalité est démontrée par les
certificats produits ;
que le jugement déféré sera, en conséquence, confirmé ;
considérant que l'équité commande d'allouer à l'intimée une indemnité
supplémentaire de 2.000 euros en vertu de l'article 700 du nouveau code de
procédure civile ;
que la société OIL TERMINAL qui succombe en son appel supportera les dépens.
**PAR CES MOTIFS
**
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
VU les arrêts en date des 24 février 2000 et 14 juin 2001
DECLARE recevable l'action de la SA BUREAU VERITAS ;
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
CONDAMNE la société OIL TERMINAL à verser à la SA BUREAU VERITAS une indemnité
complémentaire de 2.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code
de procédure civile ;
LA CONDAMNE aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP LISSARRAGUE-
DUPUIS et Associés, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du
nouveau code de procédure civile.
ARRET PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER
FAISANT FONCTION DE PRESIDENT
ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET
LE GREFFIER, QUI A ASSISTE AU PRONONCE
M. C X
LE CONSEILLER, FAISANT FONCTION DE PRESIDENT
F. LAPORTE