Jurisprudence : CAA Marseille, 3ème ch., 14-03-2002, n° 99MA01934





SC


N° 99MA01934 - 99MA02215


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M. Monique GUERIN


c/ Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie


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M. DARRIEUTORT


Président


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M. MARCOVICI


Rapporteur


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M. DUCHON-DORIS


Commissaire du gouvernement


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Arrêt du 14 mars 2002


REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE Marseille


(3ème chambre A)


Vu 1°/ la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 23 septembre 1999 sous le n° 99MA01934, présentée pour Mme Monique GUERIN, demeurant Résidence du Soleil, 161, avenue Plein Soleil à La Grande Motte (34280), par Me Jacques GUENOT, avocat à la Cour, et les mémoires complémentaires en date des 2 juin 2000, 10 janvier 2001 et 5 mars 2001 ;


Mme GUERIN demande à la Cour :


1°/ de réformer le jugement n° 97-3010 du 15 juillet 1999 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations à l'impôt sur le revenu, au prélèvement social de 1% et à la cotisation sociale généralisée et des pénalités dont elles ont été assorties, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1993 dans les rôles de la commune de la Grande Motte, et condamne l'Etat à lui rembourser le montant de frais irrépétibles sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;


2°/ de prononcer le sursis à exécution dudit jugement ;


Classement CNIJ :


19-04-01-02-02


C+


3°/ la décharge desdites cotisations et pénalités ;


4°/ et condamner l'Etat à lui verser une somme de 15.000 francs au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;


Elle soutient que la procédure d'imposition est irrégulière dans la mesure où l'avis de vérification du 13 mars 1995 n'a jamais été réceptionné par elle, que la mise en demeure du même jour ne lui est pas non plus parvenue, qu'elle n'a accusé réception que de la mise en demeure en date du 22 septembre 1994, que ces courriers ont été signés par la gardienne de l'immeuble qui n'avait pas qualité, ni mandat à cette fin, qu'elle n'a commis aucune faute en omettant de faire suivre son courrier, que les courriers ont été adressés à une adresse erronée, que le contrôle fiscal a été irrégulièrement prolongé d'un an, en violation de l'article 12, 3ème alinéa du livre des procédures fiscales, que l'administration a commis un détournement de procédure, que les non-résidents ne peuvent pas faire l'objet d'une taxation d'office, que l'administration doit apporter au préalable la preuve de la résidence en France, que l'administration ne démontre pas que la requérante disposait d'un foyer en France au sens de l'article 4 A du code général des impôts, alors qu'elle réside depuis 20 ans au Paraguay, que M. BOURGUIGNON a été reconnu comme non résident français, que Mme GUERIN a fourni un quitus des impôts en s'établissant dans ce pays, qu'à titre subsidiaire, elle n'a pas séjourné principalement en France au titre de l'année en litige, qu'enfin le quantum de l'imposition est trop élevée dans la mesure où l'administration a imposé des sommes qu'elle a perçues de son concubin, et que, pour le reste, il lui est difficile d'apporter la preuve que les sommes proviennent de son défunt mari et de reconstituer leur traçabilité ;


Vu le jugement attaqué ;


Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2000, et les mémoires complémentaires présentés le 14 avril 2000, le 20 novembre 2000 au nom de l'Etat par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie conclut au rejet de la requête ; il soutient que la requérante ne justifie pas d'un préjudice difficilement réparable, que les critères de l'article 4 A du code général des impôts sont alternatifs, qu'il ressort des faits constants que Mme GUERIN a séjourné principalement en France en 1993, que l'envoi de pièces de procédure au Paraguay ne vaut pas reconnaissance de ce domicile par l'administration, que la requérante n'apporte aucun élément nouveau quant à sa durée de séjour en France en 1993, que le critère de foyer ne peut pas s'appliquer à la situation de la requérante qui est célibataire et sans enfants, que l'intéressé n'est repartie de France qu'un an après le décès de son père en France, que l'avis de vérification du 13 mars 1995 a bien été réceptionné par Mme GUERIN, que la confusion quant à l'adresse n'a donc eu aucune conséquence pour la requérante, ni sur la régularité de la procédure, que Mme GUERIN étant en situation de taxation


d'office, l'irrégularité de la procédure de redressement contradictoire ne peut pas être utilement invoquée, que la prorogation d'un an n'est pas irrégulière, qu'aucun détournement de procédure n'a été commis, que la procédure de taxation d'office a été régulièrement suivie, que Mme GUERIN n'établit pas que l'imposition a été fixée à un montant exagéré ; que la demande visant au remboursement de frais irrépétibles ne peut qu'être rejetée puisque l'administration n'est pas la partie perdante, qu'elle n'établit pas que M. BOURGUIGNON était son concubin à la date de l'imposition en litige ;


Vu 2°/ le recours enregistré sous le n° 99MA02215, présenté le 29 novembre 1999, par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande à la Cour d'annuler l'article 1er du jugement n° 97-3010 du 15 juillet 1999 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a prononcé la décharge des cotisations à l'impôt sur le revenu et de la cotisation sociale généralisée et des pénalités dont elles ont été assorties au titre de l'année 1994 ; il soutient que le tribunal a méconnu la portée des dispositions combinées des articles 168 du code général des impôts, L. 63 et R.63-1 du livre des procédures fiscales qui n'imposent pas la signature d'un inspecteur principal, que l'envoi de l'avis de vérification a été effectué à l'adresse indiquée par Mme GUERIN et qu'une simple erreur matérielle est sans portée sur la réalité de la réception de l'avis, que l'administration n'était pas tenue d'adresser une demande d'éclaircissement dès lors qu'aucune déclaration n'avait été produite, que Mme GUERIN était tenue de déposer une déclaration, que cette dernière est bien résidente française, que la prolongation d'un an est régulière, que Mme GUERIN a été régulièrement imposée d'office dès lors qu'elle n'a déposé aucune déclaration ;


Vu le mémoire, présenté pour Mme GUERIN, par Me GUENOT, avocat à la Cour ; Mme GUERIN conclut au rejet du recours ; elle soutient que l'avis de vérification est irrégulier car mal adressé, qu'elle n'a pas reçu cet avis, que l'administration a commis un détournement de procédure, qu'elle n'est pas domiciliée fiscalement en France, que le délai de vérification a été irrégulièrement dépassé, que la procédure est irrégulière faute d'un visa de l'inspecteur principal sur la décision de mettre en oeuvre l'article 168 du code général des impôts, que la procédure est irrégulière dans la mesure où l'administration n'a pas indiqué les conséquences pécuniaires du redressement, que l'administration n'apporte pas la preuve de sa domiciliation fiscale en France, que son foyer se situait au Paraguay, que son concubin n'était pas résident fiscal français, que le quantum de l'imposition est exagéré ;


Vu les autres pièces du dossier ;


Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;


Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;


Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 février 2001 :


- le rapport de M. MARCOVICI, premier conseiller ;


- et les conclusions de M. DUCHON-DORIS, premier conseiller ;


Considérant que la requête n° 99MA01934 et le recours n° 99MA02215 susvisés ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par une même décision ;


Considérant que Mme GUERIN qui exerce la profession de conseil en agriculture a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale d'ensemble au titre des années d'imposition 1993 et 1994 ; que les revenus ont été taxés d'office sur le fondement des dispositions combinées des articles L.66 et L.67 du livre des procédures fiscales ; que le tribunal ayant rejeté les conclusions qu'elle a formulées au titre de l'année 1993, elle demande à la Cour la décharge des impositions qui en ont résulté pour elle par une requête enregistrée sous le numéro 99MA01934 ; que le Tribunal administratif de Montpellier a, par le même jugement en date du 5 juillet 1999, prononcé la décharge des cotisations susvisées au titre de l'année 1994 ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande à la Cour d'annuler l'article 1er du jugement prononçant la décharge de l'imposition due au titre de 1994 par un recours enregistré le 29 novembre 1999 sous le numéro 99MA02215 ;


Sur le bien fondé des impositions :


Considérant qu'aux termes de l'article 4A du code général des impôts : "Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus..." et qu'aux termes des dispositions de l'article 4 B du code général des impôts : "Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A :


a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ;


b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ;


c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. (...)." ; que la notion de domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A précité est fonction du champ d'application territorial du code général des impôts ; que, pour l'application des dispositions du paragraphe a du 1 de l'article 4 B précité, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles, et que le lieu du séjour principal du contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer ;


Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme GUERIN est célibataire et sans enfant ; qu'elle était locataire d'un appartement situé à la Grande Motte dans l'Hérault depuis le mois d'avril 1991 ; qu'elle a y acheté un appartement le 20 juillet 1993, et dispose de deux véhicules automobiles de marque Mercédès et BMW, acquis respectivement les 5 novembre 1990 et 1er juillet 1993 ; que les séjours de Mme GUERIN en France, ont eu, comme le soutient l'administration, une durée d'au moins 161 jours en 1993, durée qui excède celle du séjour de la requérante dans tout autre pays ; que Mme GUERIN soutient que le motif de sa résidence en France réside dans la circonstance exceptionnelle tenant à la maladie de son père qui est décédé en 1994 et qui résidait à Gérardmer, dans les Vosges ;


Considérant qu'il ressort d'un certificat d'immatriculation et de résidence établi par l'ambassade de France au Paraguay le 11 avril 1995, que Mme GUERIN réside au Paraguay depuis l'année 1979 ; qu'elle s'y est mariée en 1981 et que son époux est décédé en 1983 ; qu'elle occupe un appartement à Ciudad del Este, au Paraguay depuis 1979 ; qu'il résulte notamment d'un certificat de vie commune signé du maire de Mauguio en date du 28 août 1990 que Mme GUERIN était la compagne de M. BOURGUIGNON, de nationalité française, dont la qualité de non résident français n'a pas été remise en cause par l'administration fiscale ; qu'il résulte également du certificat établi le 26 avril 2000 que Mme GUERIN "demeure et réside de façon permanente" au Paraguay depuis 1979 et qu'elle s'est "chaque année rendue en France, pendant 2 mois de vacances et ce jusqu'en 1993" et qu'après "sa rencontre avec M. BOURGUIGNON, au Paraguay vers 1988/89, elle n'a rien changé à ses habitudes sauf à partir de 1993 et ce pendant 2 ans environ où elle accompagnait M. BOURGUIGNON dans ses déplacements et en 1994 pour la maladie et le décès de son papa" ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. GUERIN avait, au cours des années en litige, son foyer au Paraguay ;


Considérant que, par suite, Mme GUERIN est fondée à soutenir qu'elle n'avait pas son domicile fiscal en France, au sens de l'article 4 A du code général des impôts, au cours des années 1993 et 1994 ; qu'elle n'était, par suite, pas imposable en France au titre des années 1993 et 1994 ; qu'elle est, dès lors, fondée à demander l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Montpellier du 15 juillet 1999 en tant qu'il rejette sa demande en décharge des impositions afférentes à l'année 1993 ;


Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :


Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code des tribunaux administratifs et de cours administratives d'appel : "Dans les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;


Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative de condamner l'Etat à payer à Mme GUERIN la somme de 1.000 euros qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;


D E C I D E :


Article 1er : Mme GUERIN est déchargée des cotisations d'impôt sur le revenu et de la cotisation sociale généralisé, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1993 et 1994.


Article 2 : Le recours susvisé du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.


Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier du 15 juillet 1999 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.


Article 4 : L'Etat (ministre de l'économie, des finances et de l'industrie) est condamné à verser à Mme GUERIN la somme de 1.000 euros (mille euros).


Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme GUERIN et au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE.


Copie en sera notifiée au Trésorier-payeur-général de l'Hérault.


Délibéré à l'issue de l'audience du 28 février 2002, où siégeaient :


M. DARRIEUTORT, président de chambre,


M. GUERRIVE, président assesseur,


M. MARCOVICI, premier conseiller,


assistés de M. BOISSON, greffier ;


Prononcé à Marseille, en audience publique le 14 mars 2002.


Le président,


Le rapporteur,


Signé


Signé


Jean-Pierre DARRIEUTORT


Laurent MARCOVICI


Le greffier,


Signé


Alain BOISSON


La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.


Pour expédition conforme,


Le greffier,

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