Cour administrative d'appel de Paris
Statuant au contentieux
MINISTRE DELEGUE AU BUDGET c/ Société Fina France
HOURDIN, Rapporteur
BERNAULT, Commissaire du gouvernement
Lecture du 26 mars 1992
R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
VU le recours enregistré au greffe de la cour le 24 octobre 1991, présenté par le MINISTRE DELEGUE AU BUDGET ; le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 28 juin 1990 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à la société anonyme Fina France la décharge de la pénalité prévue à l'article 1763 A du code général des impôts à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1979, 1980 et 1981 ;
2°) de remettre intégralement l'imposition contestée à la charge de la société anonyme Fina France ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mars 1992 :
- le rapport de M. HOURDIN, conseiller,
- et les conclusions de M. BERNAULT, commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'à l'issue de la vérification de comptabilité de la société anonyme Fina France, portant sur les exercices clos de 1978 à 1981, l'administration a réintégré dans les bases imposables de ladite société la fraction des dépenses afférentes à des 'séjours à l'étranger' qu'elle a offerts entre 1979 et 1981 à des gérants libres de sa marque accompagnés de leur conjoint, correspondant à la partie touristique de ces déplacements ; que ces redressements ont été regardés par le service comme des revenus distribués au sens de l'article 111 c du code général des impôts et ont entraîné par application de l'article 117 du même code, et nonobstant le caractère déficitaire des résultats de la société, l'assujettissement à la pénalité prévue à l'article 1763 A dudit code ; que le ministre demande l'annulation du jugement en date du 28 juin 1990 par lequel le tribunal administratif de Paris, qui a admis que les charges en cause étaient justifiées dans leur principe et dans leur montant et avaient été exposées dans l'intérêt de l'entreprise, a accordé à la société anonyme Fina France la décharge de la pénalité à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1979 à 1981 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 39-1 du code général des impôts : 'le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° les frais généraux de toute nature ...£' ; que la déduction de tels frais n'est cependant admise que s'ils ont été engagés dans l'intérêt de l'entreprise ;
Considérant que la société Fina France n'établit pas que la prise en charge par ses soins de frais touristiques engagés à l'occasion de 'séminaires de travail' organisés à l'étranger pour les gérants libres de sa marque ait été de nature, comme elle le prétend, à améliorer ses résultats ; qu'elle ne justifie pas du principe de la déduction des frais litigieux ; que c'est dès lors à bon droit que l'administration, regardant ces frais comme engagés au profit de tiers et par suite dépourvus d'intérêt pour la société, les a réintégrés dans ses bases d'imposition des années 1979 à 1981 et a mis en oeuvre les dispositions de l'article 117 du code général des impôts à son encontre ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le caractère déductible des frais en cause pour accorder à la société Fina France la décharge de la pénalité prévue à l'article 1763 A du code ; qu'il y a lieu de faire droit aux conclusions du ministre délégué au budget tendant à l'annulation de son jugement en date du 28 juin 1990 ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Fina France tant devant la cour que devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant, en premier lieu, que l'administration était en droit, sur le fondement des dispositions des articles 111 c et 117 du code général des impôts, de demander à la société Fina France de lui fournir toutes indications sur les bénéficiaires des dépenses touristiques sans relation avec son activité prises en charge par elle pendant les années 1979 à 1981 ; que la circonstance que les résultats des exercices en cause étaient déficitaires ne dispensait pas la société d'avoir à fournir les indications demandées ; qu'il est constant qu'elle n'a pas répondu à la demande adressée par l'administration le 23 juin 1983 ; que, dès lors, l'administration était fondée à appliquer à la société la pénalité litigieuse dans les conditions prévues à l'article 117 du code ;
Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que la société intimée ait acquitté, à raison des voyages en cause, la taxe sur certains frais généraux est, en tout état de cause, sans incidence sur la déductibilité des frais litigieux ; que si la société invoque également, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, la doctrine administrative selon laquelle certains frais de réception, et notamment les frais dits de séminaire, ne sont pas soumis à l'obligation de déclaration prévue à l'article 54 quater du code, le moyen est, en tout état de cause inopérant, dès lors que cette doctrine ne vise aucun des frais de la nature touristique de ceux qui font l'objet du présent litige ;
____Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de l'article 1763 A du code général des impôts, issues de l'article 72 de la loi du 18 janvier 1980 portant loi de finances pour 1980 applicables au présent litige, ont eu pour objet de substituer à l'impôt sur le revenu dont les sociétés et autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés pouvaient être redevables dans les conditions prévues aux articles 9, 117, 169 et 197 du code général des impôts, une pénalité fiscale sanctionnant le refus par la personne morale de révéler l'identité des bénéficiaires d'une distribution de revenus_; que ces dispositions, qui ne concernent pas l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, ne sont pas au nombre de celles qui, en vertu du II de l'article 1er de la loi du 18 janvier 1980 susmentionnée, s'appliquent, pour la première fois, pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 1979 et, en matière d'impôt sur les sociétés, aux bénéfices des exercices clos à compter du 31 décembre 1979_; que, par suite, la pénalité fiscale qu'elles prévoient est applicable dès lors que son fait générateur intervient postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 18 janvier 1980_; que si le fait générateur est l'expiration du délai imparti à la société distributrice, en vertu de l'article 117, pour indiquer les bénéficiaires de la distribution, ce fait générateur, qui a uniquement pour effet de rendre exigible la pénalité en cause, n'a pas modifié les années au titre desquelles la pénalité doit être considérée comme établie_; que ces années sont celles au cours desquelles les distributions occultes sont présumées découler des rehaussements du bénéfice imposable par application des articles 109 et suivants du code_; qu'en ce cas, la distribution est réputée intervenir à la clôture de l'exercice comptable_; qu'il est constant que les rehaussements ont concerné les exercices clos en 1979, 1980 et 1981 ; qu'ainsi, c'est à bon droit que la société anonyme Fina France a été assujettie à la pénalité fiscale prévue à l'article 1763 A du code au titre de ces mêmes années ; que la société intimée ne saurait, en tout état de cause, utilement invoquer, sur le fondement de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983, l'instruction administrative du 6 juin 1980, qui, se bornant à commenter les dispositions de l'article 72 de la loi du 18 janvier 1980, n'a eu ni pour objet ni pour effet de modifier les années au titre desquelles les distributions ou rémunérations occultes devaient être imposées ou sanctionnées ;
Considérant, enfin, que si la société intimée soutient que la pénalité litigieuse, qui a été mise en recouvrement le 31 août 1986, était prescrite à cette date, dans la mesure où la notification du 23 juin 1983 aurait été insuffisamment motivée, il résulte de l'instruction que ladite notification indiquait avec précision les raisons de fait et de droit sur lesquelles reposait la pénalité en cause, ainsi que son montant et les éléments ayant concouru à sa détermination ; qu'ainsi le moyen manque en fait ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 28 juin 1990 est annulé.
Article 2 : La pénalité à laquelle la société Fina France a été assujettie au titre des années 1979 à 1981 est intégralement remise à sa charge.