Jurisprudence : Cass. soc., Conclusions, 05-07-2023, n° 22-10.158

Cass. soc., Conclusions, 05-07-2023, n° 22-10.158

A85722RW

Référence

Cass. soc., Conclusions, 05-07-2023, n° 22-10.158. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/105409145-cass-soc-conclusions-05072023-n-2210158
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AVIS DE Mme WURTZ, AVOCATE GÉNÉRALE

Arrêt n° 785 du 5 juillet 2023 – Chambre sociale Pourvoi n° 22-10.158 Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges du 19 novembre 2021

La société CCA Holding C/ M. [V] [J] _________________

1- FAITS ET PROCEDURE Engagé par la société Corre Automobiles de Bourges, devenue SAS CCA Holding, en qualité de mécanicien le 25 septembre 2001, Monsieur [J] a été arrêté pour maladie à compter du 23 octobre 2018, puis déclaré inapte à son poste par le médecin du travail, le 30 septembre 2019. Il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 27 novembre 2019. Contestant le bien-fondé de son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale qui par jugement du 25 janvier 2021, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes. Par arrêt du 19 novembre 2021, la cour d'appel a infirmé le jugement et statuant à nouveau, a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné l'employeur à verser au salarié diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés et de dommages et intérêts. C'est l'arrêt attaqué par le pourvoi de la SAS CCA Holding, fondé sur un moyen unique articulé en cinq branches lesquelles reprochent essentiellement à l'arrêt : - une violation des articles L. 1222-1, L. 1226-2, L. 1226-2-1 et L. 1226-4 du code du travail, en se fondant, pour juger la consultation du CSE irrégulière, sur le constat selon lequel

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l'exposante n'aurait pas communiqué au CSE une liste exhaustive des sociétés du Groupe et en ne mentionnant pas la SARL Mille Lieux (1ère branche) - une violation des articles L. 1222-1, L. 1226-2, L. 1226-2-1 et L. 1226-4 du code du travail et les articles L 233-1, L 233-3 I et II et L 233-16 du code de commerce, en statuant par des motifs impropres à qualifier la SARL Mille Lieux de membre du groupe de reclassement du salarié, aux motifs tirés de son inscription au titre des sociétés consolidées selon l'extrait du rapport des commissaires aux comptes du groupe, qu'elle soit listée parmi les filiales du groupe Mille Lieux SA avec une participation de 48,66 % et qu'elle soit qualifiée de filiale par le commissaire aux comptes de la SA Mille Lieux (2ème branche); - un manque de base légale au regard des articles L. 1222-1, L. 1226-2, L. 1226-2-1 et L. 1226-4 du code du travail et des articles L 233-1, L 233-3 I et II et L 233-16 du code de commerce, en retenant que la SARL Mille Lieux fait partie du Groupe Vincent, qu'elle est placée « sous le contrôle notable de cette dernière » et en déduisant qu'elle aurait dû être visée dans la liste des sociétés du groupe communiquée au CSE, sans néanmoins constater qu'étaient réunies les conditions posées par les articles L 233-1, L 233-3 I et II et L 233-16 du code de commerce (3ème branche); - un manque de base légale au regard des articles L. 1222-1, L. 1226-2, L. 1226-2-1 et L. 1226-4 du code du travail, en l'absence de constatation d'une permutation de tout ou partie du personnel des sociétés CCA Holding et SARL Mille Lieux (4ème branche) - un manque de base légale au regard de l'article 1356 du code civil, en se fondant encore sur le motif impropre selon lequel la SARL Mille Lieux est « qualifiée de filiale de l'aveu même du commissaire aux comptes de la SA Mille Lieux », cependant que l'appréciation du commissaire aux comptes de la SA Mille Lieux sur les entités du groupe n'avait aucunement la valeur d'aveu de la société CCA HOLDING (5ème branche).

2- DISCUSSION Ce pourvoi donne l'occasion à la chambre sociale de trancher deux questions dans le cadre du régime juridique du reclassement, modifié par les ordonnances des 22 septembre et 20 décembre 2017 : - L'étendue des informations à communiquer par l'employeur au CSE lorsqu'il est consulté pour avis sur le reclassement d'un salarié déclaré inapte, - La caractérisation du groupe de sociétés au sens du code de commerce.

2-1 L'étendue des informations à communiquer par l'employeur au CSE lorsqu'il est consulté pour avis sur le reclassement d'un salarié déclaré inapte (première branche du moyen) Les ordonnances de 2017 ont confirmé l'obligation pour l'employeur de consulter, quand il existe, le CSE. Nulle modification n'a été apportée s'agissant des modalités de cette consultation qui n'exige aucun formalisme. Mais sa finalité propre impose qu'elle soit effectuée en temps utile et de façon loyale, afin que les élus puissent rendre un avis, en toute connaissance de cause. Ainsi, il est constant que la consultation doit intervenir après l'avis du médecin du travail et avant les propositions de reclassement au salarié1 ; elle est nécessairement accompagnée de 1

Soc.28 octobre 2009, n°08-42.804

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tous les éléments utiles pour rendre un avis éclairé 2, notamment les éléments d'information sur les capacités de l'intéressé à exercer d'autres tâches dans l'entreprise 3. La consultation a donc pour objet un échange entre l'employeur et les membres du CSE sur les postes disponibles, compatibles avec l'état de santé du salarié et à même de lui être proposés. A cette occasion et compte tenu de leur connaissance propre de la situation personnelle du salarié, des postes de l'entreprise, de leur configuration et des permutations susceptibles d'être réalisées, les élus peuvent faire toutes observations à l'employeur sur les postes qu'il entend proposer. S'agissant d'une formalité substantielle de la procédure de licenciement pour inaptitude, la chambre juge que le défaut ou l'insuffisance d'information de la délégation du personnel rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse 4. Le Conseil d'Etat juge de même : lorsque le salarié concerné est un salarié protégé, faute de consultation préalable des délégués du personnel, l'autorisation de licencier doit être refusée 5. Mais la chambre n'a encore jamais exigé, lorsqu'est en débat l'existence d'un groupe de reclassement, que le CSE obtienne, à peine d'irrégularité de la consultation sanctionnée par un licenciement sans cause réelle et sérieuse, une liste exhaustive des sociétés composant le groupe. En effet, en l'état de la jurisprudence, vos arrêts statuant sur le caractère complet des informations délivrées à la délégation du personnel, ne visent que les éléments médicaux émanant du médecin du travail 6. De même, ils n'imposent pas, lorsque les recherches s'inscrivent dans une certaine durée, que les élus soient consultés sur chaque proposition 7. Et si les ordonnances de 2017 ont accompli une réforme structurelle des institutions représentatives du personnel en les fusionnant et donné une définition légale au groupe de reclassement, elles n'ont pas fondamentalement modifié, ni étendu la mission de la délégation du personnel à ce titre. Encore une fois, cette mission consiste pour les élus à donner un avis sur les reclassements proposés par l'employeur, au regard de leur connaissance propre de l'entreprise ou de l'établissement dans lequel ils exercent leur mandat, ainsi que des éléments médicaux qui leur sont communiqués. Si, en présence d'un groupe susceptible d'élargir les possibilités de reclassement du salarié, l'information du CSE sur le périmètre dudit groupe de sociétés participe du principe de loyauté de la consultation, la révélation non exhaustive de la composition du groupe ne saurait, en l'état des textes, justifier la sanction de privation de cause réelle et sérieuse du licenciement prononcé.

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Soc. 8 avril 2021,20-12.368 ; Soc. 30 septembre 2020, n°19-12.873; Soc. 7 décembre 2017, n°16-19.890 ; Soc. 19 mars 2008, n° 06-45.133 3

Soc.26 janvier 2011, n° 09-72.284

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Soc. 23 mai 2017, n° 16-10.580 ; Soc. 16 décembre 2010, n°09-67.446

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CE, 22 mai 2002, n° 221600

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Soc.30 mars 2011, n°09-68.075 ; Soc.26 janvier 2011, précité

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Soc. 3 juillet 2001, n°98-43.326

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En effet, comme le rappelle le mémoire ampliatif, il n'appartient pas au CSE de vérifier ce périmètre et de contrôler le respect par l'employeur de son obligation de reclassement, ni de se substituer à ce dernier pour proposer des postes de reclassement.

2-2 La caractérisation du groupe de reclassement en application du code de commerce (2ème à 4ème branches) Qu'il s'agisse du licenciement économique ou du licenciement pour inaptitude, la caractérisation du groupe de reclassement, antérieurement aux ordonnances des 22 septembre et 20 décembre 2017, était encadrée par la chambre sociale et s'appréciait à la lumière du seul critère déterminant des « entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel » 8. Ainsi que le précisait le professeur Favennec « L'indépendance juridique [n'était] pas de nature à faire obstacle à la reconnaissance d'un groupe de reclassement. La permutabilité des salariés entre les entreprises concernées était donc non seulement la condition nécessaire, mais encore la condition suffisante pour que des reclassements soient recherchés entre les sociétés concernées, aucune référence n'étant faite ici au groupe de sociétés stricto sensu de l'article L.233-1 du code du commerce »9. La chambre sociale jugeait en effet que l'absence de liens capitalistiques n'excluait pas l'existence d'un groupe de reclassement, mais la seule détention d'une partie du capital d'une autre société ne suffisait pas, davantage et à elle seule, à caractériser l'existence d'un tel groupe au sein duquel rechercher un reclassement 10. Depuis, les ordonnances de 2017 ont entendu apporter une définition légale du groupe de reclassement en s'inspirant de votre jurisprudence, mais tout en la circonscrivant comme suit, dans les textes des articles L.1226-2 (pour l'inaptitude d'origine non professionnelle) et L.1226-10 (pour l'inaptitude d'origine professionnelle): « Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce (...) » Le législateur a donc réduit le périmètre du groupe en l'ancrant dans une définition essentiellement capitalistique et non plus strictement fonctionnelle, dès lors que la reconnaissance d'un groupe est subordonnée à la caractérisation, soit d'un contrôle exclusif, soit d'un contrôle conjoint ou enfin d'une influence dominante.

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Soc.24 octobre 1995, n° 94-40.188

« Le groupe : d'un concept sociétaire à une notion conventionnelle » Bulletin d'information de la Cour de cassation, 15 septembre 2018 9

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Soc.1er octobre 2014, n°13-16.710 ; Soc.1er février 2010, n° 09-68.380

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Pour mémoire, l'exercice d'un contrôle exclusif se caractérise par le pouvoir d'une société dominante de diriger les politiques financières et opérationnelles des filiales contrôlées. Il est révélé : - soit par la possession de plus de la moitié du capital social de la filiale (article L.2331) ce qui est un contrôle exclusif de droit. - soit par la détention, directe ou indirecte d'une fraction du capital conférant la majorité des droits de votes de la filiale ou encore la détermination par les droits de vote dont elle dispose, des décisions des assemblées générales (article L. 233-3 I et II), ce qui est un contrôle exclusif de fait. - soit par la détention directe ou indirecte de la majorité des droits de vote ; ou la désignation, pendant deux exercices successifs, de la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance de la filiale ; ou l'exercice d'une influence dominante en vertu d'un contrat ou de clauses statutaires (article L. 233-16), ce qui est encore un contrôle exclusif de fait 11. L'exercice d'un contrôle conjoint se caractérise, quant à lui, par le partage du contrôle d'une entreprise exploitée en commun par un nombre limité d'associés, de sorte que les politiques financières et opérationnelles résultent nécessairement de leur accord ; les sociétés réunies doivent pouvoir exercer un droit de véto sur les décisions stratégiques de l'entreprise contrôlée. Comme le précise Mme le Professeur Favennec, « Le droit du travail fait ici usage d'une approche purement sociétaire du groupe fondée sur des rapports de pouvoir. Elle ne laisse plus de place à une conception travailliste de cette entité économique et des rapports de domination qui peuvent se nouer entre sociétés, par exemple dans le cadre d'un réseau. La liberté d'appréciation du juge est contenue »12. Vous avez ainsi jugé, s'agissant d'une société de gestion d'un fonds commun de placement à risque : « Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, qui a constaté qu'il n'était pas établi que la société de gestion Finadvance détenait directement ou indirectement une fraction du capital de la société Interges lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales, en a exactement déduit qu'elle ne pouvait être considérée comme contrôlant la société Intergestion par application des dispositions combinées des articles L. 233-3, I, 1º, et L. 233-4 du code de commerce, le premier de ces articles dans sa rédaction alors applicable ; Attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui a seulement relevé l'existence de liens de contrôle et de surveillance entre les sociétés Interges et Finadvance, n'a pas constaté que le pacte d'associés définissant les droits et obligations respectifs de la société Interges et de ses divers actionnaires, dont le fonds commun de placement à risque géré par la société Finadvance, conférait à cette dernière le droit d'exercer une influence dominante sur la société Interges au sens des dispositions alors applicables de l'article L. 233-16, II, 3º, du code de commerce ; Attendu, enfin, que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder pour le surplus à des recherches qui ne lui étaient pas demandées, a fait ressortir qu'il n'était pas démontré par les pièces soumises à son appréciation l'existence de possibilités de permutation de tout ou partie du personnel entre la société Intergestion et les entreprises dans lesquelles les fonds de placement gérés par la société Finadvance étaient investis, ce dont il résultait que ces sociétés ne faisaient pas partie d'un même groupe au sein duquel le reclassement devait s'effectuer ;

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Soc.20 mars 2019, n°17-19.595

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Professeur Favennec, opcit

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D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; »13 La question posée par le pourvoi est notamment de savoir si l'existence de comptes consolidés « par mise en équivalence » permet de caractériser l'existence d'un groupe de reclassement. L'article L.233-16 prévoit en effet que les sociétés commerciales établissent et publient chaque année à la diligence du conseil d'administration, du directoire, du ou des gérants, selon le cas, des comptes consolidés ainsi qu'un rapport sur la gestion du groupe, dès lors qu'elles contrôlent de manière exclusive ou conjointe une ou plusieurs autres entreprises. Sont comprises dans la consolidation les filiales ou participations contrôlées de manière exclusive ou conjointe ou sur lesquelles est exercée une influence notable. L'influence notable sur la gestion et la politique financière d'une entreprise est présumée lorsqu'une société dispose, directement ou indirectement, d'une fraction au moins égale au cinquième des droits de vote de cette entreprise 14. Plusieurs méthodes de consolidation des comptes existent 15 : - la consolidation par intégration globale des comptes des sociétés contrôlées: situation de contrôle exclusif de la société consolidante ; - la consolidation par intégration proportionnelle des comptes des sociétés contrôlées : situation de contrôle conjoint entre société consolidante et d'autres actionnaires ou associés ; - la consolidation par mise en équivalence : situation où la société consolidante exerce une influence notable sur une autre société ; L'influence notable est définie comme le « pouvoir de participer aux politiques financière et opérationnelle d'une entité sans en avoir le contrôle ». Se dégagent donc deux notions, la notion de contrôle d'une société sur une autre, que ce contrôle soit exclusif ou partagé et la notion d'influence sur une société, cette influence étant soit « dominante » 16 soit « notable »17, celle- ci étant présumée lorsqu'une société dispose, directement ou indirectement, une fraction au moins égale au cinquième des droits de vote d'une autre entreprise 18. Or les articles L.233-1, L.233-3 I et II et L.233-16 du code de commerce renvoient tous à une notion de contrôle et de domination. Au surplus, l'influence dominante visée à l'article L.233-16 est elle même entendue strictement puisqu'issue d'un acte juridique (le contrat ou les statuts) et non appréciée au regard de données factuelles, comme la chambre l'admettait sous l'empire des anciens textes. Ainsi, dans le respect tant de la lettre que de l'esprit du législateur de 2017, une interprétation restrictive de la notion de groupe me paraît devoir être privilégiée : c'est à dire l'existence d'un 13

Soc. 20 mars 2019, précité

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Article L.233-17-2 du code de commerce

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Article L.233-18 et R.233-3

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Article L.233-16 II 3° du code de commerce

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Article L.233-18 al.3 du code de commerce

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Article L.233-17-2 du code de commerce

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véritable contrôle ou d'une influence dominante d'une société sur une autre, des rapports sociétaires marqués par une « idée d'un gouvernement de la société contrôlée » 19 ce qui exclut une simple influence notable. Au surplus, cette interprétation permet de façon plus réaliste le reclassement, puisque si l'employeur et les sociétés composant le groupe sont des entités juridiques distinctes, l'existence d'un pouvoir de contrôle d'une société dominante au sein du groupe justifie et permet une meilleure coopération des sociétés dans la recherche d'un reclassement ou dans l'organisation de permutation de postes. Dans ces conditions et dès lors que la technique de consolidation des comptes par équivalence renvoie à la seule influence notable d'une société sur une autre, à l'exclusion de toute forme de contrôle ou domination, elle ne saurait caractériser, contrairement à ce qu'a retenu la cour d'appel, l'existence d'un groupe au sens de l'article L.1226-2 du code du travail. Par ailleurs, le rapport du commissaire aux comptes précisant la qualité de filiale de la SARL Mille Lieux pour être détenue à 48,66 % par le groupe SA Vincent ne permet pas davantage de remplir les critères du groupe au sens des articles L.233-1, L.233-3 I et II et L.233-16 du code de commerce qui exigent, encore une fois, un contrôle exclusif ou conjoint ou une influence dominante. Or, faute de groupe, la vérification de la permutation des postes devient sans objet. En effet, la caractérisation d'un groupe de reclassement suppose la réunion de trois conditions cumulatives (1° groupe au sens du droit commercial, 2° possibilité de permutation, 3° au sein des sociétés situées sur le territoire national), les deuxième et troisième conditions supposant la caractérisation préalable de la première. Si cette condition première de l'existence d'un groupe n'est pas satisfaite, il n'y a donc pas lieu de vérifier les deux autres, le périmètre du reclassement étant alors limité à l'entreprise.

2-3 réponse au moyen En l'espèce, la cour d'appel qui a après avoir rappelé le texte de l'article L.1226-2 a retenu : « Dès lors, dans la mesure où il est établi que les comptes de la SARL Mille Lieux sont consolidés par mise en équivalence, il doit en être déduit au visa des textes précités, que cette société, qualifiée de filiale de l'aveu même du commissaire aux comptes de la SA Vincent, est sous le contrôle notable de cette dernière et appartient au groupe qu'elle constitue avec les autres filiales. C'est donc à bon droit que M. [J] soutient que son employeur a communiqué au CSE une liste non exhaustive des sociétés du groupe dont il relève en omettant la mention de la SARL Mille Lieux. Il se déduit de cet oubli que l'employeur n'a pas fourni aux représentants du personnel toutes les informations utiles à leur avis éclairé sur le reclassement du salarié dont ils étaient saisis, de sorte que cette méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à une maladie d'origine professionnelle ou non, est de nature à priver son licenciement de cause réelle et sérieuse, infirmant la décision déférée à ce stade. » En statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L.1226-2 du code du travail. Je soutiens, à titre principal, la cassation sur la deuxième branche du moyen. Subsidiairement et en tout état de cause, si vous deviez néanmoins retenir l'existence d'un groupe, le critère de permutation du personnel reste une des conditions essentielles de caractérisation du groupe de reclassement, ce qui permet au professeur Auzero de préciser

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Prof. Le Cannu et B. Dondero

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que les deux notions de groupe (groupe au sens du droit commercial et groupe de reclassement) ne se recouvrent pas nécessairement20. Vous avez toujours exercé un contrôle sur la caractérisation d'une permutabilité des postes par la cour d'appel 21. Dès lors que désormais le groupe de reclassement relève d'une qualification juridique, votre contrôle des conditions requises par la loi doit d'autant plus perdurer. Or, en l'espèce, faute d'avoir caractérisé l'existence de permutation de postes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale et encourt donc également la cassation sur la quatrième branche du moyen. AVIS DE CASSATION

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Professeur G. Auzero, les cahiers du droit de l'entreprise n°3 du 1 er mai 2022 cité dans le rapport

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Soc.9 décembre 2020, n°19-23.290 ; Soc.15 mars 2017, n°15-24.392

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