Jurisprudence : CA Montpellier, 13-03-2024, n° 24/00189, Confirmation

CA Montpellier, 13-03-2024, n° 24/00189, Confirmation

A83252UU

Référence

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COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

N° RG 24/00189 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QFGM


O R D O N N A N C E N° 2024 - 196

du 13 Mars 2024

SUR LE CONTROLE DE LA REGULARITE D'UNE DECISION DE PLACEMENT EN RETENTION ET SUR LA PROLONGATION D'UNE MESURE DE RETENTION ADMINISTRATIVE

ET

SUR REQUÊTE DE L'ETRANGER EN CONTESTATION DU PLACEMENT EN RETENTION ADMINISTRATIVE



dans l'affaire entre,


D'UNE PART :


Monsieur [B] [L]

né le … … … à [Localité 6] (ALGERIE)

de nationalité Algérienne


Identité déclarée à l'audience : [I] [T], né le … … … à [Localité 4] (ALGERIE).


retenu au centre de rétention de [Localité 2] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,


Comparant et assisté par Maître Laetitia BERRY, avocat commis d'office


Appelant,


et en présence de [C] [R], interprète assermenté en langue arabe,


D'AUTRE PART :


1°) MONSIEUR LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES

[Adresse 1]

[Localité 2]


Représenté par Monsieur [W] [Z], dûment habilité,


2°) MINISTERE PUBLIC


Non représenté



Nous, Fanny COTTE, vice-présidente placée près Monsieur le premier président de la cour d'appel de Montpellier déléguée aux fonctions de conseiller à la cour d'appel de Montpellier par ordonnance n°2023-276 du 27 novembre 2023, et plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile🏛, assisté de Alexandra LLINARES, greffier,



EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE


Vu les dispositions des articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;


Vu l'arrêté du 23 juillet 2023 de MONSIEUR LE PREFET DU RHONE portant obligation de quitter le territoire national sans délai à l'enconter de Monsieur [B] [L] ;


Vu la décision de placement en rétention administrative du 9 mars 2024 de Monsieur [B] [L], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;


Vu la requête de Monsieur [B] [L] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative en date du 11 mars 2024 ;


Vu la requête de MONSIEUR LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES en date du 10 mars 2024 tendant à la prolongation de la rétention de Monsieur [B] [L] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée vingt-huit jours ;



Vu l'ordonnance du 11 Mars 2024 à 15 h 23 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Perpignan qui a :

- rejeté la requête en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative formée par Monsieur [B] [L],

- ordonné la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [B] [L] , pour une durée de vingt-huit jours,


Vu la déclaration d'appel faite le 12 Mars 2024 par Monsieur [B] [L] , du centre de rétention administrative de [Localité 2], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour à 12 h 12,


Vu l'appel téléphonique du 12 Mars 2024 à la coordination pénale afin de désignation d'un avocat commis d'office pour l'audience de 13 Mars 2024 à 10 H 00,


Vu les télécopies adressées le 12 Mars 2024 à MONSIEUR LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES, à l'intéressé, à son conseil et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 13 Mars 2024 à 10 H 00,


L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, dans le box dédié de l'accueil de la cour d'appel de Montpellier, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien, en la seule présence de l'interprète , et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier


L'audience publique initialement fixée à 10 H 00 a commencé à 10 h 30.



PRÉTENTIONS DES PARTIES


Assisté de [C] [R], interprète, Monsieur [B] [L] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l'audience : 'Je m'appelle [I] [T], c'est les policiers que disent que je m'appelle [B] [L]. Je suis né le … … … à [Localité 4] (ALGERIE). La précédente fois où la police m'a interpellé, ils m'ont attribué l'identité de [L] [Y]. Aujourd'hui, ils disent que je suis [L] [B]. J'ai habité aux Pays Bas, puis en Suisse. J'ai fait des demandes d'asile dans ces deux pays. Je voulais me rendre à [Localité 3], j'avais mes documents de voyage avec moi. Les autorités espagnoles m'ont arrêté à [Localité 5] et m'ont renvoyé en France, sachant que j'y avais une OQTF et que je ne pourrais pas y rester. J'avais en ma possession un Ausweiss sur lequel figurent mon identité et mon adresse. Je n'ai pas vocation à rester en France, je suis parti pour passer le Ramadan en Espagne. Si vous me donnez 2 heures, je quitte la France.

J'ai 16 ans, je n'ai pas encore fait 17 ans, je les aurai dans 3 mois. J'ai fait des demandes d'asile en Suisse et en Hollande et je vis dans ces deux pays. Je n'ai pas de casier judiciaire, je ne fais pas de problèmes, je ne fais que travailler. '


L'avocat, Me Laetitia BERRY développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger.

- nullité in limine litis : absence d'audition de Monsieur dans laquelle il aurait déclaré son identité.

- ce dossier complexe n'a pas fait l'objet des vérifications nécessaires. Dans le dossier, figure un laisser-passer espagnol de remise à la France sur lequel figure une photo qui n'est pas la sienne.

- absence de démarche sur la borne Eurodac pour vérifier son identité et l'existence d'une demande d'asile dans un pays étranger.


Monsieur le représentant de MONSIEUR LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES demande la confirmation de l'ordonnance déférée.

- Monsieur a été reconnu par les autorités algériennes sous l'identité de [L] [B], né en 1998.

- Monsieur n'a pas demandé l'asile en France, il n'y a donc pas à faire application de l'art 9. L'art 24 ne s'applique que si la France a fait application de l'art 17. Les documents qu'il présente attestent d'une identité différente de celle qu'il nous donne aujourd'hui.


Assisté de [C] [R], interprète, Monsieur [B] [L] a eu la parole en dernier et et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : 'j'espère que vous allez me faire une faveur au nom du Ramadan. Si vous me donnez 2 heures, je repartirai en Suisse ou aux Pays Bas. Les autorités ont décidé de me priver de mon Ausweiss'


Le conseiller indique que l'affaire est mise en délibéré et que la décision sera notifiée par les soins du Directeur du centre de rétention de [Localité 2] avec l'assistance d'un interprète en langue arabe à la demande de l'étranger retenu.



SUR QUOI


Sur la recevabilité de l'appel :


Le 12 Mars 2024, à 12 h 12, Monsieur [B] [L] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Perpignan du 11 Mars 2024 notifiée à 15 h 23, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R743-11 du CESEDA.


Sur l'appel :


Sur l'absence de diligence de l'administration et la violation du règlement relatif à la création d'Eurodac


Monsieur [B] [L] fait valoir qu'il est demandeur d'asile en Suisse et qu'il a demandé à l'administration de vérifier la validité de cette demande par le passage à la borne Eurodac.


ll résulte des articles L. 741-1 et L731-1 du CESEDAque l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de 48 heures, l'étranger qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français prise moins de trois ans auparavant pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé et qui ne présente pas de garantie de représentation effective propre à prévenir un risque de soustraction à l'exécution dela décision déloignement, lorsqu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.


Il résulte de l'article L. 741-3 du CESEDA qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l'administration étant tenue d'exercer toutes diligences à cet effet, dès le placement en rétention (1re Civ., 13 mai 2015, pourvoi n° 14-15.846⚖️, Aa. 2015, I, n° 109).


Le juge doit vérifier la réalité des diligences et l'effectivité de la saisine des autorités étrangères.


L'article 17 du règlement UE N°603/2013 du 26 juin 2013⚖️ indique :

'Il est également nécessaire d'exiger des États membres qu'ils relèvent et transmettent sans tarder les données dactyloscopiques de chaque demandeur d'une protection internationale et de chaque ressortissant de pays tiers ou apatride interpellé à l'occasion du franchissement irrégulier d'une frontière extérieure d'un État membre, dans la mesure où il a au moins 14 ans.'


Il ressort de l'article 17 du règlement UE n° 603/2013 du 26 juin 2013 que la consultation du fichier Eurodac par l'administration est une faculté et non une obligation.


Il appert de ce même article qu'il n'y a lieu de comparer les données dactyloscopiques d'un étranger retenu avec le fichier central Eurodac que lorsqu'il existe des éléments de fait suffisamment probants et circonstanciés, laissant raisonnablement supposer qu'un étranger retenu a introduit une demande de protection internationale dans un autre état membre.


Par ailleurs, l'absence de consultation du fichier Eurodac n'emporte préjudice à l'étranger que lorsqu'il est acquis que, si cette consultation avait été faite, le placement en rétention administrative aurait été écourté par l'effet d'une réadmission dans les termes et conditions de l'article 29 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013⚖️.


En l'espèce, l'intéressé produit un document émanant des autorités suisses au nom de [I] [T], identité dont il se prévaut aujourd'hui. Il résulte cependant des éléments du dossier qu'il a déjà été identifié sous l'identité Monsieur [B] [L], né le … … … à [Localité 6] en Algérie, qu'il avait obtenu un laissez-passez consulaire sous cette identité auparavant et qu'il a fait une demande de passage à la borne eurodac sous cette identité. L'administration n'a donc pas d'élément suffisant laissant raisonnablement penser qu'il a introduit une demande de protection dans un autre état membre.


Il convient de rappeler que l'administration n'a pas l'obligation de passer l'étranger à la borne Eurodac quand la demande d'asile est faite dans un autre pays. De plus, il n'est pas acquis en procédure que si le passage à la borne Eurodac avait été fait, son placement aurait été écourté par l'effet d'une réadmission dans les termes et conditions de l'article 29 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013.


Aucune irrégularité n'est tirée des éléments du dossier de sorte que le moyen sera rejeté.


Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée.



PAR CES MOTIFS


Statuant publiquement,


Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,


Vu les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,


Déclarons l'appel recevable,


Rejetons les exceptions et moyens de nullité,


Confirmons la décision déférée,


Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R 743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile🏛,


Fait à Montpellier, au palais de justice, le 13 Mars 2024 à 11 h 08.


Le greffier, Le magistrat délégué,

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