Jurisprudence : TA Châlons-en-Champagne, du 14-06-2024, n° 2202739


Références

Tribunal Administratif de Châlons-en-Champagne

N° 2202739

3ème chambre
lecture du 14 juin 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 24 novembre 2022 et 13 mars 2024,

Mme B C, représentée par Me Corneloup, demande au tribunal :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le compte rendu de son entretien professionnel 2022 établi le 30 mai 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 30 mai 2022 réduisant son temps de formation, d'information et de recherche, dit " temps FIR " à une demi-journée par semaine ;

3°) d'annuler la décision implicite de rejet de son recours gracieux

née le 28 septembre 2022 ;

4°) d'enjoindre au centre hospitalier de la Haute-Marne de retirer cet entretien professionnel de son dossier administratif et de la convoquer à un nouvel entretien professionnel dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de cent cinquante euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge du centre hospitalier de la Haute-Marne la somme

de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- l'entretien professionnel annuel 2022 est entaché d'un vice de procédure dans

la mesure où la convocation à ce dernier n'était pas accompagnée de sa fiche de poste, en méconnaissance des dispositions de l'article 2 du décret du 12 juin 2020🏛 ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 2 du décret du 31 janvier 1991🏛 et porte atteinte à sa liberté de gérer librement son " temps FIR " ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision du 30 mai 2022 est entachée d'incompétence de l'auteur de l'acte ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 2 du décret du 31 janvier 1991 et ne pouvait limiter son " temps FIR " ;

- l'hôpital ne justifie pas que cette mesure aurait été prise dans l'intérêt du service.

Par des mémoires en défense enregistrés les 26 février et 10 avril 2024, le centre hospitalier de la Haute-Marne, représenté par Me Lesné, conclut au rejet de la requête

et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de Mme C au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les conclusions dirigées contre le compte rendu d'entretien professionnel sont irrecevables, faute d'être présentées par un requête distincte et alors qu'elles ne présentent pas

de lien suffisant avec celles dirigées contre la décision limitant le " temps FIR " ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le décret n° 91-129 du 31 janvier 1991🏛 ;

- le décret n° 2020-719 du 12 juin 2020🏛 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Maleyre, premier conseiller,

- les conclusions de M. Friedrich, rapporteur public,

- les observations de Me Metz pour Mme C,

- et celles de Me Laurent en faveur du centre hospitalier de la Haute-Marne.

Le centre hospitalier de la Haute-Marne a produit une note en délibéré le 28 mai 2024, qui n'a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C appartient au corps des psychologues de la fonction publique hospitalière dans lequel elle a été titularisée à compter du 1er novembre 2003. Elle détient le grade de psychologue de classe normale et exerce ses fonctions au sein du centre hospitalier de la Haute-Marne (CHHM). Mme C demande au tribunal d'annuler le compte rendu de son entretien professionnel 2022 au titre de l'année 2021 établi le 30 mai 2022, la décision du même jour limitant son temps de formation, d'information et de recherche, dit " temps FIR " à une demi-journée par semaine ainsi la décision implicite de rejet de son recours gracieux contre ces décisions née le 28 septembre 2022.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du compte rendu d'entretien professionnel 2022 :

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code général de la fonction publique :" L'appréciation de la valeur professionnelle d'un fonctionnaire se fonde sur une évaluation donnant lieu à un compte rendu qui lui est communiqué ". Aux termes de l'article 1 du décret du 12 juin 2020🏛 : " Le présent chapitre s'applique aux agents titulaires relevant des corps et emplois de la fonction publique hospitalière, à l'exception de ceux relevant des corps et emplois de direction et des directeurs des soins. ". Aux termes de l'article 2 de ce même décret : " L'agent bénéficie chaque année d'un entretien professionnel organisé dans des conditions permettant de garantir la confidentialité et qui donne lieu à un compte rendu. / La date de cet entretien est fixée par l'autorité compétente mentionnée à l'article 3 et communiquée à l'agent au moins huit jours à l'avance. / La convocation est accompagnée de la fiche de poste de l'intéressé et d'un exemplaire de la fiche d'entretien professionnel servant de base au compte rendu ". Aux termes de son article 3 : " L'autorité compétente pour conduire l'entretien professionnel annuel est le supérieur hiérarchique direct de l'agent dans la structure dont il relève et au sein de laquelle il exerce la majorité de son temps de travail ". Son article 4 dispose : " I.- L'entretien professionnel annuel vise à analyser en commun le bilan des actions menées pendant l'année écoulée et à fixer les objectifs prioritaires pour l'année à venir. Il permet également à l'agent de s'exprimer sur l'exercice de ses fonctions et son environnement professionnel ainsi que le cas échéant d'exprimer ses souhaits d'évolution de carrière. / Pour cela, il porte notamment sur : / 1° L'atteinte des objectifs qui lui ont été fixés lors de l'entretien professionnel de l'année précédente ou à l'occasion de sa prise de fonction lorsque celle-ci est intervenue dans l'année, en lien avec les conditions d'organisation et de fonctionnement de la structure dont il relève ; / 2° Sa manière de servir ; / 3° Les acquis de son expérience professionnelle ; () ". Son article 7 dispose : " L'autorité investie du pouvoir de nomination peut être saisie par l'agent d'une demande de révision du compte rendu de l'entretien professionnel. Ce recours est exercé dans un délai de quinze jours francs à compter de la date de notification à l'agent du compte rendu de l'entretien. () / La commission administrative paritaire peut, à la demande de l'intéressé et sous réserve qu'il ait au préalable exercé la demande de révision mentionnée à l'alinéa précédent, proposer à l'autorité investie du pouvoir de nomination la modification du compte rendu de l'entretien professionnel. () ".

3. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément

aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement

d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

4. Mme C soutient que CHHM ne lui a pas adressé sa fiche de poste au moment où elle a été convoquée pour son entretien professionnel 2022. Toutefois, l'intéressée est psychologue hospitalier titulaire depuis le 1er mai 2002 au sein du même hôpital et affectée dans le même service depuis de nombreuses années et il ne ressort pas des pièces du dossier que

ses missions auraient évolué au cours de l'année d'évaluation. Dans ces conditions,

la circonstance que la requérante n'a pas été destinataire de sa fiche de poste préalablement

à son entretien professionnel 2022 n'a pas eu d'incidence sur le sens de la décision contestée et ne l'a pas privée d'une garantie. Le moyen tiré du vice de procédure doit donc être écarté.

5. Mme C conteste l'évaluation et les commentaires formulés dans les items " capacité à travailler en équipe ", " capacité d'adaptation " et " comportement adapté dans

ses relations avec autrui " de la rubrique " manière de servir et qualités relationnelles " en soutenant que le CHHM ne justifie pas ces appréciations, qu'il ne peut lui être reproché

de se retrouver parfois sans travail et que ce n'est pas à elle d'en demander. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'entretien professionnel de 2020 et de celles produites en défense, que Mme C éprouve de façon constante des difficultés à travailler en équipe, à échanger avec le corps médical et à s'adapter à la variation de son activité professionnelle. Dans ces conditions, son entretien professionnel 2022, qui comporte par ailleurs de nombreux points positifs et souligne les améliorations par rapport à l'année précédente, tout en précisant les points à améliorer, n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

6. Si Mme C soutient que le compte rendu de son entretien professionnel 2022 est entaché d'erreur d'appréciation et porte atteinte à sa liberté d'organisation de son " temps FIR ", ce moyen est inopérant, la mention figurant dans l'appréciation littérale annonçant seulement que son " temps FIR " serait redéfini, redéfinition qui est intervenue par la décision

du 30 mai 2022.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin

de non-recevoir opposée en défense, que Mme C n'est pas fondée à demander l'annulation de son compte rendu d'entretien professionnel 2022 au titre de l'année 2021 ainsi que,

dans cette mesure, de la décision implicite de rejet de son recours gracieux née

le 28 septembre 2022.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 30 mai 2022 réduisant

le " temps FIR " à une demi-journée par semaine :

8. Aux termes de l'article 2 du décret du 31 janvier 1991 : " Les psychologues

des établissements mentionnés à l'article 1er exercent les fonctions, conçoivent les méthodes et mettent en oeuvre les moyens et techniques correspondant à la qualification issue de la formation qu'ils ont reçue. A ce titre, ils étudient et traitent, au travers d'une démarche professionnelle propre, les rapports réciproques entre la vie psychique et les comportements individuels et collectifs afin de promouvoir l'autonomie de la personnalité. / ()

Ils entreprennent, suscitent ou participent à tous travaux, recherches ou formations que nécessitent l'élaboration, la réalisation et l'évaluation de leur action. / En outre, ils peuvent collaborer à des actions de formation organisées, notamment, par les établissements mentionnés à l'article 1er ou par les écoles relevant de ces établissements ". Il résulte en outre

de la circulaire du 30 avril 2012 relative aux conditions d'exercice des psychologues au sein

des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986🏛 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, qui a une valeur impérative, d'une part, que la " fonction de formation, d'information et de recherche, couramment appelée temps FIR, est une fonction indispensable à un exercice optimisé des missions " des psychologues et, d'autre part, que le " le temps consacré à cette démarche doit être dorénavant défini chaque année dans le cadre d'un entretien entre le psychologue et son responsable hiérarchique désigné, à partir de l'expression de ses besoins individuels et de son investissement dans les projets institutionnels, dans la limite d'1/3 du temps de travail () "

9. Si, pour l'application des dispositions précitées, les psychologues de la fonction publique hospitalière déterminent les travaux ou activités de formation, d'information

et de recherche qu'ils entreprennent, il appartient à l'administration de s'assurer, d'une part,

de la compatibilité du temps consacré à ces activités avec les nécessités du service et, d'autre part, du respect de la règle du service fait.

10. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que Mme C, qui exerce

ses fonctions de psychologue au sein du service addictologie du CHHM, a vu son activité diminuer fortement alors que les besoins sont importants tant en pédopsychiatrie qu'en soins

de suite et de réadaptation. D'autre part, malgré les demandes qui lui ont été faites, l'intéressée, qui disposait d'un " temps FIR " d'une journée par semaine, n'a pas été en mesure de justifier

de l'utilisation de ce temps au-delà d'une heure trente de supervision comme le prévoient

les dispositions précitées. Dans ces conditions, la décision contestée, qui réduit le " temps FIR " de la requérante à 10%, n'est ni entachée d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation.

11. En revanche, si, par une décision du 30 mars 2022, le directeur général

de la direction commune de plusieurs centres hospitaliers, dont le CHHM, a donné délégation à M. F A, directeur délégué par intérim du CHCM, à l'effet de signer toutes les pièces et correspondances pour assurer la gestion de l'hôpital et, en cas d'absence, à M. E D, directeur des ressources humaines, il ressort des pièces du dossier que cette délégation n'a pas fait l'objet d'une publication, l'information apportée par courriel aux agents du centre hospitalier ne pouvant s'y substituer. Dès lors, M. D était incompétent pour adopter la décision contestée du 30 mai 2022. Par suite, cette dernière doit être annulée.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme C est seulement fondée à demander l'annulation de la décision du 30 mai 2022, ainsi que de celle née le 28 septembre 2022, en tant qu'elle rejette son recours gracieux dirigée contre la décision du 30 mai 2022. Par voie

de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, qui portent uniquement

sur le compte rendu d'entretien professionnel, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge

du CHHM la somme que Mme C demande au titre des frais exposés et non compris dans

les dépens. Les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par le CHHM soient mises à la charge de Mme C, qui n'est pas

la partie perdante.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 30 mai 2022 ainsi que celle née le 28 septembre 2022, en tant

qu'elle rejette son recours gracieux dirigée contre la décision du 30 mai 2022, sont annulées.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme B C et au centre hospitalier

de la Haute-Marne.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Deschamps, président,

M. Maleyre, premier conseiller,

M. Henriot, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2024.

Le rapporteur,

signé

PH MALEYRELe président,

signé

A. DESCHAMPS

Le greffier,

signé

A. PICOT

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