AVIS COMPLÉMENTAIRE DE Mme WURTZ, AVOCATE GÉNÉRALE
Arrêt n° 508 du 15 mai 2024 (B+R) –
Chambre sociale Pourvoi n° 22-11.652⚖️ Décision attaquée : Cour d'appel de Paris du 9 décembre 2021 La société Entreprise Guy Challancin C/ Mme [K] [H] _________________ Le présent avis entend apporter des éléments complémentaires sur le troisième moyen de cassation du pourvoi. Il est constant que le droit pour la victime d'obtenir réparation du préjudice subi existe dès que le dommage, fait générateur de la créance est causé1. Dans la présente espèce, comme énoncé dans mon avis initial, la fusion intervenue entre les deux sociétés le 28 novembre 2012 est sans portée sur la question qui vous est posée. En effet, à la date de la transmission universelle du patrimoine de la société MBS à la société Guy Challancin, soit le 28 novembre 2012, la salariée, en arrêts de travail couverts par la CPAM, n'avait pas encore fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude lequel constitue l'évènement lui ouvrant des droits, soit le fait générateur d'une créance dans ses rapports avec son employeur. Ainsi, peu important la fusion antérieure des deux sociétés, à la date du licenciement, les dispositions de l'
article L.1226-6 du code du travail🏛 étaient applicables, l'accident du
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Com,2 février 2010, n° 09-11.938⚖️1
travail étant survenu au service de l'employeur initial et la créance liée à la rupture du contrat pour inaptitude étant née au cours des rapports avec le nouvel employeur. Les motifs de l'arrêt écartant les dispositions de l'article L.1226-6 sur le fondement de la fusion sont donc inopérants. Par ailleurs, les motifs de l'arrêt statuant sur le caractère professionnel de l'inaptitude au regard des mentions cochées par le médecin du travail dans le formulaire de visite de reprise et de ses recommandations et au regard de la consultation de la délégation du personnel ne sauraient suffire, à eux seuls à écarter les dispositions de l'article L.1226-6 du code du travail. En effet et pour mémoire, vous jugez que la seule exception au principe fixé à l'article L.1226-6 est l'existence d'un lien de causalité, même partiel, entre l'accident du travail ou la rechute (dans notre cas de figure l'inaptitude) et les conditions de travail au service du nouvel employeur. Or, en l'espèce, les motifs de l'arrêt ne permettent pas de faire un tel lien. Il faut cependant noter que la cour d'appel a relevé « qu'il résulte des avenants contractuels versés aux débats que Mme [H] a commencé à travailler le 12 mars 2001 pour la société Challancin, puis a été embauchée le 5 juillet 2008 par la société MBS, appartenant au même groupe que la société Challacin, et qui mentionne sur une attestation du 28 juillet 2008 que Mme [H] est embauchée depuis le 5 juillet 2008 avec une reprise d'ancienneté au 12 mars 2001. Enfin, Mme [H] a été réembauchée par la société Challancin par avenant du 14 avril 2010 (sans rupture du contrat de travail avec la société MBS) dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique modifié par avenant du 23 septembre 2010 pour une reprise à temps complet, et dans lequel il est mentionné que les autres clauses du contrat sont inchangées. » Ces éléments sont-ils de nature à vous permettre de considérer, à l'instar des transferts de contrat par l'effet de la loi, que c'est le même contrat qui se poursuit auprès de la société Challancin, avec une reprise de l'ensemble des obligations de l'employeur initial, ce qui pourrait, le cas échéant, justifier que les règles protectrices propres aux accidents du travail et aux maladies professionnelles s'appliquent et soient opposables à la société Guy Challancin ? Ce n'est cependant pas ce qui a motivé la cour d'appel pour statuer sur l'opposabilité au nouvel employeur des règles protectrices. Je maintiens donc mon avis de cassation.
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