Cour de justice des Communautés européennes10 mai 2001
Affaire n°C-389/99
Rovaniemen hallinto-oikeus
61999J0389
Arrêt de la Cour (cinquième chambre)
du 10 mai 2001.
Sulo Rundgren.
Demande de décision préjudicielle: Rovaniemen hallinto-oikeus - Finlande.
Sécurité sociale - Cotisations d'assurance à charge des titulaires de pension ou de rente s'étant établis dans un Etat membre avant l'entrée en vigueur dans cet Etat des règlements (CEE) nºs 1408/71 et 1612/68 - Droit de l'Etat de résidence d'imposer des cotisations sur les prestations de vieillesse et d'incapacité de travail payées par un autre Etat membre - Incidence d'un accord en vertu duquel les pays nordiques renoncent mutuellement à tout remboursement de prestations de maladie et de maternité.
Affaire C-389/99.
Recueil de jurisprudence 2001 page 0000
1 Sécurité sociale des travailleurs migrants - Réglementation communautaire - Champ d'application personnel - Fonctionnaire à la retraite percevant une pension de la part d'un État membre autre que celui de sa résidence - Soumission dans l'État de résidence à des législations relevant du règlement n° 1408/71 - Inclusion - Libre circulation des travailleurs - Inapplicabilité du règlement n° 1612/68
(Règlements du Conseil n_s 1612/68 et 1408/71)
2 Sécurité sociale des travailleurs migrants - Assurance maladie - Titulaires de pensions ou de rentes dues en vertu de la législation d'un État membre autre que le pays de résidence - Droit aux prestations en nature existant dans ce dernier pays - Termes "aucune pension ou rente n'est due" figurant à l'article 28 bis du règlement n° 1408/71 - Portée
(Règlement du Conseil n° 1408/71, art. 28 bis)
3 Sécurité sociale des travailleurs migrants - Assurance maladie - Cotisations à charge des titulaires de pensions ou de rentes - Perception par l'État de résidence de cotisations pour la couverture de prestations ayant un objet analogue à celles prises en charge par l'État membre supportant la charge de la pension - Inadmissibilité
(Règlement du Conseil n° 1408/71, art. 33)
4 Sécurité sociale des travailleurs migrants - Assurance maladie - Pensions ou rentes dues en vertu de la législation d'un État membre autre que le pays de résidence - Droit aux prestations en nature existant dans ce dernier pays - Cotisations pouvant être exigées des titulaires - Renonciation réciproque, par les États concernés, au remboursement des dépenses relatives aux prestations en nature - Absence d'incidence
(Règlement du Conseil n° 1408/71, art. 28 bis, 33, § 2, et 36, § 3)
1 Le règlement n° 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement n° 2001/83, tel que modifié en dernier lieu à l'époque des faits par le règlement n° 3096/95, s'applique à une personne qui, lors de l'entrée en vigueur dudit règlement dans un État membre:
- résidait dans cet État sans y exercer d'activité professionnelle et y percevait une pension de la part d'un autre État membre en tant que fonctionnaire à la retraite,
- tout en étant soumise dans son État de résidence à des législations relatives à des branches de sécurité sociale auxquelles ledit règlement est applicable.
En revanche, le règlement n° 1612/68, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté, ne s'applique en principe pas à une personne qui a déplacé sa résidence d'un État membre, où elle avait cessé d'occuper un emploi, vers un autre État membre, où elle n'occupe pas et ne cherche pas à occuper un emploi. (voir point 35, disp. 1)
2 Les termes "aucune pension ou rente n'est due", qui figurent à l'article 28 bis du règlement n° 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement n° 2001/83, tel que modifié par le règlement n° 3096/95, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'appliquent à une situation dans laquelle ni une pension fondée sur la résidence, ni une pension fondée sur l'exercice d'un travail rémunéré et due au titre de la législation de l'État membre sur le territoire duquel l'intéressé réside ne sont effectivement versées à celui-ci, sans qu'il soit nécessaire de vérifier si l'intéressé ne pourrait pas éventuellement y avoir droit. (voir point 50, disp. 2)
3 Le principe général, qui découle du règlement n° 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement n° 2001/83, tel que modifié par le règlement n° 3096/95, et dont l'article 33 dudit règlement constitue une application, selon lequel le titulaire d'une pension ou d'une rente ne peut pas se voir réclamer, du fait de sa résidence sur le territoire d'un État membre, des cotisations d'assuré obligatoire pour la couverture de prestations prises en charge par une institution d'un autre État membre, s'oppose à ce que l'État membre sur le territoire duquel réside le titulaire d'une pension ou d'une rente exige le paiement par celui-ci de cotisations ou retenues équivalentes prévues par sa législation pour la couverture de prestations de vieillesse, d'incapacité de travail et de chômage, lorsque l'intéressé bénéficie de prestations ayant un objet analogue prises en charge par l'institution de l'État membre compétent en matière de pension. (voir point 57, disp. 3)
4 Le fait que la république de Finlande et le royaume de Suède aient renoncé réciproquement, en vertu de l'article 36, paragraphe 3, du règlement n° 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement nº 2001/83, tel que modifié par le règlement n° 3096/95, et de l'article 23 de la convention de sécurité sociale des pays nordiques, du 15 juin 1992 (106/93), au remboursement des dépenses relatives aux prestations en nature servies par une institution de l'un de ces États membres pour le compte d'une institution de l'autre État membre est sans incidence sur l'interprétation, d'une part, de l'article 28 bis dudit règlement, concernant les pensions ou rentes dues en vertu de la législation d'un seul ou de plusieurs États membres autres que le pays de résidence, un droit aux prestations en nature existant dans ce dernier pays, et, d'autre part, de l'article 33, paragraphe 2, du même règlement, relatif aux cotisations pouvant être exigées des titulaires de pensions ou de rentes. (voir point 64, disp. 4)
Dans l'affaire C-389/99,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Rovaniemen hallinto-oikeus (Finlande) et tendant à obtenir, dans une procédure engagée par
Sulo Rundgren,
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de plusieurs dispositions du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 (JO L 230, p. 6), tel que modifié en dernier lieu à l'époque des faits par le règlement (CE) n° 3096/95 du Conseil, du 22 décembre 1995 (JO L 335, p. 10), et du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2), ainsi que sur l'interprétation des articles 6 et 48 du traité CE (devenus, après modification, articles 12 CE et 39 CE),
LA COUR
(cinquième chambre),
composée de MM. A. La Pergola (rapporteur), président de chambre, M. Wathelet, D. A. O. Edward, P. Jann et L. Sevón, juges,
avocat général: M. S. Alber,
greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,
considérant les observations écrites présentées:
- pour le gouvernement finlandais, par Mmes T. Pynnä et E. Bygglin, en qualité d'agents,
- pour la Commission des Communautés européennes, par M. P. Hillenkamp et Mme E. Pietiläinen, en qualité d'agents,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales du gouvernement finlandais, représenté par Mme E. Bygglin et par Mme K. Alaviuhkola, en qualité d'agent, et de la Commission, représentée par M. P. Hillenkamp et Mme E. Pietiläinen, à l'audience du 14 septembre 2000,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 26 octobre 2000,
rend le présent
Arrêt
1 Par ordonnance du 5 octobre 1999, parvenue à la Cour le 11 octobre suivant, le Rovaniemen hallinto-oikeus (tribunal administratif de Rovaniemi) a posé, en application de l'article 234 CE, huit questions préjudicielles relatives à l'interprétation de plusieurs dispositions du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 (JO L 230, p. 6), tel que modifié en dernier lieu à l'époque des faits par le règlement (CE) n° 3096/95 du Conseil, du 22 décembre 1995 (JO L 335, p. 10, ci-après le "règlement n° 1408/71"), et du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2), ainsi qu'à l'interprétation des articles 6 et 48 du traité CE (devenus, après modification, articles 12 CE et 39 CE).
2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'une procédure engagée par M. Rundgren contre la décision de la verotuksen oikaisulautakunta (commission de recours en matière fiscale, ci-après la "lautakunta") rejetant sa demande d'être exempté des cotisations de pension nationale et d'assurance maladie mises à sa charge par les autorités finlandaises.
La réglementation communautaire
3 L'article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1408/71 dispose:
"Le présent règlement s'applique aux fonctionnaires et au personnel qui, selon la législation applicable, leur est assimilé, dans la mesure où ils sont ou ont été soumis à la législation d'un État membre à laquelle le présent règlement est applicable."
4 L'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71 prévoit:
"Le présent règlement s'applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent:
a) les prestations de maladie [...];
b) les prestations d'invalidité [...];
c) les prestations de vieillesse;
[...]
g) les prestations de chômage;
[...]"
5 Aux termes de l'article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71:
"Deux ou plusieurs États membres peuvent conclure entre eux, en tant que de besoin, des conventions fondées sur les principes et l'esprit du présent règlement."
6 La section 5, intitulée "Titulaires de pensions ou de rentes et membres de leur famille", du titre III, chapitre 1, lui-même intitulé "Maladie et maternité", du règlement n° 1408/71 comprend les articles 27 à 34 dudit règlement.
7 Aux termes de l'article 28 du règlement n° 1408/71:
"1. Le titulaire d'une pension ou d'une rente due au titre de la législation d'un État membre ou de pensions ou de rentes dues au titre des législations de deux ou plusieurs États membres qui n'a pas droit aux prestations au titre de la législation de l'État membre sur le territoire duquel il réside bénéficie néanmoins de ces prestations pour lui-même et les membres de sa famille, dans la mesure où il y aurait droit en vertu de la législation de l'État membre ou de l'un au moins des États membres compétents en matière de pension, compte tenu, le cas échéant, des dispositions de l'article 18 et de l'annexe VI, s'il résidait sur le territoire de l'État concerné. Le service des prestations est assuré dans les conditions suivantes:
a) les prestations en nature sont servies pour le compte de l'institution visée au paragraphe 2 par l'institution du lieu de résidence, comme si l'intéressé était titulaire d'une pension ou d'une rente en vertu de la législation de l'État sur le territoire duquel il réside et avait droit aux prestations en nature;
[...]
2. Dans les cas visés au paragraphe 1, la charge des prestations en nature incombe à l'institution déterminée selon les règles suivantes:
a) si le titulaire a droit auxdites prestations en vertu de la législation d'un seul État membre, la charge en incombe à l'institution compétente de cet État;
b) si le titulaire a droit auxdites prestations en vertu des législations de deux ou plusieurs États membres, la charge en incombe à l'institution compétente de l'État membre à la législation duquel le titulaire a été soumis le plus longtemps; [...]"
8 Selon l'article 28 bis du règlement n° 1408/71:
"En cas de résidence du titulaire d'une pension ou d'une rente due au titre de la législation d'un État membre ou de pensions ou rentes dues au titre des législations de deux ou plusieurs États membres, sur le territoire d'un État membre, selon la législation duquel le droit aux prestations en nature n'est pas subordonné à des conditions d'assurance ou d'emploi et au titre de la législation duquel aucune pension ou rente n'est due, la charge des prestations en nature qui sont servies à ce titre ainsi qu'aux membres de sa famille incombe à l'institution de l'un des États membres compétents en matière de pensions, déterminée selon les règles fixées à l'article 28 paragraphe 2, pour autant que ledit titulaire et les membres de sa famille auraient droit à ces prestations en nature en vertu de la législation appliquée par ladite institution s'ils résidaient sur le territoire de l'État membre où se trouve cette institution."$
9 L'article 33 du règlement n° 1408/71 régit les cotisations à charge des titulaires de pensions ou de rentes. Il dispose:
"1. L'institution d'un État membre débitrice d'une pension ou d'une rente qui applique une législation prévoyant des retenues de cotisations à la charge du titulaire d'une pension ou d'une rente, pour la couverture des prestations de maladie et de maternité, est autorisée à opérer ces retenues, calculées suivant ladite législation, sur la pension ou la rente dues par elle, dans la mesure où les prestations servies en vertu des articles 27, 28, 28 bis, 29, 31 et 32 sont à la charge d'une institution dudit État membre.
2. Lorsque, dans les cas visés à l'article 28 bis, le titulaire d'une pension ou d'une rente est soumis, du fait de sa résidence, à cotisations ou retenues équivalentes pour la couverture des prestations de maladie et de maternité en vertu de la législation de l'État membre sur le territoire duquel il réside, ces cotisations ne sont pas exigibles."
10 Aux termes de l'article 36 du règlement n° 1408/71, qui constitue l'unique disposition de la section 7, intitulée "Remboursements entre institutions", du titre III, chapitre 1, de ce règlement:
"1. Les prestations en nature servies par l'institution d'un État membre pour le compte de l'institution d'un autre État membre, en vertu des dispositions du présent chapitre, donnent lieu à remboursement intégral.