Jurisprudence : CJCE, 21-11-2002, aff. C-356/00, Antonio Testa c/ Commissione Nazionale per le Società e la Borsa (Consob)

CJCE, 21-11-2002, aff. C-356/00, Antonio Testa c/ Commissione Nazionale per le Società e la Borsa (Consob)

A0394A4D

Référence

CJCE, 21-11-2002, aff. C-356/00, Antonio Testa c/ Commissione Nazionale per le Società e la Borsa (Consob). Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1113615-cjce-21112002-aff-c35600-antonio-testa-c-commissione-nazionale-per-le-societa-e-la-borsa-consob
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Abstract

Par un arrêt du 21 novembre dernier, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) précise le caractère strict de la définition de la gestion de portefeuilles d'investissement.


c/
Commissione Nazionale per le Società e la Borsa (Consob)



ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)


21 novembre 2002 (1)


"Directive 93/22/CEE - Services d'investissement dans le domaine des valeurs mobilières - Gestion de portefeuilles d'investissement"


Dans l'affaire C-356/00,


ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Tribunale amministrativo regionale per la Toscana (Italie) et tendant à obtenir, dans les litiges pendant devant cette juridiction entre


Antonio Testa


Lido Lazzeri


et


Commissione Nazionale per le Società e la Borsa (Consob),


en présence de:


Banca Fideuram SpA,


une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de la section A, point 3, de l'annexe de la directive 93/22/CEE du Conseil, du 10 mai 1993, concernant les services d'investissement dans le domaine des valeurs mobilières (JO L 141, p. 27),


LA COUR (cinquième chambre),


composée de MM. M. Wathelet, président de chambre, C. W. A. Timmermans, A. La Pergola, P. Jann et S. von Bahr (rapporteur), juges,


avocat général: M. L. A. Geelhoed,


greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,


considérant les observations écrites présentées:


- pour MM. Testa et Lazzeri ainsi que Banca Fideuram SpA, par Mes G. de Nova, R. Ristuccia et F. Barbieri, avvocati,


- pour la Commissione Nazionale per le Società e la Borsa (Consob) et le gouvernement italien, par M. U. Leanza, en qualité d'agent, assisté de Mme F. Quadri, avvocato dello Stato,


- pour la Commission des Communautés européennes, par Mme C. Tufvesson et M. A. Aresu, en qualité d'agents,


vu le rapport d'audience,


ayant entendu les observations orales de MM. Testa et Lazzeri ainsi que de Banca Fideuram SpA, représentés par Mes R. Ristuccia et F. Barbieri, de la Commissione Nazionale per le Società e la Borsa (Consob) et du gouvernement italien, représentés par Me G. de Bellis, avvocato dello Stato, et de la Commission, représentée par Mme C. Tufvesson et M. A. Aresu, à l'audience du 8 novembre 2001,


ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 7 février 2002,


rend le présent


Arrêt


1.


Par ordonnance du 18 janvier 2000, parvenue à la Cour le 25 septembre suivant, le Tribunale amministrativo regionale per la Toscana a posé, en vertu de l'article 234 CE, deux questions préjudicielles sur l'interprétation de la section A, point 3, de l'annexe de la directive 93/22/CEE du Conseil, du 10 mai 1993, concernant les services d'investissement dans le domaine des valeurs mobilières (JO L 141, p. 27).


2.


Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant MM. Testa et Lazzeri, soutenus par Banca Fideuram SpA (ci-après "Fideuram"), à la Commissione Nazionale per le Società e la Borsa (ci-après la "Consob") au sujet de la radiation de M. Testa et de la suspension de M. Lazzeri du registre professionnel des conseillers en placements.


La réglementation communautaire


3.


Selon le troisième considérant de la directive 93/22, celle-ci procède d'une démarche consistant à ne réaliser que l'harmonisation essentielle, nécessaire et suffisante pour parvenir à une reconnaissance mutuelle des agréments et des systèmes de contrôle prudentiel, qui permette l'octroi, aux entreprises fournissant des services d'investissement, d'un agrément unique valable dans toute la Communauté et l'application du principe du contrôle par l'État membre d'origine de ces entreprises.


4.


Selon l'article 14, paragraphe 1, de la directive 93/22, les entreprises d'investissement dûment agréées dans un État membre peuvent fournir les services d'investissement couverts par leur agrément dans tout autre État membre, en y créant une succursale ou par la voie de la libre prestation des services.


5.


Selon l'article 1er, point 2, de la directive 93/22, une "entreprise d'investissement" est, aux fins de cette directive, toute personne morale et, dans certaines conditions, toute personne physique exerçant habituellement une profession ou une activité consistant à fournir à des tiers un service d'investissement à titre professionnel.


6.


L'article 1er, point 1, de la directive 93/22 définit par ailleurs le "service d'investissement" comme "tout service figurant à la section A de l'annexe et portant sur l'un des instruments énumérés à la section B de l'annexe, fourni à des tiers".


7.


La section A de l'annexe de la directive 93/22 vise au point 1, sous a), la "[r]éception et [la] transmission, pour le compte d'investisseurs, d'ordres portant sur un ou plusieurs instruments visés à la section B". Elle vise au point 3 la "[g]estion, sur une base discrétionnaire et individualisée, de portefeuilles d'investissement dans le cadre d'un mandat donné par les investisseurs lorsque ces portefeuilles comportent un ou plusieurs des instruments visés à la section B".


8.


La section B de l'annexe de la directive 93/22 énumère divers instruments financiers, parmi lesquels, au point 1, sous a), les "[v]aleurs mobilières".


9.


Aux termes de l'article 1er, point 2, cinquième alinéa, de la directive 93/22, lorsqu'une personne exerce une activité visée au point 1, sous a), de la section A de l'annexe de cette directive et que cette activité est exercée uniquement pour le compte et sous la responsabilité entière et inconditionnelle d'une entreprise d'investissement, cette activité est considérée comme étant l'activité de l'entreprise d'investissement elle-même et non celle de cette personne.


10.


L'article 2, paragraphe 1, de la directive 93/22 prévoit que celle-ci est applicable à toutes les entreprises d'investissement. Cependant, selon cette disposition, "seuls le paragraphe 4 du présent article, l'article 8 paragraphe 2, les articles 10, 11, l'article 12 premier alinéa, l'article 14 paragraphes 3 et 4 et les articles 15, 19 et 20 sont applicables aux établissements de crédit dont l'agrément, délivré au titre des directives 77/780/CEE et 89/646/CEE, couvre un ou plusieurs des services d'investissement énumérés dans la section A de l'annexe de la présente directive".


La réglementation nationale


11.


Le decreto legislativo n° 415/1996, Recepimento della direttiva 93/22/CEE del 10 maggio 1993 relativa ai servizi di investimento del settore dei valori mobiliari e della direttiva 93/6/CEE del 15 marzo 1993 relativa all'adeguatezza patrimoniale delle imprese di investimento e degli enti creditizi (décret législatif n° 415/1996 portant transposition de la directive 93/22 et de la directive 93/6/CEE, du 15 mars 1993, sur l'adéquation des fonds propres des entreprises d'investissement et des établissements de crédit), du 23 juillet 1996 (GURI n° 186, du 9 août 1996, supplément ordinaire n° 133, p. 3, ci-après le "décret législatif n° 415/1996"), contient une réglementation des services et des entreprises d'investissement.


12.


Parmi les services d'investissement visés par le décret législatif n° 415/1996 figure notamment, en vertu de l'article 1er, paragraphe 3, sous d), de celui-ci, la "gestion sur une base individuelle de portefeuilles d'investissement pour compte de tiers".


13.


L'article 2, paragraphe 1, du décret législatif n° 415/1996 permet non seulement aux sociétés d'intermédiation en valeurs mobilières mais également aux établissements de crédit de proposer à titre professionnel au public des services d'investissement.


14.


Selon l'article 4, paragraphe 1, de ce même décret législatif, la surveillance exercée dans ce domaine par la Consob et par la Banca d'Italia a pour objectif d'assurer la transparence et la légalité des comportements ainsi que la gestion saine et prudente des personnes soumises à cette surveillance, en veillant à la protection des investisseurs, ainsi qu'à la stabilité, à la compétitivité et au bon fonctionnement du système financier.


15.


L'article 17, paragraphe 2, du décret législatif n° 415/1996 prévoit que, "dans l'exécution des services, les entreprises d'investissement et les banques peuvent, sous réserve d'un consentement écrit, agir en nom propre et pour le compte de leur client".


16.


L'article 18, paragraphe 1, du même décret législatif prévoit que "les contrats relatifs aux services visés par le présent décret sont établis par écrit et [qu']un exemplaire en est remis au client".


17.


L'article 20, paragraphe 1, sous a), du décret législatif n° 415/1996 prévoit qu'un contrat de gestion de portefeuilles doit être établi par écrit.


18.


L'article 22, paragraphe 1, de ce décret législatif dispose qu'il faut entendre par "offre hors siège" la promotion et le placement auprès du public d'instruments financiers et de services d'investissement en dehors du siège de l'entreprise qui émet ces instruments ou fournit ces services.


19.


Une réglementation particulière est prévue à l'article 23 du décret législatif n° 415/1996 pour la profession de conseiller en placements. Le conseiller en placements est défini au paragraphe 2 de cet article comme une personne physique qui, en qualité de salarié, d'agent ou de mandataire, formule à titre professionnel des offres hors siège. L'activité de conseiller en placements ne peut être exercée que pour une seule entreprise agréée.


Le litige au principal et les questions préjudicielles


20.


MM. Testa et Lazzeri ont exercé l'activité de conseiller en placements pour le compte de la banque Fideuram. Ils ont proposé au public, en dehors du siège de Fideuram, différents instruments financiers et services d'investissement, parmi lesquels des parts du fonds commun d'investissement "Fondoitalia", de droit luxembourgeois, distribué par Fideuram. Ce fonds est constitué d'une série de compartiments dont chacun est investi en titres d'un marché spécifique et présente un degré de risque plus ou moins élevé. Le client souscripteur peut demander de quitter le compartiment choisi initialement pour un autre compartiment, en fonction de ses exigences particulières.


21.


Par deux décisions du 3 juin 1998, la Consob a radié M. Testa du registre professionnel des conseillers en placements et suspendu pour quatre mois M. Lazzeri du même registre. Dans sa décision, la Consob a constaté que MM. Testa et Lazzeri avaient effectué, pour le compte d'une partie importante de leur clientèle, un nombre élevé de transferts ("switch") similaires entre différents compartiments d'un même fonds pendant une période de temps limitée. Bien que les clients de MM. Testa et Lazzeri aient signé les bordereaux de conversion appropriés et fourni des déclarations manuscrites selon lesquelles ils n'avaient jamais entendu renoncer à leur pouvoir de décision, la Consob a soutenu que lesdites opérations de transfert avaient en réalité été décidées par ces conseillers en placements. Selon la Consob, le transfert entre des compartiments d'un même fonds constituait une opération de désinvestissement par rapport à l'instrument financier acheté initialement et d'investissement dans un nouvel instrument financier. Dès lors, la Consob a considéré que les opérations effectuées par MM. Testa et Lazzeri étaient de nature à donner à penser qu'ils effectuaient une gestion déguisée de patrimoines. Dans la mesure où la réglementation italienne réservela gestion, sur une base individuelle, de portefeuilles d'investissement pour le compte de tiers aux personnes dûment agréées à cette fin, la Consob a conclu que MM. Testa et Lazzeri avaient gravement violé leurs devoirs professionnels.


22.


MM. Testa et Lazzeri ont formé des recours en annulation contre les décisions de la Consob du 3 juin 1998 devant le Tribunale amministrativo regionale per la Toscana. Dans leurs recours, ils font notamment valoir que lesdites décisions ne sont pas conformes à la directive 93/22. En effet, selon MM. Testa et Lazzeri, la définition de la notion de gestion de portefeuilles d'investissement prévue par le décret législatif n° 415/1996, et retenue par la Consob, est différente de celle figurant à la directive 93/22. À l'inverse de la seconde, la première ne ferait référence ni à la nature discrétionnaire de l'activité du gestionnaire ni au mandat conféré par les investisseurs. MM. Testa et Lazzeri font valoir que leur comportement ne pourrait pas être considéré comme constitutif d'une gestion de portefeuilles d'investissement selon la directive 93/22 dans la mesure où ils auraient obtenu, dans chaque cas individuel, outre les bordereaux de conversion ordinaires signés par les clients, des déclarations par lesquelles les clients confirmaient leur accord.


23.


Dans la défense présentée devant la juridiction de renvoi, la Consob soutient notamment que le législateur italien pouvait s'écarter de la définition communautaire de la notion de gestion de portefeuilles d'investissement et retenir une définition plus large au niveau national dès lors que la directive 93/22, qui aurait comme seul objectif l'harmonisation minimale nécessaire afin de parvenir à une reconnaissance mutuelle des agréments et des systèmes de contrôle prudentiel, laisserait aux États membres une certaine marge de manoeuvre pour la rédaction des réglementations nationales de transposition.


24.


Le Tribunale amministrativo regionale per la Toscana considère qu'il est nécessaire de déterminer la portée de la directive 93/22 afin de trancher le litige au principal. Il est d'avis que la définition de la notion de gestion de portefeuilles d'investissement prévue par le décret législatif n° 415/1996 est différente de celle figurant dans la directive 93/22. Il indique que, si la République italienne n'avait pas le droit de prévoir une définition de cette notion différente de celle qu'en donne ladite directive, les décisions de la Consob sanctionnant le comportement de MM. Testa et Lazzeri seraient illégales. Il souhaite donc vérifier si, et le cas échéant dans quelle mesure, il est permis à la République italienne de s'écarter de la définition de la notion de gestion de portefeuilles d'investissement prévue par la directive 93/22 aux fins de la mise en oeuvre de cette directive.


25.


C'est dans ces conditions que le Tribunale amministrativo regionale per la Toscana a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:


"1) L'annexe de la directive 93/22/CEE du Conseil, du 10 mai 1993, concernant les services d'investissement dans le domaine des valeurs mobilières, section A, point 3, qui comporte la définition '[g]estion, sur une base discrétionnaire et individualisée, de portefeuilles d'investissement dans le cadre d'un mandatdonné par les investisseurs [...]', doit-elle être interprétée en ce sens qu'une disposition nationale qui s'en écarte et qui, en l'espèce, n'exige pas que la gestion du portefeuille ait lieu 'sur une base discrétionnaire et individualisée' et 'dans le cadre d'un mandat donné par les investisseurs' est contraire aux dispositions de cette directive?


2) Inversement, une disposition nationale qui met en oeuvre une directive d'harmonisation et ne remplit pas les conditions précitées est-elle conforme au droit communautaire?"


Sur la recevabilité


26.


La Consob et le gouvernement italien font valoir que le renvoi préjudiciel est irrecevable. Selon eux, la directive 93/22 ne s'applique pas à l'espèce au principal. En effet, l'activité des conseillers en placements serait expressément exclue de cette directive et ne ferait donc pas l'objet de l'harmonisation poursuivie par celle-ci. Cela résulterait tant de l'article 2 de la directive 93/22, qui prévoirait qu'elle s'applique uniquement aux entreprises d'investissement, que de son huitième considérant, qui indiquerait que le démarchage et le colportage des valeurs mobilières ne doivent pas être visés par cette directive et que leur réglementation doit relever des dispositions nationales.


27.


À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée par l'article 234 CE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d'apprécier, au regard des particularités de l'affaire, tant la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu'il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l'interprétation du droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer. Le rejet par cette dernière d'une demande formée par une juridiction nationale n'est possible que s'il apparaît de manière manifeste que l'interprétation sollicitée du droit communautaire n'a aucun rapport avec la réalité ou l'objet du litige au principal (voir, notamment, arrêts du 6 juin 2000, Angonese, C-281/98, Rec. p. I-4139, point 18, et du 13 mars 2001, PreussenElektra, C-379/98, Rec. p. I-2099, point 38).


28.


Dans la mesure où la Consob a expressément lié les pénalités infligées à MM. Testa et Lazzeri à l'exercice par ceux-ci de l'activité de gestion de portefeuilles d'investissement au sens de l'article 1er, paragraphe 3, sous d), du décret législatif no 415/1996 et où celui-ci transpose la directive 93/22, la juridiction de renvoi a pu considérer que l'interprétation de la notion de "[g]estion, sur une base discrétionnaire et individualisée, de portefeuilles d'investissement dans le cadre d'un mandat donné par les investisseurs" prévue à la section A, point 3, de l'annexe de ladite directive était déterminante pour l'issue du litige pendant devant elle.


29.


Il convient dès lors de répondre aux questions préjudicielles.


Sur le fond


30.


Par ses deux questions préjudicielles, la juridiction de renvoi demande en substance si la section A, point 3, de l'annexe de la directive 93/22, qui définit la notion de gestion de portefeuilles d'investissement, s'oppose à ce qu'une réglementation nationale s'écarte de cette définition en n'exigeant pas, aux fins de la mise en oeuvre de ladite directive, que la gestion de portefeuilles d'investissement ait lieu "sur une base discrétionnaire et individualisée" et "dans le cadre d'un mandat donné par les investisseurs".


31.


En revanche, la juridiction de renvoi n'a ni demandé à être éclairée sur le champ d'application personnel de la directive 93/22 ni fourni à la Cour des informations suffisantes pour lui permettre d'examiner si, dans des circonstances telles que celles de l'espèce au principal, les activités en question peuvent être considérées comme étant exercées par une entreprise d'investissement au sens de l'article 1er, point 2, de ladite directive.


32.


Il en résulte que l'interprétation des dispositions de la directive 93/22 qui définissent les activités couvertes par celle-ci ne pourra être pertinente pour le litige au principal que si ces activités sont exercées par une entreprise d'investissement à laquelle ladite directive est applicable.


33.


En vue de répondre aux questions préjudicielles, dont la portée a été ainsi délimitée, il convient de rappeler que la directive 93/22 vise à réaliser l'harmonisation essentielle, nécessaire et suffisante pour parvenir à une reconnaissance mutuelle des agréments et des systèmes de contrôle prudentiel, qui permette l'octroi, aux entreprises fournissant des services d'investissement, d'un agrément unique valable dans toute la Communauté et l'application du principe du contrôle par l'État membre d'origine de ces entreprises.


34.


En vertu de cette reconnaissance mutuelle, les entreprises d'investissement agréées dans leur État membre d'origine peuvent exercer, par l'établissement d'une succursale ou par la voie de la libre prestation des services, dans toute la Communauté tout ou partie des activités autorisées par leur agrément et couvertes par la directive 93/22.


35.


Il résulte de ces considérations que le respect des définitions des activités visées par la directive 93/22 est nécessaire pour garantir une application uniforme de celle-ci dans tous les États membres. La reconnaissance mutuelle organisée par ladite directive ne doit bénéficier qu'aux services couverts par cette dernière, ainsi que cela ressort de son troisième considérant.


36.


Cela étant, il est en principe loisible à l'État membre d'origine d'étendre à des activités non couvertes par la directive 93/22 tout ou partie des règles de celle-ci, notamment en matière de conditions d'agrément, d'exigences prudentielles, de règles dedéclaration et de transparence, pour autant qu'il apparaisse clairement qu'une telle législation ne constitue pas la transposition de ladite directive et qu'elle ne crée pas de confusion en matière de reconnaissance, dans les autres États membres, de l'agrément donné aux activités et aux opérateurs qu'elle régit.


37.


S'agissant plus particulièrement de la définition de la notion de gestion de portefeuilles d'investissement figurant à la section A, point 3, de l'annexe de la directive 93/22, il y a lieu de constater qu'elle contient trois éléments constitutifs.


38.


Tout d'abord, la gestion de portefeuilles doit être effectuée dans le cadre d'un mandat par lequel un investisseur habilite une entreprise d'investissement à prendre des décisions de placement pour son compte. Ensuite, les portefeuilles gérés doivent comporter un ou plusieurs des instruments visés à la section B de l'annexe de la directive 93/22, telles les valeurs mobilières. Enfin, la gestion de portefeuilles doit être effectuée sur une base discrétionnaire et individualisée. Ce dernier élément implique, ainsi que l'indique la Commission, que l'entreprise d'investissement puisse prendre des décisions discrétionnaires, tout en respectant les choix stratégiques de l'investisseur.


39.


Ces trois éléments constitutifs de la notion de gestion de portefeuilles d'investissement telle que définie par la directive 93/22 doivent être repris par les ordres juridiques des États membres aux fins de la mise en oeuvre de ladite directive.


40.


La définition de la notion de gestion de portefeuilles d'investissement figurant à l'article 1er, paragraphe 3, sous d), du décret législatif n° 415/1996 ne correspond pas littéralement à la définition de cette notion prévue à la section A, point 3, de l'annexe de la directive 93/22. En effet, cette disposition nationale ne fait référence ni au caractère discrétionnaire de la gestion ni à la nécessité d'un mandat.


41.


À cet égard, il y a toutefois lieu d'indiquer que la Consob, le gouvernement italien et la Commission considèrent que la réglementation italienne est conforme à la définition prévue par la directive 93/22. Ils font valoir que la définition figurant à l'article 1er, paragraphe 3, sous d), du décret législatif n° 415/1996 doit être lue à la lumière des autres dispositions de ce décret législatif. D'une part, ils soutiennent que la nécessité de pouvoirs discrétionnaires dans le chef de l'entreprise d'investissement ressort implicitement de cette disposition. D'autre part, ils font valoir que l'exigence que la gestion de portefeuilles d'investissement ait lieu dans le cadre d'un mandat découle des articles 17, 18 et 20 du décret législatif n° 415/1996, qui prévoient notamment qu'une telle gestion doit être effectuée sur le fondement d'un contrat écrit.


42.


Il incombe au Tribunale amministrativo regionale per la Toscana de vérifier, à la lumière des considérations qui précèdent, si la définition de la notion de gestion de portefeuilles d'investissement résultant de la réglementation italienne est conforme à la directive 93/22.


43.


Si cet examen de la juridiction de renvoi fait apparaître un doute sur la conformité avec la directive 93/22, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudenceconstante, en appliquant le droit national, qu'il s'agisse de dispositions antérieures ou postérieures à cette directive, la juridiction nationale appelée à l'interpréter est tenue de le faire dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de ladite directive pour atteindre le résultat visé par celle-ci et se conformer ainsi à l'article 249, troisième alinéa, CE (voir arrêts du 13 novembre 1990, Marleasing, C-106/89, Rec. p. I-4135, point 8; du 16 décembre 1993, Wagner Miret, C-334/92, Rec. p. I-6911, point 20; du 14 juillet 1994, Faccini Dori, C-91/92, Rec. p. I-3325, point 26, et du 27 juin 2000, Océano Grupo Editorial et Salvat Editores, C-240/98 à C-244/98, Rec. p. I-4941, point 30).


44.


Il convient d'ajouter, pour le cas où le Tribunale amministrativo regionale per la Toscana arrive à la conclusion que les activités en question ne peuvent être considérées comme étant exercées par une entreprise d'investissement au sens de l'article 1er, point 2, de la directive 93/22, que rien n'empêche un État membre de prévoir une définition de la notion de gestion de portefeuilles d'investissement qui s'étend à un champ d'activités plus large que celui prévu à la section A, point 3, de l'annexe de ladite directive.


45.


En effet, un État membre est libre d'étendre par la réglementation nationale l'applicabilité des dispositions de la directive 93/22 à des opérations non visées par cette directive, pour autant qu'il ressort clairement que la réglementation nationale en cause ne constitue pas une transposition de ladite directive, mais résulte de la volonté autonome du législateur.


46.


Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions préjudicielles que la section A, point 3, de l'annexe de la directive 93/22, qui définit la notion de gestion de portefeuilles d'investissement, s'oppose à ce qu'une réglementation nationale s'écarte de cette définition en n'exigeant pas, aux fins de la mise en oeuvre de ladite directive, que la gestion de portefeuilles d'investissement ait lieu "sur une base discrétionnaire et individualisée" et "dans le cadre d'un mandat donné par les investisseurs". Rien n'empêche toutefois un État membre d'étendre par la réglementation nationale l'applicabilité des dispositions de cette directive à des opérations non visées par la même directive, pour autant qu'il ressort clairement que la réglementaion nationale en cause ne constitue pas une transposition de celle-ci, mais résulte de la volonté autonome du législateur.


Sur les dépens


47.


Les frais exposés par le gouvernement italien et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.


Par ces motifs,


LA COUR (cinquième chambre),


statuant sur les questions à elle soumises par le Tribunale amministrativo regionale per la Toscana, par ordonnance du 18 janvier 2000, dit pour droit:


La section A, point 3, de l'annexe de la directive 93/22/CEE du Conseil, du 10 mai 1993, concernant les services d'investissement dans le domaine des valeurs mobilières, qui définit la notion de gestion de portefeuilles d'investissement, s'oppose à ce qu'une réglementation nationale s'écarte de cette définition en n'exigeant pas, aux fins de la mise en oeuvre de ladite directive, que la gestion de portefeuilles d'investissement ait lieu "sur une base discrétionnaire et individualisée" et "dans le cadre d'un mandat donné par les investisseurs". Rien n'empêche toutefois un État membre d'étendre par la réglementation nationale l'applicabilité des dispositions de cette directive à des opérations non visées par la même directive, pour autant qu'il ressort clairement que la réglementation nationale en cause ne constitue pas une transposition de celle-ci, mais résulte de la volonté autonome du législateur.


Wathelet


Timmermans


La Pergola


Jann von Bahr


Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 novembre 2002.


Le greffier


Le président de la cinquième chambre


R. Grass


M. Wathelet


1: Langue de procédure: l'italien.

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