TA Lyon, du 28-06-2024, n° 2208420
A48015MR
Référence
Par une requête enregistrée le 14 novembre 2022 et un mémoire enregistré le 16 octobre 2023, Mme A B, représentée par Me Gouy-Paillier, demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision du 13 juillet 2022 par laquelle le directeur général des Hospices civils de Lyon a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle, ensemble la décision du 23 septembre 2022 par laquelle son recours gracieux a été rejeté ;
2°) d'enjoindre aux Hospices civils de Lyon de la réintégrer dans ses effectifs et de procéder à la reconstitution de sa carrière dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard
3°) de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision est entachée d'un vice de procédure tiré du défaut de loyauté dans la recherche de la preuve de l'insuffisance professionnelle ;
- elle est entachée d'un vice de procédure tiré de l'incomplétude de son dossier individuel ;
- elle est entachée d'un vice de procédure tiré du caractère partial et déloyal du rapport de saisine de la commission administrative paritaire ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'un détournement de pouvoir dès lors qu'elle est fondée sur des motifs disciplinaires ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation de l'insuffisance professionnelle qui lui est reprochée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2023, les Hospices civils de Lyon (HCL), représentés par Me Prouvez, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme B par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent qu'aucun des moyens soulevés n'est susceptible de prospérer.
La clôture de l'instruction est intervenue le 18 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le décret n° 2011-660 du 14 juin 2011 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Allais,
- les conclusions de Mme C,
- les observations de Me Rey, avocate des Hospices civils de Lyon.
1. Mme B a été recrutée en 1996 par les Hospices civils de Lyon afin d'exercer les fonctions d'assistante de direction. Elle a été titularisée le 24 juillet 2000 dans le grade d'agent administration, puis dans le grade d'adjoint administratif le 1er décembre 2003. Mme B a intégré le corps des secrétaires médicales le 15 mai 2007 et est ensuite reclassée dans celui des assistants médico-administratifs. Elle exerce, depuis 2014, les fonctions de secrétaire médico-administrative au sein du service de médecine gériatrique des HCL à temps non complet, en dernier lieu depuis mai 2021 au sein du secteur d'activité de court séjour gériatrique. Par une décision du 13 juillet 2022, le directeur de l'hôpital l'a licenciée pour insuffisance professionnelle. Mme B a formé un recours gracieux contre cette décision le 7 septembre 2022, qui a été rejeté par une décision du 23 septembre 2022. Par le présent recours, Mme B demande au tribunal l'annulation de ces décisions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Selon l'article L. 553-1 du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire peut être licencié dans les cas suivants : () 3° Pour insuffisance professionnelle dans les conditions mentionnées aux articles L. 553-2 et L. 553-3 () ". Aux termes de l'article L. 552-2 du même code : " Le licenciement d'un fonctionnaire pour insuffisance professionnelle est prononcé après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire ". Et aux termes de l'article L. 553-3 du même code : " Le fonctionnaire licencié pour insuffisance professionnelle peut recevoir une indemnité dans des conditions fixées par décret ". Aux termes de l'article 11 du décret du 14 juin 2011 portant statut particuliers des personnels administratifs de la catégorie B de la fonction publique hospitalière : " Les assistants médico-administratifs assurent le traitement et la coordination des opérations et des informations médico-administratives concernant les patients dans les domaines du secrétariat médical de l'assistance de régulation médicale ".
3. Par la décision attaquée, le directeur des Hospices civils de Lyon a licencié pour insuffisance professionnelle Mme B, lui reprochant des lacunes graves en orthographe dans ses travaux, des difficultés à réaliser des rapports à une cadence acceptable, des livrables non satisfaisants, une absence de maîtrise de la planification de ses tâches, une absence de réponse aux appels téléphoniques, des propos discourtois à l'égard des médecins et de mauvaises relations avec ses collègues ainsi qu'une méconnaissance de l'obligation de présence pour s'être, de sa propre initiative et sans autorisation, placée en situation de télétravail.
4. D'une part, il ressort des pièces du dossiers et notamment des évaluations annuelles de 2016 à 2020 de Mme B, ainsi que des échanges de courriers électroniques produits au sein du rapport de saisine de la commission administrative paritaire, que l'intéressée rencontre des difficultés dans la réalisation de certaines de ses tâches, et notamment dans la maîtrise de l'orthographe et du vocabulaire médical, dans la planification de ses tâches ainsi que dans la cadence de production des comptes-rendus médicaux. Il ressort toutefois de ces mêmes évaluations annuelles qu'il est fait état d'une progression de Mme B en orthographe et dans la maîtrise du vocabulaire médical, son évaluation pour l'année 2021 étant sur ce point d'ailleurs très favorable. Par ailleurs, la difficulté à planifier ses tâches ainsi que l'absence de réponse aux appels téléphoniques ne sont pas suffisamment établis, en dehors de manquements ponctuels, et la faible cadence de rédaction qui lui est reproché ne ressort que d'un logiciel établissant des statistiques de frappes des assistantes, sans tenir compte des autres tâches réalisées.
5. D'autre part, s'il est reproché à Mme B des propos discourtois à l'égard des médecins ainsi que des mauvaises relations avec ses collègues, il ressort des pièces du dossier que les appréciations négatives sur le travail de Mme B ne proviennent que de quelques agents et de deux médecins du service et non de l'ensemble du service, dont certains sont très satisfaits de la collaboration et du travail de Mme B.
6. Enfin, s'il est constant que Mme B s'est placée en télétravail le 24 juin 2021 sans avoir obtenu un accord explicite préalable, une telle circonstance, concernant un comportement très ponctuel, est toutefois sans rapport avec l'insuffisance professionnelle reprochée à l'intéressée.
7. Il résulte de tout ce qui précède que, eu égard au caractère contrasté des évaluations de Mme B qui, tout en pointant ses difficultés quant à la réalisation de certaines tâches, soulignent également la rigueur, la volonté, la progression et le sérieux dans le travail dont elle a fait preuve depuis l'année 2016, et en l'absence de formation initiale au métier d'assistante médico-administrative dispensée à l'intéressée, les circonstances énoncées aux points précédents ne sont pas de nature à caractériser son insuffisance professionnelle. Il en résulte, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme B est fondée à demander l'annulation de la décision par laquelle les HCL ont prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle ainsi que la décision du 23 septembre 2022, portant rejet de son recours gracieux.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Les motifs du présent jugement, qui annule le licenciement de Mme B, impliquent nécessairement qu'il soit enjoint aux HCL de réintégrer cette dernière dans ses effectifs et de procéder à la reconstitution de sa carrière, et ce dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des HCL la somme de 1 400 euros à verser à Mme B par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions du même article font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de la requérante, qui n'est pas partie perdante, la somme réclamée sur ce fondement les HCL.
Article 1er : La décision du 13 juillet 2022 par laquelle le directeur général des Hospices civils de Lyon a licencié pour insuffisance professionnelle Mme B, est annulée, ensemble la décision du 23 septembre 2022 de rejet de son recours gracieux.
Article 2 : Il est enjoint au directeur des Hospices civils de Lyon de réintégrer Mme B dans ses effectifs et de procéder à la reconstitution de sa carrière dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Article 3 : Les Hospices civils de Lyon verseront à Mme B la somme de 1 400 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B est rejeté.
Article 5 : Les conclusions des Hospices civils de Lyon tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent jugement sera notifié à Mme A B et aux Hospices civils de Lyon.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2024, à laquelle siégeaient :
M. Besse, président,
Mme Allais, première conseillère,
Mme de Lacoste Lareymondie, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2024.
La rapporteure,
A. Allais
Le président,
T. Besse
La greffière,
S. Lecas
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et de la solidarité en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Un greffier,
Décret, 2011-660, 14-06-2011 Hospices civils Licenciement pour insuffisance professionnelle Dossier individuel Commission paritaire Détournement de pouvoir Motif disciplinaire Médecin Secteur d'activité Directeur Fonctionnaire Personnel administratif Fonction publique hospitalière Médecin de service Accord préalable Délai à compter d'une notification