Jurisprudence : CA Aix-en-Provence, 12-06-2024, n° 23/07832, Infirmation


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8


ARRÊT AU FOND

DU 12 JUIN 2024


N° 2024/ 282


N° RG 23/07832


N° Portalis DBVB-V-B7H-BLOEE


[W] [D]


C/


[B] [A]


Copie exécutoire délivrée le :


à :


Me Philippe CAMPOLO


Me Serge DREVET


Décision déférée à la Cour :


Jugement du tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 17 Mai 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/01661.



APPELANT


Monsieur [W] [D]

né le … … … à [Localité …] (…), … [… …]


représenté et plaidant par Me Philippe CAMPOLO, membre de la SELAS ATEOS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN


INTIMEE


Madame [B] [A]

née le … … … à [Localité …] (…), … [… …]


représentée par Me Serge DREVET, membre de la SELAS CABINET DREVET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN


*-*-*-*-*


COMPOSITION DE LA COUR


En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile🏛🏛, l'affaire a été débattue le 16 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller


Greffier lors des débats : Madame Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Juin 2024.


ARRÊT


Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Juin 2024, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


***


EXPOSÉ DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE


Par acte du 24 février 2022, Monsieur [W] [D] a assigné Madame [B] [A] à comparaître devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Draguignan, pour lui demander réparation des suites d'un congé que celle-ci lui aurait irrégulièrement délivré pour mettre fin à un bail d'habitation portant sur un logement situé [Adresse 2].


À l'appui de cette action il soutenait :

- que ce bail avait été conclu par écrit à compter du 5 juin 2008 par l'intermédiaire de l'agence immobilière A et avait été tacitement reconduit par périodes triennales jusqu'au 5 juin 2020,

- que la bailleresse lui avait néanmoins donné prématurément congé pour le 31 janvier 2019, afin de reprendre le logement pour y loger sa grand-mère,

- que dans l'ignorance de ses droits, il avait libéré les lieux dès le 26 novembre 2018,

- et qu'il avait appris par la suite que le bien avait été reloué à un tiers.


Il réclamait au total paiement de 15.290 € à titre de dommages-intérêts.


En défense, Madame [B] [A] a contesté la qualité de locataire du demandeur, en soutenant que tant le contrat de bail que la lettre de congé produits aux débats constituaient des faux en écriture.


Par jugement rendu le 17 mai 2023, le premier juge a débouté Monsieur [D] des fins de son action, considérant qu'il était défaillant dans l'administration de la preuve.


L'intéressé a interjeté appel le 13 juin 2023, et assigné Madame [A] à comparaître devant la cour par acte délivré le 31 juillet suivant.



MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES


Aux termes de ses conclusions d'appel notifiées le 14 août 2023, Monsieur [W] [D] produit aux débats, outre le contrat de bail et la lettre de congé contestés, plusieurs autres éléments de preuve tendant à accréditer ses affirmations.


Il fait valoir que, faute pour la bailleresse d'avoir joint au congé la notice d'information prescrite par l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989🏛, il ignorait l'étendue de ses droits et s'est cru obligé de libérer les lieux avant la date d'échéance du bail.


Il produit d'autre part la copie d'un nouveau bail conclu le 21 février 2020 par Madame [A] avec un tiers par l'intermédiaire de l'agence immobilière ARTHURIMMO, à l'effet d'établir que le motif de la reprise indiqué dans le congé était frauduleux.


Il demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de juger que le congé ne pouvait prendre effet que le 5 juin 2020 et de condamner l'intimée à lui payer :

- 7.220 € au titre de la différence existant entre le montant du loyer qu'il acquittait précédemment et celui de son nouveau logement,

- 70 € au titre de ses frais de déménagement,

- 3.000 € en réparation de son préjudice moral,

- et 5.000 € pour résistance abusive.


Il réclame en outre paiement d'une somme de 4.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, ainsi que ses entiers dépens.


Dans ses conclusions en réplique notifiées le 14 novembre 2023, Madame [B] [A] maintient la position défendue devant le premier juge.


Elle produit une attestation de M. [V] [F], dirigeant de l'agence immobilière A, certifiant n'avoir jamais reçu de mandat de location pour le bien sis [Adresse 2], et fait observer que la lettre de congé contient des erreurs ou des incohérences démontrant qu'elle ne peut en être l'auteur. Elle produit en outre une copie de sa carte nationale d'identité comportant sa signature, afin de démontrer que celle figurant sur cette lettre a été contrefaite.


Elle conteste d'autre part la valeur probante des autres éléments produits par l'appelant.


Elle conclut à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, et réclame en sus paiement d'une somme de 6.000 euros au titre de ses frais irrépétibles, outre ses dépens.


L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 avril 2024.


DISCUSSION


Sur la dénégation d'écriture :


Selon l'article 1373 du code civil🏛, la partie à laquelle est opposé un acte sous signature privée peut désavouer son écriture, et la vérification doit alors en être faite par le juge, qui ne peut statuer au fond qu'après avoir retenu que l'acte émane bien de la partie en cause. Toutefois, le juge n'est pas tenu de recourir à la procédure de vérification d'écriture lorsqu'il trouve dans les autres pièces produites aux débats des éléments de conviction suffisants.


En l'espèce, il doit être relevé que le bail litigieux ne comporte pas la signature de Madame [Aa], mais le paraphe et le timbre de son mandataire l'agence immobilière A.


Monsieur [D] produit en cause d'appel un procès-verbal de constat de Maître [X], commissaire de justice, dont il résulte qu'une copie du contrat de bail lui avait été transmise par courriel par un préposé de l'agence immobilière A, ce dont il se déduit que celle-ci est bien intervenue en qualité de mandataire de la propriétaire.


Il produit également :

- des quittances de loyer,

- un avis d'imposition au titre de la taxe d'habitation 2009,

- des factures d'électricité et de téléphone,

- une facture de ramonage,

- un contrat d'assurance des risques locatifs,

- une facture de réparation de plomberie au nom de [B] [A] et transmise par celle-ci avec un message manuscrit indiquant qu'elle est à la charge du locataire,


- et des chèques émis en règlement du loyer à l'ordre de M. [C] [M], compagnon de [B] [A].


L'ensemble de ces éléments démontre amplement que les parties étaient bien liées par un bail d'habitation portant sur le logement sis [Adresse 2].


D'autre part, les erreurs ou incohérences contenues dans la lettre de congé du 23 juillet 2018 ne suffisent pas à établir la fausseté de cette pièce. En effet, la date d'échéance du congé qui y est indiquée (à savoir le 31/01/2018 au lieu du 31/01/2019) procède d'une simple erreur matérielle, tandis que Madame [T] [O], mentionnée comme bénéficiaire de la reprise, bien qu'âgée à l'époque de 96 ans et non de 94, était bien la grand-mère de la bailleresse et résidait effectivement à [Localité 5] dans le département des Alpes de Haute Provence, peu important qu'il s'agisse d'un hameau et non pas d'une ville. Or Madame [A] ne donne aucune explication quant au fait que M. [Ab] ait pu avoir une connaissance personnelle de ces informations.


Sur la régularité du congé :


Bien qu'il invoque l'existence d'un motif frauduleux, Monsieur [D] n'en tire pas les conséquences juridiques dans le dispositif de ses conclusions, puisque la cour n'est pas saisie d'une demande de nullité du congé.


Il est de principe qu'un congé notifié pour une date prématurée n'est pas nul, mais prend effet à la date pour laquelle il aurait dû être donné. Toutefois, faute pour Madame [A] d'avoir joint au congé la notice d'information prescrite par l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, Monsieur [D] a pu légitiment se méprendre sur l'étendue de ses droits et se croire obligé de libérer les lieux dans les six mois suivant la réception de la lettre recommandée, alors que, le bail ayant pris effet le 5 juin 2008 et ayant été tacitement reconduit par périodes triennales, la date de sa prochaine échéance était le 5 juin 2020.


La bailleresse a donc commis un manquement à ses obligations contractuelles ayant occasionné à son locataire un préjudice direct, dont elle doit réparation. Il convient d'allouer à M. [D] :

- 70 € au titre de ses frais de déménagement,

- 3.000 € en réparation de son préjudice moral,

- 2.000 € au titre de la résistance abusive opposée par l'intimée, celle-ci étant allée jusqu'à contester l'existence même du bail contre toute évidence.


En revanche, la différence existant entre le montant du loyer que M. [D] acquittait précédemment et celui de son nouveau logement ne constitue pas un préjudice réparable.


Sur les frais du procès :


L'intimée doit être condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à verser à l'appelant une somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles.



PAR CES MOTIFS



La cour, statuant par arrêt contradictoire,


Infirme le jugement déféré, et statuant à nouveau :


Juge que les parties étaient liées par un bail d'habitation,


Juge que Madame [B] [A] a commis une faute en délivrant congé pour une date prématurée et sans informer le locataire de ses droits,


La condamne à payer à Monsieur [W] [D] la somme de 5.070 euros à titre de dommages-intérêts,


Déboute Monsieur [D] du surplus de ses prétentions,


Condamne l'intimée aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à verser à l'appelant une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.


LA GREFFIERE LE PRESIDENT

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