Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 1
er avril 2024 et 9 avril
2024, l'association Avicenne, prise en la personne de son président en
exercice, gérant le
collège Avicenne, sis 4 chemin du Château Saint-Pierre à Nice, représentée par
Me G.,
demande au juge des référés :
1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L.521-1 du code
de
justice administrative, la suspension de l'arrêté du 14 mars 2024 par lequel
le préfet des
Alpes-Maritimes a ordonné la fermeture définitive du collège Avicenne à
compter du 6 juillet
2024 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de
l'
article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors que l'arrêté en litige met un
terme de
manière irréversible à l'activité du collège Avicenne, ce qui emporte de
graves conséquences
pour le personnel de l'établissement et les élèves ; l'urgence est également
caractérisée par
l'intérêt public, la fermeture de l'établissement induisant une
rescolarisation des élèves dans
un secteur en forte tension scolaire ;
- la mesure de police prise par le préfet est entachée d'erreur de fait et
est
disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2024, le préfet des Alpes-
Maritimes
conclut au rejet de la requête.
N° 2401758 2
Il fait valoir que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des
moyens
n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de son arrêté.
Par un mémoire distinct, enregistré le 1er avril 2024, l'association Avicenne,
prise en la
personne de son président en exercice, gérant le collège Avicenne, sis 4
chemin du Château
Saint-Pierre à Nice, représentée par Me G., demande au juge des référés de
transmettre au
Conseil d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la
conformité des deux
derniers alinéas du IV de l'
article L. 442-2 du code de l'éducation🏛 au
principe fondamental
reconnu par les lois de la République de la liberté de l'enseignement d'une
part, à l'objectif de
valeur constitutionnelle d'intelligibilité et de clarté de la loi d'autre
part.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2024, la ministre de
l'éducation
nationale et de la jeunesse demande au juge des référés de ne pas transmettre
la question
prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat.
Elle soutient que cette question prioritaire de constitutionnalité est
dépourvue de
caractère sérieux.
Une pièce présentée par la rectrice de l'académie de Nice, en réponse à une
mesure
d'instruction du juge des référés, a été enregistrée le 16 avril 2024 à 14
heures 41.
Une note en délibéré, présentée pour l'association Avicenne, a été enregistrée
le 16
avril 2024 à 15 heures 59.
L'association Avicenne soutient que les deux versements effectués par M. C. en
2022
pour des montants respectifs de 25 000 euros et 5 000 euros correspondent à
une avance sur le
prix de vente d'un bien immobilier de l'Union des musulmans des Alpes-
Maritimes et qu'en
2022, l'augmentation significative des dons résulte des appels aux dons lancés
par
l'association consécutivement à l'achat du local sis rue Château Saint -
Pierre.
Une note en délibéré, présentée pour l'association Avicenne, a été enregistrée
le 16
avril 2016 à 16h38 mais n'a pas été communiquée.
Vu :
- la requête n° 2401757 enregistrée le 1er
avril 2024 par laquelle l'association requérante
sollicite l'annulation de l'arrêté du 14 mars 2024 ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- le code de l'éducation nationale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
N° 2401758 3
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 16 avril 2024 à 10 heures
:
- le rapport de Mme Y., juge des référés ;
- les observations de Me G., représentant l'association Avicenne, en présence
de M. A.,
président de l'association Avicenne ;
- les observations de M. Aa, représentant le préfet des Alpes-Maritimes ;
- les observations de M. Ab et M. Ac, représentant la rectrice de Nice.
La clôture de l'instruction a été fixée au 16 avril 2024 à 19 heures.
Considérant ce qui suit :
1. L'association Avicenne, qui exploite le collège Avicenne, établissement
d'enseignement privé musulman hors contrat, sis 4 chemin du Château Saint-
Pierre à Nice,
demande au juge des référés, saisi sur le fondement des dispositions de
l'article L. 521-1 du
code de justice administrative, de suspendre l'arrêté du 14 mars 2024 par
lequel le préfet des
Alpes-Maritimes a ordonné la fermeture définitive du collège Avicenne à
compter du 6 juillet
2024. L'association Avicenne demande également au juge des référés de
transmettre au
Conseil d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la
conformité des deux
derniers alinéas du IV de l'article L. 442-2 du code de l'éducation au
principe fondamental
reconnu par les lois de la République de la liberté de l'enseignement, d'une
part, au principe
de clarté de la loi et à l'objectif à valeur constitutionnelle
d'intelligibilité de la loi d'autre part.
2. Aux termes de l'
article L. 521-1 du code de justice administrative🏛 : «
Quand une
décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en
annulation ou en
réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut
ordonner
la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets,
lorsque l'urgence le
justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de
l'instruction, un doute
sérieux quant à la légalité de la décision (...) ».
Sur l'urgence :
3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte
administratif lorsque
l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et
immédiate, à un
intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend
défendre. Il appartient au
juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications
fournies par le
requérant, si les effets de l'acte en litige sont de nature à caractériser une
urgence qui doit être
appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de
l'espèce.
4. Compte tenu du caractère définitif de la mesure de fermeture du collège
Avicenne à
compter du 6 juillet 2024 prononcée par l'arrêté en litige, la condition
d'urgence prévue par
les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit
être regardée
comme remplie.
N° 2401758 4
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
5. Aux termes de l'article LO. 771-1 du code de justice administrative : « La
transmission par une juridiction administrative d'une question prioritaire de
constitutionnalité au Conseil d'état obéit aux règles définies par les
articles 23-1 à 23-3 de
l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958🏛🏛 portant loi organique sur le
Conseil
constitutionnel ». Aux termes de l'article 23-2 de cette ordonnance : « La
juridiction statue
sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question
prioritaire de
constitutionnalité au Conseil d'état ou à la Cour de cassation. Il est procédé
à cette
transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition
contestée est
applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des
poursuites ; / 2° Elle n'a
pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le
dispositif d'une décision
du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La
question n'est pas
dépourvue de caractère sérieux. / En tout état de cause, la juridiction doit,
lorsqu'elle est
saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une
part, aux droits
et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements
internationaux de la
France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de
constitutionnalité au
Conseil d'état ou à la Cour de cassation. / La décision de transmettre la
question est
adressée au Conseil d'état ou à la Cour de cassation dans les huit jours de
son prononcé
avec les mémoires ou les conclusions des parties. Elle n'est susceptible
d'aucun recours. Le
refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un
recours contre la
décision réglant tout ou partie du litige ». L'article 23-3 de cette
ordonnance prévoit qu'une
juridiction saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité « peut
prendre les mesures
provisoires ou conservatoires nécessaires » et qu'elle peut statuer « sans
attendre la décision
relative à la question prioritaire de constitutionnalité si la loi ou le
règlement prévoit qu'elle
statue dans un délai déterminé ou en urgence ».
6. Il résulte de la combinaison de ces dernières dispositions avec celles du
livre V du
code de justice administrative qu'une question prioritaire de
constitutionnalité peut être
soulevée devant le juge administratif des référés saisi sur le fondement de
son article L. 521-1,
lequel peut, en toute hypothèse, rejeter une requête qui lui est soumise pour
incompétence de
la juridiction administrative, irrecevabilité ou défaut d'urgence. S'il ne
rejette pas les
conclusions dont il est saisi pour l'un de ces motifs, il lui appartient de se
prononcer, en l'état
de l'instruction, sur la transmission au Conseil d'état de la question
prioritaire de
constitutionnalité soulevée devant lui par mémoire distinct. Il peut par
ailleurs décider de faire
usage des pouvoirs que l'article L. 521-1 du code de justice administrative
lui confère pour
ordonner, à titre provisoire, la suspension de l'exécution de la décision
attaquée, s'il estime
que les conditions posées par cet article sont remplies, nonobstant la
transmission au Conseil
d'état de ladite question prioritaire de constitutionnalité.
7. L'association Avicenne, demande au juge des référés de transmettre au
Conseil
d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la
conformité des deux
derniers alinéas du IV de l'article L. 442-2 du code de l'éducation au
principe fondamental
reconnu par les lois de la République de la liberté de l'enseignement, d'une
part, au principe
de clarté de la loi et à l'objectif à valeur constitutionnelle
d'intelligibilité de la loi d'autre part.
8. Les deux derniers alinéas du IV de l'article L. 442-2 du code de
l'éducation qui
constituent le fondement législatif de la décision dont la suspension est
demandée, sont
applicables au litige.
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9. En premier lieu, la requérante fait valoir que ces dispositions portent
atteinte à la
liberté de l'enseignement dès lors que les manquements à l'obligation de
transmission de
documents budgétaires, comptables et financiers sont traités de manière
uniforme, sans
distinction de la nature et de la gravité des manquements et sans prévoir de
graduation des
mesures que le préfet peut édicter. Toutefois, la mesure de fermeture
administrative
qu'instituent ces dispositions ne peut être prononcée que dans le cas où il
n'a pas été remédié
aux manquements aux obligations procédant du II de l'article L.442-2 du code
de l'éducation,
après l'expiration du délai fixé et par un arrêté motivé du représentant de
l'Etat sur la
proposition de l'autorité compétente de l'Etat en matière d'éducation. Cette
mesure de
fermeture ne peut être décidée qu'après mise en demeure de l'établissement
d'enseignement
l'invitant à mettre fin aux manquements constatés à l'expiration d'un délai
qu'elle détermine
et l'informant des sanctions dont il serait l'objet en cas contraire. La
fermeture peut porter sur
l'ensemble de l'établissement ou de certaines classes seulement et peut être
provisoire ou
définitive. Elle est par ailleurs soumise à l'entier contrôle du juge
administratif. Dans ces
conditions, les pouvoirs conférés au représentant de l'Etat par les
dispositions contestées ne
sauraient être regardées comme portant une atteinte disproportionnée à la
liberté de
l'enseignement.
10. En second lieu, la méconnaissance de l'objectif de valeur
constitutionnelle
d'intelligibilité et de clarté de la loi ne peut, en elle-même, être invoquée
à l'appui d'une
question prioritaire de constitutionnalité.
11. Il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de
constitutionnalité soulevée
est dépourvue de caractère sérieux. Dès lors, il n'y a pas lieu de transmettre
cette question au
Conseil d'Etat.
Sur le doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué :
12. Aux termes de l'article L. 442-2 du code de l'éducation : « I.- Mis en
uvre sous
l'autorité conjointe du représentant de l'Etat dans le département et de
l'autorité compétente
en matière d'éducation, le contrôle de l'Etat sur les établissements
d'enseignement privés qui
ne sont pas liés à l'Etat par contrat se limite aux titres exigés des
directeurs et des
enseignants, à l'obligation scolaire, à l'instruction obligatoire, qui
implique l'acquisition
progressive du socle commun défini à l'article L. 122-1-1, au respect de
l'ordre public, à la
prévention sanitaire et sociale et à la protection de l'enfance et de la
jeunesse, notamment
contre toute forme de harcèlement scolaire. II.- Les établissements mentionnés
au I
communiquent chaque année à l'autorité de l'Etat compétente en matière
d'éducation les
noms des personnels ainsi que les pièces attestant leur identité, leur âge,
leur nationalité et,
pour les enseignants, leurs titres, dans des conditions fixées par décret. A
la demande des
autorités de l'Etat mentionnées au même I, l'établissement d'enseignement
privé fournit, dans
un délai et selon des modalités précisées par décret, les documents
budgétaires, comptables et
financiers qui précisent l'origine, le montant et la nature des ressources de
l'établissement.
III.- L'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation prescrit le
contrôle des classes
hors contrat afin de s'assurer que l'enseignement qui y est dispensé respecte
les normes
minimales de connaissances requises par l'article L. 131-1-1 et que les élèves
de ces classes
ont accès au droit à l'éducation tel que celui-ci est défini par l'article L.
111-1.Ce contrôle a
lieu dans l'établissement d'enseignement privé dont relèvent ces classes hors
contrat. Un
contrôle est réalisé au cours de la première année d'exercice d'un
établissement privé. IV.-
L' une des autorités de l'Etat mentionnées au I peut adresser au directeur ou
au représentant
légal d'un établissement une mise en demeure de mettre fin, dans un délai
qu'elle détermine et
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en l'informant des sanctions dont il serait l'objet en cas contraire :1° Aux
risques pour l'ordre
public, la santé et la sécurité physique ou morale des mineurs que présentent
les conditions
de fonctionnement de l'établissement ;2° Aux insuffisances de l'enseignement,
lorsque celui-ci
n'est pas conforme à l'objet de l'instruction obligatoire, tel que celui-ci
est défini à l'article L.
131-1-1, et ne permet pas aux élèves concernés l'acquisition progressive du
socle commun
défini à l'article L. 122-1-1 ;3° Aux manquements aux obligations en matière
de contrôle de
l'obligation scolaire et d'assiduité des élèves ;4° Aux manquements aux
articles L. 911-5 et L.
914-3 à L. 914-6 ou à la vacance de la fonction de directeur ;5° Aux
manquements aux
obligations procédant de l'article L. 441-3 et du II du présent article. S'il
n'a pas été remédié
à ces manquements, après l'expiration du délai fixé, le représentant de l'Etat
dans le
département peut prononcer, par arrêté motivé, la fermeture temporaire ou
définitive de
l'établissement ou des classes concernées. Il agit après avis de l'autorité
compétente de l'Etat
en matière d'éducation, pour les motifs tirés du 1° du présent IV, et sur sa
proposition, pour
les motifs tirés des 2° à 5° du présent IV. Il en informe le maire de la
commune sur le
territoire de laquelle est implanté l'établissement. V.- En cas de refus de se
soumettre au
contrôle des autorités compétentes ou d'obstacle au bon déroulement de celui-
ci, le
représentant de l'Etat dans le département peut prononcer, après avis de
l'autorité
compétente de l'Etat en matière d'éducation, la fermeture temporaire ou
définitive de
l'établissement sans mise en demeure préalable. Il en informe le maire de la
commune sur le
territoire de laquelle est implanté l'établissement.VI.- Lorsqu'est prononcée
la fermeture de
l'établissement en application des IV et V, l'autorité compétente de l'Etat en
matière
d'éducation met en demeure les parents des élèves scolarisés dans
l'établissement d'inscrire
leurs enfants dans un autre établissement d'enseignement scolaire dans les
quinze jours
suivant la notification de la mise en demeure. Aux termes de l'article
D.442-22-2 du même
code « I.- A la demande du préfet de département ou du recteur,
l'établissement
d'enseignement privé hors contrat fournit un document, sous la forme d'un
tableau dont le
modèle est fixé par arrêté du ministre chargé de l'éducation, qui présente par
ordre
chronologique, pour chaque contributeur, les ressources qu'il a perçues au
cours d'une
année. Il précise pour chaque ressource :
1° La date de l'encaissement ou, pour un avantage ou une ressource non
pécuniaire, la date à
laquelle il a été effectivement acquis ou la période durant laquelle il a été
accordé ;
2° La dénomination, l'identité ou la raison sociale du contributeur ;
3° La personnalité juridique du contributeur, en précisant sa nature :
a) Un état ou une collectivité publique ;
b) Une autre personne morale ;
c) Une personne physique ;
4° Le cas échéant, l'Etat de résidence du contributeur lorsque celui-ci réside
à l'étranger ou
l'Etat dans lequel est établi le siège social du contributeur si celui-ci est
établi en dehors du
territoire national ;
5° La nature de la ressource, en distinguant entre :
a) une ressource pécuniaire, en précisant sa nature :
i) Une contribution financière ;
ii) Un prêt reçu ;
iii) Un don ;
iv) Une libéralité ;
v) Une cotisation avec ou sans contrepartie ;
vi) Le produit d'une vente de biens et de services par l'entité ;
vii) Une ressource de mécénat ;
viii) Une autre ressource pécuniaire, dont la nature est précisée ;
b) un avantage en nature qui fait l'objet d'une valorisation, en précisant sa
nature :
i) Une mise à disposition de personnel ;
ii) Une libéralité ou une mise à disposition de biens immobiliers ;
N° 2401758 7
iii) Une libéralité ou une mise à disposition de biens mobiliers ;
iv) Une fourniture gratuite de services ;
v) Un autre avantage en nature en précisant sa nature ;
c) un apport en fonds propres avec ou sans droit de reprise ;
6° Le caractère direct ou indirect du financement ;
7° Le mode de paiement, le cas échéant, en précisant s'il s'agit d'un
versement en numéraire,
par virement bancaire, par chèque, par carte bancaire ou d'un autre mode de
paiement.
8° Le montant ou la valorisation de la ressource.
Est indiqué le total des financements correspondant à chaque contributeur.
II. - Le document mentionné au I peut être demandé au titre des cinq dernières
années.
L'établissement est tenu de fournir ce document dans le délai fixé par l'une
des autorités de
l'état mentionnées au I, qui ne peut être inférieur à un mois à compter de la
notification de la
demande.
III. - L'établissement est tenu de fournir, dans les conditions prévues au II,
toute pièce
justificative permettant d'attester de la réalité des opérations retracées,
notamment les
attestations fiscales remises aux donateurs, les contrats et conventions
d'apports de
ressources conclues avec des tiers et les relevés bancaires ».
13. Il résulte de l'instruction que par un courrier du 29 novembre 2023, le
préfet des
Alpes-Maritimes a informé le président de l'association Avicenne qui gère le
collège du
même nom, que les documents qui lui avaient été transmis à la suite de ses
demandes en date
des 6 octobre 2022, 15 décembre 2022 et 23 août 2023 ne répondaient pas aux
conditions
prévues par l'
article D. 442-22-2 du code de l'éducation🏛 nationale et l'a mis
en demeure de
fournir dans un délai d'un mois un tableau (dont le modèle était joint à ce
courrier) présentant
l'ensemble des ressources perçues au cours des cinq dernières années et
comportant de
manière exhaustive les informations requises par l'article D. 442-22-2 du code
de l'éducation
nationale et dont la teneur était expressément indiquée dans cette mise en
demeure. Ledit
courrier indiquait qu'en cas de persistance des manquements constatés à
l'expiration de ce
délai, une mesure de fermeture de l'établissement serait susceptible d'être
prononcée sur le
fondement de l'article L. 442-2 du code de l'éducation. Estimant que les
tableaux produits le
27 décembre 2023 par l'association ne répondaient toujours pas aux exigences
de
transparence financière résultant des dispositions législatives et
réglementaires applicables, le
préfet des Alpes-Maritimes a informé l'association Avicenne, par courrier du
26 février 2024,
de son intention, sur proposition de la rectrice de l'académie de Nice, de
prononcer la
fermeture du collège Avicenne et l'a invitée à produire ses observations
écrites ou orales dans
un délai de quinze jours. Le 4 mars 2024, à l'occasion d'un entretien en
préfecture, les
représentants de l'établissement ont fourni de nouveaux tableaux ainsi que des
pièces
complémentaires. Par un arrêté du 14 mars 2024, le préfet des Alpes-Maritimes
a prononcé la
fermeture définitive du collège.
14. Pour prononcer cette mesure de police, le préfet des Alpes-Maritimes a
considéré
que les éléments communiqués par l'établissement scolaire à la suite des
demandes qui lui
avaient été adressées de fournir, sur le fondement du II de l'article L. 442-2
du code de
l'éducation nationale précité, les documents budgétaires, comptables et
financiers précisant
l'origine, le montant et la nature des ressources de l'établissement, d'une
part, présentaient un
caractère partiel ainsi que des inexactitudes et omissions remettant en cause
le caractère
probant de la comptabilité de l'établissement, d'autre part, n'étaient pas
conformes aux
exigences législatives et réglementaires. Le préfet a dès lors estimé que les
documents fournis
le 27 décembre 2023 ne permettaient pas de respecter l'obligation de
transparence financière.
Les griefs formulés par le préfet des Alpes-Maritimes portent plus précisément
sur
N° 2401758 8
l'identification des contributeurs et, partant, de l'origine des fonds, les
tableaux retraçant les
ressources de l'établissement au titre des années 2018 à 2022 comportant des
informations
partielles ou sibyllines, sur l'origine inconnue de dons versés en espèces
dans le cadre de
collectes organisées au sein de deux lieux de culte (pour un montant total de
12 000 euros
selon l'état des ressources fourni pour l'année 2021 et de 11 930 euros
d'après les attestations
de collecte), sur des erreurs entachant certaines opérations retracées dans
les tableaux de
ressources produits, sur la conclusion d'une convention sous seing privé
actant de la
renonciation de deux créanciers, personnes physiques, au remboursement de la
somme de
436 350 euros correspondant au reliquat d'un prêt d'un montant de 476 350
euros consenti sur
la période 2017-2021 plus d'un an après les premiers versements et sur
l'octroi d'un prêt d'un
montant de 25 000 euros à une personne physique, en méconnaissance des statuts
de
l'établissement et alors que ce dernier bénéficie lui-même de prêts de
fonctionnement.
15. D'une part, il résulte de l'instruction que pour élaborer les tableaux
retraçant les
ressources de l'établissement au titre des années 2018 à 2022 qui ont été
produits le 27
décembre 2023 et le 4 mars 2024 et dont le préfet admet dans ses écritures en
défense qu'ils
répondent au formalisme de l'article D. 422-22-2 du code de l'éducation
nationale,
l'association Avicenne a retranscrit, à partir des relevés de comptes de son
unique
établissement bancaire, l'ensemble des opérations financières faites à son
crédit en indiquant
notamment le mode de paiement tel qu'il ressortait du libellé des opérations
figurant sur les
relevés bancaires (virement, prélèvement automatique, paiement par carte
bleue, chèque) ainsi
que l'ensemble des renseignements relatifs à ces opérations mentionnés sur ces
relevés, soit
pour les paiements par chèque, les numéros des chèques, pour les virements,
les noms et
prénoms ou les noms seulement des débiteurs selon les cas et pour les
paiements par carte
bleue, les numéros de la transaction. S'il est constant que les paiements par
prélèvement
automatique ont été indiqués pour leur montant global sans indication de
l'identité des
débiteurs, l'association Avicenne a produit des listings complets des
contributeurs en
indiquant pour chacun d'entre eux le nom de famille, le montant et la date du
prélèvement.
L'association a par ailleurs produit une liste comportant les coordonnées
complètes d'une
partie de ses contributeurs habituels (nom, prénom et adresse). L'association
requérante a, en
outre, joint aux tableaux de ses ressources une copie des chèques faisant
apparaître les noms,
prénoms et adresse de leur émetteur. Si pour les paiements en carte bleue, les
tableaux
produits n'indiquent que le nom de famille des débiteurs à l'exclusion de leur
prénom, il
résulte de l'instruction que ce mode de paiement correspond pour l'essentiel à
l'acquittement
des frais de scolarité des élèves. Par ailleurs, les dons pour lesquels est
indiquée dans les
tableaux fournis la mention « origine inconnue » représentent des sommes
modiques par
rapport au montant des ressources annuelles de l'association. Enfin, il est
constant que si
l'association requérante a bénéficié en 2021 de dons manuels dont les
contributeurs ne sont
pas identifiés pour un montant compris entre 11 930 et 12 000 euros, seules
deux collectes
ayant permis de récolter ce type de dons ont été organisées au cours de la
période 2018 à
2022.
16. D'autre part, il résulte de l'instruction que l'association a bénéficié
entre 2017 et
2020 de plusieurs virements, dûment retracés dans les tableaux qu'elle a
fournis pour chacune
des années en litige, dans le cadre d'un prêt consenti par deux personnes
physiques qui ont
renoncé, par convention sous seing privé en date du 16 juin 2022 rédigée par
un avocat, au
remboursement de la somme restant due (436 350 euros).
Ce prêt d'un montant de
476 350⚖️ euros a donné lieu à l'établissement d'une reconnaissance de dette signée le 1
er janvier 2021
par le président de l'association Avicenne. Si l'administration relève à juste
titre un écart entre
le montant des versements qui figure sur le tableau des ressources du mois de
décembre 2021,
(98 000 euros) et celui qui est indiqué dans la convention sous seing privé au
titre du même
mois (84 000 euros), cette erreur est admise par la requérante. En signant une
convention sous
N° 2401758 9
seing privé, les parties ont manifesté leur volonté de consentir et d'adhérer
au contenu de cet
acte qui les engage. Dès lors que l'identité des contributeurs mentionnés dans
la convention
n'est pas contestée et que cet accord et les explications de la requérante
permettent
d'identifier les sommes litigieuses, les conditions posées par l'article D.
422-22-2 du code de
l'éducation doivent être regardées, s'agissant de ce financement, comme
remplies.
17. Enfin, la circonstance que l'association ait consenti un prêt, en
violation de ses
statuts, qui ne présenterait aucun lien avec les activités scolaires de
l'établissement, est sans
incidence sur l'appréciation de l'origine, du montant et de la nature des
ressources que
l'administration doit prendre en compte au titre du contrôle des ressources
d'un établissement
privé hors contrat dans le cadre des dispositions du II de l'article L. 442-2
du code de
l'éducation nationale.
18. Ainsi, si les tableaux et documents fournis par l'association Avicenne au
titre des
années 2018 à 2022 comportent des erreurs et imprécisions, les irrégularités
relevées ne sont
pas constitutives de manquements aux obligations procédant du II de l'article
L. 442-2 du
code de l'éducation nationale de nature à justifier la fermeture définitive de
l'établissement
prononcée par le préfet des Alpes-Maritimes. Par suite, en l'état de
l'instruction, le moyen tiré
de la méconnaissance par le préfet des dispositions précitées est de nature à
créer un doute
sérieux sur la légalité de son arrêté du 14 mars 2024. Il y a donc lieu d'en
ordonner la
suspension jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur sa légalité par une
formation collégiale du
tribunal.
Sur les frais liés au litige :
19. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de
l'Etat une
somme de 1 500 euros à verser à l'association Avicenne sur le fondement des
dispositions de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
N° 2401758 10
O R D O N N E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question
prioritaire de
constitutionnalité soulevée par l'association requérante.
Article 2 : L'exécution de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 14 mars
2024 ordonnant
la fermeture définitive du collège Avicenne à compter du 6 juillet 2024 est
suspendue jusqu'à
ce qu'il soit statué au fond sur sa légalité par une formation collégiale du
tribunal.
Article 3 : L'Etat versera à l'association Avicenne une somme de 1 500 euros
sur le
fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Avicenne, au
ministre de
l'intérieur et des outre-mer et à la ministre de l'éducation nationale et de
la jeunesse.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et à la rectrice de
l'académie de Nice.
Fait à Nice, le 19 avril 2024
La juge des référés, La juge des référés, Le juge des référés,
Vice-présidente Présidente-rapporteure Vice-président
Mme X Mme Y M. Z
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et
à la ministre de
l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui les concernent ou à tous
commissaires de justice à ce
requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties
privées, de pourvoir à
l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
M. Ad