MOTIFS DE LA DÉCISION
I. Sur la nullité du jugement
Mme [Aa] soulève la nullité du jugement de première instance qui contrevient aux
articles 455 et 458 du code de procédure civile🏛🏛 comme ne répondant, ni aux demandes de rappel de salaire et dommages et intérêts formulées par elle pour avoir travaillé pendant son arrêt maladie, ni aux moyens développés sur le caractère professionnel de son inaptitude et sur l'absence de cause réelle de son licenciement, les quelques lignes de motivation ne reposant que sur une appréciation morale personnelle extérieure à l'exigence d'objectivité et d'impartialité.
La société Leragipe estime au contraire que le jugement se réfère bien aux moyens des parties sur l'inaptitude et la cause réelle et sérieuse du licenciement comme visant notamment les conclusions de l'enquête de la CPAM, la constatation de l'inaptitude de Mme [G] par la médecine du travail, le refus de prise en charge par la CPAM de sa maladie professionnelle, l'avis d'inaptitude avec reclassement vers un autre poste de travail et l'impossibilité pour la société, après consultation du CSE, de lui trouver un reclassement.
L'article 455 du code de procédure civile dispose que le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé.
Il énonce la décision sous forme de dispositif.
L'article 458 alinéa 1du même code ajoute que ce qui est prescrit par les articles 447,451,454, en ce qui concerne la mention du nom des juges, 455 (alinéa 1) et 456 (alinéas 1 et 2) doit être observé à peine de nullité.
L'examen du jugement déféré révèle que, s'il a repris les prétentions des parties et la chronologie des éléments factuels, en revanche, les moyens développés de part et d'autre, font défaut et en disant le licenciement comme reposant sur une cause réelle et sérieuse parce que :
'- le licenciement a été notifié le 13 mars 2021
- l'employeur était informé dès le 14 septembre 2020 qu'il n'existait pas de maladie professionnelle après avis du CRMPP,
- Madame [Aa] sera déboutée de cette demande et de ses demandes au titre de l'indemnité spéciale de licenciement et de préavis ;
Attendu qu'après en avoir délibéré, le Conseil n'a relevé aucune faute de l'employeur mais une mauvaise foi et une envie de nuire de la part de la salariée pour obtenir la rupture de son contrat de travail ; '
il n'a pas été répondu aux différents moyens développés, comme il n'a pas été statué sur toutes les demandes de la salariée sans lien avec le motif de la rupture, ce qui constitue une absence de motifs au sens de l'article 458 précité, sanctionnée par la nullité du jugement.
II- Sur le rappel au titre de la prime
Mme [D] [G] sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer un rappel de primes exceptionnelles étrangères à toute notion de présence effective et les congés payés afférents qu'elle percevait chaque année en deux temps, comme d'autres salariés, et qui avait le caractère d'un usage et que l'employeur a refusé de lui verser en considération de son arrêt maladie lequel a entraîné une charge financière supplémentaire pour l'entreprise, motif discriminatoire.
La SA Leragipe s'y oppose estimant que la prime sollicitée ne revêt pas le caractère d'usage, son montant en étant variable, comme prenant en compte le travail fait, le temps de présence et l'assiduité.
La prime en cause est celle qui était versée habituellement en deux temps et ne se confond pas avec la prime de treizième mois ou celle de 800 euros attribuée en décembre 2017 à la seule salariée, comme l'a d'ailleurs admis Mme [Ab] lors de son audition dans le cadre de l'enquête diligentée par la caisse primaire d'assurance maladie. Elle a également déclaré qu'ils ont dû faire appel à un cabinet comptable entraînant une charge financière supplémentaire pour l'entreprise. Aussi, son époux a informé la salariée le 1er mars 2019, au vu de ces éléments, qu'elle ne percevrait pas la prime de bilan, habituellement versée en février ou mars après la clôture du bilan.
Ainsi, il est suffisamment établi que le refus du versement repose sur un motif discriminatoire, faute pour l'employeur d'établir que, pour apprécier le principe même du versement ou son montant, il prenait de manière habituelle en compte le temps de présence des salariés au cours de l'année écoulée, alors même que de son propre aveu, c'est le coût généré par l'absence de la salariée en raison de ses arrêts maladie qui a motivé sa décision.
En conséquence, la salariée est fondée à réclamer paiement de la prime à hauteur de 3 000 euros et les congés payés afférents.
III. Sur l'origine de l'inaptitude
Mme [G] soutient que son inaptitude est directement liée à ses conditions de travail en ce que:
- elle s'est trouvée en situation d'épuisement professionnel ayant dû pendant son arrêt maladie, sur appel de son employeur, se rendre à plusieurs reprises en juillet et août 2018 au sein de l'entreprise pour honorer les délais liés aux obligations comptables et l'employeur ne respectant pas les préconisations du médecin du travail puisqu'elle a à nouveau exercé à temps plein avant qu'il ne soit à nouveau consulté en février 2019,
- elle a subi des pressions en lien avec ses arrêts maladie, l'employeur lui reprochant la durée et la désorganisation qu'ils occasionnaient, ne lui versant pas en 2019 la prime annuelle ayant le caractère d'usage qu'elle percevait depuis 2013,
- elle a fait l'objet de propos méprisants en tentant de jeter le discrédit sur elle, se voyant reproché de s'être attribuée la prime annuelle 2018 dans sa totalité,
- elle a été victime d'une attitude de déstabilisation lors de l'organisation d'un entretien informel le 14 mars 2019 en présence de trois représentants de la direction et au cours duquel lui ont été reprochés la désorganisation de la société et les frais « conséquents de remplacement et d'expert-comptable », a été insinué qu'elle avait détourné à son profit les indemnités de la CGAM dans le cadre de la prévoyance, et affirmé qu'elle s'était attribuée unilatéralement une prime en 2018. Il a maintenu qu'elle ne toucherait pas de prime exceptionnelle en 2019, lui a finalement annoncé qu'il souhaitait « se séparer » d'elle et a modifié les horaires de son temps partiel thérapeutique sans lui donner d'explications.
Elle fait valoir que le comportement de l'employeur a généré un état anxio-dépressif à l'origine de la déclaration d'inaptitude.
La SA Leragipe conteste l'origine professionnelle de l'inaptitude de Mme [G] en l'absence de maladie professionnelle reconnue au jour de la notification du licenciement.
Elle fait valoir que ne se trouvent caractérisés ni l'épuisement professionnel, ni les pressions, ni les propos méprisants, ni une attitude déstabilisante pour obtenir la rupture du contrat contrairement aux allégations deAaMme [G].
Selon l'
article L.1226-14 du code du travail🏛, la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.
Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.
Les dispositions du présent article ne se cumulent pas avec les avantages de même nature prévus par des dispositions conventionnelles ou contractuelles en vigueur au 7 janvier 1981 et destinés à compenser le préjudice résultant de la perte de l'emploi consécutive à l'accident du travail ou à la maladie professionnelle.
Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement, l'application des dispositions de l'
article L. 1226-10 du code du travail🏛 n'étant pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance-maladie du lien de causalité entre l'accident et l'inaptitude. Il appartient au juge de vérifier si l'inaptitude avait au moins partiellement une origine professionnelle.
Par ailleurs, si le juge ne peut substituer son appréciation à celle du médecin du travail quant à l'aptitude du salarié, il lui appartient au contraire d'apprécier si l'inaptitude a un caractère professionnel.
En outre, il convient de rappeler qu'en application des
articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale🏛, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. Il n'existe pas de tableau de maladies professionnelles pour les atteintes à la santé liées aux risques psychosociaux. La prise en charge des affections psychiques relève donc du système complémentaire hors tableaux sous réserve d'un niveau de gravité suffisant caractérisé soit par le décès, soit par un taux d'incapacité permanente prévisible d'au moins 25 %.
En l'espèce, il est constant que Mme [D] [G] a été victime d'une chute dans le cadre de la vie privée survenue en avril 2018 nécessitant des arrêts de travail à compter du 18 juin 2018 renouvelés jusqu'au 24 septembre 2018.
Le 24 septembre 2018, le médecin du travail a émis un avis favorable à la reprise sur le poste antérieur dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique à 50% en privilégiant des demi-journées de travail à revoir lors de l'augmentation du temps de travail.
Le médecin traitant de la salariée a prescrit quant à lui un temps partiel pour raison médicale jusqu'au 20 février 2019, puis à nouveau à compter du 8 mars 2019.
Il résulte des éléments de la cause et notamment de l'audition de Mme [O] dans le cadre de l'enquête administrative de la caisse primaire d'assurance maladie que la salariée a repris son poste à temps plein à compter du 21 février 2019, sans consultation préalable du médecin du travail, lequel a rencontré la salariée le 25 février 2019, ce qui a donné lieu à une simple attestation de suivi.
Le 14 mars 2019, la salariée a été placée en arrêt de travail pour un syndrome dépressif, renouvelé à l'issue d'un entretien avec l'employeur.
Par lettre datée du 18 mars 2019, l'employeur évoque le litige relatif au paiement de la prime pour l'année 2018 lequel a été évoqué à plusieurs reprises avec la salariée ( 1er, 7 et 14 mars ), qu'alors la salariée a exprimé le souhait de quitter la société avec un éventuel arrangement dans l'hypothèse où elle ne lui serait pas versée ou encore être licenciée après la rencontre du 14 mars. Il rappelait que le lendemain de la discussion du 7 mars, le médecin de la salariée avait prescrit un nouvel arrêt de travail en mi-temps thérapeutique, puis un nouvel arrêt maladie à la suite de l'entretien du 14 mars. Il concluait que les événements depuis le 25 février ne manquaient pas de causer une désorganisation pour l'entreprise.
Le 3 avril 2019, la salariée a répondu par écrit. S'agissant de la prime, elle a exprimé sa déception lorsque l'employeur l'a informée de sa non-perception, pas même au prorata, compte tenu de son investissement et de la qualité de son travail, rappelant que chaque mois, ils préparent les paies ensemble, que M. [O] les vérifie et qu'il ne lui a jamais fait part d'un quelconque problème ; concernant son départ de la société, elle a admis avoir dit que si son travail devait se passer dans cette atmosphère, il valait mieux qu'ils se séparent, ce qui a entraîné l'emportement de M. [Ab] qui lui a fait savoir qu'il était hors de question de trouver un arrangement, que si elle voulait partir, elle devrait démissionner ; sur les conditions de sa reprise, afin d'éviter tout reproche quant à l'organisation de la comptabilité pendant son absence et alors qu'elle aurait dû passer par un temps partiel à hauteur de 70%, elle a finalement repris à 100% , ce qui était incompatible avec ses souffrances physiques, expliquant ainsi que son médecin traitant lui prescrive le 7 mars un mi-temps thérapeutique ; concernant le 14 mars 2019, elle explique avoir été appelée en fin de matinée dans le bureau de M. [O], lorsqu'elle est arrivée, elle a constaté aussi la présence de Mme [O] adjointe à la direction et M. [R] directeur du magasin, ce sans en avoir été prévenue ; après s'être excusée pour la désorganisation occasionnée par son état de santé, laquelle avait été invoquée par Mme [Ab], les reproches sont tombés un à un, dans des conditions destinées à la déstabiliser, voire l'intimider, avec des insinuations sur un éventuel détournement d'indemnité de la CGAM dans le cadre de la prévoyance, le tout avant de lui dire qu'il ne voulait pas qu'elle reste et de lui annoncer une modification de ses horaires de mi-temps alors qu'ils lui convenaient en raison de la route.
Le 19 juin 2019, la salariée a déclaré une maladie professionnelle au motif d'un syndrome anxio-dépressif en rapport avec un épuisement. Si dans un premier temps le caractère professionnel n'a pas été retenu, par jugement du 4 février 2022, le Pôle social du tribunal judiciaire de Rouen a dit que la pathologie objet de la déclaration de maladie professionnelle du 19 juin 2019 doit être prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.
Dans ce contexte, la salariée a le 9 juillet 2019 écrit à son employeur pour mettre fin au contrat de travail de façon amiable, procédure à laquelle l'employeur ne s'est pas d'emblée opposé, proposant un entretien à la salariée le 5 septembre 2019, avant finalement d'y mettre un terme le 17 septembre 2019, compte tenu de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle.
Dans le cadre de l'enquête administrative diligentée, Mme [H] [O], directrice générale, a déclaré que Mme [Aa] étant la seule comptable, qu'ils ont dû faire appel à un cabinet comptable entraînant une charge financière supplémentaire pour l'entreprise. Aussi, son époux a informé la salariée le 1er mars 2019, au vu de ces éléments, qu'elle ne percevrait pas la prime de bilan, habituellement versée en février ou mars après la clôture du bilan, aux salariés méritants et en général aux responsables ; elle explique que Mme [Aa] et son époux se sont de nouveau entretenus à ce sujet le 7 mars et que la salariée est partie en claquant la porte. Concernant sa venue pendant son arrêt de travail, elle explique que la salariée l'a fait de sa propre initiative lors du passage du cabinet comptable pour l'enregistrement des factures et l'établissement des paies, sans y être obligée.
Concernant la rencontre du 14 mars 2019, elle relate que cet entretien a été organisé pour essayer de clarifier et expliquer la situation par rapport à la prime, lui rappelant l'évolution de son salaire annuel et la désorganisation de l'entreprise liée à ses absences en 2018.
Il est également établi qu'un indu à hauteur de 3 103,80 euros a été réclamé à la salariée par l'assurance maladie au titre des indemnités journalières compte tenu de la poursuite d'une activité salariée entre le 22 juin et le 24 août 2018.
La salariée a été déclarée inapte à son poste suivant avis du 26 janvier 2021, le médecin du travail précisant que son reclassement est possible vers un poste de travail dans un environnement psychologique et organisationnel différent.
Le licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement a été notifié le 13 mars 2021.
Il est produit les éléments médicaux suivants :
- un écrit de M. [P] [E], médecin psychiatre, qui relate que la patiente rapporte une chute thymique depuis environ une année qu'elle met en lien initialement avec une fracture vertébrale, puis avec des difficultés professionnelles ( hyprexie, perte de plus de 10kg) ; les éléments thymiques présents initialement s'aggravent et deviennent caractérisés en avril 2019, date à laquelle une chimiothérapie antidépressive est débutée ainsi qu'un suivi avec Mme [L] psychologue du travail. Si cette patiente a par le passé eu des épisodes thymiques de tonalité dépressive brefs et peu sévères, il n'y a jamais eu aucune phase maniaque ou hypomaniaque, ni prise d'antidépresseur. A ce jour, il est noté un discours décousu et diffluent, la patiente est décrite comme tachyphemique, tachypsychique, hypersyntone, le sommeil est très altéré sans fatigue ;
- Mme [L] psychologue du travail, qui suit la salariée depuis juin 2019, relate que Mme [D] [G], qui a été fragilisée par son accident domestique, a continué son investissement auprès de l'entreprise en dépit d'une organisation difficile dans la volonté de satisfaire l'ensemble de l'entreprise. Cependant, elle a eu le sentiment de ne pas avoir été reconnue par son manager pour le travail fourni, elle a perçu un changement d'attitude et ne se sent plus en confiance, ce qui amène une souffrance physique et psychique.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, si les difficultés de santé de Mme [D] [G] trouvent leur origine dans un accident domestique, néanmoins, il est établi que la situation s'est nettement aggravée et a eu des conséquences psychologiques importantes dès lors que l'employeur a remis en cause, dans des conditions discriminatoires, le paiement de sa prime de bilan, à l'égard d'une salariée, seule comptable de l'entreprise, dont les qualités professionnelles ont toujours été reconnues, ce qui s'est manifesté par le versement sans discontinuer des primes exceptionnelles ou de bilan et par l'évolution des missions qui lui ont été confiées, au point d'avoir encore recours à son intervention alors même qu'elle était en arrêt de travail, sans que l'employeur puisse s'affranchir de ses obligations en soutenant que c'était à son initiative, alors même, qu'au titre de son obligation de sécurité, il ne peut accepter, voire requérir, l'intervention d'un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l'effet d'un arrêt de travail, que la désorganisation occasionnée par les arrêts de travail a été plusieurs fois mises en avant par l'employeur, engendrant aussi un sentiment de culpabilité chez la salariée, qui dans ces conditions a repris à temps plein sans avis préalable du médecin du travail, autant d'éléments entraînant un état anxio-dépressif décrit par le médecin psychiatre et la psychologue du travail, alors qu'il n'est fait état d'aucun antécédent psychiatrique antérieur, ce qui caractérise une maladie professionnelle.
Même si cette maladie professionnelle n'avait pas encore été reconnue au moment du licenciement, l'employeur ne pouvait ignorer la déclaration qui en avait été faite comme antérieure à la rupture, ni les motifs d'arrêt de travail à compter de mars 2019 pour un syndrome anxio dépressif survenu après une reprise dans des conditions dégradées dont il est à l'origine.
Aussi, Mme [D] [G] est fondée à obtenir paiement de :
- l'indemnité spéciale de licenciement : 10 463,40 euros
- l'indemnité compensatrice équivalent au préavis : 5 700 euros.
IV. Sur la rupture du contrat de travail
Rappelant que la cour n'est saisie que des demandes reprises dans le dispositif des conclusions, Mme [D] [G] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse dès lors que son inaptitude est directement liée aux conditions de travail dégradées au sein de l'entreprise.
La SA Leragipe conteste tout manquement estimant que ne se trouvent caractérisés ni l'épuisement professionnel, ni les pressions, ni les propos méprisants, ni une attitude déstabilisante pour obtenir la rupture du contrat contrairement aux allégations de Mme [Aa]. Au contraire, elle verse des attestations montrant qu'elle n'a jamais subi de harcèlement.
Il résulte de l'
article L. 4121-1 du code du travail🏛 que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, lesquelles comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
En cas de litige, il incombe à l'employeur de justifier avoir pris des mesures suffisantes pour s'acquitter de son obligation et s'il justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2, il peut s'en déduire une absence de manquement à son obligation.
Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.
Les attestations produites par l'employeur, à savoir :
- Mme [V], agent de maîtrise, déléguée du personnel, qui témoigne n'avoir jamais constaté de harcèlement au sein du magasin et qu'en tant que déléguée du personnel, cela ne lui a pas non plus été rapporté.
- Mme [U] [F], employée, qui décrit un climat de travail agréable et une bonne entente entre le personnel et déclare n'avoir jamais entendu Mme [G] se plaindre du climat au travail.
- Mme [C] [A], responsable fichier, qui déclare que jusqu'à son accident domestique, Mme [G] était présente aux repas de fin d'année et aux divers pots qui étaient organisés et que Mme [Aa] n'a « jamais laissé transparaître ou dit de quelque manière que ce soit qu'elle rencontrait des problèmes dans son travail ou avec la direction »
- Mme [I] [K], manager de rayon, qui témoigne qu'elle n'a « jamais remarqué chez Mme [G] de mal être ou de souffrances particulières dans son comportement pendant [les] différentes pauses communes. » et également que Mme [G] était présente dans les différentes manifestions internes de l'entreprises (repas annuels, pots de départ en retraite, anniversaires')
-Mme [W] [M], employée commerciale, qui relate n'avoir jamais vu de désaccord entre Mme [G], M. [R] ou M.et Mme [O],
corroborent les bonnes conditions de travail décrites par Mme [D] [G] jusqu'à ses arrêts maladie mais ne permettent pas de contredire les conditions dégradées établies par les développements qui précèdent à compter de mars 2019, avec une reprise à temps plein sans avis du médecin du travail, des tensions générées par le refus de régler la prime dans des conditions discriminatoires et une pression exercée en organisant un entretien informel en présence de trois membres de la direction et au cours duquel la salariée a été mise manifestement en difficulté en raison notamment des reproches émis.
Aussi, alors que s'en est suivi un arrêt de travail dans la suite immédiate pour un syndrome anxio-dépressif et que dans l'avis d'inaptitude du 26 janvier 2021, le médecin du travail a précisé que son reclassement est possible vers un poste de travail dans un environnement psychologique et organisationnel différent, ce qui tend à conforter le lien avec les conditions de travail, il est suffisamment démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement de l'employeur, de sorte que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Compte tenu de l'ancienneté de la salariée ( 13 ans), de son âge au moment de la rupture (53 ans), de l'ouverture de ses droits à l'allocation de retour à l'emploi pour un montant net initial journalier de 40,24 euros alors qu'elle percevait un salaire de base d'un montant de 2 850 euros, la cour lui alloue la somme de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Les conditions de l'
article L.1235-4 du code du travail🏛 étant réunies, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés des indemnités chômage versées à la salariée licenciée dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, du jour de la rupture au jour de la présente décision.
V. Sur le préjudice de venir travailler pendant un arrêt maladie
Mme [G] sollicite réparation du préjudice résultant de son obligation de venir travailler ponctuellement au cours de son arrêt maladie du 22 juin au 24 août 2018, ce qui lui a valu de rembourser les indemnités journalières versées pour la somme de 3 103,80 euros malgré son recours amiable.
L'employeur s'y oppose au motif qu'il n'a jamais demandé à Mme [Aa] de venir sur son lieu de travail, mais simplement de communiquer ses codes et son organisation de travail, ce qui aurait pu se faire par visioconférence ou téléphone.
Même à supposer que la salariée soit à l'initiative de sa venue sur le lieu de travail, en tout état de cause, ayant accompli des prestations sur plusieurs journées et plusieurs heures, l'employeur ne pouvait l'ignorer et il lui incombait de faire respecter de manière effective la suspension du contrat de travail, ce qu'il n'établit pas avoir fait, étant rappelé que Mme [D] [G] était la seule comptable de l'entreprise et que l'employeur n'a jamais manqué de lui rappeler la désorganisation générée par son absence.
Alors que pour la période concernée, l'employeur ne justifie pas avoir rémunéré la salariée pour les prestations accomplies, que celle-ci a été sanctionnée par l'obligation de rembourser les indemnités journalières versées pour cette même période, il convient de condamner la SA Leragipe à lui verser la somme de 3 103,80 euros à titre de dommages et intérêts.
VI. Sur les autres points
Les sommes allouées à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt pour les dispositions prononcées.
Les intérêts échus produiront intérêts, dés lors qu'ils seront dus au moins pour une année entière à compter de l'arrêt, conformément aux dispositions de l'
article 1343-2 du code civil🏛.
Les intérêts échus produiront intérêts à compter de la présente décision, dés lors qu'ils seront dus au moins pour une année entière, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.
Compte tenu de l'issue du litige, il convient d'ordonner la remise par l'employeur d'un bulletin de salaire récapitulatif des sommes dues, et de l'attestation France travail conformes au présent arrêt sans que les circonstances exigent d'y adjoindre une astreinte.
VII. Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie principalement succombante, la SA Leragipe est condamnée aux entiers dépens y compris de première instance et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Pour le même
motif, elle est condamnée à payer à Mme [D] [G] la somme de 2 000⚖️ euros pour les frais générés par l'instance et non compris dans les dépens.